il suffit
d’un poème
pour éclairer
la nuit des mots
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Que l’An Neuf
vous apporte le meilleur !
BLOG-NOTES LITTÉRAIRE d'ÉRIC ALLARD : Chroniques de livres – Formes brèves – Infos parodiques – Poésie & Chanson…
il suffit
d’un poème
pour éclairer
la nuit des mots
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Que l’An Neuf
vous apporte le meilleur !
Cela faisait des mois que la rivière était à sec. Alors les pêcheurs ordinaires en eurent assez et se mirent à prendre un peu de tout. Des gazelles et des livres. Des maisons abandonnées. Des allées de tilleul. Des marchés, des kermesses. Ils étaient équipés pour la pêche au gros. Un jour, il en eurent assez du « matériel » et se mirent à pêcher de l’illusion et du rêve. Cela dura un temps. Puis ils se mirent à pêcher des idées, de grandes théories, de la spiritualité. Quand ils eurent pêché une chapelle romane du XIIème siècle, ils se dirent qu’ils avaient atteint leur but ultime. Ils se firent moines et enseignent désormais les rudiments de pêche à la chapelle à une poignée de crève-la-faim-de-Dieu dans les paroisses sans lieu de culte.
ce n’est pas l’assassinat
de l’archiduc François Ferdinand
qui fut cause
de la Grande Guerre
mais
le coitus interruptus
du poème
avec un alpiniste autrichien
D’entre tous les animaux l’homme se distingue par son immense compétence en matière de laisser-aller et de rien du tout, son aptitude à choisir toujours les solutions de facilité; comme naître, exister, écrire des livres. Par contre, on ne lui connaît la plupart du temps aucun talent pour les choses essentielles de la vie; se taire ou mourir par exemple.
Extrait de LES RADIS BLEUS, Folio, 2005.
Choisi par Éric Dejaeger.
le poème escalade les mots
par le versant des images
« Convoquant un puissant mélange d’influences – de la country sixties et Johnny Cash, qu’elle adore, au psychédélisme “période 1968”, en passant par les girls groups, les BO de Badalamenti ou de Danny Elfman –, Neptune City est un disque hors du temps et hors des modes, parfois proche de l’anachronisme d’un Richard Hawley. Son songwriting classique et travaillé est naturellement sublimé par sa voix profonde et boule-versante, allant chercher aussi bien chez Dusty Springfield que chez Patsy Cline, voire parfois dans la grandiloquence tragique de Rufus Wainwright.
Arrangements de violons chavirants, accords mineurs, guitares sombres… Nicole Atkins est ambitieuse et ne prend pas sa musique à la légère. Pour élaborer ses chansons aux multiples couches, elle se sert d’un processus créatif rodé en peinture, applique des techniques apprises en arts plastiques. “Mon prof me disait toujours d’essayer d’imaginer l’odeur de l’air, ou comment le sol pouvait être ressenti et représenté. Là, j’essaie d’incorporer mes cinq sens dans les chansons, pour que les gens rentrent dans l’univers, vivent la chanson quand ils l’écoutent. Je m’imagine aussi des images et, quand j’enregistre, je décris des scènes aux musiciens, c’est mieux que de leur demander de jouer tel ou tel accord.” »
Anne-Claire Norot (Les Inrocks)
Le clip de The way it is :
http://www.youtube.com/watch?v=e4pxn-xULNs
Pris
par la magie de Noël
le poème
se vit
tout enguirlandé
emboulé embelli
tiré à quatre mille épines
la magie envolée
on le vit tout marri
déconfit
déconstruit
demander l’aumône
d’une décoration
à la Société des Amis du Sapin
Eugénie appartenait bien à ce type d’enfant fortement constitués, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautés paraissent vulgaires ; mais si elle ne ressemblait pas à la Vénus de Milo, ses formes étaient ennoblies par cette suavité du sentiment chrétien qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens. Elle avait une tête énorme, le front masculin mais délicat du Jupiter de Phidias, et des yeux gris auxquels sa chaste vie, en s’y portant tout entière, imprimait une lumière jaillissante. Les traits de son visage rond, jadis frais et rose, avaient été grossis par une petite vérole assez clémente pour n’y point laisser de traces, mais qui avait détruit le velouté de la peau, néanmoins si douce et si fine encore que le pur baiser de sa mère y traçait passagèrement une marque rouge. Son nez était un peu trop fort, mais il s’harmoniait avec une bouche d’un rouge de minium, dont les lèvres à mille raies étaient pleines d’amour et de bonté. Le col avait une rondeur parfaite. Le corsage bombé, soigneusement voilé, attirait le regard et faisait rêver ; il manquait sans doute un peu de la grâce due à la toilette ; mais, pour les connaisseurs, la non-flexibilité de cette haute taille devait être un charme. Eugénie, grande et forte, n’avait donc rien du joli qui plaît aux masses ; mais elle était belle de cette beauté si facile à reconnaître, et dont s’éprennent seulement les artistes. Le peintre qui cherche ici-bas un type à la céleste pureté de Marie, qui demande à toute la nature féminine ces yeux modestement fiers devinés par Raphaël, ces lignes vierges souvent dues aux hasards de la conception, mais qu’une vie chrétienne et pudique peut seule conserver ou faire acquérir ; ce peintre, amoureux d’un si rare modèle, eût trouvé tout à coup dans le visage d’Eugénie la noblesse innée qui s’ignore ; il eût vu sous un front calme un monde d’amour ; et, dans la coupe des yeux, dans l’habitude des paupières, le je ne sais quoi divin. Ses traits, les contours de sa tête que l’expression du plaisir n’avait jamais ni altérés ni fatigués, ressemblaient aux lignes d’horizon si doucement tranchées dans le lointain des lacs tranquilles. Cette physionomie calme, colorée, bordée de lueur comme une jolie fleur éclose, reposait l’âme, communiquait le charme de la conscience qui s’y reflétait, et commandait le regard. Eugénie était encore sur la rive de la vie où fleurissent les illusions enfantines, où se cueillent les marguerites avec des délices plus tard inconnues.
Extrait d’EUGÉNIE GRANDET (1833)
Choisi par Daniel Charneux
Entre la capoeira
et la bossa-nova
le Corcovado
et Copacabana
le poème
au Brésil
fut comme un piranha
dans l’Amazone
si bien
qu’à l’aéroport
au moment
de repartir avec Sarko
il fila doux
sans même embrasser
la présidentielle Rolex
mieux vaut finir
sur une musique
de Carlos Jobim
ou dans la voix
de la Bethania
que dans les cordes
à Carla
pensa-t-il
in petto
comme on fait mal au chat
en lui tirant la queue
on fait mal au poème
en lui disant à l’oreille
des choses qu’il sait déjà