
L’été qui s’écoule, d’août à septembre, aura eu pour toile de fond Ambleteuse, l’Auvergne (et sa clinique du Pré aux Sources) et des allers retours pour des héros ordinaires, dont la rencontre pour le moins banale va enclencher une intrigue mouvementée. Une baigneuse (d’où la belle couverture du peintre belge), un touriste en chambre d’hôte sur la Côte d’opale, une logeuse libraire, cuisinière et avenante, au beau nom de Mireille, forment un trio original. Et tout fonctionnerait s’il n’y avait ce gros grain de sable sur la plage où Jésus-Noël, ébloui par la nageuse Amelle, a cru rêver… La machine aux rêves, hélas, se détraque et la belle disparaît. Si bien qu’il faudra coûte que coûte la retrouver, mais à quel prix ? Jésus n’est pas en reste, sa profession (journaliste, écrivain) lui vient au secours et il dégote les carnets intimes de la mère de la disparue, Maria, et toute son histoire, pas piquée des vers, un mariage pas très heureux, une belle-famille Delanges, bourgeoise jusqu’à la lie pour une pauvre immigrée espagnole…
Mises en abyme, carnets dans un récit où l’on évoque un livre à écrire – et pourquoi pas, pour contenter le Jason d’éditeur, en partant de ces fameux Carnets ? – ; beaux M des prénoms féminins, de ceux qu’on AIME : Maria, Mireille, AMelle ; intrigue policière sur base d’une disparition qui a son lot d’interrogations et de surprises ; le roman épais tient la route, et la tient bien, avec ses airs de road movie tremblant d’amour. « La route des cendres », le premier roman de Donnay, a donné le la : un grand air des vacances circule dans ces pages où l’on quitte Ambleteuse pour l’Auvergne, en quête d’un amour perdu. Amelle a toujours beaucoup souffert de la mort de sa mère, d’une belle-mère rapportée, d’une grand-mère étrangère et froide. On la retrouve ainsi fragile dans un hôpital du fin fond de la France, avec des médecins aux petits soins, enfin, nous n’en dirons pas plus…
L’aisance romanesque est devenue une seconde peau du poète Donnay, qui aimait déjà bien les escapades parisiennes (un très beau recueil « Poèmes du chemin vert »au Coudrier) ou l’air marin (« Ressac », chez le même M.E.O.), et le lecteur, d’amble, le suit, des plages d’Ambleteuse, où le coup de foudre pour une nageuse au blanc bonnet a mis le feu aux mots du poète et nourri durablement une narration que l’on sent féconde, heureuse, à l’aune des amours du héros beau gosse pour ces dames, auquel elles ne peuvent décemment renoncer tant l’animal est plaisant, agréable, vif, gourmand des belles et bonnes choses.

Les thèmes de l’amour, de l’errance, de la disparition offrent de beaux étais à ce romanesque partageable : les rencontres profitables, les repas partagés, la solidarité (ainsi Mireille propose ses services pour aller en quête de la belle), ne sont pas plaquées mais alimentent en profondeur une histoire sensible. L’amour est-il toujours ainsi si difficile à nouer à son âme ? Faut-il attendre ? Et quoi ? Peut-on aimer deux êtres ? Autant de pistes que le héros trace, traversant la France, longeant la côte, revenant à Bruxelles pour y loger sans doute un peu de répit à ses doutes, à sa vie tout d’un coup sortie de la torpeur ?
L’écriture, soignée, précise, sert de beaux portraits de femmes, sensuelles, gourmandes de la vie ou fragilisées ou encore endormies dans la convention. Un beau roman.
Claude DONNAY, Un été immobile, M.E.O., 2018, 300p., 20€. Couverture de Léon Spilliaert, « Baigneuse »
Le roman sur le site de M.E.O.
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