Stendhal

 

Deux courts passages de la fin du roman (La chartreuse de Parme), quand Fabrice est revu par les deux femmes amoureuses de lui, sa tante puis Clélia. Remarquables car ils dépeignent ce court instant où l’autre est vu comme ressemblant à lui-même, différent et semblable. L’écriture est alors en charge de pointer cet écart, de marquer le trouble.

« Il alla voir sa tante, et ne put retenir ses larmes en l’embrassant. Elle le trouva tellement changé, ses yeux encore agrandis par l’extrême maigreur, avaient tellement l’air de lui sortir de la tête, et lui-même avait une apparence tellement chétive et malheureuse, avec son petit habit noir et râpé de simple prêtre, qu’à ce premier abord la duchesse, elle aussi, ne put retenir ses larmes ; mais un instant après, lorsqu’elle se fut dit que tout ce changement dans l’apparence de ce beau jeune homme était causé par le mariage de Clélia, elle eut des sentiments presque égaux en véhémence à ceux de l’archevêque, quoique plus habilement contenus. Elle eut la barbarie de parler longuement de certains détails pittoresques qui avaient signalé les fêtes charmantes données par le marquis Crescenzi. Fabrice ne répondait pas ; mais ses yeux se fermèrent un peu par un mouvement convulsif, et il devint encore plus pâle qu’il ne l’était, ce qui d’abord eût été impossible. Dans ces moments de vive douleur, sa pâleur prenait une teinte verte. »

« Elle le regardait profondément attentive, lorsqu’une dame, en venant se placer, , fit faire un mouvement à son fauteuil. Fabrice tourna la tête : elle ne le reconnut pas, tant il était changé. D’abord elle se dit : Voilà quelqu’un qui lui ressemble, ce sera son frère aîné ; mais je ne le croyais que de quelques années plus âgé que lui, et celui-ci est un homme de quarante ans. Tout à coup elle le reconnut à un mouvement de la bouche. »

4 commentaires sur “Stendhal

  1. Merci à tous les trois.

    Je n’ai pas été conquis outre mesure par la lecture du roman mais je reconnais que l’arrière-fond structurel, métaphorique est puissant: Fabrice fait tout pour éviter l’inceste avec sa jeune tante. L’épisode à Waterloo est remarquable. Puis sa passion pour Clélia le temps de son emprisonnement est une belle « image » de l’amour par un spécialiste de la chose (voir « De l’amour »).

    Aramis: je ne me souviens pas avoir vu le film ou alors quand j’étais enfant. Y a-t-il eu des adaptations de La Chartreuse…? Sûrement!

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