LECTURES DU PRINTEMPS 2017: UN PETIT BIJOU

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par Denis BILLAMBOZ

Cette chronique ne concerne qu’un seul opus car je n’ai pas trouvé un autre ouvrage que j’aurais pu associer avec ce remarquable livre illustré proposé par Jean-Louis Massot aux Carnets du dessert de lune. Encore une production remarquable de cette maison d‘édition petite seulement par la taille! Le texte de Saïd Mohamed est tout aussi remarquable que les dessins de Bob de Groof qui l’accompagnent. Un petit bijou !

 

61SqO5xDF7L.jpgLE VIN DES CRAPAUDS

SAÏD MOHAMED

Les Carnets du dessert de lune

A l’orée du printemps, Les Carnets du dessert de lune gâtent ses lecteurs après le très beau poème, l’ « Exode », de Daniel de Bruycker magnifiquement illustré par des photos de Maximilien Dauber, il leur propose ce recueil, grand format cette fois, de Saïd Mohamed tout aussi magnifiquement illustré par des linogravures de Bob De Groof. Des illustrations en blanc sur noir qui montrent des personnages fantasmagoriques effrayants, tout en rondeur, avec des grands yeux ronds hébétés, inhumains, des personnages agressifs et des personnages qui subissent l’agressivité des précédents. Un monde fantastique et violent qui symbolise notre société où les puissants terrorisent les faibles.

Ces dessins de monstres effrayants illustrent à merveille la douleur et le désespoir que Saïd Mohamed éprouve après toutes les guerres et tous les attentats qui ensanglantent notre monde.

« Je n’ai pas souvenir d’un instant de paix,

Chaque jour déverse son lot guerrier

Et nous maintient la tête sous l’eau.

Nous devons cesser de croire possibles la beauté et

L’amour. »

Et, il accuse ceux qui tirent les ficelles et profitent de toutes les horreurs perpétrées pour asseoir leur pouvoir et leur fortune.

« Nous buvons le fiel du vin des maîtres,

La corde sur le cou, attendons à leurs pieds »

Le désespoir l’emporte aux confins de l’humanité, là où même le pardon n’est plus possible, là où pardonner n’a même plus de sens.

« Je crains ne jamais pouvoir donner le pardon

A l’œuvre de l’enfer. »

Non content de s’en prendre aux faiseurs de guerre, à ceux qui tirent les ficelles, il s’en prend à sa mère à qui il reproche, atteignant le fond de l’abîme du désespoir, de l’avoir mis au monde.

« Mère, pourquoi n’as-tu pas pris tes précautions

Quand à mon père tu t’es jointe ?

Pourquoi comme un chat ne m’as-tu pas

Au fond d’un sac jeté, et aussitôt noyé ? »

Et si la mère n’a rien fait pourquoi Dieu ne l’a-t-il pas fait ?

« Dieu, je n’ai jamais prononcé ton nom.

Je t’ai maudit, chien de ta mère pour en aveugle

M’avoir conduit dans un monde que je renie. »

Tout le venin a été craché, « Pas dit qu’on boirait de ce vin-là » comme l’écrit Cathy Garcia dans sa préface mais on a envie de savoir jusqu’où le poète plongera dans son désespoir. Jusqu’au nihilisme le plus suicidaire peut-être.

« Mange ton fils, amère humanité

Et pose-lui le couteau sur la gorge. »

Dans sa postface, Saïd Mohamed précise que « Le vin des crapauds a été écrit en grande partie pendant la première guerre d’Irak, de 1990-91 » et qu’il lui « est apparu essentiel de republier l’ensemble de ces textes » « devant les événements récents et ceux à venir... » Il ne veut pas seulement parler des horreurs des attentats mais aussi de la façon d’attribuer ce qui n’est qu’un plan pour détruire les vieilles civilisations en les assujettissant mieux aux lois du marché, à un Nouvel Ordre Mondial, l’Axe du Mal.

Le livre sur le site de l’éditeur

En savoir plus sur Saïd MOHAMED

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LES CONFIDENCES PRÉCIEUSES

 TAKE FIVE (V)

 

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La feuille

où s’inscrit

l’œil de l’arbre

recueille

les fruits du regard

  

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Sans la clé

des songes

comment faire

pour sortir

de la nuit ?

 

 

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Coupe la rose

à hauteur du silence

puis accroche-la

à la boutonnière

d’une bétonneuse !

 

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La pince du pinson

m’attache à son chant.

D’une plume gardienne

de la liberté

déchirer la prison de son cri

 

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Quand tu m’oublies

sur le bord d’un souvenir

je fais tout pour réintégrer

ton présent

par la petite porte du passé

 

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Est-ce ton fantôme que je vois

ou ton corps de rêve?

Sont-ce les lumières de la lune

ou les étoiles de tes yeux

qui m’aveuglent?

 

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En saignant

j’apprends à voir

dans le rouge

la vie

qui s’écoule

  

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Mettre des bâtons

dans les rues

de la ville

Ajouter des ramures

pour en faire des avenues

 

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Je jure que sous la torture

je n’ai pas donné

ton nom

Il m’a juste fallu

un peu de douceur

 

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Dans le bruit des graviers

je perçois le murmure

de la pierre

qui me fait à l’oreille

des confidences précieuses

 

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LECTURES DU PRINTEMPS 2017: CLIN D’OEIL AUX AMIES

arton117866-225x300.jpgpar Denis BILLAMBOZ

 

Je suis bien en retard pour présenter mes lectures de printemps mais, promis, je vais rattraper ce retard en commençant par un petit clin d’œil à deux amies qui ont eu la gentilles de m’adresser leur livre. Avec la Toile tout est magique, Marcelle de Bruxelles m’a adressé un joli petit livre de contes pour enfants et Anita de Montréal m’a envoyé un beau petit livre qu’elle a écrit en l’honneur d’un couple expatrié qui se décarcasse pour satisfaire ses clients dans la petite cafétéria qu’il a ouvert dans une galerie marchande. Merci les amies !

 

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LES AVENTURES DE BILLY

Marcelle PÂQUES

Chloé des Lys

Les livres pour enfants, je n’en ai jamais commenté, c’est la première fois que je me frotte à cet exercice, et pourtant, avec ma petite troupe, j’en ai lu une belle quantité et j’ai pu mesurer toute la créativité qui habite les auteurs de ces livres au public impitoyable. C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert « Les aventures de Billy » mais aussi avec le regret de ne pas pouvoir le partager avec mes petits-enfants, les premiers sont trop grands et les derniers sont encore trop petits. Je vais mettre ce petit recueil de côté et le sortir dans quelques mois quand le cinquième entrera à la maternelle.

Billy c’est un petit ours en peluche qui a déjà bien vécu, il n’est plus très frais, il est bien râpé, il a accompagné beaucoup d’enfants dans leurs angoisses, leurs peurs, leurs petites douleurs, leurs frustrations… il a épongé bien des larmes, apaisé bien des colères et même sorti ses petits amis de bien des mauvais pas car Billy il possède des pouvoirs spéciaux, une fée lui permet de prendre sa taille et sa force réelles pour leur apporter son secours. C’est ainsi que Billy prend sa forme initiale pour couvrir de sa chaude fourrure la petite fille perdue dans la neige.

Billly, il arrive toujours quand rien ne va, il accompagne les enfants tout au long de leur vie, c’est ainsi qu’il vient au secours de la vieille Clara qui n’est autre que la petite-fille de la première histoire. Marcelle, elle sait ce que les enfants aiment, elle doit avoir elle aussi des petits-enfants, peut-être ceux à qui elle dédicace ce recueil de contes : Romain, Ludwig, Julien, Eva, Zachariah. Elle sait aussi que l’âge venu les anciens rêvent encore et qu’ils espèrent parfois avoir le secours des fées et autres êtres magiques pour surmonter les difficultés qui ne manquent jamais de s’accumuler sur leurs épaules voûtées.Marcelle.jpg

Et pour que ce recueil de contes soit un vrai livre pour enfants, il fallait bien quelques illustrations, alors Marcelle a demandé à sa belle-fille, Catherine Hannecart, de meubler son texte avec des dessins naïfs comme les enfants savent en faire et aiment en regarder. Il faut bien savoir quelle allure il a ce brave Billy qui semble tellement vieux, les mots ne suffisent pas à le décrire, il faut des images. Des histoires écrites par « Mamie », avec le concours de maman ou de tata pour faire plaisir à ses petits-enfants. Une histoire de famille ne peut qu’être une belle histoire.

De jolis contes qui véhiculent les valeurs traditionnelles qui devraient habiter les enfants comme les adultes pour que tous vivent en paix et en harmonie. Et, Marcelle sait aussi qu’il faut parfois faire la leçon aux adultes qui ne sont pas assez perméables à la sensibilité des enfants.

Le livre sur le site de Chloé des Lys

Le blog de MARCELLE PÂQUES

 

SANS000050581.jpgLE PETIT CAFÉ QUI PARLE

Anita VAILLANCOURT

Auto édition

Pour écrire la chronique du petit café où elle aime boire son petit noir, Anita Vaillancourt a choisi de donner la parole au breuvage lui-même, prenant ainsi une certaine distance avec les personnes qui y travaillent ou celles qui le fréquentent comme simples consommateurs. Si Anita a choisi de parler de ce café, c’est qu’elle apprécie tout particulièrement l’ambiance qui y règne grâce aux propriétaires Roubina et Harout, elle Libanaise, lui Arménien. J’ai vraiment l’impression qu’elle voulait rendre hommage à leur grande disponibilité, à leur générosité, à leur humanité, à leur convivialité… Pour Anita, ce café est un vrai lieu de rencontre avec un couple formidable et avec des personnes heureuses de déguster un bon petit café dans un endroit chaleureux tenu par un couple accueillant.

Le petit café sous toutes les formes proposées par Harout et Roubina, se balade de table en table pour satisfaire l’envie ou le plaisir des clients mais le petit café, il n’a pas ses yeux dans ses poches, il observe, il voit le bonheur des uns, le malheur des autres, les délicates attentions des propriétaires qui essaient de panser les plaies des uns tout en se réjouissant du bonheur des autres même si certains clients ne méritent pas de telles attentions.13233139_10209297458570733_7152692238634760045_n.jpg?oh=5adae1d9c03527bf71481bac855bf106&oe=59DE9464

Cet établissement n’a pas que son petit café qui parle pour satisfaire sa clientèle, il a aussi, grâce la grande culture de ses propriétaires, liée à leurs origines, ils parlent tous les deux de multiples langues, une somme de connaissances à transmettre à ceux qui, comme le petit café qui parle, savent écouter. Et, comme Anita, le doux breuvage est curieux de toutes les nouvelles connaissances qui passent à portée de ses oreilles, il ne les laisse pas passer, il les enregistre dans sa mémoire. Il sait aussi, comme Anita encore, être attentif à toutes les émotions qui circulent dans l’établissement où il est servi, sa sensibilité est à fleur de tasse. C’est une grande joie pour lui, comme pour les clients, quand une ou un artiste se produit dans l’établissement pour un moment de musique, de poésie ou pour une exposition de peinture… celles d’Anita peut-être ? « Je suis un Café qui parle, je suis un Café qui écoute, je suis un Café qui retient… »

Cette petite balade au fond d’une tasse a été pour Anita l’occasion de nous répéter son éternel message : nous sommes malheureux parce que nous ne savons pas être heureux, nous plaçons les choses inutiles et nuisibles au sommet de nos préoccupations, nous sommes incapables d’accomplir toutes les petites choses qui suffisent à rendre les autres heureux, si chacun portait un peu plus d’attention à son voisin, le monde nagerait dans le bonheur car : « le Bonheur il est en toi. Il s’agit pour toi de le nourrir. Aimer. Aimer. Aimer. Voilà la plus merveilleuse des recettes ». « Nous vivons dans un monde de souffrances », parce que nous ne savons cultiver notre bonheur.

Avec cette petite chronique de son café préféré, Anita délivre un hymne à la vie, à la joie de vivre, au bonheur qu’il faut vivre chaque jour, chaque minute, sans en gaspiller la moindre miette. Ils en ont de la chance, Roubina et Harout, d’avoir une cliente !

MON OMBRE

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Mon ombre me joue des tours. Régulièrement, des proches me signalent la présence de mon ombre dans des endroits où je ne me suis jamais trouvé.  Ils sont formels, il s’agit bien de mon ombre, reconnaissable, paraît-il, à plus d’un contour. 

J’avais observé, les derniers temps, son comportement étrange, distancié. Depuis plusieurs semaines, mon ombre ne me collait plus au train. Quand elle faisait mine de me fausser compagnie, je lui adressais un regard de biais et elle reprenait sa place.

Mais elle a fini par filer doux et j’ai fait, pour la forme, lancer une alerte enlèvement qui n’a rien donné. Même si des signalements d’ombre isolées en provenance d’ici ou là parvenaient à la police.  

Contrairement à l’idée répandue, on vit très bien sans son ombre. 

Mais ce qui devait arriver arriva : mon ombre fut prise dans une histoire de mœurs, elle a été vue en compagnie de deux silhouettes féminines dans un spectacle osé d’ombres chinoises. 

On a passé des ombres de menottes à mon ombre ainsi qu’à ses deux complices. On les a embarquées au poste où j’ai été prié de rejoindre la mienne afin que tout rentre dans l’ordre.

Pendant que nos ombres purgeaient leur peine, les deux propriétaires des ombres renégates et moi-même avons profité de l’aubaine, à l’écart de nos doubles respectifs, pour reconstituer la scène licencieuse.

 

NUAGES DE SAISON de JEAN-LOUIS MASSOT

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Merveilleuse balade

Avec ses Nuages de saison, Jean-Louis Massot nous balade dans le ciel. Il suffit pour cela d’un endroit fixe et d’un regard. Les yeux tournés vers le haut, il passe en revue un défilé de nuages des plus divers et laisse vaguer son imagination pour nous donner des saynètes subtiles.

Des Cirrostratus

Comme de légères traces

Laissées par le pinceau

D’un peintre distrait

 

Et cet avion qui traverse

Sans s’attarder au tableau

 

Des questions fusent sur la marche des nuages qui modèlent notre humeur, des interrogations physiques et psychologiques…

Le propre du nuage, c’est son caractère fugace et variable. Il est l’objet de toutes les métamorphoses et de toutes les métaphores, c’est-à-dire du changement de forme et de lieu. Et les nuages qu’observent Massot figurent tour à tour, et suivant leur espèce (cirrus, cumulus,  stratus et variantes), étoffe, drap, oreiller, rideau, mouton, accent, cachalot, faucilleur, feuille de papier, peau… Ils glissent, froissent, flottent, s’effilochent… En groupe, ils forment cavalerie ou bien foule.

S’est froissé le ciel

Ce matin,

Comme les draps d’un lit

Dans lequel

L’amour aurait été fait

 

Sauvagement

 

Ils voilent et tracent, dans les deux sens du terme, déposant des signes, une signature, dans l’horizon vertical, que l’observateur peut interpréter à sa guise comme présage ou écho à ses états d’âme.

On ne sait pas plus d’où ils viennent, ni où ils vont.

Nuages

Qui passez

Si lentement

 

Savez-vous

Votre destination ?

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Jean-Louis Massot


Lieux du mystère, de l’indécidable, ils sont complices du poète, du jardinier, de ceux qui sèment mots et graines dans les têtes et dans les terres.

À la fin du recueil, le poète inquiet du ciel, des mouvements des nuages qui conditionnent son mode de vie se met à la place d’un d’entre eux pour voir ce qu’il se passe ici-bas et lui-même comme dans un reflet. Ciel-miroir de nos peurs, de nos espérances…

En lisant ce recueil de Jean-Louis Massot, on réalise pourquoi l’étranger de Baudelaire préfère à tout ce qu’il n’a pas (ou dont il est éloigné : amis, famille, patrie, beauté, argent) les nuages qui passent… les merveilleux nuages…

Les textes du présent recueil sont accompagnés de photos-montages d’Olivia HB où des nuages sont mis en scène & en ciel, prolongeant, comme reconfigurant les images verbales du poète.

De la neige au nord,

Du brouillard au centre,

De l’infini

Au sud,

 

Trois fois rien

Pour tout dire.

 

Éric Allard

nuages-de-saison-e1492596148889.jpgLe recueil sur le site de Bleu d’Encre Editions

 Jean-Louis MASSOT, poète, sur Espace livre & création

 OLIVIA HB sur le site des CARNETS DU DESSERT DE LUNE 

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DANS LE LIT D’UN RÊVE de JASNA SAMIC

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L’ÉCLAT DES TÉNÈBRES

Il y a un an, on pouvait lire dans La Libre Belgique: Une écrivaine de Sarajevo est dans le collimateur des nationalistes musulmans pour avoir dénoncé à quel point le voile, le hijab, se généralise dans cette ville qui était autrefois le point de rencontre des cultures, des religions et des civilisations. Le constat n’est pas nouveau, mais c’est la première fois que Jasna Samic reçoit des menaces. 
Elle venait aussi de publier chez MEO un second roman, Le givre et la cendre, constitué de journaux intimes, qui éclairait les faits en ex-Yougoslavie, au début des années 90, qui allaient bouleverser cette région européenne pour longtemps.

Aujourd’hui, c’est une centaine de poèmes beaux et forts écrits en français par Jasna Samic (qui écrit en français et en bosniaque) qui font l’objet d’une publication chez le même éditeur. Des textes qui nous font voyager de Paris à Sarajevo en passant par Alexandrie, New York, Istanbul ou Namur: des villes vécues comme des amours avec pour véhicule le rêve, le souvenir, la musique… Villes et vies rendues parfois fantomatiques grâce à cette articulation au rêve et au cauchemar. Mais villes et vie d’autant plus présentes qu’elles sont enracinées, intégrées dans une vision et une histoire…

La mort et les livres y sont aussi fort présents car comment ne pas penser à la bibliothèque incendiée de Sarajevo, comme le rappelle Monique Thomassettie en préambule au recueil et à laquelle on doit le tableau figurant sur la couverture.

Dans l’ensemble court la douleur de l’exil qui s’accompagne d’un désenchantement à l’endroit des vertus humaines.

Où qu’on aille

Nous sommes des étrangers

Surtout dans notre ville natale

(…)

J’en ai assez des mortels

Seuls les dieux sont mes amoureux

Depuis bien longtemps

 

Ce qui assigne (résigne?) l’auteure à la feuille blanche, à un simulacre de renfermement sur son passé, pour subsister, reprendre pied et cœur, autant que pour pouvoir continuer à communiquer avec ses semblables et à agir sur le monde.

Voilà je te fais signe

D’une autre et mienne capitale :

Une feuille blanche.

 

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Portrait de l’auteur : © Dragan Stefanović

 

Le salut n’est pas dans l’autre ici présent, mais dans le souvenir, le songe et la poésie que l’usage du monde a nourri.

J’ai quitté, Dieu sait quand,

Les mâles présomptueux

Et donné mon sein embrasé

A cet Amor

Ailé de mon rêve

En l’allaitant de mirages fleuris

 

La poétesse n’est pas davantage dupe de la puissance des mots.

Aucun n’a jamais éteint

L’incendie

Ni la guerre.

 

Le rêve constitue pour elle, avec le souvenir, un refuge, une possibilité de se ressourcer.

Depuis toujours

Le gouffre est

La seule vérité

 

Dans ces vers qui se présentent volontiers comme prière (« Le vers est ta prière »), elle ne cesse de questionner les couples rêve/souvenir, éternité/instant, amour/mort.

L’instant n’était-il qu’Eternité

Et l’éternité, un instant

 

D’autres interrogations existentielles formulées poétiquement parcourent ces vers comme : Qu’y a-t-il de plus triste que le souvenir de la joie ?,

Comment peindre un souvenir ?, Quelle est la parole du silence ?, Comment poser un baiser sur l’Invisible visage / Et caresser un rêve ?

Ou encore: Le silence / est-il un signe / de la mort ou de la naissance ? 

 

Et on goûte ces vers remarquables de beauté et de profondeur.

On pardonne les crimes

Mais pas les rêves !

Ou bien encore ceux-ci :                                      

Seul celui qui nous enfièvre

Nous emplit de sérénité

 

L’idée que les ténèbres abritent des sources de lumière irrigue tout le recueil et particulièrement la fin. Et que par-delà la lumière et les ténèbres, il y a quelque chose à atteindre.

C’est l’éclat de ténèbres qui nous lie

Cette lueur terrible de l’obscurité

Enfuie au fin fond de l’être

Où se trouve le profond miroir de la nuit

 

Dans un beau poème, on peut lire :

Mon nom est

Claire de Nuit

Depuis le royaume des astres

J’ensemence mon rêve

 

Dans un des derniers textes, elle s’adresse en ces termes à Monsieur de mon rêve

Je m’élancerai vers l’inconnu

En dorant de délices

Mon souvenir

 

Pendant que Le Mont de Vénus             

Pris de l’éternel

Incendie

Jette des flammes tout autour

(…)
Le nuage est mon radeau

L’Astre de Nuit ma demeure et

L’empire des sens

Mon temple

 

Monsieur de mon rêve

 

Un corpus riche de poèmes où la douleur d’exister suscite un salut par des vers d’une lumière crépusculaire puisant leur éclat entre l’étincelle du souvenir et la flamme dansante de l’espérance.

Éric Allard

 

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Le livre sur le site des Éditions MEO

 JASNA SAMIC, écrivaine: « L’ISLAM RADICAL MET LA BOSNIE EN DANGER » (interview à Rue89 à l’occasion de la sortie de Portrait de Balthazar chez MEO)

 

LE MAUVAIS ÉCRIVAIN et autres histoires courtes

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Le mauvais écrivain

Cet écrivain reçut un coup de maillet sur la tête, treize coups de couteau dans le corps, on lui brisa bras et jambes, on lui coupa mains et pieds. Le châtiment était mérité. Hélas, il parvint encore à dicter sa mésaventure, légèrement romancée et forcément larmoyante. Le livre fit un nouveau malheur en librairie.

On n’est jamais trop impitoyable avec les mauvais écrivains.

 

 

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Une sexualité perturbée

Ce lecteur dépendant avait une sexualité perturbée. C’est en lisant qu’il accumulait du sperme dans ses bourses. Il atteignait l’acmé du besoin sexuel après la lecture d’un bouquin de six cent pages. Quand il sentait le moment propice, il lisait frénétiquement de la poésie pour connaître des extases élevées.

Mais pour un même résultat, étant donné son manque, il eût pu tout aussi bien lire une page quelconque de Gavalda.

 

 

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Le Prix de la Critique

La critique ne tarissait pas d’éloge pour qualifier l’œuvre de cet auteur. Il semblait même qu’il n’y avait pas d’épithètes assez fortes, de périphrases à la hauteur.

Cette maison d’édition avait été bien inspirée de décerner avant parution un Prix de la critique pour chacun des livres de ses auteurs. Les critiques dont les notes avaient été retenues pour la quatrième de couverture avaient pu choisir un séjour dans la résidence d’auteur de leur choix.

 

 

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De son vivant

Cet auteur aspirait à éditer directement dans la Pléiade.

« Malgré une œuvre innombrable et d’une rare qualité à laquelle le comité a été sensible, la direction de Gallimard ne peut accéder aujourd’hui à votre demande un rien présomptueuse », lui fut-il répondu en substance et avec un maximum de délicatesse (pour ne pas froisser  l’éventuel lecteur).

Depuis, l’auteur refusé ne cesse de vilipender la collection de prestige tout en continuant à délivrer à période fixe de nouveaux ouvrages dans le monde de l’édition de son territoire linguistique. Il s’est ainsi fait, rapportent ses proches, à l’idée de n’être pas publié dans la Pléiade de son vivant.

 

 

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Un auteur, une ville

Cet auteur mondialement connu au patronyme d’une ville réjouissait le syndicat d’initiative de ladite ville qui voyait débarquer des foules de touristes littéraires pensant que la cité avait été fondée en hommage au grand écrivain…

 

 

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UN PETIT TOUR PAR LES ÉDITIONS HENRY : Philippe FUMERY et Valérie CANAT DE CHIZY

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155095785.jpgValérie Canat de Chizy avoue : « Je murmure au lilas (que j’aime)« , petit livret de 48 pages (au prix imbattable de 8€ pour tous les volumes de la même collection « La main aux poètes« ) de poèmes en prose, dans lequel elle défend, illustre un « retour au pays de l’enfance » : « monde du silence », qu’elle doit de nouveau apprivoiser ou se réapproprier, à la manière d’une enfant qui « a germé » de silence, sans faire de bruit ».

Le pays, ainsi, se décline : le père « retourné au silence » de la tombe; la blessure toujours prête à éclater (« Parfois, il faut si peu pour que tout se fissure et que l’on perde pied »)…

Alors, il faut « écouter les rumeurs de la ville, le murmure des âmes » (on pense alors à Armand Guibert, celui d' »Oiseau privé » : « Voyager à travers les terres habitées, donc à travers les âmes »).

Alors, il faut révéler l’insoutenable : cette mort de la « sœur », de la « jumelle » perdue à deux semaines, échancrure dans une vie.

La poésie palpite, la vie aussi : à l’image de ce beau poème de la page 38 :valerie-canat-chizy-murmure-lilas-jaime-isabe-L-gIkPki.jpeg

« Les papillons palpitent contre les paupières, parcelles de lumière, engourdissement de la quiétude. état originel. Je retrouve mon âme sœur, jumelle perdue à deux semaines, deux ovules se blottissant l’une contre l’autre, se tenant chaud dans un écrin ».

Ecrire la douleur et la partager.

Le recueil sur le site des Editions Henry

Le recueil sur le site des Editions Henry

 

 

Philippe Fumery, publié entre autres à L’Arbre à paroles (de beaux livres sur les nomades), propose, aux éditions Henry « Lune douleur Carlux« , d’une écriture prompte à saisir les silhouettes, anonymes, croisées, avec le don de décrire le menu, l’infime, l’infime intime des corps, des gestes, des situations. Il suit ici à la trace des anonymes errant, vaquant à leurs petites occupations (courses), des jeunes, des moins jeunes, et, au fil des 112 pages et au tissage de brefs poèmes-blasons, le lecteur se sent soudain empreint d’une douce mélancolie qui l’étreint : le poète se met à la place des figures qu’il dépeint, sans jamais prendre la pose, mais en soignant les portraits, qui ne regorgent guère d’images mais restituent la vie, l’atmosphère. Fumery suit, le temps des saisons, toute une troupe de personnages attachants, fragiles autant que réalistes :fumery.jpg

« Tu es repassé par la rue »

« Elle délaisse le trottoir cabossé »

« L’enfant traîne les pieds

…il apprend dans la douceur

la perte, le retour »

« Retomber en enfance

serait douloureux? »

« Vers quelle enfance

retourner? »

Les questions d’origine taraudent et trouvent ici manière lucide et transparente de réponse possible.

Le recueil sur le site des Editions Henry 

 

LIRE AU PRINTEMPS 2017: Voyage littéraire en Extrême-Orient

par DENIS BILLAMBOZ

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J’ai profité de ce printemps pour accomplir un long périple littéraire sur les ailes des Editions Picquier à travers les lointaines contrées asiatiques. Mon périple a commencé dans l’Altaï, à la frontière du Kazakhstan, avec un récit plein de délicatesse et de finesse d’une auteure chinoise, Li Juan. Je suis ensuite passé par la Corée avec un excellent roman de Park Hyun-wook avant de terminer ce voyage sur une petite île japonaise avec un tout aussi bon roman de Kaho Nashiki. Un voyage littéraire que je conseillerais à tous les lecteurs avides de dépaysement, d’autres paysages et de belles histoires.

 

cat_1493217781_1.jpgSOUS LE CIEL DE L’ALTAÏ

LI JUAN (1979 – ….)

Editions Picquier

A l’extrême limite occidentale de la Chine, aux confins du Kazakhstan, sur les plateaux de l’Altaï, Li Juan a passé sa jeunesse avec sa mère, sa grand-mère et sa petite sœur, elles étaient couturières, elles fabriquaient des habits pour les bergers nomades qu’elle suivaient dans la transhumance de leur troupeau de moutons montant vers les pâturages de la montagne en été et descendant vers les plaines du désert de Gobi en hiver. Vivant souvent dans des hébergements de fortune, elles menaient une vie simple, laborieuse, difficile avec beaucoup de travail, peu de confort et encore moins de réjouissances. Comme Galsan Tschinag l’a fait dans « Ciel bleu » pour la partie de l’Altaï mongol, Li Juan a voulu raconter cette vie bien loin de celle menée dans la Chine que les médias nous racontent.

Couturières devenues aussi commerçantes, elles vendent tout ce qui est nécessaire aux personnes qui transitent dans la région avec des troupeaux. L’économie collectiviste prônée par Mao ne semble pas avoir atteint ce far west chinois, les quatre femmes connaissent très bien les principes du commerce et, si elles ne s’enrichissent pas, elles réussissent tout de même, elles des Han, à vivre respectablement et en bonne harmonie au contact des Kazakhs et de Ouïgours qui peuplent cette région frontalière de la Chine.

Dans ces récits d’une grande fraîcheur, empreints de candeur et même parfois d’une certaine naïveté, Li Juan décrit avec une grande précision des tableaux de la vie quotidienne qu’elle mène dans les montagnes avec sa famille, ses voisins éventuels et les bergers qui passent. Une vie immuable insensible au temps qui s’écoule et au progrès technique qui n’atteint pas ces contrées. « C’est un mode de vie très ancien qui a traversé les siècles avec aisance, qui est en accord avec l’environnement, en étroite relation avec lui, si bien qu’il est devenu aussi naturel que la nature elle-même ». Li Juan aime les montagnes, les vallées, les paysages, les immensités désertiques, les rivières, les cascades tout ce qui constitue son environnement, une nature originelle que personne n’a encore polluée, ni souillée. « Je vis dans un monde merveilleux. Vaste, silencieux, proche, vraiment authentique, et si accessible ! »

La vie de Li Juan est une immensité désertique. « Sur les pistes de terre, s’étend, sur trois pouces, une couche de lœss étale qui ne porte aucune trace de pas. Il n’y a pas âme qui vive », où le temps n’existe presque plus, il se contente de passer, de faire défiler les jours sans jamais rien n’altérer. « Dans les montagnes, la vie se déroule sous un voile indécis, comme si le temps ne se mesurait qu’à l’aune des fêtes ou des aléas du climat, sans que jamais se fasse sentir le cycle des jours ». Cette immensité atemporelle et désertique ne prend forme que sous la plume du poète, sous celle de Li Juan en l’occurrence qui évoque son pays avec une telle délicatesse, une réelle tendresse et une énorme passion. Certains disent qu’elle ne veut plus quitter son Xinjiang adoptif malgré la solitude qu’elle y a souvent vécue. « Ce que je veux dire, c’est que le monde est comme divisé en deux : d’un côté le monde que je vois, que je perçois, et de l’autre, moi, dans ma solitude ».

Peut-être cherche-t-elle encore la réponse à cette question qu’elle formule dans ce si joli recueil de récits sur la vie qu’elle a menée au cœur de la nature originelle : « Que dire de cette vie qui ne s’arrête jamais et pourtant ne continue pas ? »

Une énigme digne de Confucius.

Le livre sur le site des Editions Picquier

 

cat_1493217493_1.jpgCOMMENT MA FEMME S’EST MARIÉE

PARK HYUN-WOOK (1967 – ….)

Editions Picquier

Elle supportait le Barça, il supportait le Réal, il travaillait comme commercial dans une entreprise à Séoul, elle venait de terminer un chantier informatique dans cette même compagnie. Elle n’était pas vraiment jolie, elle était désirable, il n’avait pas encore tenté sa chance, c’était le dernier jour, la dernière nuit, celle on l’on boit jusqu’au petit matin pour fêter la fin de la mission. Il lui avait proposé un dernier verre, ils parlèrent football, elle lui proposa un café chez elle, ils firent l’amour, progressivement ils s’installèrent ensemble. Follement amoureux, Il voulait absolument l’épouser, elle ne voulait pas, elle lui avoua : « En fait, je n’ai aucune intention de te garder rien que pour moi ».

« Je ne suis pas capable de n’aimer qu’une seule et unique personne pour le restant de mes jours. Et je pense que c’est pareil pour tout le monde…. Je veux vivre sans entraves, à l’écoute des désirs de mon cœur et de mon corps ». Il accepta ses conditions, elle disparaissait souvent le soir pour ne rentrer qu’au petit matin, elle sortait pour boire et plus si affinité. Il ne pouvait pas se passer d’elle, même quand elle accepta une mission dans une petite ville à une centaine de kilomètres de la capitale. Ce qui devait arriver arriva, elle tomba amoureuse d’un autre garçon mais elle ne voulait pas abandonner son mari, elle voulait garder ses deux hommes. A force de manipulation, de jérémiades, de chantage, elle avait fini par faire accepter la situation à son mari : la semaine chez son amant, le week-end chez son mari.

La situation aurait pu perdurer longtemps mais elle se retrouva vite enceinte de l’un de ses deux hommes, mais elle ne savait pas lequel et ne voulait pas le savoir, elle voulait fonder une famille unie sous un même toit avec ses deux hommes et son enfant. La solution comblait l’amant qu’elle avait fini par épouser malgré la réticence désespérée de son mari mais celui-ci n’acceptait pas une telle situation. Et pourtant, elle luttait, manipulait, argumentait, le faisait culpabiliser, invoquait des exemples dans des civilisations anciennes, dans le règne animal, ….

Park Hyun-wook se penche à son tour sur le problème du mariage qui semble avoir beaucoup préoccupé les écrivains extrême-orientaux. Récemment, Hiromi Kawakami dans « Soudain, j’ai entendu le bruit de l’eau » a évoqué l’amour entre un frère et une sœur et Ito Ogawa, a, elle, traité la famille homosexuelle et le regard des enfants sur ce couple féminin dans « Le jardin arc-en-ciel ». L’objectif de Park ne semble pas être de démontrer qu’on peut vivre en un trio harmonieux et que le « polyamour » est possible mais plutôt d’exposer comment une femme libre cherche avec ténacité et volonté à mettre sous le même toit deux hommes qu’elle a tous les deux épousés et qui lui ont donné un enfant qu’ils pourraient aimer et élever tous les trois. Une façon de démontrer qu’une femme libre peut obtenir beaucoup de choses.

Rien n’est simple en amour, les sentiments ne se guident pas, alors pourquoi les contraindre ? Les trois héros essaient de répondre à cette question bien complexe, chacun avec ses arguments, avec pour seule passion commune le football, principalement le Barça et le Réal, et la rivalité qui les oppose. L’auteur l’avoue, le parallèle entre son histoire et le football est assez fortuite, il n’est lui-même pas passionné par ce sport mais y a trouvé matière à dresser des comparaisons pour illustrer les frictions et les rivalités qui agitent ce trio. Le foot est aussi un bon vecteur pour mettre en exergue la place que peut prendre la femme dans la société coréenne en imposant certaines conditions comme, par exemple, la séparation de l’amour et des relations sexuelles ou la séparation de la fidélité familiale de la satisfaction des plaisirs de la chair.

Et quand la situation dérape et que tout semble partir à vau l’eau, comme disait le grand footballeur argentin Batistuta : « Même si tout s’écroule, il restera toujours le football » et même si tous les politiciens, hommes d’affaires plus ou moins véreux, mafieux en tout genre essaient de l’accaparer et de le corrompre, « Ils ne peuvent pas monopoliser le bonheur contenu dans le ballon, ni le vendre, ni le voler ».

Le livre sur le site des Editions Picquier

 

cat_1493217981_1.jpgLES MENSONGES DE LA MER

KAHO NASHIKI (1959 – ….)

Editions Picquier

C’était avant la guerre, Akino était encore étudiant en géographie humaine, science qui, au Japon, semble déborder sur bien d’autres disciplines : l’anthropologie, l’ethnologie, l’éthologie, l’écologie, l’histoire, …, quand il a décidé de passer ses vacances sur la petite île d’Osojima au sud de Kyushu, la plus méridionale des quatre grandes îles qui constituent l’archipel nippon. Grâce au couple de vieux pêcheurs qui l’héberge, il peut prendre contact avec des habitants de l’île qui l’aident à découvrir cette île qu’il voudrait mieux connaître afin de terminer une étude commencée par son ancien maître et jamais achevée.

Il part ainsi avec un jeune autochtone sur les sentiers de l’île où, selon les documents remis par un vieux marin retraité dans ces montagnes, il retrouve les vestiges de nombreux temples et lieux de cultes édifiés par une secte bannie plusieurs siècles auparavant. Ces lieux de culte ont été ruinés à l’époque du Shugendo, la séparation du shintoïsme et du bouddhisme, quand en 1872 le pouvoir Meiji a voulu rompre avec les religions étrangères en débarrassant le shintoïsme de toutes les influences extérieures pour que le socle religieux du pouvoir soit purement nippon.

Akino et son guide parcourent ainsi les sentiers désertés de l’île où ils ne rencontrent guère que des chèvres et des saros, découvrant de nombreux indices concordant avec les bribes de légendes qu’ils ont recueillies, reconstituant ainsi peu à peu l’histoire de la présence sur cette île d’une civilisation spirituelle vivant dans une stricte ascèse. En essayant de comprendre ces légendes et leur matérialisation dans le paysage, ils découvrent non seulement une civilisation mais également le sens des coutumes et traditions locales, une parcelle de l’histoire du Japon un peu oubliée sur cette île peu peuplée et isolée des voies de communication. Quand au bout de leur périple autour d’Osojima, ils rencontrent le vieux marin et son secrétaire, ils comprennent pourquoi ils se sont posé certaines questions en mettant leurs découvertes en rapport avec la spiritualité ancestrale encore très prégnante chez les plus anciens occupants de l’île.

Ce livre me semble être plus qu’un roman, il déborde sur l’histoire, la philosophie, la spiritualité, l’écologie, tout ce qui relie l’homme à son milieu et donne un sens à sa vie. Bien longtemps après, quand la guerre aura semé le deuil, qu’un pont sera érigé entre la petite île et Kyushu permettant aux touristes de visiter ce lieu enchanteur, l’étudiant en géographie qui n’a jamais terminé l’étude ébauchée par son maître, reviendra sur l’île où il constatera bien des changements le troublant, le désespérant même. Mais, enfin il comprendra ce qui lui manquait pour conclure cette étude, la clé qu’il avait longuement cherchée et qui maintenant était là bien présente dans son esprit.

C’est un bien beau texte, délicat, plein de douceur et de spiritualité, on croit même y ressentir le souffle spirituel de l’ascèse du Shugendo. Un texte qui pose de nombreuses questions : quelle importance faut-il accorder au passé ? Le passé est-il nécessaire à la construction de l’avenir ? L’homme a-t-il besoin de connaître ses racines pour vivre pleinement sa vie ?

La liste n’est pas close, l’auteure la laisse ouverte en abandonnant le lecteur au bout du chemin avec tout ce qu’il a pu récolter tout au long de cette belle lecture. Le vieux géographe, lui, a fini par comprendre le message des mirages, les mensonges de la mer, en méditant cette maxime sibylline « La forme est vide. La vacuité est forme ». Chaque lecteur cherchera sa voie à travers ces quelques mots… Bon voyage à tous !

Le livre sur le site des Editions Picquier

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Les Editions PICQUIER

POÈMES À PORTER SUR LES LÈVRES

1.

 

le poids du songe

dans la nuit

et l’envol d’une étoile

 

dans l’espace

 

la transparence du reflet

dans le miroir

et l’envers d’un rêve

 

dans l’espoir

 

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2.

 

à la porte du visible

j’apporte un son

 

au seuil du bruit

un regard

 

à la fleur du toucher

un brin d’eau

 

à la couture des lèvres

une piqûre

 

au sortir des ténèbres

une lumière

 

tu ne me donnes

même pas ton ombre

 

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3.

 

détaché du texte

le poème

 

en amont du livre

le vers

 

sur l’écritoire

ta main

 

derrière la paupière

le soleil

 

découvrent

la robe du mot

 

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4.

 

sans faillir le miel

s’allie

au lait

 

le temps de donner

à l’abeille

l’adresse de la ruche

 

ta peau blanche

s’écoule

sur mes lèvres

 

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5.

 

derrière

les robes

les falbalas

 

la chambre

de ta nudité

retient les regards

 

seul l’oeil

du couturier

avale ta peau

 

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6.

 

entre vide

et espace

 

entre poème

et roman

 

entre corps

et absence

 

entre jour

et nuit

 

entre silence

et regard

 

pense aussi

à vivre

 

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7.

 

dans ta lampe

je bois

la lumière

 

je recueille

l’espace

d’un visage éclairé

 

sur les lèvres

du poème

je passe

 

une langue

neuve

et nue

 

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8.

 

luit

la pierre

taillée

du lait

 

lampes

aux pis

des vaches

obscures

 

broutant  

l’herbe

tendre

du songe

 

si je bois

le blanc

du ciel

avant l’aube

 

je me fais

voie lactée

ou crème

de nuit

 

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9.

 

mot

tombant

dans

le blanc

du texte

 

moi

sombrant

dans

l’instant

présent

 

nuit

mourant

sur le sable

du jour

 

tandis

que

la mer

veille

 

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10.

 

mesure ton être

au mètre de l’espace

 

laisse du je

entre tes silences

 

de la lumière

entre tes branches

 

pour te laisser

le temps de naître

 

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