Le boulet

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MCj02507550000%5B1%5D.gifComme on m’a toujours traité de boulet et que je me suis toujours écrasé (et que j’étais trop grand pour le lancer de nains), j’ai entamé sur le tard une carrière d’homme-canon. J’ai étudié la balistique et l’art de retomber sur son séant. J’ai plusieurs fois dévié de ma trajectoire mais finalement je m’en suis tiré sans trop de fractures ni de poudre dans les sourcils. J’ai fini en homme-fusée à l’occasion du feu d’artifices de mes cinquante ans où je me suis envoyé en l’air. Depuis j’erre dans le vide interstellaire, entre terre et rien. Cela valait mieux que de finir passe-boule dans une baraque foraine, des balles plein la tête.

Une barque pleine de sens, par Philippe Leuckx

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une-barque.gifUNE BARQUE PLEINE DE SENS, L’UNIVERS DE MATHY RAMASSÉ EN UN SEUL LIVRET

Bel objet, d’abord, que cette « Barque » (1) que le Tétras Lyre publie dans sa collection « Lettrimage ». Philippe Mathy avait déjà été publié à Soumagne avec un très bel ensemble « Invisible passant » en 1994. Entretemps, d’autres livres sont venus, édités chez Cheyne, au Taillis Pré, à l’Herbe qui tremble.

Le pliage sous la forme symbolique de l’embarcation, les couleurs, la disposition du texte sur les flancs et sa répétition en ombre sur les eaux du plasticien, Alberto Guidolin, vrai guide des couleurs et des matières :  tout invite au plaisir de la découverte, sens, formes, textes.

A suivre depuis très longtemps le poète de Guignies et du monde (né en 1956), l’on se sent ici, à la fois en terrain connu, et en évolution synthétique d’une oeuvre déjà longue (depuis 1978). Et voilà le miracle, oui, c’est le mot, d’un texte assez court qui embrasse tant de thèmes personnels et trouve à les mettre en écho avec les préoccupations des lecteurs.

Tout ici converge vers une sollicitation du sens : d’une part, à l’intérieur des thématiques de Mathy (le vide, le plein; la position humble du poète qui recueille les strates du monde; la nature…) , d’autre part, en prise directe avec ce que la poésie est vouée à dire, à signifier.

Je ne voudrais pas surcharger la barque ni la délester de ses talents : elle est là, elle existe, elle se fait toute petite ( Aucun souci de marquer mon passage. A l’eau qui me porte, je confie le soin d’effacer mon sillage); on croit entendre, par apologue, parler le poète lui-même, qui, de toujours, s’est donné cette citation pessoénne (Etre poète n’est pas une ambition : c’est ma manière à moi d’être seul).

Encore faut-il comprendre ce souci vrai de correspondre, au plus juste, avec ses lecteurs : si l’on écrit sans doute est-ce par bonheur de mener là, à ce lieu de la relation du livre, quelques mots, quelques vers au plein relief du monde…

Huit paroles, donc, d’une barque, bien ancrée, bien encrée. Guidolin et Mathy nous relatent une traversée, un voyage en couleurs : du ponton, où elle fut lancée; dans la patience d’une ombre qui viendrait la détacher, jusqu’au voyage (Partir, partir, comme un chant d’oiseau se noie dans les cimes).

Dans l’entre-deux des eaux, du ciel (ô les couleurs du ciel!), de l’autre (à la fois charge et contrainte, à la fois attente et désir), la coque de la barque, à laquelle Mathy est sensible : « Barque à Rome », dont les Editions les Pierres nous avaient donné à lire, dans un autre registre certes,  quelques beaux fragments, paysage bachelardien, où les éléments sont matières à rêveries.

La barque vogue, reçoit, traverse les espaces : elle est poésie, légère, fragile, unique, destinée à recevoir, à donner, elle est, par une métaphore sensible, ce lieu de la vibration, qui force respect comme l’attente a été à ce point consentie.

Sensibilité particulière d’un être que fonde le « battement » du temps, comme l’eau « bat » la barque, comme le coeur sollicite « autrui », « au creux » des saisons, du temps, les tempes éclairées par le vers qui le fonde.

C’est ainsi que « Une barque », dans sa modeste présentation – quoique brillante – réussit à rappeler à elle tout le sillage d’un auteur, dans les veines de ses thèmes, dans l’élégante simplicité de sa voix.

Un bonheur, que le poète a placé à l’ombre d’un beau vers de K. Raine.

Un miracle de densité.

Philippe Leuckx

article paru d’abord dans Francophonie vivante de mars 2011

(1) Une barque, Ed. Tétras Lyre, Soumagne, 2010,

Dieu a changé d’ordinateur

dieu039.1243715204.thumbnail.jpgDieu a changé d’ordinateur et je ne suis pas allé en enfer. Son nouveau portable lui convient bien mieux que celui que je lui ai volé. Qu’aurait-il fait avec Word, Excel, Paint ? Maintenant, avec sa webcam à effets spéciaux, il peut se faire une auréole et une longue barbe blanche quand il échange à toute heure sur Skype.god avec la flamme de chambre du Saint-Esprit.

 

Les mots pelés (11)

 

Le plus long mot de la terre ne fera jamais le tour de tes hanches.

* * *

Conte-traction, histoire née.

* * *

Les textes pondus trop vite contiennent des coquilles.

* * *

Le mot tarde me monte au nez.

* * *

                                                 – Combien pèse cet auteur ?

  – À peine trois livres. Je vous l’emballe ?

Des capiteuses pensées

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1448699476.jpgDiaboliquement vôtre

Jean-Philippe Querton a eu la bonne idée de diviser son recueil en 7 sections, correspondant aux 7 péchés capitaux, pour se gagner les bonnes grâces du démon des aphorismes. Pour sûr qu’il a réussi son pari : il brûlera longtemps en enfer, aux côtés des Stas, Scutenaire, Chavée, Dejaeger (qui signe la préface) et autres faiseurs de pensées brèves à la plume trempée dans la braise.

Justement, lisons ce qu’écrit Éric Dejaeger : »Bien qu’ayant commis quelques romans noirs de bonne qualité, Querton est un passionné de la petite phrase qui étonne, fait rire (jaune), fait grincer des dents ou oblige l’esprit du lecteur à gamberger un peu plus que d’habitude. »

« Au cours de géographie, le cancre est souvent installé au fond de l’atlas. »

« J’ai un oncle qui croit en la réincarnation. »

« L’aveugle est incapable d’observer une minute de silence. »

« J’aime bien la musique slave, c’est propre. »

« Suivre un régime pour arriver assez fin ».

« Il est trottoir pour aller aux putes. »

« J’ai connu un zoophile qui sautait régulièrement du coq à l’âne. »

« Un boulanger d’extrême-droite ne veut que du pain raciste. »

« Dispute à la poissonnerie, le thon monte. »

« Une seule croix, Jésus, ça ne suffit pas pour gagner au Lotto. »

En lisant ces aphorismes, on sent souvent la « boutade monter au nez ». Nettes, tranchantes, prêtant à la réflexion ou à la poésie et même à l’érotisme, ces pensées sont une réjouissance.

Pour « la colère », JPQ s’en prend à la Belgique et se pique de quelques saillies contre un pays « indisposé ».

« Dans la Belgique des Simpson, c’est Bart qui commande. »

Une de ses spécificités, c’est de livrer des aphorismes à partir du nom d’une ville.

« J’ai visité Lille, je ne l’ai pas trouvée si déserte que ça. »

« Un homme à Bertrix en vaut deux. »

Une petite dernière, avant de retourner au travail…

« La chômeuse a les seins qui pointent. »

Bon, avec tout ça, je n’ai pas dit que ce recueil est le premier rejeton des CACTUS INEBRANLABLES EDITIONS dont Jean-Philippe Querton est l’initiateur. Une petite maison à tenir dès à présent à l’œil : il pourrait en sortir d’autres ouvrages tout aussi piquants.

Sur son site, vous pourrez lire d’autres momoqueurs qu’il délivre par mail depuis janvier 2008 et, dorénavant, sur son site :

http://jeanphilippequerton.e-monsite.com/

E.A.

 

 

Puma plume

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Un puma plume s’envola dans un ciel fauve.

Mais personne pour croquer la scène, ce n’était pas un dimanche et le peintre travaillait pour gagner sa croûte.

Secret story ou Le pense-bête

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Elle avait coutume d’utiliser son ventre comme pense-bête. Bien lui en a pris car, après qu’on eut retrouvé son corps décapité et amputé des quatre membres, on put exaucer sa dernière volonté : sauver à Secret Story le candidat n°2 de l’élimination.

Écrivains à New York

Un documentaire de 52′ diffusé sur Arte

« Jonathan Franzen, Jonathan Safran Foer, Nicole Krauss, Rick Moody, Marisha Pessl... Qui sont ces jeunes auteurs – en terme de date de parution plus que d’âge – qui renouvellent aujourd’hui la littérature américaine ? Pour le savoir, Nelly Kaprièlian, critique littéraire aux Inrockuptibles, s’est rendue à New York, en compagnie du réalisateur Sylvain Bergère. Car c’est ici, dans « la cocotte-minute de la culture américaine », selon les termes de l’écrivain Rick Moody, que les nouvelles générations puisent et vivent leur inspiration. À l’instar de leurs aînés Bret Easton Ellis et Jay McInerney qui, dans les années 80, ont révolutionné le roman par leur style satirique, parlé et obscur, voire dopé aux drogues. Mais comme le souligne Jay McInerney, premier invité de cette jouissive balade littéraire, si New York est toujours aussi fertile en invention, la ville a profondément changé, et ses écrivains avec. »

A voir ici: http://video.google.com/videoplay?docid=-1137366214128765497

Ou ici: http://videos.arte.tv/fr/videos/romans_made_in_new_york-4032996.html

Southside story à Chicago, par Denis Billamboz

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Southside story à Chicago

La lecture réserve parfois bien des surprises et peut aussi provoquer des coïncidences étonnantes, ainsi après avoir lu « Un enfant de ce pays » de Richard Wright, j’ai, peu de temps après, lu « Mama Black Widow » d’Iceberg Slim, deux écrivains que je ne connaissais pas du tout avant d’avoir rencontré leur livre respectif dans les rayons d’une bibliothèque ou d’une foire aux livres. Les deux histoires racontées dans ces deux romans se déroulent à peu près dans le même quartier et parfois même dans les mêmes rues des quartiers noirs de Chicago, le Southside, du côté de la trentième rue. A la lecture, on a même parfois l’impression que les deux héros vont se croiser et partager un verre dans un des bars miteux qu’ils fréquentent. De plus, ces deux livres évoquent le même problème, la place des noirs dans la société américaine de l’entre deux guerres et le traitement qui leur est réservé. La différence vient essentiellement de l’angle de perception des deux écrivains, Wright écrit plutôt un long plaidoyer pour expliquer comment un jeune noir est devenu assassin sans le vouloir, alors que Slim se concentre plus sur la mise en scène de la vie des noirs dans ces quartiers de misère pour témoigner sans nécessairement plaider.

Une belle surprise, une coïncidence heureuse et deux lectures que je vous souhaite, un jour, de mettre bout à bout, surtout pour ceux qui s’intéressent à la question noire en Amérique avant la dernière guerre.

 

51MGD137DQL._SL500_AA300_.jpgUn enfant de ce pays

Richard Wright (1908 – 1960)

Publié huit ans avant « Pleure, ô mon pays bien aimé », ce livre pourrait-être, lui aussi, un grand roman sur la négritude. Mais, à mon avis, c’est avant tout, et surtout, une très longue dissertation sur la condition des noirs aux USA dans les années trente.

En s’appuyant sur un fait divers réel, Wright construit une histoire qui pourrait être l’argument d’un opéra ou la trame d’une tragédie grecque, une histoire relativement simple et banale qui lui sert à démonter la mécanique de la ségrégation raciale et de l’exploitation des noirs aux Etats-Unis jusqu’à l’abolition de la séparation des races, pour ce qui concerne les apparences au moins.

Bigger Thomas, jeune noir semblable à la plupart des jeunes noirs qui rodent dans le SouthSide de Chicago pour occuper un temps qu’ils ont bien du mal à meubler sans laisser exploser la violence qu’ils accumulent quotidiennement, décide d’accepter un job de chauffeur dans une richissime famille blanche pour aider sa mère, son frère et sa sœur avec lesquels il vit dans une seule pièce infestée de rats. Cette famille cherche à aider des jeunes noirs pour leur donner une autre chance dans la vie et peut-être, aussi, pour se donner un brin de bonne conscience. Leur fille unique, jolie, adulée et idéaliste, fréquente les communistes en espérant pouvoir agir contre cette ségrégation qu’elle ne comprend pas et ne tolère pas plus.

Le premier jour où Bigger travaille à la maison, elle lui demande de l’emmener sur le campus à l’occasion d’une manifestation culturelle mais, en fait, la jeune fille veut retrouver son petit ami communiste et profiter de la présence du jeune noir pour découvrir le quartier où il habite car elle n’a jamais mis les pieds dans un ghetto noir. Après une soirée bien arrosée en compagnie de son petit ami et son chauffeur la jeune fille regagne la maison familiale mais, sous l’effet de l’alcool, ne peut pas rejoindre sa chambre par ses propres moyens. Le chauffeur la porte donc jusqu’à son lit pour ne pas alerter les parents qui ne sont pas au courant des escapades de leur progéniture. Et, c’est à ce moment que le grain de sable qui transforme une banale escapade en tragédie, se glisse dans les rouages de la machine. Surpris par l’intrusion de la mère aveugle dans la chambre, le jeune noir empêche la fille de parler avec un oreiller pour ne pas qu’elle avertisse sa mère car un noir dans la chambre d’une blanche, à la fin des années trente à Chicago, ça fait très désordre et ça peut conduire jusques sur le fauteuil électrique. Mais le fameux grain de sable grippe bien la machine et Bigger étouffe la jeune fille.

La tragédie entre alors de plain pied dans la vie du jeune noir qui improvise les pires scénarios pour échapper à la suspicion, à la police, etc… mais le problème de Wright n’est pas de raconter les aléas de cette histoire, même s’il le fait bien, son objectif est plutôt de nous expliquer pourquoi cette tragédie a pu se nouer, comment ce jeune homme n’est en fait que le produit des méthodes utilisées par les blancs pour contenir les noirs dans un espace réduit et les soumettre à la spéculation locative, pour leur interdire l’accès à une réelle instruction, pour les faire travailler pour une poignée de menues monnaies qu’ils consommeront dans les magasins qui leur sont réservés et qui ne vendent que des produits médiocres. Bref, une longue dissection à la précision chirurgicale pour expliquer que la ségrégation ne peut accoucher que de tels individus et que de tels événements sont inéluctables dans de telles conditions.

Un réquisitoire implacable contre toute forme de ségrégation sociale qui ne concerne hélas pas que les Noirs aux Etats-Unis mais aussi les Juifs en Allemagne, à cette époque, et les pauvres en Russie, avant la révolution. Ce réquisitoire est sans faille, mais il faut le lire avec une certaine prudence et ne pas l’adopter sans connaissance de tous les éléments qui ont présidé à l’élaboration de ce livre. Il faut notamment bien comprendre que Wright a passé son argumentaire au sas du léninisme et qu’il faut en tirer les conclusions qui s’imposent. Ceci simplement pour dire que les arguments avancés par Wright, s’ils sont parfaitement crédibles et justifiés, ne sont pas forcément exhaustifs et que la haine qui est l’un des principaux moteurs de cette tragédie, n’est pas née de ce côté de l’Atlantique mais qu’elle était déjà bien ancrée dans les gènes des esclaves avant qu’ils quittent l’Afrique. Ibrahima Ly l’explique tellement bien dans « Les noctuelles vivent de larmes ». L’histoire s’accommode mal des schémas préfabriqués.

Cette dissertation, même si elle est un peu technique, parfois, clinique, souvent, et sociologique, toujours, n’en comporte pas moins une forte dose d’émotion car Wright a fait le choix de mettre le lecteur dans la peau de celui qui pourrait être considéré comme le méchant en rapportant les faits tels qu’ils sont vus par celui-ci sans rien ajouter d’autre ou juste ce qui est nécessaire à la bonne compréhension de l’histoire. Le lecteur devient ainsi le principal protagoniste de l’intrigue et vit au rythme de celui-ci partageant ses états d’âme et sentiments qui sont fort complexes, la haine y occupe la place principale et nourrit un fort désir de vengeance mais n’exclut pas cependant  un filet  d’humanité et quelques élans de tendresse.

Et Wright nous laisse avec le problème entier, le blanc, même s’il est le mieux intentionné, ne comprendra jamais le noir, « … je suis un blanc et ce serait trop te demander de ne pas me haïr, alors que tous les blancs que tu vois te haïssent, toi. » Et, le noir ne pourra jamais fréquenter les blancs sans ressentir un profond sentiment de honte et de haine. « … Elle était belle, gracile, avec quelque chose dans les yeux qui lui faisait penser qu’elle n’avait pas pour lui les sentiments de haine des autres blancs. Mais, malgré tout elle était blanche et il la détestait. » Ce livre ne comporte aucune solution possible, que des constats à méditer et des pistes quelque peu prémonitoires :

– « Il avait l’impression qu’un jour un noir ferait l’union du peuple noir et que ce jour-là ils agiraient mettant un terme à la peur et à la honte. » Et, un jour l’Amérique élut un président noir !

– « Qui sait si quelque choc léger, rompant l’équilibre délicat entre l’ordre social et les aspirations déchaînées ne causera pas l’écroulement de nos gratte-ciel ? »

 

41rorEks9FL._SL500_AA300_.jpgMama Bkack Widow

Iceberg Slim (1918 – 1992)

Iceberg Slim, célèbre proxénète des quartiers noirs de Chicago qui a évité de se fondre dans la foule des truands déchus en écrivant sa biographie en prison, raconte, ici, la vie d’un travesti noir dans le ghetto de cette même ville depuis les années trente jusqu’à la fin des sixties. Hasard des lectures choisies par impulsion, j’ai lu ce livre juste après « Un enfant de ce pays » de Richard Wright qui situe son action dans les mêmes quartiers à la fin des années trente. Otis Tilson, notre travesti, aurait donc pu rencontrer Bigger Thomas dans le Southside, vers la trentième rue, mais ceci n’est que de la fiction.

Otis est arrivé à Chicago vers le milieu des années trente quand sa famille a quitté une plantation du Mississipi pour le nord où elle espérait trouver de meilleures conditions de vie mais où elle ne rencontra que la haine, la misère, la ségrégation, la répression et la violence sous toutes ses formes. Le père, véritable homme de la terre, n’a jamais pu s’adapter à la vie du ghetto et a peu à peu sombré dans l’alcoolisme, la mère, attirée par les paillettes, a, elle, su résister mais à quel prix. Véritable « veuve noire », elle a détruit tout ce qui l’entoure pour garder la tête haute et sortir de sa condition. « Comment, avec quelle grande sagesse et avec quel amour, elle a guidé ses enfants et leur Papa sur le chemin de la tombe. » Otis, victime des attentions sexuelles d’un diacre éprouve de plus en plus d’attirance pour les beaux garçons malgré sa mère qui veut le protéger mais l’étouffe et l’empêche de gagner son indépendance et sa liberté.

Ce livre est avant tout l’histoire d’une famille du sud rural égarée dans un ghetto urbain où il n’y a pas de travail mais beaucoup de misère, assez d’alcool frelaté, pas mal de drogue et tous les trafics imaginables pour survivre et s’offrir ces plaisirs éphémères sans compter la prostitution qui, sous la soie et le satin, cache de bien grandes souffrances. Un monde fragile où la faim tenaille les estomacs, où l’instruction est trop chère pour les pauvres noirs, où la haine devient une raison de vivre et un rempart contre l’autodestruction. La haine qui est le seul lien qui réunit les deux communautés, « et la triste vérité était que les parents de Frederick haïssaient les noirs tout autant que Mama détestait les blancs. »

Là où Wright a tenté de nous expliquer pourquoi la ségrégation était une des tares de notre époque, Slim se contente d’exposer les faits et de faire vivre ses personnages. Mais quels personnages, Otis le travesti, bien sûr, tenaillé entre son cœur qui le porte vers les jolies filles qui le courtisent et sa chair qui réclame les sensations procurées par les beaux mâles. Un dilemme bien difficile à vivre et qu’il ne surmontera peut-être jamais. Mais, le personnage principal est tout de même le personnage éponyme du roman, Mama, qui veut échapper à sa condition de noire, « … ce qu’on lisait dans ses yeux c’était une haine glaciale, la blessure de sa négritude qui lui empoisonnait l’âme », pour atteindre la fortune et la respectabilité que seuls les blancs obtiennent, quel qu’en soit le prix. Personnage complexe oscillant entre l’amour et la haine, la dignité et la veulerie, mais privilégiant toujours la possession des êtres et des biens.

Un sujet somme toute assez banal et largement exploré mais rarement avec une telle véracité, un tel réalisme et malgré tout une grande sensibilité. Le récit dévoile souvent la réalité la plus sordide, parfois l’horreur la plus cruelle, mais soulève aussi l’émotion la plus pathétique, la tendresse, l’amour malgré cette haine tenace qui imprègne tout le ghetto. La seule petite lumière qui sourd dans cette noirceur vient de Berlin quand Jesse Owens écrase les blancs et quand Martin Luther King se dresse pour lancer son message de paix et de respect entre tous les hommes.

Mais, voilà, l’espoir n’était pas pour Otis, « … il était noir dans un monde haineux de blancs où un noir est comme un balai de chiotte. » et de plus « … un pédé, et pour les pédés il n’y a pas de lendemain, juste aujourd’hui. »

Denis Billamboz

 

Paul Louka (1936-2011)

Ce n’est pas la faute aux poètes (1975)

Car les poètes, pareils au bois qu’on fait les croix,
S’en vont tous enrhumés.
Et les poètes jamais n’iront au Panthéon
Des saintes renommées.

Ils n’iront pas au paradis,
Pas en enfer, pas à Paris.
Si leur chanson est éphémère,
Ce n’est pas la faute aux rivières.


Ma guitare n’est plus espagnole (1976)

Ma guitare n’est plus espagnole,
Elle n’ira plus se faire bronzer.
Et merde à la Costa del Sol
Où les poètes sont étrangers !
Si ma guitare est enrhumée,
Je prendrai mon harmonica
Pour mieux jurer fidélité
à Garcia Lorca.

Mi pais esta triste
Todo muere incluso la libertad
Mi pais esta triste
Madre, viva la libertad

Linda (1975)

Le cœur sans armure,
Par-dessus le mur
Du jardin,
Je la regardais
Venir à moi dès
Le matin.

Elle s’appelait Linda.
Elle avait, oui da,
De beaux seins.
Le feu dans le corps,
Moi, j’étais encore
Un gamin.

De septembre en mai,
Nous suivions le même
chemin
Jusqu’à son lycée
Où notre odyssée
Prenait fin.

Seul et sans discours,
J’allais à mon cours
De dessin.
J’y buvais dans l’art
Toutes les couleurs
Du chagrin.