Maria Tanase et Romica Puceanu

Maria Tanase est l’Edith Piaf roumaine, morte comme elle en 1963, à l’âge de 50 ans. Chanteuse de la doina, ce blues roumain. Juive, en 1940, elle connaît des démêlés avec le pouvoir en place. D’après Constantin Brancusi, elle terrorrisait ses adversaires en jouant aux échecs nue. (Wikipedia)

Romica Puceanu fut la grande dame de la musique tzigane en Roumanie. Elle est morte en 1996 dans un accident de voiture à l’âge de 65 ans.


 

La chronique de Ph. Leuckx: Herta Müller / L’homme est un grand faisan sur terre

HERTA MULLER DER MENSCH IST EIN GROSSER FASAN AUF DER WELT

L’homme est un grand faisan sur terre.
Un univers que ce « grand faisan », que cet homme déshérité, en quête d’un peu d’aisance dans un monde de brutes, de brutalités, de misères, de prostitution!
Ce petit roman est un grand livre. On est en Roumanie, en Valachie, dans une petite communauté de langue allemande, qui ne désire rien tant que connaître l’Occident et sa vie plus douce. Encore faut-il pouvoir s’y rendre. On n’a pas le sou. il faut sans cesse passer par de sombres trafics pour obtenir la moindre chose, le plus petit passeport. La corruption. Le servage d’aujourd’hui : les filles livrent leuir corps pour un rien de consommation. Le meunier livre sa farine aux fonctionnaires à même de lui délivrer le sésame pour l’ouest…
Un monde. Restitué en phrases courtes. Les ellipses, nombreuses, rendent compte de la vie. On passe d’une conscience à l’autre, le temps d’une incise.
Le vrai talent de Müller est de nous plonger dans ces petits chapitres (avec un titre qui relève des fables, des contes) d’un livre où le social n’est pas ressassé ni démontré mais décrit au plus juste.
Les personnages vont quitter une terre ingrate, où le racisme, les difficultés de vivre poussent l’individu à accepter le pire.
Le titre signale un territoire de chasse, une victime désignée. Avec la pudeur de la distance, Herta consigne une condition : le plus pauvre est « chassé » par ses pairs, par les maîtres d’un destin dont il n’a guère la mesure.
Un beau livre de compassion.

Avec Joseph Winkler, Herta Müller (née en 1953), dernier Prix Nobel de Littérature, est un grand nom de la littérature allemande. A suivre.
Son livre est disponible en folio (nouvelle présentation avec photo).


Philippe LEUCKX

 

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l’histoire va

l’histoire va

son cours

et tu pleures

sur l’amour

qui se dissout

dans le moût

de nos existences

prendre garde

au ciel

qu’il ne sème

ses graines

de pluie

dans nos draps

fuir dans les nuages

avant que la terre

ne tremble

prendre l’air

à bras-le-cœur

puis mourir

doucement

dans tes bras

marre

en attendant

de l’amour

sans tes bas



Le plus grand poète du monde (V)

Le PGPM se plaint qu’il y a trop de poètes, des minus qui l’empêchent de rayonner à sa juste mesure. Car les poètes en (mauvaise) herbe cachent les fleurs miraculeuses. Ils ne viennent plus manger dans la main des poètes splendides, se faire botter l’arrière train, prendre des coups de verges et des conseils, pauvre Rilke, pauvre Valéry.

Tout de suite ils se croient grands, nés grands dans le sein de leurs vers, producteurs de poèmes grandioses et suffisants. Le plus grand poète du monde est amer quand il voit l’avenir de la poésie confié à ces sans-grades, il craint dans ce contexte pour la postérité de son œuvre. Il a raison, c’est moche, et on compatit bien sûr. 

 

 

 

d’après les propos d’un poète splendide…

Les parties de dieu

 

Elle me disait : « Tu es mon dieu, et je suis ta créature. » Alors, forcément, j’abusais de mes prérogatives. Je lui faisais faire tout et n’importe quoi. Et, à force, elle en prit ombrage. Je passai en quelques semaines du statut de dieu à celui de demi-dieu, quart-de-dieu… puis à celui de simple créature, les rôles s’étaient inversés. Je l’implorais en vain. Même en tant que créature, je ne fis pas long feu. J’étais éteint, je n’existais plus. Je la vois maintenant au bras d’un ange, enfin, son ange: un pauvre type comme moi qui se croit investi de pouvoirs magiques. Moi, vous vous demandez ce que je suis devenu ? Comme tout le monde croyant, le prie-dieu un peu bancal d’une grenouille de bénitier qui, derrière l’autel où elle nourrit sa foi, s’envoie en l’air avec les membres du clergé en mal d’élevation.