
LES LECTURES D’ÉDI PHIL
Numéro 6 (novembre 2018)
Coup de projo sur le monde des Lettres belges francophones
sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…
A l’affiche : un essai (Pascal Durand et Tanguy Habrand), deux romans (Thierry Robberecht, Luc Fivet), une nouvelle (Evelyne Wilwerth), un recueil de poésies (Thierry-Pierre Clément), un héraut du faire-savoir (Philippe Leuckx) ; les maisons d’édition Les Impressions Nouvelles, Weyrich, Baker Street, Ad Solem et Lamiroy.
(1)
Le coup de cœur du numéro !
Pascal Durand et Tanguy Habrand, Histoire de l’édition en Belgique, essai, Les Impressions Nouvelles, 2018, 565 pages.
L’Ancien et le Nouveau Testaments !
On demeure muet d’admiration devant l’ampleur et la qualité de cet ouvrage, d’un idéalisme confondant. Car, disons-le tout net, on ne s’adresse pas ici au grand public, la niche visée est étroite, des professionnels du secteur (auteurs, éditeurs, journalistes culturels, bibliothécaires…) a priori. Et pourtant ! Cette nouvelle Bible de notre Histoire éditoriale mériterait d’inspirer un cours d’université, de voir venir y grappiller des perles des amoureux de culture, d’histoire, d’histoire belge, de belgitude, voire d’entreprenariat.
L’objectif des auteurs ?
Ces deux pointures du milieu universitaire, très impliquées dans le domaine du livre contemporain, ont souhaité offrir « le double éclairage d’une histoire propre à faire ressortir des tendances relevant de la longue durée » mais aussi « à procurer, pour chaque période envisagée, un tableau représentatif des principales maisons en activité ».
On parlera d’édition, au sens large, loin d’une limitation au fait littéraire. D’autant que la Belgique va s’affirmer dans des domaines marginaux : édition pédagogique (De Boeck, Wesmael-Charlier, Duculot, Dessain), BD (Casterman, Lombard, Dupuis), livre religieux ou de jeunesse (Marabout, Mijade, Pastel…), théâtre (Lansman), droit (Larcier)…
Les auteurs, lucides ou modestes, renoncent à l’exhaustivité, c’est pourtant mon seul (léger) bémol, ils sont tellement complets, précis qu’on finit par s’étonner des rares absences* remarquées : Le Hêtre Pourpre fin 90/début 2000, Murmure des Soirs aujourd’hui…
La matière brassée ?
Ce livre magistral offre ce que promet l’épigraphe (signé Didier Devillez, éditeur) : « Il existe entre tous ces auteurs, ces textes et ces œuvres, un fil ténu qui, si fragile soit-il, nous semble produire ce que tout être humain est en droit d’exiger d’autrui et de la vie : du SENS. »
Le livre est découpé en six sections : Le temps des imprimeurs (1470-1650) ; Le soleil noir de la contrefaçon (1650-1850) ; Entre Rome et Paris (1850-1920) ; La renaissance de l’édition belge (1920-1940) ; Industriels et artistes (1945-1980) ; Etat littéraire et marché du livre (1980-2000). Avec un épilogue prospectif : Au seuil d’un nouveau siècle.
Pour donner une idée de son contenu, évoquons ses premier et dernier chapitres. En insistant sur l’atmosphère générale : TOUT l’ouvrage témoigne d’écritures affinées et puissantes tout à la fois, d’une érudition mirandolienne et de recherches bénédictines, d’une conjugaison réussie du souffle et de la nuance.
Les débuts de l’imprimerie.
On remonte aux alentours de Gutenberg, au XVe siècle, pour aller gratter derrière des noms qui devraient parler à tout citoyen belge : Thierry Martens, Moretus, Plantin… On découvre avec fascination à quel point notre époque n’a rien inventé mais simplement intensifié les échanges culturels, la mobilité des corps, des idées et des produits. De voir notre Martens devenir l’ami intime ou l’imprimeur/éditeur attitré du Rotterdamois Erasme, publier un roman du futur pape italien Pie II, la Lettre de la Découverte du Génois Colomb ou la mythique Utopie de l’Anglais Thomas More (dont il réalise la première édition, à Anvers !), voilà qui laisse pantois. Puis songeur. Quels romans à écrire sur cette époque, ces aventures intellectuelles qui effacent les frontières ! Qu’attendons-nous, nous, gens de plume ?
Et que dire de la modernité des considérations dudit Martens ? Qu’il jette un regard lucide ou cynique sur son métier : « Un auteur ne cherche dans ceux qui le lisent que des admirateurs ; moi, j’y cherche des acheteurs. » Ou anticipe les récriminations de nos auteurs/éditeurs actuels : « J’ai souvent remarqué que les hommes, en général, ne font cas que de ce qu’on leur présente comme venant de l’étranger et importé de fort loin », « Tous les pays du monde entretiennent leurs industriels, le nôtre seul fait exception ». Au passage, un lecteur attentif s’interrogera sur le terme pays. Il y avait donc en nos terres une idée de nation, de patrie ? De quelle nature précise ? Passionnant, mais voilà qui quitte les limites de cet article.
Après Martens, Plantin, dont Balzac, au XIXe siècle, vantera encore la qualité extraordinaire des réalisations, consacrant le passage plus affirmé de l’impression à l’édition.
Trop à lire, à dire ! Je bondis par-dessus des centaines de pages.
L’édition de notre temps.
Le parcours est fascinant ! Jacques Antoine, Lysiane D’Haeyère et les Eperonniers… Puis ces noms qui recoupent mon itinéraire : Lombard, Yéti-Presse, Marabout, David Giannoni et Maelström, André Versaille, Christian Lutz… Mais, au-delà de la séquence nostalgie, il y a surtout la sensation de comprendre comment sont nés les sillons que nous pouvons aujourd’hui emprunter, il y a un approfondissement de la nature des diverses composantes. Qui aide à savoir d’où l’on vient, où l’on est, où l’on pourrait aller. On quitte l’histoire ou la réflexion sur le microcosme pour saisir encore un outil. En amont, des racines. En aval, du sens et des flèches.
Au détour des pages, on admire André Versaille, qui a réussi à traiter d’égal à égal avec Paris pour le domaine de l’essai (avec l’aide de Danielle Vincken), ou Emile Lansman, qui l’a réussi côté écriture théâtrale ; on s’étonne de l’importance d’un Mardaga, de l’apport considérable d’un Marc Quaghebeur ou d’un Jean-Luc Outers, etc.
Et puis, soudain, on tente de s’arracher au lamento des éditeurs et auteurs, qui ont certes souvent raison de stigmatiser un manque de soutien, de reconnaissance, mais qui, à force, en oublieraient des réussites ou spécificités très remarquables dont il convient de remercier nos instances (Communauté française de Belgique puis Fédération Wallonie-Bruxelles) : le concept Espace Nord**, une collection patrimoniale qui élargira son impact et sa philosophie en se faisant aussi anthologie de l’or littéraire du temps récent ou présent ; les très performantes et très citoyennes revues/plateformes culturelles Le Carnet et les Instants*** et Karoo**** !
En surplomb de la lecture…
…des interrogations sur la nature de l’édition belge, dont Roger Avermaete (magnifique auteur d’une Histoire belge décapée et décapante), disait, en 1929 déjà, qu’elle était « inexistante », la Belgique n’étant pas une « nation littéraire » comme la France, où « l’édition participe d’une volonté et d’une représentation », mais souffrant d’un déficit d’identité nationale, d’« un certain rapport distancié à la culture », d’une « position périphérique » par rapport à Paris ou Amsterdam.
Les auteurs nous ont offert un socle, et nul doute qu’on reparlera de cet ouvrage dans les décennies à venir. Bravissimo à tous deux et à leur éditeur !
Le livre sur le site des IMPRESSIONS NOUVELLES
(2)
Thierry Robberecht, Onnuzel, roman, Weyrich, 2018, 126 pages.
Je lui ai consacré un Coup de Coeur dans Le Carnet et les Instants :
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/11/02/robberecht-onnuzel/
Qu’ajouter ?
Pour respecter les limites d’un article estampillé Carnet, je n’ai pas situé l’auteur. Il est né en 1960 et a une longue carrière derrière lui, dans le domaine de l’édition jeunesse (BD et livres illustrés comme scénariste, romans). Il a notamment travaillé sur une reprise des aventures de Guy Lefranc, la seconde créature (après Alix) du génial Jacques Martin.
Haro sur les étiquettes, donc, et bravo à Thierry Robberecht de se réinventer ainsi, qui plus est avec naturel ! Du secteur jeunesse, il a amené des qualités qu’on ne retrouve pas si souvent : sobriété, fluidité, vivacité. Et on songera à trois autres grands pros de nos Lettres comme Patrick Delperdange, Claude Raucy et Pierre Coran, avec cette conviction que le décloisonnement enrichit la palette et amène une consistance supérieure à la moyenne.
BONUS ! Une micro-interview !
Edi-Phil : Comment situez-vous la nouvelle qui conclut le livre par rapport au roman qui la précède et qui semble en être une variation, un élargissement ?
Thierry Robberecht : La nouvelle qui conclut le roman a été écrite il y a quelques années. Il s’agit d’une variation sur un thème qui m’obsède : le père. Où est-il ? Comment imaginer notre rencontre ? Quant au roman… La mort de ma mère, en 2016, a déclenché l’envie de raconter mon enfance. C’est une manière de lutter contre l’oubli. Je ne suis plus très jeune et je suis partiellement handicapé à la suite d’un AVC subi en 2011. J’avais l’impression que c’était le moment.
Le livre sur le site des Éditions WEYRICH
(3)
Luc FIVET, La manufacture des histoires, roman, Baker Street, 2018, 403 pages.
Un bon livre ! Dont j’ai offert une recension dans Le Carnet et les Instants en septembre :
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/09/10/fivet-la-manufacture-des-histoires/
Le livre sur le site des Editions BAKER STREET
(4)
Evelyne Wilwerth, La Chambre 3, nouvelle, Lamiroy, 2018, 39 pages.
Après la brique évoquée en (1), l’exact opposé : un tout petit livre qui entre dans le cadre d’une collection originale lancée par Lamiroy, une nouvelle inscrite dans un livre de 14 cm sur 10, qu’on glissera aisément dans une poche… et ce pour un prix modique : 4 eur !
Applaudissons l’initiative, qui me rappelle l’irruption dans notre paysage des booklegs de Maelström il y a déjà un bout de temps.
En l’occurrence, l’opuscule est réussi. Un objet tout mignon pour un contenu sans surprise. Dans le meilleur sens du terme. Je n’ai pas, en effet, souvenir d’un livre d’Evelyne Wilwerth qui ne se lise pas avec plaisir. Elle conjugue toujours une écriture soignée et une narration vive, fluide. Ici ? Elle parvient à nous émouvoir/tenir en haleine avec l’aventure de cette femme sans charme (a priori et pour elle-même) qui emménage à côté d’un hôtel, fantasme sur la chambre art déco qu’elle aperçoit de chez elle et sur les romans qui s’y construisent, finit par rêver y louer une nuit à son tour. Et…
Le livre sur le site des Editions LAMIROY
(5)
Thierry-Pierre Clément, Approche de l’aube, recueil de poésie, Ad Solem, 2018, 117 pages.
Je préfère m’effacer devant la présentation de Jean-Pierre Lemaire (préface) : « chacun des poèmes qu’on va lire est merveilleusement équilibré dans ses sonorités et ses rythmes, comme pesé dans la fine balance où la Peseuse de perles de Vermeer évalue ses trésors ». Dans les cinq parties qui composent le recueil, il sera question d’un itinéraire mystique, celui de l’auteur vers la lumière. Un au-delà du contingent et du matériel, une mise en communion avec le meilleur de l’humain et du monde ? L’épigraphe d’Henry Bauchau, « J’écris pour l’espérance », aurait pu surplomber La Peste de Camus, jaillir de la bouche de l’un de ses saints laïcs.
La lumière, sa quête ou sa révélation. La première partie envisage des manières d’aller à sa rencontre, « en chemin », « dans la montagne », « sous les arbres », « avec les fleurs » (NDLA : sous-titres)… La partie centrale offre la leçon du dépouillement. La dernière une voix profonde qui « vient de beaucoup plus loin que nous » et « ne tarit jamais ».
Quelques extraits ?
« monter vers la source
sans relâche »
« nous allons vers
nous n’arrivons jamais
l’élan demeure
et le désir
et l’abandon »
« seul au monde
tout au monde »
« quel chant s’élèvera
de la coupe de tes jours ? »
Nous parlent les idées qui frissonnent au croisement des mots et des lignes.
L’humanisme :
« humaine destinée
commune destination ».
La vocation :
« pourquoi avoir quitté ce chemin
où tu marchais d’un pas tranquille ?
(…)
un appel
seulement un appel
(…) ».
1+1=3 :
« chaque fleur est discrète
mais toutes ensemble elles allument
un incendie multicolore
qui soulève la prairie
en marée de lumière ».
La méditation et l’adéquation :
« les paroles sont inutiles
reste simplement là
présent devant le monde
présent devant la rose
(qui fleurit sans pourquoi)
laisse-la entrer en toi
laisse-la devenir toi
et toi
deviens la rose ».
Une belle âme ! A découvrir !
Le recueil sur le site des Editions SOLEM
(6)
Les hérauts du faire-savoir (5).
Héraut du jour, après Guy Stuckens, Willy Lefèvre, Jean Jauniaux/Edmond Morrel et Michel Torrekens… PHILIPPE LEUCKX.
Philippe LEUCKX ! Une impression frivole et à l’emporte-pièce avancerait : il écrit sur tout partout ! Tant il multiplie les interventions, sur divers supports, évoquant les livres parus mais le cinéma aussi, les sujets issus de l’actualité, etc. Loin des médias traditionnels, qui gagneraient tant à intégrer de pareilles pointures, il assume un rôle d’intellectuel au sens le plus noble du terme. Et il faut réfléchir à cette émergence d’auteurs qui disent le monde, osent s’y aventurer (Vincent Engel, Arnaud de la Croix, André Versaille, etc.).
BONUS ! Une micro-interview !
Edi-Phil : « Tu as entamé ta carrière en écriture par la poésie ? »
Philippe Leuckx : « Carrière. Un grand mot. J’ai commencé très tard. Mes premiers poèmes sont parus en 1993 chez Eric Dejaeger, qui, à l’époque, avait lancé la revue Ecrits Vains ; d’autres ont suivi la même année, dans des revues françaises et belges, puis un premier recueil (Une ombreuse solitude, L’Arbre à paroles) en 1994 (j’avais presque 39 ans). Dans la foulée, j’entre comme membre adhérent à l’AEB (NDLA : l’Association des Ecrivains belges de langue française), deviens sociétaire en 2000 (il fallait au moins trois livres parus, selon le règlement). J’ai commencé à écrire sur « les autres », comme tu le dis, dès l’hiver 1995. J’avais envoyé à Mimy Kinet, qui était aux commandes de regArt, un article la concernant, qui l’avait emballée, et elle m’a demandé d’écrilire (nom de la rubrique de la revue) pour elle. Ce que j’ai accepté. J’ai participé ainsi à deux numéros, mais Mimy Kinet est décédée en 1996, la revue s’est achevée selon la volonté de son successeur Claude Donnay, j’ai commencé à collaborer à d’autres revues pour y placer des notes, papiers et articles : L’Arbre à paroles, Le Journal des poètes. Puis dans Dixformes-Informes de Philippe Brahy. Toutes ces revues ont disparu, à l’exception du Journal des Poètes. »
Edi-Phil : « Comment en es-tu arrivé à écrire tant et plus sur les autres ? Comment en es-tu arrivé à consacrer tant d’efforts au faire-savoir relatif aux auteurs belges francophones, alors que tu possèdes par ailleurs une culture mondialiste (et pourrais, par exemple, nous parler des heures durant de cinéma japonais ou italien) ? »
Philippe Leuckx : « S’il est vrai que j’ai consacré beaucoup de temps aux auteurs francophones belges, c’est assez naturellement, dans le prolongement de mes études de philologie romane et de mon métier d’enseignant. Lorsque j’ai commencé à écrire des critiques, cela faisait seize ans que je donnais des cours. Une critique, c’est avant tout un travail philologique (établir un texte, s’il y a lieu, et surtout, commenter). Dès le début, je me suis intéressé à d’autres auteurs de poésie, des Français (Dominique Grandmont, etc.), des Italiens (Bruno Rombi, etc.). Puis les critiques de romans, de films ou encore de musiques se sont ajoutées. Dès 1999, j’envoie régulièrement des critiques à deux revues auxquelles je suis resté fidèle : Francophonie Vivante et Bleu d’encre. »
Edi-Phil : « Tu as l’impression que cette activité participe de ta construction, de ton élargissement (car tu ne recenses certes pas par routine) ? »
Philippe Leuckx : « Je trouve indissociables l’écriture poétique, romanesque, cinématographique et la critique littéraire. Elles s’éclairent, entretiennent un intérêt constant à une démarche précise, dense et philologique. Selon la méthode d’analyse sémiotique textuelle (enseignée à Louvain par Ginette Michaux, alors première assistante, à propos de Proust à qui j’ai consacré mon mémoire de licence – La manipulation du thème de l’humain par l’écriture proustienne), je cherche toujours à évoquer le style, le monde de l’écriture, les couches de sens par l’étude du signifiant. Lire un film d’Antonioni ou un poème de Supervielle ou un roman de Françoise Lefèvre, selon cette méthode, permet de dégager le plus précieux d’un livre – non sa trame thématique, non son intrigue, de peu d’importance dans la mesure où les thèmes et les bonnes histoires sont un lot commun, mais l’essentiel de ce qu’un véritable auteur peut donner, son style unique, tissé de constantes, de reprises, d’approfondissement. J’aime ainsi suivre les écrivains, les cinéastes sur le long cours. Pour les Dossiers L, j’ai lu l’œuvre intégrale de poètes (Mimy Kinet, Jacques Vandenschrick, Claude Donnay, Anne Bonhomme, Paul Roland, André Romus). Pour d’autres revues, j’aime parler d’auteurs (francophones ou étrangers) que j’ai l’impression de lire depuis toujours : Elsa Morante, René de Ceccatty, Philippe Claudel, Pier Paolo Pasolini, Cesare Pavese, Bashô, Bertrand Visage, Annie Ernaux, Roberto Saviano, Patrick Modiano, Beatrix Beck, Pascal Quignard, Jules Supervielle, Françoise Lefèvre, André Hardellet, Lucien Noullez, Mathias Enard, Laurent Mauvignier, Régine Detambel, Marc Dugardin, Dominique Fernandez, Giovanni Arpino, etc. »
Edi-Phil : « Tu n’éprouves jamais de lassitude ? »
Philippe Leuckx : « Routine ? Je ne ressens jamais cela. J’éprouve parfois, mais au fond c’est assez rare, une déception, un agacement, une impression de déjà lu. La découverte prime. Je voudrais partager le bonheur de recevoir par la poste un nouveau livre. Essai, poésie ou roman, peu importe. Je parle de plus en plus d’essais littéraires : les derniers consacrés à Morante (par de Ceccatty), à Proust (Erman, Pavans), à la poésie (Maulpoix). »
Edi-Phil : « Tu as l’impression de faire œuvre utile, de faire œuvre comme critique, de remplir une case désertée par les grands médias (qui ne feraient que rarement leur travail) ? »
Philippe Leuckx : « Faire œuvre utile. Certes. J’ai multiplié les collaborations à des magazines papier (Bleu d’encre, Le Journal des Poètes, Francophonie Vivante puis Phoenix, Triages, Saraswati…) ; j’ai ajouté celles à des revues numériques (Les Belles Phrases, Reflets Wallonie Bruxelles, Texture, Recours au poème, La Cause Littéraire, Terres de femmes, Terre à ciel). Dans la presse généraliste (les quotidiens), l’on ne parlait plus de poésie depuis une bonne dizaine d’années. Luc Norin n’a pas été remplacée à La Libre Belgique ; Le Soir n’évoque que très épisodiquement des poètes… et en quelques lignes maigres. Or parler d’un livre en trois lignes me paraît faire injure au genre : si cela n’intéresse personne à ce point, autant ne rien écrire. J’ai pris le pli d’écrire sur la poésie en un gabarit raisonnable (une page ou une page et demie A4). Pour ma chronique Poésie Panorama (depuis 2005), je traite de trois, quatre ou cinq auteurs en 5000 caractères imposés par la Rédaction. »
Edi-Phil RW
* Philippe Leuckx, le héraut du jour, s’étonne, quant à lui, d’autres absences, côté poésie : Le Coudrier (plus de cent titres au catalogue), Bleu d’encre, Les Déjeuners sur l’herbe (une quarantaine de titres).
** La collection Espace Nord est désormais publiée par Les Impressions Nouvelles, qui ont aussi édité cette somme. Une très belle maison ! Dirigée par un homme aux multiples facettes (scénariste des Cités Obscures et comparse de François Schuiten, biographe, essayiste, romancier, critique, éditeur…), le fascinant Benoît Peeters.
*** Le Carnet, décliné en revue papier (pour des dossiers) et en version numérique (un article par jour, cinq ou six jours par semaine), dirigé par Nausicaa Dewez (secondée par Thibaut Carion et Michèle Dahmouche), dévoile tous les pans du microcosme de l’édition belge : les livres écrits par des Belges francophones sont TOUS évoqués, beaucoup analysés ; les éditeurs et les projets ; les prix littéraires de toute nature, les ventes, les subsides, bourses, lieux d’hébergement, etc. Voir : https://le-carnet-et-les-instants.net/
**** Karoo (émanation de l’ASBL Indications), leadé par Lorent Corbeel (secondé par Julie Derycke), s’adresse avant tout aux jeunes (15-30 ans ?), sans exclusive aucune, il forme à l’esprit critique et à la rédaction, introduit dans les arcanes de la création, le réussit si admirablement que bien des rédacteurs/trices sont devenus écrivains, journalistes ou responsables dans le domaine culturel. Voir : https://karoo.me/
I, beau numéro, vraiment.
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