CINQ ASTUCES POUR SE DÉBARRASSER DES POLITICIENS AVEC DES RÉPULSIFS NATURELS

ob_1d7c43_211-300x169.jpgMême l’été, les politiques sont en campagne. Sur les plages, sur les places de marché, sur les pixels des écrans… Si vous aussi vous êtes incommodés par leur présence constante, leur verbiage permanent, leurs solutions miracles, leurs alliances précaires, leurs faux serments, leurs anathèmes à l’adversaire du moment… voici , plutôt qu’utiliser un spray anti-politiques commun,  aux effets plus nuisibles que la cause, cinq répulsifs naturels pour vous en débarrasser sans mal.

 

Astuce n°1

Affichez-vous anarchiste, tendance explosive. Ou nihiliste tendance suicidaire. Ou poète, tendance lourde, insistez pour leur lire votre dernier recueil de poésie (en entier). Invoquez votre dernière tentative d’en finir, votre dernière crise d’angoisse, votre maladie orpheline, votre handicap majeur et invalidant à 100 %. Précisez bien qu’il vous sera impossible, même en chaise roulante, même assisté d’une bonne âme du parti, de vous rendre aux urnes, d’écrire une procuration (même en vers), de déposer des tracts, de coller des affichettes même avec une colle de section forte. Ajoutez que vous ne croyez en rien, de religieux ou de laïque.

Il ne sera pas utile d’invoquer le nombre de SDF dans votre quartier, le taux de corruption dans la profession, le nombre de chômeurs sans revenus, de fermetures d’entreprise, du risque fascisant chez les élus du centre droit, du retard des trains et de la difficulté d’obtenir du réseau dans les tunnels autoroutiers lors des encombrements (laissez cela aux nombreux commentateurs de réseaux sociaux et autres faiseurs d’opinion facebookiens) pour les en dissuader.

 

Astuce n°2

Disposez dans votre maison des petites coupelles remplies de vinaigre blanc . Ou d’ammoniaque. Ou d’huile de sardine. Ou des canettes de Cara Pils entamées. Ou des cendriers remplis de vieux mégots. Imprégnez-en vos tissus. L’odeur de la pauvreté les fera fuir.

Astuce n°3

Fleurissez votre intérieur d’orties, de fleurs de bardane ou de cactus, coiffez-vous d’une large fleur de tournesol, ceignez votre tour de tête d’une couronne d’épines, ornez votre cou d’un collier de clous de girofle, votre cheville d’un bracelet électronique à ultra-sons, insistez pour leur montrer votre plug anal inamovible, ils vous croiront fou, déséquilibré, sans assise mentale et donc imperméable à leur discours électoral.

 

Astuce n°4

Finissez toutes vos phrases (ou commencez-les) par Jésus revient, Mao revient ou Friedman revient. Même si le politique harceleur est de tendance jésuite, maoïste et friedmanien, il n’appréciera guère d’être opposé à un plus extrémiste que lui et, face à votre jusqu’au-boutisme supposé, qu’il prendra pour de l’intempérance voire de la mauvaise volonté (le politiques peut se montrer subtil), il finira par se dire que le jeu n’en vaut pas la chandelle, qu’il ne tirera aucune affiliation de votre part, pas plus qu’un vote ou un relais favorable dans l’opinion, et il passera à l’édification d’une âme moins retorse.  

 

Astuce n°5
Rendez-vous invisible en vous couvrant de miroirs. Pendant que le politique sera en train de se mirer, de se contempler sous son meilleur jour (s’il fait soleil), il ne pensera pas à recruter, à faire son marché de voix, et vous aurez la paix. Le temps qu’il découvre l’arnaque, vous aurez eu le temps de courir (si vous êtes entraînés à la course aux strapontins) et de le semer. Sinon, il ne vous restera plus qu’à préparer la rentrée politique, les prochaines élections en sa compagnie pour vous faire pardonner de l’avoir mis face à son reflet.

 

 

UNE RARE CONSCIENCE D’AUJOURD’HUI : ASLI, ÉCRIVAINE TURQUE MUSELÉE

leuckx-photo.jpgpar Philippe LEUCKX

 

 

 

 

 

41miFLiJrnL._SX261_BO1,204,203,200_.jpgLe livre d’Asli Erdogan, au titre terrifiant « Le silence même n’est plus à toi » (Actes Sud, janvier 2017) est admirable. Admirable conscience qui lit le monde turc d’aujourd’hui, raviné par un bourreau au patronyme homonyme qui fait régresser l’intelligence, la liberté, la conscience d’être soi, arrête arbitrairement, emprisonne, fait torturer ou tomber les bombes sur des populations innocentes (forcément kurdes)…

Peut-on implorer le jury du Nobel de littérature 2017 de lui décerner ce prix pour imposer son nom, plutôt que celui du bourreau honteusement fêté chez nous (par ses congénères) comme un héros par des populations bêlantes de bêtise. Doit-on rappeler les massacres de Maras, de Cizre, de Kobane, de Sivas? Et les dizaines de milliers de Turcs emprisonnés arbitrairement…

« Ecrire contre la nuit, avec la nuit »

« La lumière est un souvenir qui luit en chacun »

« et si j’étais la lune, tant de fois morte et ressuscitée »

« la plus effroyable cruauté que l’homme commet envers l’homme est de lui voler jusqu’à ses propres traumatismes » :

élevant sa cause à une hauteur de conscience digne des Zola, Mandelstam, Chalamov (La Kolyma), Rajchman (Je suis le dernier Juif), Pasolini et Saviano, par ses chroniques lucides, précises, « consciencieuses » (selon moi au double sens du terme), Asli rameute, tant qu’il est encore possible, ce qu’il reste d’humain pour que l’odeur des massacres (Cizre, Sivas, Maras etc.), des tortures ordinaires et banalisées, des explosions, des emprisonnements et jugements arbitraires et bâclés, soit un peu plus respirable tant l’horreur nous assigne l’asphyxie.

La Turquie d’aujourd’hui n’accepte ni le génocide arménien de 1915 ni les massacres plus récents à l’encontre des Kurdes (auxquels on avait promis, lors d’une conférence de 1922 un état, vite remisé au rencart par les Anglais et autres occidentaux). L’état turc par le la langue de l’oppresseur, qui impose un retour au strictement religieux, niant les apports d’un Mustafa Kemal Ataturk, niant les droits de l’homme les plus fondamentaux : liberté d’expression, justice impartiale, liberté d’association et de déplacement.

En tant que journaliste et écrivain, Asli partage le sort d’intellectuels pourchassés « pour dire la vérité » pas bonne à clamer aux yeux et oreilles du dictateur. on n’est pas loin, avec Asli, de Mandelstm caricaturant le Staline si « doux »! Mandelstam termina son parcours à Voronej, dans un camp de transit où il mourut de faim et de mauvais traitements; Asli, pour ses chroniques acides, a été embastillée ni plus ni moins.

Quelle régression pour un régime, être revenu à des pratiques dignes du petit père des peuples de 1934!

Si c’est ça le progrès! en Turquie de 2017 : oui, il y a de beaux bâtiments dans Istanbul moderne…et des dizaines de milliers d’arrestations arbitraires!

Je comprends moins l’enthousiasme bêlant de Turcs vivant en Belgique applaudissant à tout rompre le si « bon dictateur » qui a lâché des bombes sur les Kurdes fuyant Kobane et laissé les portes ouvertes à Daesh! erdogan Recep rejoint là les pratiques d’un poutine (tueries de journalistes – massacres en Tchétchénie etc.), d’un bachar, d’un régime chinois qui laisse mourir un prix Nobel privé de soins, d’un fou nord-coréen au pouvoir, ou de tant d’autres états qui dénient tous droits à l’humain qui vit, aime et réfléchit (le Mexique, cfr. l’essai « Ni morts ni vivants » du remarquable Mastrogiovanni)…

LA VOIX d’ASLI bouleverse parce qu’elle donne à lire l’horreur absolue qui est la mort d’un enfant, kurde ou noir, ou simplement libre…Parce que ses « Mères du samedi » depuis vingt ans réclament en vain le corps mutilé de leur enfant, fils disparu. Parce que la liberté de dire est sans cesse minée.

TOUT NOUS EST CONFISQUÉ, dit-elle en p.42 de son livre.

TOUT.

JUSQU’AU SILENCE!

Le journal Özgen Günden, qui publiait ses chroniques, bien sûr a été interdit de parution!

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Asli Erdogan

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Le livre sur le site d’ACTES SUD

LECTURES ESTIVALES 2017: TOUT COURT

arton117866-225x300.jpgpar Denis BILLAMBOZ

En cette saison de chaleur, pour éviter les efforts inutiles, je vous propose des lectures exigeant une dépense énergétique minimum, des textes courts, parfois même très courts, mais attention qui dit courts ne dit pas forcément faciles, il faudra aux lecteurs un une bonne concentration pour suivre sans s’égarer les élucubrations de Daniel Fano, Paul Valéry et ou encore Thierry Radière même si le journal de Thierry se lit plus aisément que les deux autres textes.

 

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PRIVÉ DE PARKING

Daniel FANO

Éditions Traverse

Désigné comme un « auteur culte », par l’éditeur dans la courte biographie figurant à la fin de l’ouvrage, Daniel Fano n’a publié qu’ « exceptionnellement » avant que Jean Louis Massot l’introduise aux Carnets du dessert de lune. « Entre 2010 et 2016, Daniel Fano a produit de courtes séries de textes presque toutes réunies dans Privé de parking et Tombeau de l’amateur, Privé de Parking comporte donc neuf séries de textes plus ou moins courts allant de l’aphorisme aux récits brefs dans lesquels l’auteur jette un regard facétieux, ironique, en passant parfois par le sarcasme, sur notre société décadente.

Fano ne juge pas, il regarde et rapporte ce que les documents qu’il a consultés (la presse populaire féminine surtout, le poids des mots et le choc des photos aussi), les conversations qu’il a eues avec ses amis, lui ont inspiré, ça le fait sourire, ça le fait rire, parfois même un peu jaune. J’ai ressenti dans ces textes courts toute la puérilité que Daniel Fano semble éprouver devant le spectacle qu’offre notre société où les idoles et les icônes, un même mot pour désigner ceux qui font l’actualité (certains diraient aujourd’hui le buzz, mot tellement hideux que je n’ose l’écrire qu’entre parenthèse) ne sont plus les stars et les idoles du cinéma et de la chanson mais celles et ceux qui se dévoilent et s’exhibent le plus, sachant qu’on peut se dévoiler encore plus en montrant ses opinions, avis et réflexions qu’en offrant ses charmes aux regards des populations. Le scandale et les gambettes font bon ménage dans la presse populaire, le sexe devient un argument de vente, sous de multiples formes, les hardeuses (encore un mot laid pour désigner de belles jambes) deviennent des idoles qui partagent les unes avec des politiciens et des philosophes.AVT_Daniel-Fano_3749.jpg

Fano est désigné par son biographe comme un auteur expérimental, c’est un spécialiste de la condensation des textes, il pressure ce qu’il lit, ce qu’il voit, ce qu’il entend pour en recueillir le jus essentiel avant de l’accommoder à son goût pour nous le servir bien frais, prêt à consommer mais pas avant de l’avoir dégusté et analysé comme un grand cru classé. Une démarche à l’inverse de celle qui se répand aujourd’hui avec l’apparition des réseaux sociaux qui servent du prêt à consommer identique pour tout un chacun, fadasse à force d’avoir été vu et revu. « Facebook rend fou, le triomphe du menu fait rend tout factice : il enfonce la société occidentale dans ce que les Anglo-saxons appellent un anticlimax – il n’y a pas de mot français correspondant, alors mettons : un orgasme inversé. »

Merci Daniel de nous avoir aussi versé cette petite rasade de nostalgie en évoquant, dans certaines séries, nos plus belles années, celles de la jeunesse, celle des années soixante. Chaque période a les idoles qu’elle mérite, nous nous souvenons des nôtres car nous étions jeunes et beaux (pas tout à fait sûr) quand nous les admirions.

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Le livre sur le site des Éditions Traverse

 

image.html?app=NE&idImage=257174&maxlargeur=600&maxhauteur=800&couverture=1&type=thumbnaildetail&typeDoc=4TROIS TEXTES

Paul VALÉRY

Louise Bottu Editions

Les Editions Louise Bottu semblent avoir pris l’excellente habitude de publier des textes peu ou pas connus d’écrivains célèbres passés un peu de mode. Une belle occasion pour ceux qui, comme moi, ont délaissé nos classiques du début du XX° siècle un peu absents des programmes de littérature quand j’étudiais encore. Ainsi, après avoir publié un essai sur l’argent de Charles Péguy, cette maison édite un recueil de trois textes de Paul Valéry.

Trois textes qui semblent n’avoir aucun rapport entre eux et pourtant en les assemblant on peut construire un raisonnement profond sur l’humanité, son fondement, ses principales préoccupations, son devenir.

Le premier texte intitulé La soirée avec Monsieur Teste évoque la nature humaine profonde. Monsieur Teste est malade, il a beaucoup vécu, il pourrait paraître désabusé mais n’a-t-il pas atteint un stade de sagesse élevé ? Il semble revenu de tout ce qui permet aux hommes de briller, toutes choses factices qui ne sont que créations des hommes. Et à contre courant de la pensée générale, Monsieur Teste n’apprécie que la facilité à comprendre les choses et non pas celles qui donnent de l’importance aux hommes qui les ont conçues, par leur complexité. « Je n’apprécie en toute chose que la facilité ou la difficulté de les connaître, de les accomplir. » « … je hais les choses extraordinaires. C’est le besoin des esprits faibles. Croyez-moi à la lettre : le génie est facile, la fortune est facile, la divinité est facile. Je veux dire simplement – que je sais comment cela ce conçoit. C’est facile. »

Le second texte intitulé : La crise de l’esprit évoque l’homme dans son environnement économique et géopolitique, l’homme comme être social vivant en groupe. L’auteur considère, en fait, plutôt l’homme européen, cet Hamlet intellectuel, qui se noie dans la fuite en avant des découvertes techniques en regrettant son passé plus rassurant. « … il a pour remords tous les titres de notre gloire ; il est accablé sous le poids des découvertes, des connaissances, incapable de reprendre cette activité illimitée. Il songe à l’ennui de recommencer le passé, à la folie de vouloir innover toujours. »

Ce conflit entre passé et futur, entre ordre et désordre, est souvent vecteur de conflit, de guerre. La guerre s’achève toujours par une paix même relative, ainsi l’auteur pense qu’il est plus facile de passer de la paix à la guerre que l’inverse. « Son Esprit affreusement clairvoyant contemple le passage de la guerre à la paix. Ce passage est plus obscur, plus dangereux que le passage de la paix à la guerre. » Il est aisé d’admettre que les va-t-en guerre passent plus facilement à l’acte et parviennent plus facilement à leurs fins que les diplomates chargés de réconcilier les belligérants.880000-france-paul-valery.jpg?modified_at=1464367789

Cette réflexion sur la vie en groupe, sur l’organisation sociale, amène l’auteur à se poser la question de l’avenir de cet Hamlet européen qui, à terme, pourrait voir sa prééminence s’étioler au profit de la masse asiatique. Paul Valéry formule même cette pensée qui pourrait-être prémonitoire : « L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ? »

Après avoir traité de l’homme et de son environnement, de l’économie, des choses nécessaires et utiles à la vie en groupe, l’éditeur a choisi de présenter un texte sur ce qui est inutile mais peut-être nécessaire aux hommes comme individus et comme membres d’un groupe social :  Notion générale de l’art.

« Le mot ART a d’abord signifié manière de faire, et rien de plus. » Pour l’auteur l’art serait donc ce qui est parfaitement inutile à la vie des individus, ou des groupes d’individus, mais qui ferait vibrer ses sens, créerait des émotions, provoquerait toutes sensations inutiles mais agréables. Cette notion d’inutilité différencierait l’art de l’artisanat qui est production de biens utiles et même nécessaires et de l’Esthétique qui est la forme intellectuelle de l’art. Mais l’art peut devenir marchandise…

Trois textes courts qui soulèvent de nombreux problèmes et qui pourraient être prétextes à de bien longues dissertations en considérant la vie de l’homme dans sa globalité : son essence profonde, son environnement et les organisations sociales qu’il a fondées et enfin le plaisir spontané ou éduqué. Au lecteur de trouver le fil rouge qu’il voudra tisser entre ses textes.

Le livre sur le site des Éditions Louise Bottu

 

journal2016radie%CC%80re.jpgJOURNAL 2016

Thierry RADIÈRE

Jacques Flament Editions

Depuis 2015, Thierry Radière multiplie les publications, c’est le neuvième livre de lui que je lis depuis cette date, il écrit depuis très longtemps mais ne publie régulièrement que depuis quelques années Il s’essaie à plusieurs genres littéraires de la poésie à la nouvelle en passant par des récits courts ou longs et d’autres formes encore.  Je connais virtuellement Thierry depuis quelques années, non seulement j’ai lu la plupart de ces derniers écrits mais je le croise régulièrement sur les réseaux sociaux.

Cette fois, il se livre à un nouvel exercice, le journal, il a ainsi écrit et publié le récit de son année 2016, racontant sa famille, surtout son épouse avec laquelle il partage la passion de l’écriture (j’ai eu le plaisir de lire le livre qu’elle a consacré à son père qu’elle n’a pas connu, le musicien de jazz Elek Bacsik), sa fille qu’on voudrait voir définitivement guérie de la maladie qu’elle subit depuis sa naissance, mais surtout de sa passion pour l’écriture à laquelle il consacre beaucoup de temps depuis son adolescence.

C’est une impression étrange de lire sous la plume d’un auteur qu’on connait un peu, des informations, des réflexions, des anecdotes sur d’autres auteurs ou des éditeurs qu’on a eu l’occasion de lire, des auteurs et des éditeurs que parfois on connait un peu par les réseaux sociaux et même parfois des auteurs et éditeurs qu’on connait ou qu’on a eu l’occasion de rencontrer. J’ai ainsi eu l’impression de pénétrer par effractions dans un cercle où je ne serais pas forcément toléré, le cercle des poètes toujours bien vivants, le cercle des poètes qui n’encombrent pas les rayons des librairies, le cercle des poètes talentueux qui se débattent pour faire vivre leurs œuvres.

J’ai aussi eu une étrange sensation d’intimité, j’ai eu l’impression, à la lecture de ce livre, de faire un petit peu partie du cercle amical de Thierry car outre l’histoire de son épouse et celle de sa fille, j’ai aussi parfois eu l’occasion d’échanger avec des gens qui font partie des amis de Thierry. Il ressort ainsi de cette lecture une certaine familiarité avec l’auteur, une familiarité qu’il nourrit avec les anecdotes qu’il rapporte dans son journal.Radi%C3%A8re-Thierry-e1406018153430.jpg

Mais ce qui importe le plus c’est tout ce que l’auteur raconte sur sa manière d’écrire, son inspiration, les gens qu’il aime lire et qu’il apprécie particulièrement. Et, là aussi, j’ai constaté que nous avons des lectures communes, des coups de cœur communs pour certains textes, le même respect pour le talent de certains auteurs que nous aimons lire. J’ai ainsi eu l’impression de faire partie de la même famille littéraire que Thierry mais comme lecteur seulement. Il faut bien des lecteurs pour faire exister les auteurs.

Ce texte a été pour moi une immersion dans le clan Radière, dans son univers littéraire, dans son intimité d’auteur, dans ses joies et déceptions de publiciste et dans ses états d’âme. Je ne pensais pas qu’un journal pouvait prendre une telle dimension. Je connais maintenant mieux la passion d‘écrire de Thierry mais aussi son asservissement à cette passion et à la nécessité viscérale de la partager en publiant ses écrits pour ses lecteurs et en les échangeant avec d’autres auteurs. Lire un journal dont on est si proche, c’est aussi une façon de remonter le temps et de faire revivre certaines lectures qu’on a particulièrement appréciées, de revoir certains auteurs pour lesquels on a de l’amitié. Alors, j’attends déjà le Journal 2017.

Le livre sur le site des Éditions Jacques Flament

Sans botox ni silicone, le blog de Thierry Radière

 

LECTURES ESTIVALES 2017: FRAÎCHEUR DE LA POÉSIE

arton117866-225x300.jpgpar Denis BILLAMBOZ

L’été 2017 n’a, jusqu’à maintenant, pas été avare de calories, aussi pour vous apporter un peu de fraîcheur, j’ai choisi de vous proposer une belle ration de poésie à lire à l’ombre d’un gros arbre pas trop loin d’une nappe d’eau avec, à portée de la main, une boisson bien fraîche. Je suis convaincu que les recueils de Cécile Guivarch, Éric Dejaeger et Jean Marc Flahaut vous désaltéreront et vous réjouiront.

 

s189964094775898902_p830_i1_w1653.jpegSANS ABUELO PETITE

Cécile GUIVARCH

Les Carnets du Dessert de Lune

« Cécile Guivarch,…, sonde encore une fois la mémoire familiale. Entre les questions sur sa langue, ses langues, elle évoque un secret de famille… » Dans un court recueil de poésie constitué d’une partie en vers, en général sur la page de gauche, et d’une partie en prose, en regard sur la page de droite, elle évoque l’histoire de sa famille, l’histoire tue à jamais, l’histoire qui lui colle aux doigts depuis l’âge de neuf ans, l’histoire qu’elle réussit enfin à mettre en poésie. « J’écris ce début depuis mes neuf ans mais il me glissait des doigts. Le voilà qui me revient aujourd’hui. J’ai toujours neuf ans. Ma Maman a un peu vieilli. Mers enfants ne me croient pas mais j’ai neuf ans. »

En vers, elle raconte le grand-père, celui qu’elle n’a pas connu, celui qui a fui vers une île participer à une autre révolution après l’échec de sa guerre en Espagne.

« La rivière a emporté les lettres

Elles ont nagé en suivant ton bateau.

Tu as fui sans vraiment fuir. »

En prose, elle évoque le pays où elle vit, le pays dont sa mère a difficilement apprivoisé la langue, où sa grand-mère n’a jamais oublié le grand-père exilé. « Mon grand-père n’est pas mon grand-père. Le vrai je ne le connais pas. N’est jamais revenu. Ne reviendra jamais. Enfermé sur une île.»

Elle raconte le pays où elle vit, le pays qu’elle a quitté, où elle semble retourner pour les vacances, le mélange des langues : « Mes cousins parlent galicien. Je leur réponds en français. En espagnol. Une barrière de langue. Nous ne vivons pas sur la même bande de terre. Mais nous sommes de la même lignée », sa double culture, ses racines mélangées et pas forcément bien connues, son appartenance à plusieurs nation et peut-être à aucune, seulement à une famille à géométrie complexe. « L’espagnol est langue de mes ancêtres, celle qui nourrit mon sang. Pourtant j’y suis étrangère. »

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C’est une belle histoire personnelle mise en mots avec beaucoup de finesse et de talent, seul l’essentiel est dit est pourtant ce texte court peut inspirer une longue réflexion sur la famille, la nation, l’exil, l’intégration, la multiculture, …., « La frontière est une ligne invisible. D’un côté la France de l’autre l’Espagne. Et ce n’est plus la même langue. »

C’est aussi, en filigrane, l’évocation de la guerre d’Espagne et de ses conséquences ravageuses, désastreuses pour de nombreuses familles

« Même les oiseaux se taisaient.

Les uns, les bouches pleines de terre,

disparaissaient dans de grandes fosses.

Les autres ne pouvaient pas rester. »

Et surtout un très beau texte, très bien construit, qui dégage beaucoup d’émotion sous la plume de cette femme qui aura toujours neuf ans, l’âge auquel elle a appris que son grand-père chéri n’était pas le grand-père que sa grand-mère avait toujours aimé. « J’ai neuf ans je me demande comment on peu vivre avec une branche en moins dans son arbre. »

Le livre sur le site des Carnets du Dessert de Lune

 

Dejaeger.jpg?height=400&width=265STREETS (Loufoqueries citadines)

Éric DEJAEGER

Gros Textes

Dans ce recueil, Éric Dejaeger nous invite à parcourir les rues d’une ville imaginaire, quatre-vingt-dix-neuf rues qu’il décrit chacune à travers un poème qui donne le sens du nom de chacune d’elle. Il nous convie à traverser sa ville comme on traverse sa vie, en rencontrant mille aléas. Le poète, même s’il a mis un peu d’eau dans son vitriol, conserve un regard perçant sur tout ce qui l’entoure car :

Dans la Rue

des Etoiles Filantes

Il ne faut pas marcher

le nez en l’air…

Et si on ne marche pas le nez en l’air, on peut faire de drôles de rencontres, on peut même se rencontrer soi-même.

On a constamment

l’impression

d’avancer

à la rencontre

de soi-même…

Les réflexions du poète sont souvent drôles, parfois surréalistes, souvent très pertinentes, quelquefois sarcastiques mais toujours très justes. Et dans certains poèmes, il laisse même sourdre un certain sarcasme à propos des philosophes et ses poètes qui ne font pas toujours honneur à leur art.

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est l’une des moins

fréquentées

mais des plus

encombrées.

 

La Rue du Poète Classique

est perpendiculaire

en son milieu avec

la rue du Poète libéré.

Un petit clin d’œil au surréalisme dont Eric est, comme chacun le sait, l’un des grands prêtres.

La Rue du Surréalisme

commence quelque part

& finit

On ne sait où.

Un signe de complicité aux épicuriens

La Rue de la Soif

est plus courte

de la ville

mais elle paraît

excessivement longue

à certains.

Et un bon coup de pied aux fesses des politiciens qui embrouillent trop souvent la vie des poètes et des philosophes.

Il est assez dangereux

de s’aventurer

dans la Rue des Politiciens :

il faut éviter

les coups de langues de bois

les jets de pot-de-vin

les rafales de fausses promesses

& autres armes

De destruction massive

De la démocratie.

Un recueil drôle, inventif, impertinent, même si l’auteur y fait preuve de moins de virulence que dans des textes précédents, tout est plus doux, plus insidieux peut-être ? Une rupture ? Plus certainement un écart temporaire, un détour, une pause rafraîchissante… au final un bon moment de lecture en harmonie avec les douces journées de printemps qui ont accueilli cette publication.

Le livre sur le site de Gros Textes

 

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Jean Marc FLAHAUT

Les Carnets du Dessert de Lune

Dans ce petit recueil de poésie narrative, construit de vers très libres, extrêmement concentrés, chaque mot ayant son utilité, sa signification, son poids, sa musique, Jean Marc Flahaut exprime un doute très profond. Il doute de lui et de son art, il doute de la poésie, il doute de la capacité des lecteurs à comprendre la poésie, il doute même d’être capable de faire comprendre au lecteur la nécessité de la poésie, son sens profond, son utilité. Il doute de l’art, de son art, de la capacité des autres à comprendre l’art.

Ce doute le laisse oscillant en une incertitude schizophrénique entre celui qui écrit et celui qui range les papiers, entre le poète et le tâcheron :

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deux hommes en moi

l’un écrit

l’autre pas il lit – il classe – il range il trie »

Mais ce doute l’entraîne aussi dans une forme de paranoïa sclérosante, l’empêchant de proposer ces textes par crainte de la cohorte de tous les refus.

« peur du libraire

qui refuse de vendre mes livres

peur de l’éditeur qui refuse de prendre mon manuscrit

peur du lecteur

qui ne lira jamais aucun de mes poèmes

peur… »

Auteur convaincu de son talent, il est aussi persuadé du bienfondé des critiques négatives de ses détracteurs, nourrissant ainsi sa vision schizophrénique de son moi écrivain.

« …

il pense

qu’il est à la fois

le tueur et la cible

l’antidote et le poison

… »

Il reste alors avec ses doutes et ses frustrations, espérant toujours le livre qui changera tout, le regard des autres et l’estime de soi.

« ce livre

que je voudrais écrire

et tous ceux que j’ai écrits

pour m’en approcher »

Mais je suis convaincu que Jean Marc Flahaut est persuadé qu’il a du talent et qu’il affecte de douter de lui et de son art pour faire comprendre qu’on ne le juge pas à l’aune de ses qualités.

« c’est fou

ça n’a l’air de rien

mais ça dit tout »

Le narrateur réalise un véritable exercice d’autodérision instillant un doute sur son art pour, au contraire, démonter qu’il est bourré de talent et que ses textes méritent toute la considération des lecteurs et des éditeurs. Ils sont déjà nombreux à le lire et à l’apprécier à l’aune de son talent réel et je ne suis certainement pas le premier à être convaincu qu’il n’est surtout pas un « Bad Writer » !

Le livre sur le site des Carnets du Dessert de Lune

LECTURES DU PRINTEMPS 2017: LES AFFRES RELIGIEUSES AU MOYEN-ÂGE

arton117866-225x300.jpgpar Denis BILLAMBOZ

Pour ma dernière rubrique printanière, publiée avec un peu de retard, je vous propose un roman original qui évoque avec une certaine virulence les mœurs cruelles du Moyen-âge, notamment celles de l’église catholique que l’auteur n’affectionne vraiment pas. L’amour courtois semble bien ne pas être l’apanage de toutes les belles dames et beaux seigneurs.

 

51Ci8%2BK5Y9L.jpgLA FÊTE DES FOLS

Camille COLMIN STIMBRE

Editions du 38

Au tournant des XIV° et XV° siècles, en plein cœur de la Guerre de Cent Ans, entre Maine, Anjou et Vendée, une jeune viking emportée par un nobliau local cherchant à venger des pauvres hères cruellement massacrés par la bande à laquelle elle appartenait, essaie de s’intégrer à la culture française pour devenir une parfaite châtelaine, une bonne épouse, une bonne mère, une chrétienne suffisamment acceptable pour les autorités religieuses particulièrement intransigeantes sur ce sujet.

Swanhilda, fille d’un chef viking venu rançonner et étriper les pauvres gens habitant sur les berges de la Loire a été élevée comme un garçon, dans la tradition de son île voisine des côtes norvégiennes. Elle ne connaît que les lois de la nature, la liberté des mœurs et la force qu’on impose aux autres. C’est une fille libre soumise à aucune religion si ce n’est à celle des ancêtres et des dieux qui donnent la victoire au combat. Sa troupe a été surprise, les guerriers ont été cruellement martyrisés et exterminés, elle, elle a été conduite dans un couvent pour devenir l’épouse de Geoffrey de Laval (Geoffrey du palindrome) qui est tombé follement amoureux de cette belle nordique.

Sur fond de querelles entre factions agissant pour le compte des Capétiens, des Plantagenets, des Bourguignons ou encore des Armagnacs, Camille Colmin-Stimbre échafaude un roman médiéval qui n’a pas grand-chose à voir avec les romans de chevalerie que nous avons déjà pu lire. Dans son texte la violence à force de loi mais ne elle ne sert pas qu’à ça, elle peut aussi devenir divertissement ou même spectacle, la cruauté et le cynisme sont choses courantes, la paillardise et les gauloiseries les plus rudes font partie intégrales des mœurs quotidiennes. Ils sont bien loin l’amour courtois et les chansons des troubadours, l’église, d’après l’auteur, a perverti les populations depuis des lustres déjà et déversé le vice et la violence partout dans le pays.

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Camille Colmin Stimbre

Camille Colmin-Stimbre n’aime pas les religions, particulièrement la religion catholique, il bouffe du curé à longueur de pages, les accusant des paillardises les plus orgiaques, des violences les plus cruelles, de tueries massives, de tortures, de viols, de spoliation, d’accaparement et de toutes les perversions possibles. Il reproche aux religieux d’avoir castré les hommes comme les femmes, de les avoir privés du plaisir de la chair, de les avoir condamnés à vivre sous l’emprise de la terreur et de la peur de connaître une vie de souffrance et de douleur dans l’au-delà. Il accuse l’église d’avoir engendré une société de pleutres, de pervers, de fourbes et de félons capables des pires atrocités. Il lui reproche vertement d’avoir remplacé le plaisir et l’amour par la guerre et la violence. « Le spectacle des jeux de l’amour et du sexe serait, en général, plutôt réjouissant, celui de la guerre et de la violence religieuse absolument effrayant. Lequel des deux nous est le plus souvent offert ? »

Dans le beau pays de France, contrairement aux froides contrées nordiques, la religion a ainsi condamné le plaisir et le sexe et prôné la violence et la guerre et pourtant la belle Swanhilda semble bien être le personnage le plus sain, le plus équilibré et le plus exemplaire de ce roman. Et cette situation n’est pas près de s’inverser, les stigmates de l’enseignement religieux sont trop profondément incrustés dans les corps et les cœurs pour que les esprits libres obtiennent grâce auprès des sicaires de l’église. « La haine du catholique par les esprits libres n’était pas près de disparaître ! »

Juste une histoire pour raconter la face cachée de notre Histoire médiévale. Juste une histoire pour bien montrer que les tares actuelles de notre société enfoncent leurs racines bien profondément dans la nuit de l’Histoire.

Le livre sur le site de l’éditeur

CHEMIN DE FER de MICHEL JOIRET

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par Philippe LEUCKX 

 

 

 

 

 

 

chemin-fer-1c.jpg   C’est à une traversée du temps et à un hommage au rail que se livre le romancier et poète Joiret, autour de la figure de ce fou de circuits électriques de chemin de fer, Valentin, retraité bruxellois. On le suit de la guerre (1943) à son grand âge (il a septante-sept ans au terme du roman). C’est l’occasion pour notre écrivain d’évoquer les grandes périodes de la Belgique et les micro-événements que tissent la vie de ce Balentin (selon l’ami Karim) et celle de tant de Belges, ballottés de la guerre sombre à l’Expo de 58, sans oublier la ferveur que notre antihéros porte à son quartier autour de la Gare du Midi, à sa rue Grisar.

   En 28 chapitres, on passe de l’appartement minuscule de cet ancien fonctionnaire, que meublent les trilles de l’oiseau Aristote, offert par Karim le boutiquier, à la rue, à ses grèves qui agitent le petit peuple du Midi. En aura-t-il rêvé des trains, des voyages ! Et les voyages sont parfois, comme le dit Pessoa, immobiles. Mais le rêve ou la maladie soudain peuvent les rendre vibrants, tel ce wagon-lit de rêve qui illumine la vie nocturne d’un arpenteur, accoudé si souvent à la fenêtre, qu’enchante le monde des rails.joiret-2.jpg

   « Le Carré d’or » nous avait ébloui par sa grande connaissance de Bruxelles. Ce dernier roman, toujours aussi bien écrit, toujours aussi bien charpenté avec son présent sensible, ses retours en passé intime, distille une sourde mélancolie, celle qui relève avec justesse nos plus ardents désirs, la confrontation parfois étonnante avec le réel. Et parfois aussi du rêve éveillé naissent les plus beaux voyages.

   Sélectionné pour le Prix Mons 2017, l’ouvrage de Joiret est le type même de roman susceptible d’attirer, par sa finesse, par son indéfectible mémoire du temps, un vaste et nouveau public, exigeant, qui se reconnaîtra dans cette fiction si proche de nous, tissu d’enfance qui se prolonge et investit le présent du lecteur. Puisque chacun a ses marottes, chacun ses paradis réservés, jusque dans les coins les plus infimes de son monde.

Le livre sur le site des Editions M.E.O.

 

À PROPOS DE LA TRAGÉDIE DE MARCINELLE UN LIVRET BILINGUE DE L’ARBRE A PAROLES

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par Philippe LEUCKX 

 

 

 

 

19990477_1463901317005134_118151327126700364_n.jpg?oh=724b8310d3d8fe9a382d12d9dd757630&oe=5A02AC47Dommage… Je m’attendais à une évocation poétique qui puisse offrir aux 262 victimes et à leurs familles un blason du souvenir, de quoi soulager (le peut-on?) par les mots tant de souffrance.

Au lieu de ça, au lieu du projet auquel on ne pouvait qu’adhérer (rendre hommage), un texte qui joue du pêle-mêle équivoque.

On se souvient du beau film (en rien polémique) de PAUL MEYER : « Déjà s’envole la fleur maigre » (BE, 1960), qui réussissait à donner de l’immigration italienne un portrait saisissant sur les souffrances de l’exil et les beautés tout de même, tissées d’enfants dégringoleurs de terrils.

J’aurais voulu, par ce texte d’Eric Brogniet, retrouver cette qualité. On est loin des promesses.

Ce n’est ni un livre de poèmes (quoique l’auteur soit poète et célébré) ni un essai ni un compte-rendu objectif de faits tragiques (auquel cas l’ouvrage serait bien imprécis, bien partial). C’est un texte polémique qui amalgame des faits qui n’ont rien à voir entre eux ( le naufrage du paquebot Andrea Doria – les bombes sur Hiroshima – la mission de Van Gogh en Borinage – les camps de la mort – la tragédie du 8/8/56).

A l’occasion du 50e anniversaire des événements terribles de Marcinelle, le Musée de la photographie de Charleroi avait édité un fort volume de textes et de clichés noir et blanc. Le texte de Christian Druitte, les photos saisissantes de Detraux et Paquay donnaient de la tragédie une vision large, documentée.

Pour le 61e anniversaire, L’Arbre à paroles publie, avec une belle couverture de Pelletti , « Tutti Cadaveri », un texte de Brogniet, une traduction du même texte en italien par Rio Di Maria et Cristiana Panella.

Le texte français – 17 pages – propose en page 15 :

& les châssis à molettes aussi appelés chevalements ou plus poétiquement belles fleurs se dressaient noirs sur le ciel bleu azur de ce pur matin d’été qui rendait le paysage du Pays Noir plus proche de la belle et pauvre Italie là-bas au bout des interminables voies ferrées qui irriguaient l’Europe

& qui avaient servi une dizaine d’années auparavant à transporter d’autres êtres humains qui seraient transformés eux aussi en brouillard & en matières premières, suie, engrais et savon pour le bénéfice de IG Farben, Messerschmitt, …

en page 21 : amalgame également d’événements tragiques qui n’ont rien à voir entre eux : corps « remontés sur des civières » comparés aux « papillons noirs de la fumée atomique … »

Etranges et douteux rapprochements entre des faits voulus par une industrialisation de la mort humaine commandée par le régime nazi et une tragédie NON VOULUE (quoiqu’il y ait eu de graves manquements dans l’intendance des fosses), entre Marcinelle et Hiroshima (victime des derniers ressauts d’une guerre mondiale atroce)… Quoi de comparable? Que veut-on prouver? Est-ce bien raisonnable de mettre en parallèle de tels faits dont le niveau de responsabilité est immensément divers!

Pourtant, il y avait, sous la plume de l’auteur, tous ces affleurements d’émotions dans la relation des faits familiaux (ces deux frères morts en se tenant la main – les souffrances de l’exil, des proches attachés aux grilles funèbres – l’habitat précaire des baraquements, la froideur d’une certaine administration loin des peines subies …), mais l’exagération polémique ôte à ces belles scènes leur force de conviction. Vraiment dommage : le respect humanitaire impose la neutralité ou la poésie revivifiante. La polémique ne sied guère à la tragédie qui broie les corps.

Fils d’un résistant de l’ombre, amoureux fou de l’Italie, passionné d’histoire contemporaine (si complexe), scandalisé par les sévices qu’on inflige volontairement à l’humain (de la Chine des derniers jours à la barbarie nazie et aux GOULAG soviétiques), je dois l’avouer, j’ai été choqué par les amalgames que se permet l’auteur pour étayer sa thèse.

Quelques erreurs orthographiques (pose pour pause, par ex.)

 

Eric Brogniet, TUTTI CADAVERI, L’Arbre à paroles, 2017, 48p., 10€.

Le site de L’Arbre à paroles