L’écrivain sous la neige écrit avec des flocons et une ardoise. S’il est Sans papier.
Mois : janvier 2012
L’écrivain en grève
L’écrivain en grève interrompt sa tournée de dédicaces dans les hypermarchés et les galeries commerciales. Rebelle mais pas casse-cou au point de forcer un piquet de grève posté à l’entrée de ses lieux de travail.
GOTYE
Les éditions GROS TEXTES ont 20 ANS!
En tapant sur
http://grostextes.over-blog.com/
vous aurez des infos sur Gros Textes qui a eu 20 ans au solstice d’hiver. Ça vaut bien deux chansons. Manu Galure et Léo Ferré
L’hiver est proche de la lumière », c’est le magnifique titre de la parution du solstice d’hiver 2011 et dernier ouvrage de l’année, écrit par Denise Destin.
Et puis nous passons en 2012.
« Depuis le début de l’année est paru le numéro 10 de la revue Cairns qui colle au thème du printemps des poètes « Enfances ».
On trouve également sur le blog des infos sur une publication fort originale de Morgan Riet (avec plein de dessins de Matt Mahlen).
Un bouquin génialement déjanté d’Isabelle Pinçon « on passe à quelque chose » et une suite décoiffante de Vrac (ouvrage publié en 2010) par la truculente Sophie Braganti (« Trac » publié donc en 2012). Et c’est pas fini… Enfin si pour aujourd’hui.
Non, j’ai retrouvé dans un carton quelques bouquins de l’immense Lawrence Ferlinghetti (bon si vous ne connaissez pas tapez son nom sur internet) « Un luna-park dans la tête » que nous avions publié à la fin du siècle dernier (même pas jaunis et tout fringants). Ils coûtaient 50 F (francs pour les jeunes). Si vous êtes passés à côté à l’époque, il est encore temps de se procurer ce petit chef d’œuvre. On les fait à 5 € (si vous ajoutez 1 € pour le port c’est sympa).
Je viens aussi de refabriquer 100 exemplaires de « huit bouffées de sagesse papaoute », un petit bijou best-seller (à notre niveau) signé Karin Huet, ce petit précis pamphlet ethno imagino philosophico de bon sens qui m’a fait penser à Joseph Delteil quand je l’ai lu et décidé de le publier, coûte 8 €. Il est aussi présenté dans le publication 2010.
Yves Artufel
D’enfances de Philippe Leuckx

Philippe LEUCKX
Poésie
Les lèvres ici se font rives désertées pour dire le temps plus durable d’une enfance aussi buissonnière que protégée, son miracle d’insouciance, pour dire l’espace plus ouvert sur lequel s’agrandissent les bras. C’est là le trésor gardé du poète où s’ancre sa nostalgie, tirant à l’angoisse à mesure que s’amincit le temps à l’aune des présences. L’enfance est retrouvée pour être mieux perdue. Elle s’égrène dans le sillage de mots où le sillon se répète jusqu’aux rides, terre nue où le ciel vient battre de l’aile dans l’horizon qui reflue. Demeure l’enfance qui dans l’enfant se sépare, le grain levé des mots dans l’instance d’exister. Demeurent les hautes herbes pour qui sait moissonner le soleil à cœur battant. L’enfance est lourde d’un trésor qui pèse par sa légèreté même ; le bonheur est une tâche où l’adulte peine à l’égaler. Le poète lui tient parole à fleur de peau, quitte à s’écorcher. La tendresse est l’héritage dont il nous témoigne et gratifie, le pesant de rives où la rivière l’a porté avant de serpenter aux étoiles. L’enfance est donnée au poète ; il nous la restitue au bénéfice du chant. J-M Aubevert
D’autres ouvrages des éditions LE COUDRIER seront aussi présentés le 3 mars après-midi:
L’amour en lettre capitale de Pascal FEYAERTS, Véronique LAURENT et Fred VAN CAMPENHOUT
Les jalousies d’Aphrodite d’Isabelle BIELEKI et Michèle GROSJEAN
Femme abyssale d’Anne-Marie DERESE et Sonia PRÉAT
De lanterne et d’améthyste de Jean-Marie et Joëlle AUBEVERT
Impressions new-yorkaises d’Emmanuelle MENARD
VU AU CINE DE MA RUE: DEUX SICA POUR LE GAMIN AU VELO OU LA FIGURE DU DOUBLE
par Philippe LEUCKX, samedi 10 décembre 2011
La figure du double – les frères Luc et Jean-Pierre, les deux personnages principaux la belle Samantha coiffeuse de son état et le jeune Cyril toujours près de fuir, le chaud et le froid, le bien, le mal, l’intérieur, l’extérieur, les deux roues de la bicyclette – eh!oui -, inonde ce film, plus serein, non d’y être filmé – un Seraing ténébreux, entre feuillages, avenues, salon de coiffure et appartement confinés, dans un éclairage caravagesque, mais parce que la fin s’ouvre, comme une éclaircie soudain balaie la tempête, l’orage d’été…
Eh! oui, il y a plus de calme dans cette intranquillité gémellaire, que ces deux-là transmuent en réflexion. Sinon, l’intrigue, presque squelettique – un ado en accueil a les jambes fugueuses et donne bien du fil à retordre à l’accueillante coiffeuse – Cécile de France -, serait de peu. Il y a autre chose : ce travail sur le menu, l’infime. Un regard au travers d’une vitre. Un escalier foireux. Un arbre à cause de quoi on chute.
Les choses vont mal et finalement s’arrangent : suffit-il d’user d’un vélo, de le redoubler et voilà nos deux personnages en piquenique au bord de la Meuse, dans une lumière digne du Miller de « L’effrontée »…Les réalités peuvent changer et nous, spectateurs, nous en gardons les avatars, comme preuves du réel soumis à nos rétines.
Les frères créent, certes, mais à la lumière des autres.
Aussi les réminiscences (Miller, De Sica – le plan final du petit Moret sur son vélo retournant chez la coiffeuse, après avoir été rossé , est la reprise à l’identique d’un plan du Voleur de bicyclette, juste après la scène du mur ensoleillé!) inscrivent-elles l’oeuvre dans la droiture morale d’une réflexion tout à la fois éthique (ni blanc ni noir ni bien ni mal…) et esthétique (le soleil parfois prend le dessus sur la lumière ombrageuse, inquiétante).
Oeuvre des complicités : on retrouve dans de petits rôles les Gourmet, Rongione et autres Rénier, habituels serviteurs du cinéma social des Dardenne.
En fidèles analystes des cinéastes qui ont compté, les frères tissent ici toute une philosophie de l’argent destructeur : message doublement pasolinien ou bologninien que « Les garçons » ou « Accatone » jadis ont exprimé en s’en défiant.
On peut en juger : le néo-réalisme fait encore des petits (sans jeu de mots!), dans la justesse d’une perception d’un milieu (ah! ces achélèmes sérésiens font bien penser à leurs pairs romains!), dans celle d’une lumière qui donne de la réalité une mesure morale, non moralisatrice.
Figure double, nouvelle? Non, elle faisait partie prenante des autres réalisations : autour des thèmes de la filiation et de la relation (Rosetta et sa mère – Le fils et le professeur – L’enfant d’un couple – La Lorna manipulée par l’autre -….).
Du bien beau travail de mise en scène , dont on retiendra la pression d’une approche des corps, filmés en lutte; le besoin de camoufler l’enfant effronté derrière le buisson de la nature; la séquence étonnante où Cyril partage pour le meilleur et pour le pire quelques moments avec un présumé dealer, dans un appartement coincé entre la mère grabataire et la chambre; et tant d’autres moments d’intensité. Ainsi, pour dernier exemple, le « mur entre les personnes » (Souchon), entre un père cuisinier et son Cyril de fils, et ce mur que l’ado a si souvent sauté… Hautement symbolique!
C’est tout un art que de piéger la vie et de s’en remettre au flux de la pellicule pour un dosage subtil , entre constat et espérance!
CHAPEAU DOUBLE!
LE GAMIN AU VELO, Belgique, 2011, 1h27.
Cet écrivain pommé
Cet écrivain pommé, poiré, pêché, prunié, pistaché, pamplemoussé, orangé, fraisé, raisiné, figué, datté, tomaté et, même, cerisé sur le gâteau, trouvait l’inspiration sous un arbre. Ses histoires infinitésimales de fruits qui s’attirent, se repoussent à coups d’ellipses, d’équations différentielles, de paraboles de pépins, de grandes trajectoires se résorbant en queue de comète firent les choux gras des grosses légumes de l’édition internationale. Il reçut le Nobel de l’agriculture en même temps qu’une pierre sur le caillou qui lui fit sur le cuir littéraire un trou grand comme un cratère de plume.
Les livres pour rire
Chaque année, après les prix, cet écrivain réputé sort son bêtisier. Les phrases où il s’est planté, les passages ratés, les bredouillements et les invraisemblances. Cela fait beaucoup se marrer ses collègues de l’académie Machin et ses lecteurs. On se répéte les chutes en boucle pendant les pauses autour la machine à écrire dans les creative writing classes et les fabriques à textes, sur les forums Lis et terre-toi et tous les réseaux paralittéraires. Des mauvaises langues disent ne pas constater de différences entre ses livres sérieux et ses livres pour rire.
Moreau-Mastroiani par Antonioni et Angelopoulos
La scène finale de La Notte (1960) d’Antonioni quand la femme jouée par Moreau lit une lettre ancienne de l’homme joué par Mastroiani dont il ne se rappelle pas…
Trois minutes de Théo Angelopoulos, en mémoire de Marcello Mastroiani (2007)
UNE BRÈVE HISTOIRE DU ROMAN MACHINAL
Le souci d’écrire au moyen d’une machine ne date pas d’aujourd’hui. Nous passerons sur les tentatives manquées d’Homère d’utiliser un boulier lettreur ou de Cervantès d’user d’une corne de taureau emmanchée dans un carré de voile pour faire avancer son Don Quichotte pour nous arrêter au jour du 7 avril de l’an de grâce 1832, quand Charles-François Marie de Lemartin, auteur de nouvelles, met au point une machine à vapeur et à roues dentées qui génère du roman.
Grâce à son invention, Charles-François Marie entrera à la fois à l’Académie française et à l’Académie des sciences. La machine, qui occupait beaucoup de place et employait beaucoup d’eau, ne pouvait être transportée, si bien qu’aucun écrivain voyageur ne put l’utiliser sans être trempé jusqu’aux os. Il fallut attendre fin 1883 le scripteur à piles sèches portable pour permettre des déplacements sur une distance de plus de 800 mètres. L’ innovation était principalement réservée aux écrivains fantassins (et un peu fantaisistes) les plus musclés (la machine pesait quand même 13, 6 kg et l’écrivain, même voyageur, est souvent de constitution fragile). Elle présentait régulièrement des ratés et nombre de romans machinaux sont restés incomplets, ce qui ne les distingue pas toujours des romans-feuilletons de la même époque.
Durant l’automne 1854 particulièrement pluvieux, Claude-François Marie de Lemartin, le fils du précédent, met à profit le temps pourri pour perfectionner la machine de son père et l’appella le romanomètre. Il utilisera des cartes perforées et la notation binaire, restée en l’état sur plus de trente pages (ce qui rend la lecture difficile aux non initiés) de son fameux roman, L’homme duel et la femme à la lame. Il sera aussi le premier à utiliser l’électricité en ligne dont il fait un mauvais usage et qui sera à l’origine (par un excès d’humidité) de son décès prématuré à l’âge de 39 ans.
Nous passerons sur les machines nucléaires de Breton & Curie qui fournirent des romans atomisés, invisibles à l’œil nu même des critiques les plus en vue. Les avancées les plus significatives se produiront à l’ère numérique avec des logiciels adaptés et un langage assembleur spécifique qui produiront des résultats satisfaisants, en tout cas de la plus value chez les éditeurs. La plupart des best sellers de ce début du XXIème siècle sont toujours fabriqués, à quelques variantes près, avec ces programmes.
Signalons enfin, pour être aussi complet qu’on peut l’être dans une note aussi brève, que les Zoulipares forment une secte de tendance pythagoricienne qui se réclame de Raymond Quenouille, l’initiateur du mouvement, dont les membres, mathématophiles suivis par des psys, ne sont pas dangereux pour le milieu littéraire en place, complotent toujours afin de concurrencer le roman machinal par des moyens manuels. Jusqu’ici aucun d’entre eux n’a réussi à égaler sur un plan commercial les romans des meilleurs écrivains mécanisés. Il est à noter qu’un générateur à poèmes a été inventé dès l’été 1887 par le fils caché de Victor Hugo et de Georges Sand dont le procédé, breveté par l’Internationale des Poètes Industrieux, permet aujourd’hui encore la fabrication, sans la moindre dépense d’énergie créatrice, de poèmes de belle facture pour remporter tous les concours de poésie de par le monde.
E.A.