QUELQUES TEXTES de PAUL COLINET

AVT2_Colinet_1248.jpegPAUL COLINET

Paul Colinet est né le 2 mai 1898 à Arquennes et est mort à Forest le 23 décembre 1957.

Ami des Magritte, Scutenaire, Mesens ou Dotremont, il décrivait ses œuvres comme comme un « petit catalogue buissonnier de secrets plaisirs ».

Paul Willems, son neveu, auquel Colinet lui enverra au Congo dès novembre 49 quand Willems une revue manuscrite avec de nombreux dessins et intitulée Vendredi qui comportera 100 numéros rassemble ses écrits dans 4 volumes édités chez Lebeer Hossmann en 1989. Pour la petite histoire, Colinet a entretenu une liaison avec Georgette Magritte qui aura pour conséquence un refroidissement des relations entre les deux amis.

Voici comment son ami Louis Scutenaire le présente dans la préface qu’il a consacrée à ses Oeuvres  » …30 années durant Paul Colinet a poursuivi dans l’obscur une entreprise poétique dont la témérité n’a été approchée que par Lao-Tseu. Par lui, le langage éclate, renaît, à la fois bonheur, violence et révélation, écrasement du langage méthode-outil, du langage déjà exsangue mais déjà mortifère. D’une sûreté incomparable, l’oeuvre de Colinet par son humour, abolit les plus étonnantes réussites du genre. Si nous sommes joyeux de son ludisme, nous savons que son nom est virulence tendre. Né en 1898 sous le signe du taureau dans le village picard d’Arquennes, de parents vivant des carrières de pierre, Paul Colinet perdit son père très jeune, dut quitter l’école pour gagner son pain pendant qu’il étudiait la comptabilité, ce qui le conduisit à devenir le plus expert des fonctionnaires de l’administration d’un faubourg de Bruxelles. Ce n’est pas là le moindre étonnement ressenti en face de ce personnage étrange qui à la fois résolvait les difficultés bureaucratiques les plus abstruses et « écoutait aux poutres »! Il est mort en 1957. « 

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Paul Colinet et Louis Scutenaire 

 

Les textes ci-dessous sont extraits du volume comprenant les Choses vraies et des Textes divers.

 

LA MAGIE NOIRE

Les couleurs montantes du désir triompheront-elles de ce petit cercle fascinant qui commande encore aux noires étreintes de la lumière ?

 

LA PERSPECTIVE AMOUREUSE

Ici, tout est conformé à l’impatience du regard : une brèche à la mesure du cœur rapide, une feuille à la mesure du présent.

 

LE POÈTE

Il se mettait fermement en-tête de dire l’impossible. C’est ainsi qu’il lui arrivait parfois de dire quelque chose.

 

LA PARABOLE

La maison blanche est toute noire. La maison noire est toute blanche. Elles habitent la même fable. Elles ont le génie de se ressembler.

Leur nom est patience. Elles méditent leur paysage. Elles s’ouvrent en se fermant.
Elles sont parées d’elles-mêmes. Elles vivent l’une dans l’autre. Elles retiennent de fortes étoiles. Elles ne se déplacent jamais.

 

AVIS
Le violoncelliste-amateur Adhémar Duranty fera éclater son instrument en public dimanche prochain, 1er courant, au Salon des Vrais Amis, Place Emile Vandervelde.

Gonflage de l’appareil à 8 heures.
L’éclatement est prévu pour 8h30.
Les débris de l’instrument seront distribués gratuitement à l’assistance.

Tous les amateurs de belle musique sont invités à assister à la séance.
Place pour tous ! Qu’on se le dise.

 

ANTONINE, LA PLUS-QUE-LENTE

Taisons surtout, taisons encore un peu, pour toute la vie, le nom d’Antonine, celle qui n’est reconnue qu’à demi, la trop incomplète petite Antonine, si immensément agrandie par les fastes de sa lenteur.

 

LA POINTURE EXACTE

Pour trouver chaussure à son pied, un gandin avisé achète le Manuel du Parfait Serrurier.

Muni d’un trousseau de clés, il inspecte toutes les espèces de serrures, sauf celles qui n’en valent pas le pène.

Pour les fausses serrures, il utilise l’index de la main.

Pour les serrures sèches, il se sert d’un arrosoir de poche.

Voici l’itinéraire : la serrure élue donne le chausse-pied, le chausse-pied, l’onguent, l’onguent, le baril, le baril, l’enfant.

 

DERNIERE MINUTE

Le président honoraire de la Société Chorale des Faux Jetons de Flémalle-Haute vient d’envoyer à l’Académie Culinaire de Namur un mémoire fournissant une explication du phénomène observé sur la plaine des manœuvres de Stettin, à savoir le non-dépassement de quoi que ce soit au-delà du niveau de la table rase. Ce phénomène viendrait, selon le correspondant, du fait que la tour édifiée au milieu de la plaine de manœuvre est souterraine.

 

LE DÉSIR D’Y ALLER

Il désirait y aller. Il le désirait copieusement. Il le désirait d’une manière continue et parfois même légèrement intermittente. Il désirait vraiment y aller. C’était un désir comme un autre, ni plus ni moins, mais c’était un réel désir. Il désirait y aller et il ne désirait ne pas y aller. Il resta cloué net sur place par son violent désir. Quel désir ? demandera-t-on. Réponse : l’important et l’irremplaçable, sans plus, désir d’y aller.

 

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Paul Colinet par Magritte

 

LA POUPÉE

Il y a des petits oiseaux de chatouilles dans le jeu de billes de son ventre.
Il y a des bouquets de petits chats dans ses jolis yeux.

Elle tient dans ses mains des murmures, des rubans, des anneaux, des myosotis.

 

NOUVELLES

Qu’il y avait une panthère de pluie dans les blés.
Qu’il y avait dans le boîtier la boucle noire d’une Elvire.

Qu’avec des cailloux l’avare rembourrait son canapé.

Qu’une main mendiante mouillait son petit navire.

PORC HERMAPHRODITE

Animal utilisé dans les miroiteries pour le nettoyage à la Rubens des glaces de siège embuées.
L’œuf du porc hermaphrodite contient un petit miroir rond très recherché pour l’étude des phases de la lune.

LE SOLEIL LA NUIT

Sous une maison de soleil

où l’on entre par la fenêtre

une servante aux yeux vermeils

en chantant adore son maître

 

Ses yeux éclairent son miroir

cajolé d’ailes qui sont fées

et qui font tourner sans les voir

des moulins de blonde fumée.

 

Et le maître est l’or du sommeil

et la servante c’est la Reine

mariés du miroir et pareils

aux images de haute laine.

 

ÉTROIT
Ici, le moisi, la chouette,

l’angle, l’opaque, les dents,

l’album à coquillages,

le biseau, la rouille, le sel…

 

Ici, le mur, le destin,

le poing, la cadence lente,

le tapis rongé par les mites,

la pourpre, l’iode, les os…

 

Ici, l’hiver fendu qui saigne,

le cellier amer, le broc froid,

l’acide, le dur, le sec, le peigne,

l’estragon et l’envie.

 

BAISERS DANS LE COU

Kiokk pou kioo pou

Amm fiouré dyoli dyoutchel

Kiokk pou kokkiokk / piopou

Ammiou souffiour édyioli djèl / aïlou…

 

Kiokk pou

Kiokk poukakinn ammabaïon

Kiokk a dje stoûr a dje stoûr

A djè stoûr a djok vioukou-oû

 

Tchoukiokk a kiokkk

Tchoukiokk a kiokk

Ioum fiarfinnail a ioum a ioû

Tchoup kiokokk

Tchioup klokla kiokk

Kiokk poû !

Fiarfinn Fiarfinn Fiarfinnailloû…

 

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Scutenaire et Colinet en 1950

 

LA CHANSON DU PETIT CROCODILE À VAPEUR

Sucre-toi

wa-wa-wa

sucre-toi la p’tite gaufrette

 

Sucre-toi

wa-wa-wa

sucre-toi sur tous les toits

 

L’HOMME

L’homme à table était assis.

L’homme à table était à pied.
L’homme à pied était en voiture.
L’homme en voiture était dans son lit.
L’homme dans son lit était au loin.
L’homme au loin était debout.
L’homme debout était à genoux.
L’homme à genoux était présent.
L’homme présent était disparu.
L’homme disparu était vivant.

 

Moulin à café musical

La partition se compose de 50 à 60 grains de café (pour la bonne cause) (une grande mesure).
L’exécutante ne met pas le moulin entre les jambes, vu l’emplacement de la manivelle. Elle le pose en amazone sur ses genoux. Dès qu’elle tourne, la partition descend, moulue, à l’intérieur de l’instrument.
Sur l’air joué par le moulin, l’exécutante,-si elle a plus de 80 ans, c’est-à-dire si elle est venue nous tenir compagnie avant la guerre franco-allemande de 1870, – chante ce refrain à la fois triste et encourageant :

« Tourner ma viole

Ma viole c’est mon gagne-pain

Si je n’avais pas ma viole

Je d’vrais mourir de faim « 

 

*

 

Ces miroirs savants qui feignent d’oublier les blessures astucieuses de leurs angles. Leur mémoire émane en ronds enchantés.

Il faudra encore beaucoup de lignes amoureuses, de couleurs secrètes, d’objets endormis dans leurs ombres avant que la peinture ne devienne invisible comme la parole.
Ici, les portes sont ténues et tremblantes qui s’ouvrent sur les régions sans âge du fond des yeux.

Et voici qu’animant ces courbes et ces songes, éclairant ces nuits faites de regards, de l’autre côté des tableaux, c’est note voix, la plus lointaine, qui nous appelle.

 

 

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MAUX D’AUTEURS D’AUTOMNE

faire-s%C3%A9cher-des-feuilles-dans-un-livre-01.jpgBonnes feuilles de septembre, lettres mortes de décembre.

 

 

Cet auteur qui écrit sans sous-texte crashe tous ses livres.

 

 

Je connais un grand écrivain humaniste qui n’a jamais mis les bras dans une embrassade.

 

 

Les auteurs sans profondeur se tournent volontiers vers le fiel.

 

 

J’aime retourner la plume des poétesses pour écrire sur leur peau des poèmes de caresse éphémère. 

 

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Toutes les poétesses en dessous rose n’écrivent pas pour la Bibliothèque verte. (non à l’amalgame)

 

 

De commun accord, cet écrivain et son éditeur se donnèrent la mort en même temps, d’une manière que le bon sens nous interdit de relater ici, quand ils apprirent que les subsides à l’écriture et à la publication leur étaient supprimés, les bourses à l’écriture suspendues et les résidences d’auteur à l’étranger ramenées à dix kilomètres de leur domicile dans un camping pourrave du Fonds des Lettres.

 

 

Mon éditeur aime me caresser la main quand j’écris. Cela ne me dérange pas car j’écris mes livres avec les pieds.

 

 

L’amour d’un éditeur pour un de ses auteurs a-t-il des limites de tirage ?

 

 

Le pataphysicien est au physicien ce qu’est le rêveur à l’astronome.

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Tous les critiques d’opéra n’écrivent pas des livrets d’opérette. (non  l’amalgame

 

 

Je ne parviens pas à terminer mes phrases… Je ne deviendrai jamais un auteur d’aphorismes accompli.

 

 

Sur la place de la sémiologie, on roule dans tous les sens.

 

 

Il faut repasser les textes au fer du dire pour lisser la ponctuation.

 

 

Tous les romanciers de gare ne méprisent pas les poètes du ballast. (non à l’amalgame)

 

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Lors des J.O. littéraires de la page de Cabourg, ce grand lecteur de Proust a battu son record du 110 lignes points-virgules en moins de 10 secondes.

 

 

Cet auteur en miettes raconte dans une accumulation d’opuscules en tout genre son incroyable dispersion littéraire.

 

 

Chantre de l’autocritique, cet auteur a écrit sur ses livres ses plus beaux livres.

 

 

Au jeu des métaphores, la poésie est une flambeuse.

 

 

Cet auteur au sommet de la littérature jeunesse se voit déjà décerner le Nobel des lycéens.

 

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Les muses ont bien changé ; elles ne courent plus les mues.

 

 

Le crash-texte mesure la résistance des écrits aux accidents littéraires.

 

 

– Un lieu d’écriture privilégié, un endroit qui vous inspire ?

– La salle de bain de mon éditrice.

 

 

Pour couper court aux rumeurs de prose proustienne qui courait à propos de ses premiers textes, Céline n’hésita pas à frapper du point sur la phrase…

 

 

Il faut toujours tenir ses proverbes.

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Les écrivains qui ont toujours un livre sur le feu ont-ils une muse si ardente ?

 

 

À près de soixante ans balais, cet écrivain ne peut pas s’endormir avant que sa vieille maman ne lui ait lu quelques pages d’un de ses propres livres.

 

 

De la muse ivre avant toute couperose.

 

 

Ecrire, c’est donner aux autres des raisons de croire en l’écriture.

 

 

Quand il eut achevé d’écrire, il se planta la plume dans le crâne. 

 

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E.A.

À suivre…

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2016: LES POÈTES AUSSI

arton117866-225x300.jpgpar Denis BILLAMBOZ

La rentrée littéraire est close depuis quelques semaines maintenant, désormais il faut lire tous les livres empilés à côté du bureau sans oublier bien sûr les poètes qui ont été, eux aussi, très présents à l’occasion de cette rentrée. En ce qui me concerne, j’ai eu notamment l’occasion de lire les deux recueils ci-dessous à la suite l’un de l’autre et je conseille vivement à tous ceux qui veulent les lire, et même aux autres, de les aborder dans cet ordre. D’abord l’excellent recueil de Fabien Sanchez qui laisse sourdre une souffrance poignante mais sublime et ensuite le non moins intéressant recueil de Christophe Bregaint qu’on dirait désespéré, dévasté, par la souffrance d’un ami qui n’est certainement pas le précédent auteur mais sait-on jamais ? La magie des lettres relie parfois les êtres les plus éloignés.

s189964094775898902_p819_i1_w1653.jpegFabien SANCHEZ

DANS LE SPLEEN ET LA MÉMOIRE

Les Carnets du dessert de lune

Fabien, c’est terrifiant ! Je n’ai pas envie que tu peuples ta solitude en ayant l’enfant que tu jamais eu,

« de l’enfant que tu n’as jamais eu

de la petite fille à laquelle

tu ne raconteras jamais d‘histoires

de la solitude dans les jardins publics

parmi les enfants des autres ».

Je n’ai pas envie que tu oublies ton passé dans un avenir radieux, que tu noies ta nostalgie dans un présent petit bourgeois,

« Cette manie de regarder en arrière

dans le rétroviseur de l’âme

carburer à la nostalgie

le plein de super pour la marche arrière »

Je voudrais que tu restes le chômeur désœuvré, sans avenir, qui n’arrive même plus à laisser filer son temps, je voudrais que tu restes le gamin bohème qui a parcouru trop tôt les chemins de la vie et épuisé trop vite les illusions qu’elle suggère,

« j’avais dix-sept ans

et mon cœur connaissait trop de chansons

les lits des filles m’étaient inaccessibles

je dormais sur le bitume ».

Je voudrais que longtemps encore tu écrives des vers qui racontent l’histoire d’un père parti trop tôt et d’un fils jamais devenu père, des histoires écrites avec le jus de tes tripes, la bile amère de ton âme et l’encre de ton désespoir.

« ah maudit gosse, et sale bonhomme

moi chômeur longue durée,

lui poète à ce qu’il parait

tous deux traînent misères, traîne fumée ».

Mais, même si tu es, comme tu le dis : « Je suis devenu celui qu’enfant je n’aurais pas vu », j’espère de tout mon cœur que « la possibilité du retour » que tu évoques dans ton « Intro », te permettra un jour d’écrire à l’imparfait avec le même talent, la même tristesse, le même désespoir des vers de la même intensité, portant une émotion aussi troublante, provoquant une compassion aussi vive. Et que tu trouves un chemin possible pour sortir ta vie du cul de sac dans lequel elle semble enfermée, sans jamais y laisser ton talent. J’espère aussi que l’œil d’Olivia HB sera encore sollicité pour apporter un supplément de vie à tes poèmes car ses photos participent à l’ambiance et à l’empathie que ce recueil dégage.

Le livre sur le nouveau site des Carnets du Dessert de Lune

s189964094775898902_p817_i1_w1653.jpegChristophe BREGAINT

ENCORE UNE NUIT SANS RÊVE

Les Carnets du dessert de lune

« Une nuit sans rêve » c’est très décevant mais « encore une nuit sans rêve » c’est carrément désespérant et ce titre correspond très bien à l’atmosphère du recueil de poésie présenté par Christophe Bregaint. Christophe, c’est le préfacier du recueil de poésie de Fabien Sanchez que je viens de lire, un recueil qui dégage une souffrance et une douleur infinies. A coups de vers très courts, juste deux ou trois mots, Bregaint rythme ses poèmes qui expriment la fragilité, le désespoir et le désarroi d’une tierce personne qu’il semble accompagné sur le chemin de sa douleur, comme s’il scandait, sur la pédale de la grosse caisse de son groupe, un vieux rock and roll immortalisé par un de ces chanteurs mythiques qu’il doit, à mon avis, encore admirer. Le désespoir et le désarroi des Jimmy Morrison, Kurt Cobain, Freddie Mercury et autres rockeurs maudits planent sur ce recueil comme les corbeaux volent au-dessus des champs de bataille.

Dès les premiers mots le recueil exprime la fragilité : « Un homme / A été // Jeté / Dehors// Hors/ De / Sa quiétude… ». Cet homme est un ami, ou peut-être l’auteur lui-même mais je ne le crois pas, il s’adresse à cet autre par le tu. « Tu as glissé / Le long de la paroi… ». « La ligne / De ta petite mort / S’est détraquée… ». « C’est arrivé / Tu t’es perdu… ». Ainsi les vers racontent le destin de celui qui s’est brisé, perdant progressivement tout espoir de redevenir ce qu’il a été. « Ton histoire / N’a pas toujours été / Ainsi // Sans issue… », « Tout est devenu / Tellement vulnérable… »ob_ec68f4_srt.jpg

L’auteur se souvient, s’apitoie, se lamente, sait que plus rien ne sera comme avant, il pleure comme un vieux blues dans le lamento de Billie Holyday. Il n’a plus le courage de laisser croire à ce « tu » qu’il y a un espoir, seul reste le désarroi. « Ton désarroi / Est plus grand que / ton refuge… Tu ne fais plus la différence / entre / Le besoin et / Le manque // Entre la peine et le désespoir ». A la fin de ce recueil que j’ai lu comme une histoire tragique, comme un chant désespéré, que j’ai écouté comme un rock éthéré, déboussolé, déjanté, il ne reste plus qu’un texte minimum, mais un texte minimum qui prend aux tripes, qui bouleverse tant les mots sonnent juste, tant le désarroi est palpable.

Le livre sur le site des Carnets du Dessert de Lune

POMME croque LA CHANSON FRANÇAISE à belles dents !

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Dans ses premières chansons tirées de son EP qui comprend En Cavale, J’suis pas dupe, Sans toi, Jane et John avec sa série de clips bucoliques (et pour les textes, Alma Forrer, Vianney, Victor Roux, Siméo…), Pomme, 20 ans, réinvente l’amour, avec fraîcheur et lucidité, avec une prescience de tout temps… L’amour et ses versants anguleux, l’amour et ses contreforts périlleux, l’amour quand on y accède, l’amour quand on en revient… L’amour quand on vient de le toucher et l’amour quand il s’éloigne… Ce sentiment singulier sur lequel le corps mental repose et l’existence tient.

Avec sa voix aux accents Joan Baezien, elle porte haut les mots, là où la douleur pointe, aiguise les sensations essentielles, là où le coeur saigne, là où les préjugés se brisent sur des ouvertures sentimentales inouïes en un point de vue inédit qui soudain embrasse la beauté et refoule dans les lointains toute la noirceur du monde.

Écouter Pomme, c’est mordre à pleines dents dans la vie telle qu’elle est. E.A.





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Pour mieux connaître la chanteuse

L’EP En cavale Sur iTunes

MICHEL SARDOU VOTERA GEORGES MARCHAIS AUX PROCHAINES PRÉSIDENTIELLES

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On s’en étonnera à peine dans le contexte actuel où n’importe qui soutient n’importe quoi du moment que le n’importe quoi exprime une opinion bien sentie et tout à fait à côté de la plaque à propos de l’influence de l’immigré sur le bien-être social de l’indigène lambda, l’enracinement national de l’amour du prochain, le travail et le Wifi pour tous, et le rejet de toute forme de libéralisme: Michel Sardou votera Georges Marchais aux élections présidentielles prochaines. 

C’est un Michel Sardou tout sourire, limite hilare qui nous a reçus, comme dopé par une injection massive de communisme, et à l’opposé de l’image un peu austère qu’il a longtemps donnée.

On ne m’a jamais compris. Faut croire que beaucoup de gens de Gauche n’ont pas accès au second degré. Le temps des colonies, par exemple, si ce n’était pas pour me moquer des colonisateurs… Ne parlons pas des autres degrés, ha ! ha ! ha ! J’ai toujours beaucoup de mal à rire mais là, j’y vais de bon cœur…

Vous savez que je ne bois plus. Comme Renaud. Moi, j’ai arrêté l’eau. Je ne bois plus que mon pastis pur. Je ne voulais pas faire des textes aussi plats que lui. On y jetterait un mot savant qu’il rebondirait à l’infini sur la surface de ses dernières paroles, ha ! ha ! ha !

Je reviens d’une tournée des bistrots avec Didier Wampas qui est vraiment super ha ! ha ! ha ! Vous savez qu’il est fan de mes chansons, et qu’il m’en a même consacré une. Lavilliers a eu les Fatals picards. Moi j’ai eu Wampas. Renaud n’a plus personne pour le chanter, lui, sinon Sirkis et Bénabar, ha! ha! ha! Et maintenant Fillon.

Mais cela nous éloigne un brin du sujet pour lequel vous êtes venu m’interviewer. (Il se racle la gorge, prend un air grave et ancien, comme s’il allait entonner Le France devant les ouvriers des chantiers navals du Havre et déclare : ) Je voterai Georges Marchais aux Présidentielles de 2017. Je ne vois pas qui à l’extrême-gauche pourrait lui ravir la place de candidat. Mélenchon? Mais le soutien de la mère Bardot va le griller complètement…

Oui, j’ai mis un peu de temps à me rallier au personnage Marchais. Mais je trouve qu’il était gonflé de défendre le bilan indéfendable de l’URSS pour pouvoir continuer à prendre ses vacances au bord de la Mer Noire dans les espaces réservés à la Nomenklatura, en jetant des cartes de parti au petit peuple roumain. J’aime encore bien, comme vous savez, cette forme de cynisme-là, de foutage de gueule du prolétaire…

Ni Fillon, ni Hollande, ni la grognasse de Le Pen ne me feront changer d’avis. Ce sera Marchais sinon moi, ha ha ha !

 

KATHARSIS de MELISSA COLLIGNON

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Le meurtre de Marie Scalo a été filmé, posté et vu abondamment sur le site de son frère jumeau, Mathias, http://www.katharsis.be, qui stigmatise les auteurs d’incivilités. Ce qui apparaît comme un crime crapuleux donne lieu à une enquête menée par deux inspecteurs, Jolaway et Dordolo, auxquels on s’attache vite.  Beaucoup pensent alors que c’est Mathias le coupable, notamment Nina, la meilleure amie de Marie, qui ne supportait pas son frère et avait observé son côté manipulateur. Comme dans toute enquête, les soupçons vont porter sur divers protagonistes proches des jumeaux et l’auteure, Melissa Collignon, va nous balader habilement au gré de son montage rapide qui alterne les scènes et les époques, les personnages et leurs travers.

Mais le point aveugle du roman, pour reprendre la terminologie de Javier Cercas dans son essai sur la littérature récemment paru chez Actes Sud, c’est la relation ambiguë, sombre et insondable, réflexive au premier sens du terme, qui lit les deux jumeaux.

Au centre du roman, écrit Cercas, se trouve une question sans réponse, une énigme non résolue, un point aveugle (…) à travers lequel le roman voit (…), le roman parle (…), une fissure à la fois minuscule de sens et source principale du sens.

Le second roman de Melissa Collignon (après L’Avalant), très bien conduit, minutieusement écrit et haletant, ménage son lot de surprises mais n’épuise jamais cette relation obscure qui fonde le récit et que la disparition de la sœur vient en quelque sorte interrompre, presque par accident, comme pour épargner au lecteur de plus terribles révélations…

Et faire réfléchir in fine sur la notion de morale et de responsabilité.   

Ce n’est pas la moindre réussite de ce roman que de n’avoir pas épuisé le type de lien qui unit ces jumeaux-là, de l’avoir remarquablement fait émerger sous forme de récit à la conscience du lecteur, un moment certainement épouvanté par ce qu’il entrevoit, pour aussitôt replonger le point aveugle dans les ténèbres dont, sans le subterfuge littéraire que constitue le roman à suspense, ce mal insensé, cet impensé de la vie (on pense à la littérature du mal de Bataille et à l’interdit de l’inceste), n’eût pu être mis en lumière.

Un livre qui, sous les dehors du jeu de cache-cache inhérent au genre du  polar et du thriller, fait le lecteur s’affronter à ses démons en lui donnant à voir tout le spectre des choses humaines, tout en lui offrant les moyens de surmonter ses peurs et fascinations, et presque d’en rire.   

Éric Allard

Le livre sur le site des Éditions Dricot

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Sur quelques mesures du Pacte d’Insuffisance…

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En vertu du nouveau décret des titres et fonctions, et dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’Insuffisance,

le prof de violoncelle pourra donner cours de chiffres & ablettes;

le prof de violence pourra faire pénitence jusqu’à la retraite;

le prof de clics et de claques sonores pourra donner cours de téléphone fixe;

le prof de tics et de tocs pourra donner cours de grimaces libres;

le prof d’abdomen de baleine & de nombril de babouin pourra donner cours de cous de girafe & de clous de girofle;

le prof de feu de broussaille pourra donner cours d’incendie de forêt et disposer en permanence d’une boîte d’allumettes;

le prof d’inventaire sur la toile pourra donner libre cours à son goût pour l’infini;

le prof de langue des lignes pourra donner cours de formes de bouche;

le prof de peinture sur piano pourra jouer lors de la fancy-fair du pianocktail cher à Vian;

le prof de révolution française pourra donner cours de monarchie parlementaire;

le prof d’étude du costume des dieux pourra donner cours déguisé en laïc sectaire;

le prof d’incertain pourra donner tous les cours (comme dans l’ancien décret);

le prof de regard tendu pourra donner cours de courte vue,

le prof de littérature abusive pourra donner cours de harcèlement textuel;

le prof de vieux corsets pourra donner cours de lingerie fine;

le prof de muraille de Chine pourra donner cours de maçonnerie;

le prof de lâcher-prise pourra donner cours de saut à l’élastique;

le prof de grosse ripaille pourra donner cours de festin assisté par ordinateur;

le prof de ressemelage industriel pourra circuler en sandales dans l’école;

le prof de discussion de couloir pourra animer le conseil de classe;

le prof de magie noire pourra jeter des sorts à la demande de la direction;

le directeur d’établissement pourra faire le Gille en dehors des périodes de carnaval et jeter des confettis sur les membres du personnel qui ne porteront pas de masque autre que leur maquillage;

le prof d’interdiction d’écrire à la craie pourra utiliser la souris verte du tableau écologique;

le prof d’étude de cas rares pourra donner cours de n’importe quoi (comme dans l’ancien décret);

le prof de fabrication de cercueils pourra se faire incinérer dans le préau;

le prof d’une-deux-une-deux… pourra donner cours de gymnastique binaire;

le prof de petit doigt fourchu pourra enseigner le cours d’évolution de la poignée de main à travers les âges;

le prof de tir au pistolet sur les hot-dogs pourra donner cours de chien de fusil;

le prof de consommation de poudre blanche pourra en livrer au préfet de discipline uniquement en cas d’extrême fatigue;

le prof de conduite d’images pourra donner cours de transport de miroirs;

le prof de thermométrie pourra vérifier la température de la prof de chimie organique quand elle bout;

le prof d’analyse de cérumen d’ouate d’oreille pourra donner laboratoire du bruit;

le prof de clowneries pourra prêter son nez rouge pour cacher le sien au prof de conduite au volant en état d’ivresse;

le prof d’île déserte pourra donner cours dans le jacuzzi de la secrétaire de direction;

le prof de mirage pourra se déclarer absent même quand il est là (comme dans l’ancien décret);

le prof de coordination mélancolique pourra partir en dépression quand il le veut;

le prof d’électricité industrielle pourra donner cours de soufflage de bougie;

le prof de marche arrière pourra foncer dans le mur du temps;

le prof de sculpture en beurre bio pourra – exceptionnellement – donner cours de margarine appliquée au tartinage de pain bis; 

le prof d’utilisation du buvard en période de rupture de stock des stylos-bille ne pourra – en aucune façon – donner cours avec un porte-mine.  

Etc. Etc. 

 

En cas de pénurie d’enseignants, il tombe sous le sens que tous les professeurs cités (et comme dans l’ancien décret) pourront indifféremment prendre la place d’un autre.

LES AVENTURES DE BILLY de MARCELLE PÂQUES et CATHERINE HANNECART

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Un ours pas comme les autres

Billy est l’ours en peluche de Clara. Un jour, sa mère, comme toutes les mères momentanément exaspérées par leur enfant, pique une colère et jette la peluche par la fenêtre. C’est l’hiver et Clara craint tellement que Billy ne prenne froid qu’elle sort pour le récupérer. Mais la porte de la maison familiale se referme derrière elle, ce qui la condamne à mourir de froid dans la neige si n’intervenait pas une bonne fée pour donner à cette histoire un tour heureux et tendre.Marcelle.jpg

C’est la première des quatre histoires que nous narre Marcelle Pâques avec un art consommé de conteuse et de grand-mère (le livre est dédié à ses cinq petits enfants).
Dans la seconde, Billy, de nouveau investi des pouvoirs que lui a conférés la fée, va aider un jeune prince à être heureux pour régner plus tard avec bonheur sur son peuple. Dans la troisième, l’ours magique a pour mission de permettre à une école d’invalides de gagner une épreuve de créativité. Dans la dernière aventure, Billy retrouve Clara devenue une dame âgée et lui donne une idée pour occuper son temps après une opération qui l’empêche d’exercer son métier de médecin.

Billy, on l’aura compris, est un ours réparateur de chagrins et dispensateur de joie. Ce livre à lire à des enfants ou à leur faire lire donne à imaginer d’autres histoires de Billy et ce n’est pas le moindre mérite des deux auteures de ses jours, Marcelle Pâques pour le texte enchanteur, et Catherine Hannecart pour les nombreux dessins offrant par ailleurs une palette diversifiée de ses talents d’illustratrice. 

Le texte et les illustrations ont été remarquablement mis en espace par Marie Campion sur une cinquantaine de pages de format A5 en paysage propice à la lecture et la rêverie.

Un cadeau de Saint Nicolas ou de Noël tout trouvé en cette période de fêtes enfantines à venir.

Éric Allard

Le livre sur le site des Editions Chloé des Lys

Le blog de poésie de Marcelle Pâques