
Les Lectures d’Edi-Phil
Numéro 14 (juillet 2019)
Coup de projo sur le monde des Lettres belges francophones
sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…
À l’affiche :
Suite et fin des feuilletons Jacques De Decker (4 épisodes) et Véronique Bergen/Kaspar Hauser (3 épisodes), deux romans (Georges Simenon et Aly Deminne), un témoignage (Thierry Grisar), deux essais (Christian Libens et Jean Jauniaux) ; les maisons d’édition La Muette, Les Impressions Nouvelles/Espace Nord, Le Soir et Weyrich/Corbeau Noir, Banc d’Arguin, Flammarion….
et une émission radiophonique !
(1)
Fin du feuilleton Jacques De Decker !
En son quatrième épisode.
« Peu de science écarte de Dieu, beaucoup y ramène. » Qui disait plus ou moins cela ? Eh bien, je ressens cette sensation. Mon projet m’a amené à repousser ce que Jean Jauniaux, dans son essai La Faculté des Lettres, a qualifiés d’éparpillements, soit l’immensité des champs d’action de notre auteur, pour dégager le trésor d’une œuvre romanesque majeure. Mais. Au terme de mes modestes investigations (loin de moi de lire l’ensemble d’une production), j’ai encaissé un choc en retour. Qui initiait l’envie de réintégrer d’autres pans de la création de notre sujet. Car. Si tout le monde, dans notre microcosme, connaît l’apport critique éblouissant, au point de faire œuvre, si j’espère avoir démontré la réussite romanesque, il est clair pour moi désormais que Jacques De Decker a été éclairer de son talent (ou de son génie ?) bien des genres. On n’a pas aimé mais adoré ses Tranches de dimanche, une pièce. Et si on revenait sur quelques fulgurances… ?
Mais avant…
Je cite plusieurs fois l’essai de Jean Jauniaux. Donc, un mot à son propos. C’est un livre (Le Banc d’Arguin, Neuville-sur-Oise, 2010, 257 pages) très intéressant mais très particulier aussi : il est partiel (des tomes II et III sont annoncés mais n’ont pas vu le jour), alterne les registres (citations de discours importants, interviews de JDD, etc.) et revendique un statut d’éparpillements monographiques.
Jean Jauniaux connaît JDD depuis les bancs d’école, ayant été son élève, ce qui nous permet une foultitude de détails et d’informations du meilleur acabit, qui plus est distillés de la manière la plus vivante, agréable, ce qui ne surprend pas, JDD et JJ étant tous deux d’excellents orateurs. Le terme éparpillements, qui tente de cerner une réalité complexe, me semble toutefois rester en deçà de la perception qui le guide, de par ses connotations… bien que je confesse l’extrême difficulté de lui trouver un substitut (le mot brassages me passe par la tête mais ne me convainc pas pour… embrasser ce que je tenterai de décrire plus bas).
Dans Modèles réduits (La Muette, Bruxelles, 2010, 207 pages) sont rassemblées vingt-trois nouvelles, dont j’ai croisé certaines dans d’autres recueils, qui déclinent une large variété de tons et de gabarits.
Prenons les trois premières, qui ne font que trois, quatre ou cinq pages. Des modèles bien réduits ! Des nouvelles ? Enthousiasmé par ma découverte de JDD, j’assénerais bien qu’il y invente un nouveau genre, j’exagère sans doute. Mais. On a affaire à des esquisses, comme chez un Guy Gilsoul*, la narration attendue après la mise en place est évacuée, on songera à un coup de crayon. Mais. Ici, il y a autre chose. Ce qui est signifié touche à la psychologie, l’enjeu s’avère l’expression, le surgissement d’une idée, d’une observation sur la communication, le rapport à l’autre (l’envie d’en être débarrassé mais de pouvoir y recourir pourtant) ou à soi (vouloir être oublié mais remarqué aussi). Ces textes laissent filtrer à chaque fois un contrepoint, notion dont je cultive la religion, un grain de sable vient contester le système mis en avant par un/des protagoniste(s).
Dans Ibsen, l’une des deux biographies de notre prolifique auteur (avec un Wagner), on lit avec intérêt un récit très adroitement construit, étonnamment construit même, qui semble à la fois complet et court, qui s’avère dynamique et compact. Retrouvons le regard de Jean Jauniaux :
« On dirait que JDD a appliqué à son personnage central Ibsen, aux personnages constituant son entourage (…) aux personnages fictifs de ses pièces (…) les mécanismes de construction dramatique qu’il analyse et qu’il dévoile chez le dramaturge Ibsen. »
Fascinant ! A tel point qu’on se trouve ébloui lorsque JDD évoque la rencontre d’Ibsen et de sa future épouse, élisant des passages du poème A l’Unique :
« Son œil révèle une douleur secrète, j’y lis le chagrin et l’ennui, j’y lis maintes pensées de rêve qui se balancent haut et bas, un cœur qui bat avec ardeur, à qui la vie n’a pas donné la paix. »
La reconnaissance de l’âme sœur ! Sublime déclaration :
« Oh toi, jeune énigme rêveuse, oserais-je t’approfondir, oserais-je hardiment te choisir pour fiancée de mes pensées ? »
Et on en vient à un micro-essai, Bruxelles, Guide intime (Autrement, Paris, 1987, 55 pages).
Une commande, du contingent, pensera-t-on de prime abord. Or Jean Jauniaux, avec beaucoup d’intuition, y a vu tout autre chose :
« Même si vous vous prétendez insaisissable, il existe déjà un livre qui dresse de vous un portrait à la fois sensible et vrai, même si ce n’était pas son objet. »
Pour Jean Jauniaux, en décrivant Bruxelles, la Grand-Place, notre auteur se serait inconsciemment décrit :
« La Grand-Place est un miracle de la démocratie architecturale, c’est un assemblage de façades qui ont le charme de l’harmonie insoupçonnée du fortuit. »
Il est vrai que JDD a transcendé la commande. On y trouve bien sûr un défilé de sites remarquables ou de personnages incontournables, de bonnes adresses et d’anecdotes, des citations d’auteurs sur la capitale belge, etc. MAIS. JDD va infiniment plus loin, nous offrant une évocation de SA ville qui court sur plusieurs pages qui font à nouveau pleinement œuvre. Je voudrais les citer toutes mais me contenterai d’effleurements :
« Bruxelles a une chance rare : elle n’est pas – encore – une ville légendaire. Elle est une ville de passage, un relais (…) Bruxelles n’est pas un mythe, ou si peu… (…) Ville ignorée, qui ne se livre pas au premier venu, qui ne se donne qu’après une cour assidue, ville aux mystères d’autant mieux gardés qu’ils ne dérangent personne, ville de tolérance (…) Bruxelles confronte les cultures, les ethnies, les curiosités et les époques dans une espèce de propension naturelle à la complexité. (…) Le bonheur, à Bruxelles, tient à cette fluidité, à cette ductibilité, à cette disponibilité. On est à l’écoute et à la disposition de tout le monde quand on ne sait pas très bien qui on est, et qu’on ne se pose, tout compte fait, pas même la question. »
Ces pages, magnifiques, brouillent une fois encore notre ambition de mieux cerner l’auteur, voire de redéfinir une perspective sur son œuvre. JDD, des allures de Midas, ne sème-t-il pas l’or au gré de ses pérégrinations en mille registres ? Ce qui relève du talent, certes, mais d’une mentalité aussi, l’auteur pratiquant le respect du lecteur et des autres en général (et de lui-même, par corollaire) à un tel point qu’il appose intensité/investissement/approfondissement à ses entreprises… tout en se dispensant d’un sérieux granitique de façade, lui préférant un sourire coulé dans un second degré british.
Au sortir de ce feuilleton, je pense avoir rencontré l’auteur belge qui me touche le plus, le modèle (non pas réduit mais géant plutôt !) que tout jeune auteur espère percevoir à l’horizon (et que je croise donc un peu tard, n’ayant plus vingt ans ni même trente), un auteur qui parle à la fois à l’esprit et au cœur, à l’âme donc, ce mot qui fait si peur aux trop nombreux pusillanimes.
(2)
Georges SIMENON, Le Chat, roman, La Bibliothèque du Soir, Bruxelles, pas de date d’édition (mais première édition, ailleurs, en 1967), 158 pages.
Simenon ! L’auteur belge francophone le plus lu ? Décrié et adulé ! Parvenu en Pléiade pourtant. Je ne l’ai jamais beaucoup fréquenté. Presque pas lu. Des bribes à droite ou à gauche. Evidemment, j’ai visionné de nombreuses adaptations ciné ou télé. Jean Gabin, Jean Richard… Sans aucune exaltation. L’homme ne m’attire guère (ses tendances antisémites) mais l’œuvre ne me parle pas a priori, question de tempérament, elle progresse à vitesse trop réduite pour mon rythme personnel, elle manque de couleurs (le gris pour un baroque !).
Pourtant. A force de lire des réflexions très laudatives venant de personnalités estimées (Baronian, Libens…), ou à force de creuser le sillon de notre édition, ou en vieillissant, ou en évoluant lentement, je me suis senti obligé ou poussé par un appétit nouveau. Extirpé un roman qui dormait depuis des décennies au sein de mes étagères.
Or donc ?
Au premier contact, balayons le cliché de l’auteur populaire (étiquette qui sous-entend une histoire enlevée et une écriture rudimentaire ?) : il écrit bien, clair mais bien. Il possède un rythme et donc une musique toute personnelle. C’est un auteur.
Au deuxième palier de la lecture, le récit m’ennuie. Le Chat doit appartenir à un volet plus littéraire de son œuvre. Un non-Maigret, comme certains disent.
Le pitch ? Deux personnes âgées, retraitées et largement plus de soixante ans, vivent en couple, de secondes noces pour chacun, mais n’ont plus rien à se dire, passent leur temps à s’espionner, se juger, se mettre des bâtons dans les roues d’une vie quotidienne atrocement terne, d’un gris abyssal. Jusqu’à entreprendre une guerre d’usure ou même de rupture par animaux domestiques interposés (le chat de l’un, le perroquet de l’autre). Tout cela à un rythme assez lent, à coup de notations infinitésimales :
« Il vivait dans un monde fantomatique, à la fois précis et inconsistant. Il connaissait les moindres fleurs du papier peint du salon, les taches faites du temps du Charmois, les photographies, la marche de l’escalier qui gémissait et la craquelure dans la rampe. »
Il y a un parfum policier, tout de même. Il y a crime ou crimes… contre des animaux, et on sent poindre une menace d’un tout autre acabit. N’empêche. Je pense à Eugénie Grandet (Balzac), qui décrivait la vie d’une vieille fille en province, je me dis qu’il serait criminel d’imposer cette lecture à des adolescents, des adultes amateurs de séries télé souhaitant soudain s’ouvrir à la littérature.
Dans un troisième temps, ma perception globale mute. Considérablement. Tout est affaire de perspective, somme toute. Si l’on croit découvrir un roman policier, un roman à action et péripéties, un roman pur et dur, on est déçu. Mais, si on appréhende l’opus comme roman littéraire, comme étude de mœurs, roman psychologique, il faut en convenir : le livre possède une belle envergure. Et j’avoue m’être soudain passionné pour les descriptions des rapports complexes unissant les personnages. Ce qui les arrime l’un à l’autre. Ce qui les écarte. Le retour sur les vies passées, ratées. La manière dont on meuble un vide en conférant du sens à des riens ou à des hostilités :
« Elle regardait durement son mari, une petite étincelle de triomphe dans les yeux. Elle avait découvert une nouvelle façon de se venger. Demain, après-demain, cette Mme Martin allait répéter l’histoire dans toutes les boutiques de la rue Saint-Jacques et on le regarderait avec une réprobation mêlée de pitié. »
Le besoin de haïr, peut-être, qui serait plus fort que celui d’aimer (ce qu’exprimait la comtesse tortionnaire de Véronique Bergen, dans Kaspar Hauser) ? In fine, on débouche sur une étude raffinée et pointilliste de la condition humaine. Où le vieillissement et l’approche de la mort, la réussite et l’échec, la joie et le bonheur, la communication, le regard de l’autre ou de la société, tous ces thèmes, et d’autres sans doute, sont interrogés et nous interrogent, nous bousculent.
Un très bon livre !
(3)
Christian LIBENS, Une petite histoire du roman policier, Weyrich/Noir Corbeau, Neufchâteau, 2019, 99 pages.
Un très plaisant opuscule ! Que je suis heureux d’intégrer à cette édition de la mini-revue après la recension dédiée à l’une des références de l’auteur et du livre : Georges Simenon. J’y ai consacré un article très enthousiaste, paru fin juin dans Le Carnet :
https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/06/23/libens-une-petite-histoire-du-roman-policier-belge/
(4)
Thierry GRISAR, Mai 68 amon nos-ôtes, Editions du Cerisier, Mons, 2019, 117 pages.
Un témoignage sur Mai 68, tel que vécu à Liège, auquel Julien-Paul Remy (pour les 4/5e) et moi avons consacré un article dans Le Carnet, paru en… mai :
https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/05/01/grisar-mai-68-amon-nos-otes/
(5)
Le coup de gueule du mois !
Une nouvelle rubrique ou un one-shot ?
Aly DEMINNE, Les Bâtisseurs du vent, Flammarion, Paris, 2019, 284 pages.
Je me souviens d’un précédent. Une autrice installée à l’étranger, que j’avais soutenue de mes conseils pour la rénovation de son site… Elle me sollicite pour présenter son livre, j’accepte a priori, je reçois une horreur. Dès la couverture… Et j’aurais dû me méfier de l’éditeur (très controversé). Non, je ne citerai aucun nom. Mais l’un ou l’autre passage ? Oui !
Voici l’uppercut encaissé dès la deuxième page :
« L’endroit semblait être encore inconnu des paléontologues et c’était bien ainsi car en quelques semaines ils auraient, avec leurs drôles d’instruments grâce auxquels ils se livraient à toutes sortes d’études, fait disparaître toute la poésie d’un temple encore secret. »
Encore :
« (…) et deux hommes arrivés par elle ne comprenait pas où en franchirent le seuil. »
Oui, rassurez-vous, j’ai laissé tomber le livre et renvoyé l’autrice à ses études.
A méditer ! D’un côté, il est extrêmement difficile d’être publié (par un véritable éditeur, qui ne vous fait pas payer pour sortir un opus flattant votre ego) et je croise régulièrement des auteurs/autrices de talent désabusés ; de l’autre, des bouquins fort inconsistants (forme ou fond, ou les deux) sortent régulièrement, même chez les Grands Parisiens. Cherchez l’erreur !
J’ai repensé à cette consœur en découvrant le livre d’Aly Deminne. Du moins après quelques pages. Les deux autrices étant toutes deux traductrices de formation. Un métier qui, pourtant, enseigne l’excellence littéraire.
Une fois encore, tout étant dans tout, j’eusse dû me mettre en alerte au plus vite. Dès les deux premières pages, les héros venaient d’Union soviétique tout en étant polonais avant, un peu plus loin, de devenir ukrainiens. Une mobilité identitaire qui arrangerait bien les affaires belges, soit dit en passant.
Mais. Mesquinerie ! Je poursuivais plein d’appétit. Le titre ? La photo de l’autrice ? La réputation de l’éditeur ?
Après quatre pages, l’alerte se déclenchait. Une foultitude d’interversions singulières :
« (…) ces résidences secondaires que se font construire les riches gens (…). »
Soudain, une perle :
« Le travailleur venant d’un autre pays qui n’était pas le sien s’en alla vers un nouvel horizon. »
En principe, remarquez, le lecteur aussi, à cet instant, non ?
La suite ? Aly tire à la mitraillette et au lance-flammes sur tout ce qui lui rappelle la langue française :
« Il souffrait de la chaleur ; de celle qui berçait son petit monde et qui posait l’état « canicule », et de celle crachée par le feu du salon. »
Ou encore :
« Dans l’éboulement (NDLA : de nos illusions littéraires ?), des tintements métalliques abattaient même le soupçon. »
Et le pauvre chroniqueur littéraire ? On achève bien les chevaux :
« Les cimetières lui avaient toujours provoqué malaise. »
La philosophie n’est pas épargnée :
« Au nécessaire le nécessaire, au secondaire les belles résidences. »
Au moins aurai-je, grâce à Aly, perçu les limites de mon entendement ou la pauvreté de mon bagage stylistique. Mais. Terminons par deux touches toutes en sensualité :
« (…) déjà l’ambiance se moitait. »
La deuxième va, disons, plus loin :
« Et le mestre, en tête, pénétra l’édifice vacillant (…). »
A ce stade, on conseillera à l’autrice de se remettre à la lecture des grands auteurs et d’élargir son regard sur le monde aussi, car j’en oublierais presque l’essentiel : son texte faufile une vision du monde d’une naïveté abyssale. Et terrifiante, tant tout y est noir ou blanc, tant y flotte un binaire d’échafaud.
REBONDISSEMENT !
Je n’ai rien compris ! Les premiers chapitres s’apparentaient à un leurre et j’ai eu tort de laisser tomber après quelques dizaines de pages ?
Une émission culturelle nous assène qu’il s’agit in fine d’un livre foooooooooormidable :
https://www.rtbf.be/auvio/detail_lulutterature-les-batisseurs-du-vent-d-aly-deminne?id=2492116
Des avis, sur Babelio, vont dans le même sens. Je vous laisse le soin d’interpréter la distorsion. Ou d’aller y voir de près. Why not ? L’histoire, somme toute, est sympathique.
(6)
Fin du feuilleton Kaspar Hauser/Véronique Bergen !
Pour rappel, j’ai suspendu ma rubrique poésie, considérant la charge poétique exceptionnelle de cette autrice/magicienne. J’en suis tombé de mon fauteuil ergonomique et pas encore remis. Pour contextualisation, je renvoie aux deux précédents épisodes. Loin de toute analyse, je veux donner à entendre/ressentir ces mots/phrases qui coupent le souffle (ou l’emportent).
La voix de la mère (de Kaspar).
Écoutons cette autre victime de l’abominable comtesse de H. :
« En arrivant au château de…, j’eus l’impression d’être un navire à qui on avait interdit l’accès à la mer. Ayant évalué qu’il était impossible de le couler, l’adversaire avait choisi de l’ensabler. » ;
« Tandis que je vacille, j’aménage déjà mes éboulements intérieurs. Je m’épargne peu d’émotions extrêmes et violentes mais, très vite, je danse sur leur crête. » ;
« (…) je sentais les eaux monter comme des murailles d’écume noire, les oiseaux de proie tournoyer en une danse macabre (…). » ;
« Souvent, mon âme hurle, se refusant d’avoir été, fût-ce le plus indirectement possible, de la façon la plus ténue, complice du crime qui se préparait. »
La voix du narrateur (moderne, 2003).
Véronique Bergen s’aligne sur une tradition séculaire (d’Ossian à Clara Gazul, etc.), celle de la supercherie littéraire et du document découvert miraculeusement, pour offrir une mise en abyme de son projet :
« (…) je détenais le journal intime de Stéphanie de Beauharnais, la mère putative de celui que toute l’Europe avait nommé Kaspar Hauser. » ;
« (…) le projet (…) : fondre dans un récit ce document en l’alliant aux voix de divers protagonistes à qui je rendrais la vie. » ;
« Avec Kaspar, je me mis à rire mots galets, à manger mots marins, à rêver mots rubans, à courir mots hirondelles. Je me réinstallais à l’intérieur des mots, tout près de leur matière incandescente, là où les toucher équivalait à se toucher soi-même. » ;
« Sachez simplement que l’éclairage mutuel que s’apportent les voix vise à pénétrer ce que Goethe conçoit comme le creuset de toutes les couleurs, ce que je perçois comme l’ombilic de l’existence : le rouge incandescent qui rend possible tout ce qui est. Kaspar est ce qui, en nous, sommeille tant que nous faisons corps avec le monde. Kaspar est celui qui s’est tenu dans l’œil de ce cyclone pourpre. »
(7)
Les Rencontres Littéraires de Radio Air-Libre !
Oyez, bonnes gens ! Guy Stuckens, un héraut radiophonique des Lettres belges (et de l’Art en général), m’a sollicité pour devenir chroniqueur culturel une fois par mois dans son émission du lundi soir (18h30-19h30/45, 87,7 MHz en FM). Qui plus est, il m’a laissé beaucoup d’espace d’expression, et j’en profite pour évoquer mes coups de cœur en musique, cinéma ou littérature (surtout). Une belle suite à cette mini-revue.
Dans l’émission de mai, j’évoquais, dans le prolongement des Belles Phrases, Emile Bravo et son Spirou, Claude Donnay, A.M. Hamesse, R. Rosi, J.M. Rigaux et E. Wilwerth :
Dans celle de juin, en duo avec Daniel Simon (un homme-orchestre qui sait tout faire : mettre en scène, réciter, écrire, éditer, analyser…), on a revisité mon feuilleton sur Jacques De Decker, dans une volonté de synthèse, avec de nouveaux éclairages (Daniel le connaît très bien et depuis longtemps) et de magnifiques lectures d’extraits (Daniel !) :
Edi -Phil RW
* Voir article paru dans Les Belles Phrases :