Interview Livres & vous (10): Denis BILLAMBOZ

billamboz.jpegDenis BILAMBOZ est un fouineur qui ne fait pas dans l’attendu, qui n’a pas de marottes: il ne joue pas une littérature contre une autre mais pense certainement que ce ne sont pas les frontières ou la langue qui délimitent le talent d’un auteur mais la façon dont il transforme, par le prisme des mots et de la construction narrative, une réalité en une histoire. Il ne se contente pas de caresser dans le sens du poil ras les vaches sacrées de la littérature, il va y voir de près et jauge la bête à l’aune de ce qu’elle produit et non pas en fonction de sa réputation. Sur Critiqueslibres d’abord, dès 2008 puis sur deux autres blogs (voir liens ci-dessous) et sur Les Belles Phrases, il confie ses chroniques qui cartographient les littératures du monde entier. Il livre ici son parcours de grand lecteur, ses coups de cœur et nous parle de la façon dont il rédige ses critiques mais aussi de son premier livre en tant, cette fois, qu’écrivain.

Je n’ai pas d’auteurs fétiches, j’ai surtout une énorme curiosité, une envie incontrôlable de découvrir, de connaître (…) un maximum d’auteurs dans les pays les plus divers. »

Premier(s) souvenir(s) de lecture.

C’est un souvenir très précis, non pas à cause du livre que j’ai lu mais parce qu’à cette occasion on m’avait ouvert les portes de la bibliothèque de l’école communale que je fréquentais et que j’entrais ainsi dans le monde des grands, le monde de ceux qui avaient le droit d’emprunter tous ces livres que je regardais déjà avec envie. Je n’avais que sept ans, le livre était bleu, il parlait d’une petite fille qui cultivait des fleurs sur son balcon, il s’intitulait « Le jardin suspendu ». Je n’oublierai jamais celui-là alors que j’ai oublié la plupart de ceux qui ont suivi à un rythme très régulier. Et, comme j’ai fréquenté la communale jusqu’à quatorze ans, l’instituteur a fini par me concéder le poste de responsable de la bibliothèque que j’assumais de toute façon sans son avis. Je crois que j’étais tombé dans le chaudron même avant de savoir lire.


Le livre qui t’a donné envie d’écrire. Ton ou tes auteurs fétiche(s).

Je ne crois pas qu’un auteur m’ait, un jour, donné envie d’écrire, je me suis toujours senti trop petit à côté de tous ces gens capables de nous proposer de si belles histoire. J’ai attendu 2011 pour oser, pour franchir le pas, pour vaincre une espèce de pudibonderie, pour occulter la peur de mal faire, et enfin écrire quelque chose qui ressemble réellement à un livre qui verra peut-être le jour en 2012 (c’est un scoop, peu sont au courant). De même, je n’ai pas d’auteurs fétiches, j’ai surtout une énorme curiosité, une envie incontrôlable de découvrir, de connaître, de savoir qui m’a incité à aller à la rencontre d’un maximum d’auteurs dans les pays les plus divers. Quand j’étais jeune, je n’avais pas la possibilité de voyager et les livres ont été pour moi un moyen exceptionnel de partir à la découverte du monde.

 

Le(s) livre(s) que tu n’aurais jamais dû lire.

Je ne regrette aucune lecture même les mauvaises affinent le goût et la perspicacité. Par contre, j’ai lu un certain nombre de livres à la réputation surfaite, je pense que beaucoup de lecteurs sont comme moi enthousiasmés par un ou deux romans d’un auteur débutant et puis déçus et même très déçus par les productions qui suivent car il faut bien justifier les avances à valoir perçues et alors, au moment de rendre la copie, on bâcle, on pioche dans les ébauches qui dorment dans les tiroirs, on écrit des banalités. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet dans la rubrique qu’Eric m’a gentiment confiée sur ce blog. Je ne voudrais citer pas un nom parmi d’autres mais méfiez-vous des livres qui sont entassés en grandes piles dans tous les lieux de vente où il y a des livres. Je ne regrette pas non plus d’avoir lu le livre d’un ami ou d’un débutant quelconque qui cherche une confirmation au talent qu’il n’a pas, je ne dis pas tout ce que je pense mais je ne cache pas non plus toute la vérité en l’incitant à continuer mais en faisant mieux, en travaillant encore et encore.


Une trouvaille littéraire, un auteur méconnu à recommander.

images?q=tbn:ANd9GcT0zETGKdNoZJhDcvR9wt8wYmQlH_byZTevFLjr7vaUQC8CRzptQuestion piège, je ne voudrais pas être celui qui cire les pompes donc je ne parlerai pas de la rencontre avec « Les corbeaux brûlés », je l’ai écrite ailleurs. Je vais plutôt parler des découvertes que j’ai faites en 2011 car remonter plus loin risquerait de m’emmener dans un délire insupportable et illisible. Je voudrais tout d’abord parler de la littérature polynésienne que nous occultons totalement en France métropolitaine et pourtant ces gens écrivent remarquablement, ils sont passés de l’oralité totale à l’écriture littéraire en un temps record et avec une maestria incroyable. Je voudrais surtout parler de deux livres que j’ai achetés l’an dernier au Salon du livre de Paris, sur le stand de l’Océanie, : «L’’île des rêves écrasés » de Chantal T. Spitz qui était sur le stand et qui m’a dédicacé son roman et de « Arioi » de Vairaumati no Ra’iatea, une femme bien mystérieuse qui se cache derrière le nom de l’atoll qu’elle habite (vous les découvrirez bientôt dans ma rubrique sur ce site). Deux vrais petits bijoux qui raviront les amoureux des belles lettres et des romans courts. Et quelques autres noms : Sonya Hartnett, une australienne, Valentine Goby dont j’aime bien l’écriture et j’ai eu l’occasion et le plaisir de le lui dire, Johannes Bobrowski un écrivain allemand à peu près oublié qui pourrait évoquer Arno Schmidt, Stefanno Benni, un nouvelliste italien qui m’a bien amusé, Pierre Jourde dans « La présence » mais moins dans « La cantatrice avariée », Olive Senior qu’il faut déguster dans ses savoureuses nouvelles jamaïcaines, Adolfo Caminha, un auteur brésilien très ancien déjà mais que j’ai découvert l’année passée, qui écrit de véritables tragédies grecques images?q=tbn:ANd9GcTbf6XMdfCTcQlQ5vPTv4mdkL5kIi6GbocfaRkpv9erbrT99yzYAwaux accents carioca, Katrina Kalda une jeune Estonienne qui vit en France et écrit en français et j’ajouterai Leïla Sebbar qui m’a emballé dans une récente lecture. Et un petit clin d’œil à ces auteurs français qui ne défraient pas la chronique et qui, pourtant, ne manquent de talent : Jean Frémon, Jacques Bertin, Jacques Josse et Arnaud Friedmann. Voilà déjà une bien riche moisson pour une seule année.

                  


L’écrivain que vous tu as, aurais aimé, ou aimerais rencontrer.

images?q=tbn:ANd9GcQ6x1dhug2V6exLULtR0QiyYMqO6_Ndbk5leZjtYxuCyDFctWoy3QEric Allard bien sûr, nous avons tant de lectures à évoquer ! Mais aussi Umberto Eco [en photo], Mario Vargas Llosa, Jacques Kerouac, Rohinton Mistry, Amitav Ghosh, Leonora Miano, …, je cite des noms comme ça, ceux qui me viennent à l’esprit mais il y en a tant. J’aurais tellement aimé parler de la guerre avec Hans Fallada, des Balkans avec Ivo Andric ou Anton Dontchev, de l’Afrique avec Ken Saro-Wiwa, Achebe, etc…, etc… Et pourquoi pas une rencontre impossible mais tellement excitante : boire le thé avec les trois sœurs Brontë quel fantasme !

 


Personnage(s) de roman préféré(s) ? Ta scène de roman préférée ?


images?q=tbn:ANd9GcQWZOb45cUwah97Y74v9c695EGtixP7zIMgoSDNduPWBBD-_LjKJe ne retiens pas les personnages que je mélange très rapidement mais je penserais à Quangel (j’ai déjà oublié l’orthographe de ce nom) dans « Seul dans Berlin » de Fallada, Paradise chez Kerouac, les deux pauvres tisseurs dans « L’équilibre du monde » de Mistry, et d’autres bien sûr. La scène qui m’a le plus marqué dans mon enfance c’est celle au cours de laquelle Michel Strogoff recouvre la vue, quel soulagement, quelle délectation, je crois que je ne l’oublierai jamais comme certaines scènes qui évoquent la musique que je crois entendre en lisant : la scène dans « De l’autre côté du paradis » de Dawn Turner Trice quand un pauvre vieux noir chante un vieux blues pour oublier le malheur devant les clients du bistrot réunis dans un silence religieux, celle où Paradise tombe en admiration devant un vieux joueur de trompette dans un trou perdu au cours d’une étape « Sur la route », etc…

 

Où, quand, comment lis-tu?

N’importe comment mais de préférence vautré sur un canapé, sur un lit, mais pas mal dans le train, dans les cafés en attendant le train, assis par terre dans un hall de gare. Je peux lire partout, je peux construire très facilement ma bulle et m’embarquer dans mon livre même s’il y a un bruit infernal autour de moi. La lecture m’emporte, rien ne lui résiste. Quand j’étais plus jeune, je pouvais même lire en regardant un film.

 

Un souvenir de lecture marquant ? Des modes de lecture alternatifs (e-book, livres audio, internet…) ? 

images?q=tbn:ANd9GcQIv-GX_2GZYVzSrscbRTJ_cU6ETAsPYZlzqRZwtM-3fj-zpPVe4g« Les fictions de Borges » dans le hall de la Gare de Lyon, « Histoire d’O » dans un compartiment bien peuplé d’un vieux train à l’époque où ce livre n’encombrait pas les librairies, un roman islandais de Gunnarsson dans l’avion pour la Réunion…

Je n’ai pas encore essayé les moyens de lecture alternatifs, j’ai très vite mal aux yeux quand je lis sur écran, je n’ai jamais testé le livre audio, j’y serai peut-être contraint un jour et je ne suis pas très attiré par les tablettes de lecture mais s’il fallait s’y résoudre ça ne me poserait aucun problème, a priori car j’ai les yeux fragiles et fatigués et je les sollicite beaucoup.

 

Tu as écrit depuis quelques années plus de 300 notes de lecture sur le site Critiqueslibres.com. Sur d’autres blogs (voir liens ci-dessous) et ici même. Qu’est-ce que t’apporte la critique de livres?

La rencontre avec CritiquesLibres a été essentielle pour moi j’y pensais depuis très longtemps, j’ai découvert Internet dans mon travail au début des années quatre-vingt-dix (93/94) : 

         La critique de livres me permet de communiquer avec ceux qui partagent la même passion et éventuellement de les rencontrer autour de cette passion.

         La critique m’oblige à formuler clairement, au moins le plus clairement possible, ce que la lecture m’a apporté, les émotions, impressions, sentiments que j’ai éprouvés.

         La rédaction de critiques m’oblige à soigner ma rédaction pour être compris des autres et ainsi à améliorer mon écriture.

         La rédaction de critiques a amélioré mes lectures, je lis plus attentivement pour percer les intentions de l’auteur afin de ne pas risquer de le trahir.

         Et surtout peut-être la critique de livre m’a fait rencontrer beaucoup d’amis en Belgique, au Québec et un peu partout en France. J’ai notoirement élargi le cercle de mes amis et c’est un plaisir immense, des découvertes enthousiasmantes, des rencontres inoubliables !

         Je confesserai enfin que si je n’avais jamais rédigé une critique, je n’aurais jamais écrit le long texte qui est actuellement chez ma correctrice préférée.

Comme vous pouvez le voir, c’est un élément essentiel de la partie de vie que j’ai entamée avec mon départ à la retraite, ça fait partie de la construction de cette nouvelle vie, c’en est même le pilier central, la poutre maîtresse, l’axe autour duquel tourne beaucoup d’autres choses.

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vuser/bbc20573c75a


Ta phrase, ton vers ou ta citation préférée.

images?q=tbn:ANd9GcTk9__OUAZ7op2SEVg1D2qOoUOncmIGdgcamh2Ji89hZ521KcnV9ADans ma jeunesse studieuse, elle a bien existée, j’avais commencé un cahier de citations que j’ai essayé de reprendre quand la lecture a pris une place plus importante dans ma vie mais comme je lisais un peu n’importe où et que je n’avais pas toujours mon cahier avec moi, j’ai laissé tomber. Extraire une phrase du tas livre que j’ai lu est une gageure, je me tournerais plutôt vers le cinéma et certainement vers Michel Audiard [en photo] ou Antoine Blondin. J’adore les raccourcis foudroyants qu’ils sont capables d’inventer l’un et l’autre. Mais pour la circonstance, je me contenterai de cette maxime : « carpe diem », à mon âge ça s’impose et trop l’oublie.

Coup de cœur artistique récent.

Je reviens à la littérature polynésienne car je ne m’attendais vraiment pas à une telle émotion artistique quand j’ai lu ces deux livres.

Tu viens d’écrire un roman. Peux-tu en parler en quelques lignes…

images?q=tbn:ANd9GcRx3gT60K0Q3aSxIDjDh1t9ECoW4asWaF80yelN4NyCosACBY2SaAJe voulais me confronter avec la page blanche depuis très longtemps mais je voulais trouver un sujet assez original pour ne pas tomber dans les « marronniers » de librairie, ni dans la rubrique « vécus-témoignages » des bibliothèques et surtout pas impliquer quiconque de ma connaissance dans un écrit publié, pudeur toujours.

Et un jour cette idée m’est venue comme si je l’avais toujours eue en moi : écrire les rêves d’un homme qui cesse ses activités professionnelles, qui ne croit plus guère en ses contemporains, qui voit le monde partir à vau l’eau mais qui ne veut pas se résigner à finir sa vie dans la morosité et médiocrité ambiantes et qui décide donc de se réfugier dans ses livres qui deviennent le carburant qui alimente ses rêves récurrents. Il s’embarque alors avec les héros de ses lectures, rencontre les auteurs, partage leur vie, les fait se rencontrer, …. Toute une fantasmagorie qu’il vit en parallèle avec une petite vie tranquille qui n’est que le confort matériel de sa vie car sa vie émotionnelle, artistique, … est dans un autre monde, dans d’autres mondes où il s’embarque à la moindre occasion.

Un livre à plusieurs entrées : 

         La sinistrose ambiante n’est pas une fatalité pour ceux qui savent vivre autrement,

         La vie a encore un sens même vers sa fin mais il faut savoir le trouver,

         La lecture est un moyen de transport incomparable pour voyager dans l’espace, le temps, les idées, les émotions, etc…

         Notre monde ne se réduit à la dimension matérielle que nous connaissons, on peut trouver le bonheur ailleurs, il suffit de chercher, dans les livres peut-être ?

         J’ai poussé le bouchon jusqu’à faire faire un tour du monde par les livres à mon héros !

         Certains y trouveraient d’autres choses, je le conçois aisément.

Si un éditeur lit ça …

 

Comment l’as-tu écrit, composé ? Malgré le fait que tu t’inspires en partie de personnages de fiction, as-tu intégré des faits vécus ?

Mon projet devait dès le départ prendre en compte le volume du texte (600 000 caractères avec les blancs à l’arrivée), j’ai donc choisi, pour conserver un rythme soutenu, d’alterner la narration et le dialogue et je crois que j’ai trouvé un équilibre qui n’est pas trop mauvais.

J’ai choisi aussi d’articuler mon récit autour d’allers et retours permanents entre les divers mondes (une bière commander dans le monde réel peut être bue dans un rêve) dans lesquels vit mon héros : le monde pragmatique qui lui permet de manger, de vivre au quotidien, le monde des livres dans lesquels il construit ses rêves et d’autres mondes mis en abyme : voyage dans le voyage, rêve dans le rêve, etc…

J’avais pour guide le Tour du monde littéraire que je publie chez une amie de la toile. Ainsi le héros vit des histoires que j’ai réellement lues, construit des situations en mélangeant les auteurs et les héros des livres que j’ai lus, organise des rencontres absolument improbables entre des auteurs et des héros des livres que j’ai lus et ce toujours en suivant mon tour du monde littéraire.

Tout ça parait bien compliqué mais quand vous l’aurez lu vous comprendrez mieux. Faudrait-il encore qu’un éditeur accepte le manuscrit ce qui n’est guère probable dans la conjoncture actuelle et je ne peux même pas me présenter comme un jeune auteur. Mais l’essentiel était pour moi d’arriver au bout de ce projet, les deux premiers lecteurs, ma cousine et mon frère, ont plutôt bien reçu ce texte. Ma cousine m’a accompagné pendant la deuxième partie de la rédaction donc elle pouvait m’alerter sur mes choix et me glisser quelques avis qui m’ont permis de valider certaines situations que j’avais du mal à évaluer.

 

Quand je lis ou/et j’écris, je…

Suis aux abonnés absents, je suis en général complètement impliqué dans le texte et je vis dedans.

 

Liens vers les chroniques littéraires de Denis Billamboz

Critiques libres.com

http://www.critiqueslibres.com/i.php

Interligne

http://interligne.over-blog.com/categorie-12118992.html

Voir

http://me.voir.ca/membres/denis-billamboz/

Sa page Facebook

http://fr-fr.facebook.com/denis.billamboz

 

5 commentaires sur “Interview Livres & vous (10): Denis BILLAMBOZ

  1. J’ai découvert cette maison d’édition « Au vent des îles » qui propose des textes du Pacifique vraiment très intéressants, j’en ai achetés six ou sept au dernier Salon du livre et je me régale.
    Et je tournerai bientôt une page polynésienne sur ce site dans la rubrique qu’Eric m’a ouverte..

    J’aime

  2. J’aime cette idée des livres qui deviennent le carburant qui alimente les rêves…
    Et puis aussi, la vie a encore un sens même vers sa fin mais il faut savoir le trouver, j’adhère totalement 🙂

    J’aime

  3. Ik wilde weten wat een bij kan ondersteunen bij het gehele ‘s animatie dus dat is hierheen het niet , die kon niet in overeenstemming een exact antwoord.

    J’aime

Les commentaires sont fermés.