L’identité de l’auteur

Ma conférence sur l’identité de l’auteur et la perte de repères romanesques dans cet endroit non répertorié sur les cartes ne connut pas le succès espéré par les organisateurs. Une question d’un intervenant m’interpella comme aucune autre : Est-ce bien vous qui écrivez vos livres et dans quel monde les publiez-vous ?

Je formulai évasivement ma réponse, doutant de plus en plus à mesure que je la développais comme si je cherchais à m’éveiller d’une espèce de rêve au dénouement incertain.

Il faut dire que je m’exprimais devant  un public clairsemé et passablement engourdi qui ne me donnait aucun signe de réalité qui vaille.

Il se fait, poursuivit le même intervenant, que j’ai écrit les mêmes livres dont vous vous dites l’auteur. Et d’en exhiber une poignée en éventail au bout d’un bras levé. À cette vue, aussitôt les personnes du public se réveillèrent de leur léthargie et réclamèrent à leur tour la paternité de ces œuvres.

Profitant de l’espèce de cohue querelleuse qui s’ensuivit, je quittai discrètement le lieu de la manifestation.

Avec quelques difficultés d’orientation, certes, je  retrouvai mon chez moi avec la ferme intention de ne plus jamais donner de conférences à propos de questions dont je n’étais pas assuré de la réponse. 

 

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Mon chat panda et moi

Tout bien considéré, mon chat noir et blanc, au poil fourni, ressemble à un panda. Sauf qu’il coûte moins cher en viande – il se contente de cent grammes de croquettes par jour. C’est mon petit panda à moi.

Avec ma propension de passer du chat à l’âne, je me suis dit que j’avais des ressemblances avec Di Rupo, que je me suis aussitôt mis à lister: volonté de briguer la première place et de briller, pas uniquement par les verres de lunettes, pour des idées toutes faites de générosité et de solidarité, un goût pour les papillons et pour les peluches qui s’affirme avec l’âge… Mais je connais pire (il y a toujours pire que les Socialistes !) dans mon entourage, dans un sens ou dans l’autre : quantité de clones de Charles M. et de Raoul H. dont je ne déclinerai pas les caractéristiques car vous les savez autant que moi. Dans la colonne des dissemblances avec Elio, rien. Sinon, peut-être un dos moins musclé et une italianité moins marquée et pour tout dire inexistante, ce que je regrette, comme vous pouvez vous en douter. Mais je travaille à les gommer.

Mon, chat, lui, n’a besoin de rien changer, il est parfait dans son rôle de panda de salon. D’ailleurs, si vous voulez venir le voir dans ses oeuvres, c’est tous les jours de 10 h à 18 heures, il vous coûtera pour franchir la porte la somme modique mais non contestable de 5 euros, que vous émargiez (encore) de la Caisse du Chômage ou du CPAS. 

Une enfance verviétoise d’Edmée De Xhavée (éditions Irezumi)

474805_1.jpegLes vertes années

Edmée De Xhavée qui a vécu plusieurs vies, collecte sur son blog et dans ses livres ses souvenirs ou fictions par époques, par lieux, par thèmes. Ici, il s’agit donc d’une enfance verviétoise où «on avait, finalement, plus de temps que d’argent à gaspiller. »

Une époque aussi où « le lait était versé chaque matin dans la cruche de grès laissée sur le seuil avec une soucoupe pour le protéger. Où, avant le ciment des parkings et les magasins de grande surface, les denrées de base étaient fournies à domicile. Un temps où la religion était encore très présente dans les coutumes mais moins dans les croyances. Une période, celle des années cinquante et soixante, encore insouciante qui, pourrait-on dire, ne connaissait pas son bonheur. Car les secteurs industriels qui avaient fait la prospérité de la région allaient bientôt péricliter.

Des notations savoureuses, teintées d’humour et de malice d’une enfant (puis d’une adolescente) déjà rieuse et frondeuse viennent régulièrement pimenter le défilé des souvenirs liés aux lieux-dits de Verviers et des proches alentours.

Evidemment, le livre touchera autrement les lecteurs connaissant Verviers et les autres, comme moi. Mais il ne me déplaît pas de connaître un endroit, à fortiori une ville, par les mots d’un(e) écrivain(e) : ce qu’on perd en précision, on le gagne en rêveries.

Le dernier chapitre, touchera les uns et les autres qui rapporte les mercredis après-midi au cinéma Coliseum quand le film principal était encore précédé d’un complément, d’un autre film, et que l’ouvreuse qui vous installait, aidée d’une lampe de poche, réapparaissait à l’entracte avec un plateau de chocolats glacés.

La Belgique en été, c’est or et émeraude, écrit-elle. C’est du moins cette coloration dans laquelle baignent les souvenirs qui lui reviennent en priorité en mémoire, elle qui a beaucoup par la suite résidé à l’étranger.

Edmée De Xhavée revêt les atours d’un Verviers passé, pas si lointain, qu’on peut encore apercevoir avec la lunette légèrement transformante du souvenir.

Il ne faudrait pas croire qu’Edmée cultive à l’excès la nostalgie, elle rappelle à juste titre que ce qui est volontiers méprisé aujourd’hui par certains, réfractaires au changement, sera demain loué et que ce qui est le plus à regretter, ce sont « les gens disparus enclos dans ces images » d’hier.

Tout ceci narré dans une belle écriture, comme amusée, sereine, à l’image d’Edmée qui a su trouver le bon dosage, l’exacte mesure entre plongée dans le passé et détachement pour se remémorer une enfance heureuse qui se veut aussi, de l’aveu même de l’auteure, un exercice de transmission. Un exercice pleinement réussi. 

Éric Allard

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Le blog d’Edmée De Xhavée: Laissez-moi vous écrire (copier/coller les liens)

http://edmeedexhavee.wordpress.com/

 

Un article signé Yves Hurard sur L’avenir.net

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20131223_00408870

 

 

HERVE BOUGEL – TRAVAILS suivi de ARRACHE-LES-CARREAUX

images?q=tbn:ANd9GcTYeIh_40eQ3e8tELt15eqoVFgVmbu_6gtmnNmzQGe9_DBBSkgxIQpar Philippe LEUCKX

 

Douzième ouvrage du poète-éditeur du pré # carré , « Travails » propose seize longs poèmes aux vers très brefs et dont la verticalité tente d’épuiser la lente, longue, épuisante pesanteur des mondes du travail.

Bougel, qui a donné le très beau « Petites fadaises à la fenêtre » (La Chambre d’échos, 2004), aime assurément tirer parti de ses expériences en phénoménologue du quotidien, dit non poétique, pour en tresser de longues laisses forcément poétiques, par le choix et des matériaux et des matières thématiques.

1464_472_1816241-2475746.jpgIl y a donc, sous la plume d’Hervé Bougel, toute une volonté de cataloguer les divers métiers, qu’il ne veut guère appeler TRAVAUX, puisque sans doute ce terme s’emprisonne de sens trop limités, comme l’expression des panneaux « ATTENTION TRAVAUX ». Son « TRAVAILS », néologisme singulier d’un pluriel consenti obsède et donne droit à de très longues explorations, datées, des petits emplois occupés des années soixante-dix aux années quatre-vingt-dix.

TRAVAILS de garçon de café, de postier, d’éducateur-accompagnateur, de bûcheron, d’aide-cuisinier etc.  sans oublier ceux de l’usine avec ses bruits récurrents.

Le tableau souligne autant la précarité, le désir d’amitié, la mélancolique réminiscence d’années perdues que la description quasi entomologique d’une chaîne de travail avec ses « clang, bing, dang, beng »,  onomatopées de la bruyante machinerie et ses « boîtes /De fer étamé ».

L’occasion nous est donnée de plonger en arrière, avec ses codes, ses refrains, ses allusions (Place de ma mob), comme pour partager une vision unanimiste d’un réel qui soit à la fois source de soi, autobiographie poétique, et injonction douce à revenir à ces temps-là, décidément bien éloignés, décidément si proches de notre perception.

La poésie de Bougel (cinéaste aussi à ses heures pour capturer le réel des gens du réel) nous oblige à regarder de plus près, à nous souvenir des modes, des guerres, des pertes :

« Visage

Agité de mille tics

Lubies fantasmes

Zozotant

De toutes ses dents »

tel portrait d’insupportable « petit chef », ou

émotion pure de l’ami disparu (et qu’un Nucera eût beaucoup aimé pour la sobriété et l’incisive netteté du regard porté) :

« Lui tel mon frère

Bien plus fort

que moi le maigre

L’osseux

Et appuie et manie

Si fort son outil

Que sa quille

Eclate

Et aille à la mer

Et le voici

Qui vole

Désailé

Et sans rebond

S’écrase le dos

La colonne vertébrale

Et toute la structure

Sur une poutre au sol

Placée

Tandis que je demeure

Ignorant »

La singularité saute à chaque vers et rameute l’essentiel.

Un beau livre.

 

Hervé BOUGEL, Travails suivi de Arrache-les-Carreaux, Editions Les Carnets du Dessert de Lune, 80 p., 2013, 11€.

 

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APPARITIONS MARGUERITALES

1003960-Marguerite_Duras.jpgDepuis le centenaire de sa naissance, Marguerite m’apparaît à la cuisine, près du cellier ou dans le couloir. Elle m’appelle Yann Andrea Steiner.

Elle dit qu’elle a arrêté de boire, de filmer des conneries et de croire en François Mitterand et même au communisme. Mais elle n’a pas arrêté de parler. Je m’assieds à côté d’elle et je recopie ses propos tel un bon moine copiste. Elle me parle du Vice-Consul et de Lol V. Stein, d’Anne-Marie Stretter et de sa mère, d’Outa et de l’Amant de ses quinze ans. Elle me demande des nouvelles de Pivot, Godard, Hervé Vilard ou Jeanne Moreau. Je lui montre des vidéos récentes sur Youtube

Elle me demande comment on tweete car elle se verrait bien tweeter à tout-va sur la politique hollandaise, sur les ennuis de Platini à la tête de la Fifa et sur les amours de Depardieu avec Poutine. Elle ne va pas mal comme elle ne va pas bien. Elle me ressort des pages entières de son oeuvre qu’elle me demande de replacer dans les bons livres.

Un jour, j’ai essayé de la prendre en photo mais ça n’a pas pris : à la place qu’elle occupait se sont imprimés une chaise seule dans une maison poussiéreuse de Neauphle-le-Château, une rangée de bouteilles de vin, un corridor vide. J’ai consulté un expert en apparitions margueritales qui m’a dit que c’était normal : on ne connaît aucune photographie post-mortem de M.D.

Par contre, elle se laisse effeuiller. Elle est comme ça, La Marguerite, on peut l’aimer à la folie comme pas du tout. Cela dépend du pétale sur lequel on tombe, du propos qu’elle tient, de la phrase d’elle qu’on lit en rêve…

HISTOIRES D’ÉCRIVAINS

En exergue de son aphorisme, cet écrivain cita tout un roman.

 

J’ai connu un boulanger qui publiait sur les sacs à pain ses poèmes enfarinés.

 

Cet écrivain d’un seul livre-tube fait chaque année la tournée Pages tendres et texte de bois des librairies.

 

Bombardier jadis  explosa Matzneff, la preuve qu’un avion de plaisance peut détruire un gros porteur.

 

Même mon maître nageur ne lit pas mes livres. Par contre, il apprécie beaucoup les mots doux que je glisse sous la porte de sa cabine de bain.

 

Depuis que je suis devenu éditeur, ma mère ne me confie que des fonds de tiroir alors qu’elle réserve ses chefs d’œuvre à son coiffeur qui publie à compte de clientes.

 

Certaines poétesses aux dessous chics choquent leurs vers.

 

En méditant, je ne publie rien.

 

Ce romancier connut une belle passe après des débuts difficiles. Il obtint successivement les Prix des Meilleurs 24ème, 25ème et 26ème roman. Après quoi il retomba jusqu’à sa mort dans un relatif anonymat.

 

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Cet écrivain en résidence à la Mer trouva tous les sujets de sa saison d’ateliers d’écriture à la plage.

 

Il y a des caresses littéraires fatales, celles qu’on fait à une fée ligne.

 

Cet écrivain regardait sans aigreur ses collègues passer à la télé; il savait qu’un jour il passerait à la postérité.

 

L’âme de cet écrivain déteignait tellement sur ses écrits qu’en fait tout le monde croyait que c’était de la peinture.

 

Un jour, les romans d’une ligne auront la coke.

 

Cet écrivain dans le cou n’arrivait jamais jusqu’aux lèvres.

 

Cet écrivain pas bravache pour deux sous ne s’écriait Ca va signer qu’avant un contrat d’édition.

 

Cet écrivain, en se précipitant la nuit, pour noter une idée dévala l’escalier ; il perdit et l’idée et la vie.

 

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Cet écrivain écrivait avec une lampe de poche sur les murs de la ville la nuit, sans souci d’être publié, uniquement pour le plaisir de faire se mouvoir les mots de lumière, l’imbécile.

 

Cette femme ne lit pas les caresses interminables que j’écris sur sa peau comme des nouveaux classiques de la littérature : elle n’y sent que des romans à l’eau de rose.

 

Cet écrivain parsemait pour rien ses romans zoulipiens de mathématiques invisibles.

 

Cet écrivain puni par ses lecteurs et de nombreux prix poussa des blocs de ses livres jusqu’au sommet des ventes, inlassablement jusqu’à son admission à l’Académie. 

 

Il ecrivait au fouet sur le dos des soumises ses pensees les plus tendres.

 

Comme cet écrivain célibataire ne pouvait écrire qu’avec une femme nue à ses côtés, ses éditeurs lui prêtaient la leur.

 

Quand il est en manque d’écriture, cet écrivain un peu chien aboie à la plume.

 

Chaque jour, ce grand lecteur lit un roman, un conte bref et un aphorisme. Quand il est très fatigué, il lit un roman.

 

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HOSANNA! Ô ZANNEAUX et autres textes olympiques de Denis BILLAMBOZ

Jeux d’anneaux

 

Bleu

Noir

Rouge

Jaune

Vert

 

Anneaux

 

Tunique bleue

Regard noir

Ruban rouge

Médaille Jaune

Lauriers verts

 

Idéal

 

Bleus à l’âme

Idées noires

Rouge au front

Rire jaune

Billet vert

 

 

Réalité

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Hosanna ! Ô zanneaux !

 

 

Torse bombé, tunique bleue

                Déception, bleus à l’âme

Regard noir déterminé

                Déboires, désespoir, idées noires

Ruban rouge à la poitrine

                Contrôle rouge au front

Médaille jaune d’or

Déclassement rire jaune

Lauriers verts au front

                Billets verts sous la table

Rêve d’Olympe

                Trahison du Baron

Hosanna ! Ô zanneaux !

                Idéal perdu ! Honneur déchu !

 

Champion choisit tes zanneaux

 

 

 

FILLES DE MALHEUR

billamboz.jpegpar Denis BILLAMBOZ

L’écriture sert aussi à témoigner, à raconter, pour que tout le monde sache, que chacun connaisse les exactions qui ensanglantent encore la planète, qui déshonorent le genre humain et qui infligent la douleur et la souffrance aux plus faibles, aux enfants notamment. En ce début d’année je voulais, à ma façon, attirer l’attention des lecteurs sur tous ces drames qui affectent notre jeunesse de Kaboul, où Latifa est persécutée parce qu’elle veut vivre comme n’importe quelle autre gamine, à Phnom Penh où Pol Pot à essayé d’éradiquer toute une population, même les enfants, pour imposer sa vérité. Ces deux lectures ne sont peut-être pas très littéraires mais c’est d’abord et surtout un hommage à tous ces enfants martyrs, ces enfants du malheur.

 

cvt_Dabord-ils-ont-tue-mon-pere_2682.jpegD’abord, ils ont tué mon père

Loung Ung (1970 – ….)

Phnom Penh, 1975, la famille Ung, le père commandant dans les services secrets du Général Lon Nol, contre sa volonté, la mère, trois fils et quatre filles dont Loung, avant dernier enfant, la narratrice alors âgée de cinq ans, évacuent précipitamment leur demeure sous la pression des Khmers Rouges qui veulent vider la ville afin de constituer une société égalitaire et agraire en éliminant tous ceux qui veulent contrarier leur projet. La famille Ung est déportée à la campagne où elle souffre de maltraitances, d’humiliations, de violences et surtout de la faim. Elle est rapidement dispersée, une fille meurt dans un camp et le père est finalement démasqué. Loung, fillette débrouillarde et forte, capable de rosser des enfants bien plus grands qu’elle se bat comme une forcenée, armée de sa volonté de vivre et d’une haine farouche de ceux qui les maltraitent, pour survivre et aider sa sœur à supporter les sévices qu’elles doivent endurer dans les camps khmers, dans les camps vietnamiens et, pour Loung seulement, lors de son évasion vers le monde libre.

ung-loung.jpgLa narratrice a choisi, alors qu’elle avait près de vingt-cinq ans, de se réincarner en la fillette qu’elle était en 1975 pour raconter le calvaire vécu par sa famille pendant la traversée de l’horreur déversée sur le Cambodge par les sbires de Pol Pot. Ce processus littéraire donne plus de vie et d’émotion au texte en mettant le narrateur et le lecteur en prise directe avec les événements même si on ressent bien que cette histoire n’est pas le fruit de la plume d’une gamine de cinq ans mais celui d’une adulte capable de concevoir des raisonnements trop élaborés pour sortir de l’esprit de cette gamine si dégourdie soit-elle. Ainsi, cette histoire même si nous n’avons aucune raison de la mettre en doute, apparait-elle  comme un peu reconstituée, réorganisée pour que les principaux aspects de cet abominable génocide puissent y trouver une place. Ce texte serait donc la somme des souvenirs de la fillette enrichie de quelques autres témoignages et d’émotions développées a posteriori.

Ce livre n’a pas vocation littéraire, il reste trop factuel pour que le lecteur prenne réellement conscience de toute la complexité du processus qui a conduit Pol Pot et ses affidés à de telles exactions, à franchir la limite de ce qui est humainement concevable. Il a bien évidemment pour but principal de témoigner de ce que fut le drame cambodgien à travers des faits réels et irréfutables mais aussi de montrer comment la solidité des liens qui unissent les membres de la famille Ung ont aidés certains d’entre eux à survivre et à se réunir pour reconstituer une famille nombreuse et dynamique implantée sur plusieurs continents.

Et ce témoignage montre une fois de plus toute l’étendue de l’imbécilité de ces révolutionnaires qui se croient obligés d’infliger à tout un peuple qui ne leur demande rien, leur façon de concevoir la société et de les contraindre d’accepter cette conception sous peine de torture et de mort. D’après certains historiens la méthode utilisée par Pol Pot, et d’autres avant lui, aurait été inspirée par celle inaugurée en France lors du massacre des Vendéens et des Chouans.

 

34169_1596835.pjpegVisage volé

Latifa ( ? – ….)

Kaboul. Septembre 1996. Latifa qui n’est pas encore Latifa, a seize ans. Les Talibans prennent la ville abandonnée par Massoud et imposent la charia, cette loi arbitraire, aveugle, manipulée par les hommes au pouvoir pour écraser le peuple et surtout les femmes qui servent de bouc émissaire à ces pseudos religieux en mal de pouvoir qui mélangent hardiment leurs intérêts personnels avec un idéal religieux peu orthodoxe et féru de violence gratuite surtout quand elle s’exerce sur les plus faibles.

Paris. Printemps 2001. Latifa, accompagnée de sa mère, a été choisie avec une autre fille pour témoigner de la vie que mènent les femmes à Kaboul depuis cinq ans : souffrance, douleur, humiliation mais aussi débrouillardise, témérité, audace. Elles parcourent le chemin de croix qui passe par toutes les institutions qui gouvernent le pays, l’Europe, les multiples organismes qui devraient œuvrer pour la paix dans le monde, les associations qui plaident pour la cause de la paix, des femmes, les médias qui peuvent faire un peu d’audience et rassurer leur conscience. Elles racontent, elles illustrent à grand renfort de témoignages vécus, de témoignages entendus, d’histoires qui circulent en ville, etc… Mais le résultat est maigre, qui veut se mouiller pour un peuple perdu dans ses montagnes et que son voisin voudrait bien dominer ?

Alors avec le renfort de Chekeba Hachemi, créatrice d’Afghanistan Libre en France, Latifa devient réellement Latifa et écrit pour témoigner, pour laisser une trace mais surtout pour appeler au secours car la situation à Kaboul n’est plus tenable pour toutes et tous mais principalement pour elle qui a osé parler chez les incroyants comme Massoud qui l’a payé de sa vie deux ans auparavant.

Alors Latifa écrit, ce qu’elle vécu, ce qu’elle a vu, ce que sa famille a subi, ce que le peuple kabouli supporte, les horreurs qu’elle a vues de ses yeux, que ses proches ont vécues. Et, avant d’écrire le mot fin, elle doit encore ajouter quelques lignes pour évoquer ce qui vient de se passer à New York ce fameux 11 septembre 2001. Et dix ans après, Latifa, que reste-t-il de ce cri de désespoir ? Une autre guerre qui laissera certainement la place à de nouveaux règlements de comptes ? Pays de malheur qui ne sait plus le goût de la paix.

Toutes mes villes

La ville que j’habite est plus petite que moi. Et pas la seule.

De nombreuses villes m’habitent… 

Comme de nombreuses rivières, et de nombreuses montagnes.

Comme de nombreuses mers, et de nombreux rivages.

Je suis fait d’immensités indépendantes qui coexistent je ne sais par quel artifice.

Comment leurs gouvernements négocient sans que des tensions naissent entre eux ou au sein même des républiques, c’est un mystère. 

Un jour, il y aura une révolution dans un des états, un élément subversif aura provoqué une sédition, un dérèglement du système…

Toutes mes villes disparaîtront et le souvenir de mes nombreuses marches le long des trottoir de leurs rues, de jour comme de nuit, par pluie ou par beau temps. 

Un jour et à jamais toutes les cités qui m’ont vu naître me rejetteront du monde.

Je n’aurai plus où aller, où mourir.

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Paris, la nuit – Vieira da Silva