LE RÉCAP DES CHRONIQUES LITTÉRAIRES D’AOÛT

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LECTURES de DENIS BILLAMBOZ

LES BEDAINES DE COTON de CYRIL MAGUY (Le Label dans la forêt)

ON MARCHE SUR LA TÊTE de XAVIER STUBBE (Label Xavier Stubbe)

UNE PELLICULE SUR LA TÊTE D’UN PAUVRE TYPE de PATRICK HENIN (Cactus Inébranlable)

SOUS L’AVERSE, EN MOCASSINS de PIERREALAIN MERCOEUR (Cactus Inébranlable)

SILENCE, CHAVEE, TU M’ENNUIES d’ACHILLE CHAVEE (Cactus Inébranlable)

LES CONTREES DES ÂMES ERRANTES de JASNA SAMIC (M.E.O.)
SAISON FRIVOLE POUR UN TUEUR de STEPHAN GHREENER (Stephan Ghreener Editeur)

LES DAMES DE L’ELYSEE de Bertrand MEYER-STABBLEY & Lynda MAACHE (Bartillat)

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LECTURES de PHILIPPE LEUCKX

LE MUSEE DE LA GIROUETTE ET DU VENTILATEUR d’ERIC DEJAEGER (Gros Textes)

AIMANTS + REMANENCES d’ARNAUD DELCORTE (Unicité)

LE BOURDONNEMENT DE LA LUMIERE ENTRE LES CHARDONS de CLAUDE DONNAY (Le Coudrier)

SOLOMBRE de FLORENCE NOEL (Le Taillis Pré)

TIGNASSE ETOILE de EVELYNE WILWERTH (M.E.O.)

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LECTURES de PHILIPPE REMYWILKIN

LIBRE COMME ROBINSON de LUC DELLISSE (Les Impressions nouvelles) 

LE DERNIER PHARAON de François SCHUITEN/Jaco VAN DORMAEL/Thomas GUNZIG/Laurent DURIEUX

LES SEINS DES SAINTES de CHRISTIAN LIBENS et la collection NOIR CORBEAU (Weyrich)

La PLATEFORME CULTURELLE PLIMAY avec SALVATORE GUCCIARDO

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LECTURES de JEANPIERRE LEGRAND

CORRESPONDANCE (tome 1) de VOLTAIRE (La Pléiade) 

MEMOIRES de RAYMOND ARON (Robert Laffont)

SI JE T’OUBLIE, JERUSALEM de WILLIAM FAULKNER

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LECTURES de PAUL GUIOT

LE MODELE OUBLIE de PIERRE PERRIN (Robert Laffont) 

TROIS CONTES de CRAD KILODNEY (Cormor en Nuptial)

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LES DOSSIERS DE REMUE‐ MENINGES 

CAROLINE LAMARCHE 

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À RETROUVER AUSSI SUR LE BLOG

Les LECTURES de NATHALIE DELHAYE

Les LECTURES de LUCIA SANTORO

Les LECTURES de DANIEL CHARNEUX

Les CHRONIQUES de JULIENPAUL REMY

Les LECTURES d’ERIC ALLARD

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POUR ADHERER à la PAGE FACEBOOK des BELLES PHRASES

SACRÉ SAINT-PIERRE de PASCAL FEYAERTS

Saint-Pierre

   

   Jean arriva au paradis au terme d’une vie de débauche et trouva Saint-Pierre bien mal en point : un car de nudistes venait d’être gravement accidenté. Le pauvre avec toutes ces femmes nues qui lui arrivaient ne savait plus à quels seins se vouer et songeait très sérieusement à remettre son auréole à Dieu. Le paradis, jadis si bien fréquenté, ressemblait aujourd’hui à un gigantesque bordel. Jean voyant cela se frisa les moustaches et ne put s’empêcher de penser : « Chouette, la vie continue »…

 

*

 

    Saint-Pierre comptait ses ouailles et était fort mécontent : il n’avait pas son content de nuages, l’un d’entre eux s’était déguisé en brouillard pour égarer les humains…

 

*

 

    Le moral de Saint-Pierre était plus bas que terre, il en était devenu muet comme une tombe et avait même rangé ses ailes au placard tandis que quantité d’âmes se disputaient l’entrée au portique. Dieu en personne dut intervenir auprès de son premier serviteur pour qu’il daigne ouvrir la porte à ces pauvres hères en quête de lumière. Saint-Pierre obtempéra mais fit promettre à Dieu auparavant de résoudre au plus tôt ce bruit de grincement de porte qui ponctuait les arrivées depuis maintenant trop de siècles. Comme quoi le repos éternel c’est simple comme une goutte d’huile

 

*

 

    À Eric Dejaeger

    Un poète bien connu dit à Saint-Pierre que le paradis pour lui devait avoir le goût d’une Chimay bleue et le galbe d’une bouteille… Saint-Pierre crut sa parole d’évangile et depuis le paradis a bien changé…

 

*

 

    Saint-Pierre n’a pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit de jouer à la belotte céleste avec Dieu : le Pape prend l’Archange et une tierce au prêtre ne vaut pas un carré de nonnes…

 

*

 

Saint-Pierre me l’a dit

Dieu écoute aux portes

Et s’invite aux fenêtres

Il ne nous pardonne pas

De l’avoir abandonné

De l’avoir obligé

À croire seul en lui-même

Et il nous entend nous plaindre

De l’obscurité et du non-sens

 

Alors prêt à changer

De métier il se dit

Que lorsqu’il ne sera plus Dieu

Il pourra toujours

Nous servir de lampe

 

*

 

PASCAL FEYAERTS vit dans le Hainaut où il exerce le métier de bibliothécaire. Il participe ou a participé à diverses revues littéraires (le SpantoleTraverséesla Pensée wallonneles Élytres du hannetonMicrobe) et est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes : Claustrophobie ou les Rues de pandémonium (L’Acanthe, 2001), Nouvelles en quête d(H)auteur (Chloé des Lys, 2012), l’Amour en lettre capitale (Le Coudrier, 2012) et D’ils et d’ailes (Le Coudrier, 2014), Le Miroir aux allumettes (Le Coudrier, 2016), QuintessenCiel (Le Coudrier, 2018). En 2010, il a mis au point un spectacle musico-poétique avec la violoniste et compositrice Marielle Vancamp. Pascal Feyaerts est membre d’AcGart, groupement artistique, et expose parfois ses dessins, essentiellement au fusain.

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Les recueils de Pascal Feyaerts au Coudrier

Pascal Feyaerts sur le site de l’AEB

Entre ombre et lumière, le blog de Pascal Feyaerts 

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 19. TAILLEUR DE PIERRE, PAUL, JACQUES… et JEAN

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Les Pierre ont leur tailleur, et des bons, réputés pour leurs coupes au carré et leurs complets sculpturaux. Dans la foulée, les Paul et Jacques sont bien fringués aussi. Enfin, ils sont très correctement mis. On n’a jamais entendu médire des Paul et des Jacques. Par contre, le bât blesse chez les Jean, foutus comme des as de pique. Avec en guise de falzars des jeans, comme il se doit. Pour le haut, il faut repasser.

D’ailleurs ne dit-on pas pis que pendre des Jean : Les Jean sont bêtes, les Jean sont méchants, les Jean sont fous, les Jean sont égoïstes, les Jean sont durs, les Jean sont lâches, les Jean sont radins…. Vous aussi, un jour ou l’autre, vous l’avez dit ou pensé, reconnaissez-le ! Normal quand on n’a pas de quoi se vêtir convenablement, avec des tissus de qualité! On déprime, on jalouse les habits des célébrités, on se démode, on se recentre sur son nombril, on se replie sur les soldes, les achats de deuxième main… et, à force de ruminer, on disjoncte ; on devient bête et méchant.

Les tailleurs de Jean ont une voie toute tracée, cousue de fils d’or. Précisons qu’ils taillent aussi des costards aux prénoms composés de Jean : les Jean-Pierre, Jean-Paul, Jean-Jacques, Jean-Éric…
Et ça vaut pour les Jeanne aussi, même si, par ailleurs, les bons tailleurs de Pierrette ou de Pierrine courent moins les rues que les tailleurs de Pierre.

 

LA FABRIQUE DES MÉTIERS ‐ 18. GARDIEN DE PARASOLS

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L’été, le parasol est nomade. L’hiver, comme la marmotte et le plagiste, il hiberne.

Durant la saison touristique, si on n’y prend garde, on le plante ici et on le retrouve là, à quelques kilomètres de son précédent campement. Il a suivi un inconnu ou le mouvement, après possiblement un différend avec un ami parasol sur un réseau connecté au soleil.

Le bon gardien a toujours l’œil, il veille à ce que le parasol ne s’affaisse ou ne se déploie pas parfaitement pour faire front au soleil. Qu’il ombrage sans obscurcir, qu’il protège sans abrutir.

Il entretient la forme physique du parasol en lui faisant faire, chaque matin, quelques exercices d’ouverture-fermeture.

Il nous faut aussi rappeler ce truisme : Un parasol, un plagiste. Voilà un isomorphisme à faire respecter. Même si, évidemment, le plagiste peut changer, migrer d’aire de repos, en cours de journée.

ATTENTION, il n’est pas rare qu’on trouve sous un même parasol plusieurs quidams, pas forcément en vacances : des albinos, des anorexiques, des migrants, toutes sortes de SPF, des Sans Parasol Fixe sans le sou qui squattent volontiers l’espace sous un parasol donné, avant de traverser la mer ou de vendre leurs breloques aux plagistes excédés, on les comprend, par tant de misère sur leur lieu de villégiature.

Bref, l’été, le gardien de parasols garde la meute des parasols au même endroit, il veille à leur bon usage et à leur transhumance. L’hiver, il se contente de surveiller la mise au repos des parapluies dans les porte‐parapluies municipaux pendant les périodes d’éclaircie.

 

 

YANN MOIX REVERSERA LES DROITS D’AUTEUR D’«ORLÉANS» À SON FRÈRE ALEXANDRE

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Mes parents et mon frère sont des gens ignobles, des ratés notoires qui n’ont pas arrêté de faire des courbettes devant les puissants pour arriver à leurs fins. Mais il y a une justice…  J’ai un coeur de frère, un coeur de fils. J’ai donc décidé, en accord avec BHL, cet être plus lumineux que dix mille Nabe* , de leur reverser l’intégralité des droits d’auteurs d’Orléans paru chez Grasset. A fortiori si j’ai le Goncourt.

Le réalisateur de Podium et de Cinéman, visiblement ébranlé par la polémique autour de la sortie du livre, a décidé de stopper la promo de son faux roman et de reprendre l’album de BD commencé à l’âge de 22 ans sous le titre Ushoahia mon amour.

 

–––––––––––––––––––––––––––––––––––

* Nabe: unité de monnaie littéraire dans le milieu germanopratin. Cela dit, chaque région, catégorie d’édition et genre littéraire possèdent sa propre unité de valeur littéraire.

 

LA VIE DU POÈTE (16-30)

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16.

 

Pendant la messe, le poète prie pour avoir toujours la foi en l’édition subventionnée, des réponses favorables de ses éditeurs, un illustrateur connu, du papier qui ne jaunit pas avec le temps. Il a pris soin avant de se confesser de ses nombreux crimes envers les formes conventionnelles, du non-respect de la césure à l’hémistiche, de l’absence de rimes à ses sonnets, d’un acrostiche mal orthographié ou d’un usage transgressif du vers libre.

Puis il communie en tendant la langue au maximum.

 

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17.

 

Pendant la coupure d’électricité, le poète allume une chandelle, aiguise sa plus belle plume et écrit à sa muse un poème éclairé, brillant, tout en radieux alexandrins.

Puis, quand la lumière revient, il doit se résoudre à l’évidence : il a écrit de la merde.

 

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18.

 

Pendant le kidnapping, le poète note les moindres détails, tout fait farine au moulin de son projet de fiction : d’abord les cris angoissés et crises de larmes de la victime, ensuite ses supplications ; enfin sa promesse de verser en guise de rançon l’équivalent de dix années de droits d’auteur d’un Christian Bobin.

Puis il libère son vieil éditeur de poésie et envoie son nouveau texte à un pétulant éditeur de récits de vie.

 

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19.

 

Pendant le pic d’épidémie romanesque, le poète rembourre ses poèmes, il protège ses sonnets des pires calembours, il ignifuge ses pantoums contre les répétitions de phrases, les anaphores et les phonèmes transgenres.

Puis, d’une plume affûtée, il assène un vers incompréhensible du plus subtil aphoristologue.

 

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20. 

 

Pendant la séance de BDSM côté sado, le poète marque de rouges zébrures l’avers et l’envers de sa muse au son inspirant de ses cris déchirants (La Badinter est offusquée et Robert ne pipe mot).

Puis, les yeux injectés de visions salaces, le poète lacère la peau inspiratrice de vers batailleurs, obscènes et beaux.

 

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21.

 

Pendant la séance de BDSM côté maso, le poète se fait percer les tétons, piquer la bite, étirer les couilles et enfiler le fion.

Puis il écrit sur les souffrances de l’humanité des calligrammes tire-larmes en forme de coeur.

 

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22.

 

Pendant la canicule, le poète suce les glaçons de son whisky et souffre de n’être pas à Helsinski, il regarde en face (avec des verres solaires) le soleil un peu junkie, son husky affalé sur le pavement tiède et les gens dans la rue se déplacer comme des acteurs de théâtre kabuki. Il pense à l’Ubik de Philip K. Dick, aux chaleurs atteintes à Nagasaki, aux sables de Kennedy Jackie dans les bras d’Aristote O(n)asis et se demande ce qu’aurait écrit sous pareilles températures Malcolm Lowry ou bien Charles Bukowski.

Puis il se dit que l’amour est un chien de l’enfer au-dessous du volcan, comme en n’importe quel endroit conquis.

 

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23.

 

Pendant la montée des prix, le poète s’accroche aux fils portant les ballons de ses livres gonflés à l’hélium ; il s’élève vers la stratosphère.

Puis, perdu, sans attache éditoriale, oublié de tous, il disparaît à jamais dans le vide intersidéral de la littérature.

 

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24.

 

Pendant la fonte des glaces, le poète se couvre d’une peau d’ours pour attirer la pitié du monde sur la chaleur de sa poésie, il mange des croquettes de poisson, il croque les arêtes, il organise des colloques sur le climat, il inonde son whisky de glaçons, il marche sur place pour économiser de l’espace.

Puis, pas si bête, il abandonne sa défroque pour ne pas finir sous les balles du dernier chasseur d’ours littéraires.

 

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25.

 

Pendant le Tour de France, le poète précède à bord d’un véhicule électrique jaune les poids lourds de la rentrée littéraire avec ses plaquettes, qu’il lance, comme de vulgaires savonnettes, aux lecteurs amassés sur la route ; il se prend pour le Cannibale de la littérature battant à plates lectures ses suivant(e)s.

Puis, sur la ligne d’arrivée, il adresse le V de la victoire (de Pynchon & Pingeon) aux commentateurs littéraires chargés de rendre compte de l’événement.

 

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26.

 

Pendant l’attaque des indiens, le poète fait diligence, il ménage le chef et le grand manitou, il enfume la paix avec son calumet, il écrit des vers pour une squaw aux cheveux luisants et à la belle plume et dit pis que pendre des Cowboys Fringants.

Puis il se laisse emplumer tel un dindon de western au poteau de torture d’une petite Maison de la Poésie dans la prairie.

 

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27.

 

Pendant la Saint-Valentin, le poète déclare sa flamme à son lecteur, à sa lectrice, à la planète, il adresse des bisous au monde littéraire, il pratique l’écriture inclusive, il milite pour le climat, il n’a pas assez d’un coeur pour tout l’amour du monde.

Puis, le reste de l’année, il déteste tout.

 

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28.

 

Pendant qu’il se prend pour un exploité, le poète est en phase avec son ressenti prolétaire (pour rien au monde il ne voudrait changer de classe), sa cote est au plus haut dans le monde de l’édition subventionnée :  il peut prétendre au statut de Poète révolutionnaire.

Puis, réalisant qu’il n’a jamais mis un pied en usine, qu’il ne sait pas planter un clou, il se résout à n’être qu’un poète ordinaire, sans statue ni effigie sur les places publiques, jamais porté au fronton d’aucune Maison du Peuple.

 

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29.

 

Pendant l’avalement du sabre, le poète se fait fine lame, épée plate, langue fourchue, cutter coupant, couteau suisse, stylet corse, scramasaxe franc, poignard omanais, cimeterre afghan, faucille soviétique, croissant turc, fleuret moucheté, flèche verbale, talon aiguille Louboutin et pied de vers affûté.

Puis il digère avec des élancements dans le style, du sang dans les sonnets et des larmes blanches.

 

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30.

 

Pendant le feu d’artifice, le poète est en pétard car il n’est pas le roi de la fête. Personne ne se soucie de ses vers bleus, rouges, verts, de ses plaquettes en gerbes ou en étoiles. Tout le monde a les yeux tournés vers le ciel et il est dans l’ombre.

Puis il s’explose la gueule en avalant des cocktails de toutes les couleurs pleins de pics en forme de parapluie.

 

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LA VIE DU POÈTE (1-15)

 

 

 

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 17. MARCHAND DE BÂILLONS

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Devant les prisons, maisons de redressement, dojos et autres centres fermés (ou les matons et bourreaux de jadis ont été remplacés par de gentils éducateurs), les marchands de baillons ont droit de citer Sade, Bataille, Klossowski sous le bandeau.

Soit, le marchand de baillons n’a pas besoin d’être lettré, comme dans nombre de métiers de bouche ou de couche, de coupe et de découpe. S’il a lu comme tout le monde E.L. James, Réage ou Bukowski, cela fera l’affaire.

Le marchand de baillons évite les gémissements et plaintes en tout genre dont l’époque est friande. Il bâillonne les supplications tapageuses, les appels à l’aide larmoyants, les pétitions à répétition et promeut les cris étouffés, les plaintes ravalées, les jérémiades muselées.

Le corps martyrisé dans le silence enregistre mieux les sensations, qu’il pourra rendre, si, entre-temps, il a lu les moralistes français et les philosophes allemands, les stoïques romains et les tragédiens grecs, les spinozistes et les cartésiens, en une prose acceptable et traduisible dans tous les sabirs, et qui s’attirera les éloges des éditeurs.trices et les louanges des lecteurs.trices brûlant de compassion.

2019 – LECTURES FRAÎCHEUR : DERNIÈRE ÉDITION AVANT LA RENTRÉE / Une chronique de Denis BILLAMBOZ

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Denis BILLAMBOZ

Pour clore l’année littéraire 2018/2019, je vous propose une chronique composée des lectures que je n’ai pas pu associer avec des textes de même nature, c’est donc, comme disent les universitaires un mélange que je vous ai concocté. Il comporte une vaste saga familiale bosnienne qui raconte l’épopée d’une famille multi-ethnique dans l’Europe du XX° siècle, un polar français et un portrait de toutes les femmes qui ont occupé le Palais de l’Elysée depuis Yvonne De Gaulle.

Une chronique très éclectique qui montre une parcelle de toute l’étendue du champ littéraire et une partie seulement des diverses formes que l’écriture peut prendre.

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Les contrées des âmes errantes

Jasna SAMIC

M.E.O.

Contrées

« Tous les soirs, Aliocha rentre de son travail chargé de canettes de bière et de quelques bouteilles de vin bon marché. Il s’enferme dans la cuisine et relit ses documents classés dans un dossier : journaux intimes, souvenirs de sa Babouchka Liza, de son Omama Grette, de sa mère Ira, ainsi que leurs correspondances, certificats de naissance, de décès… » Il veut savoir ce que son père a fait pendant la guerre de 1939/1945, quel a été son rôle, s’il a commis des exactions. Tous les papiers familiaux ont été détruits, il ne trouve aucun indice et se noie dans l’alcool. Il ne reste que les journaux intimes et quelques correspondances de sa mère Irina, et des grands-mères Liza et Grette, des documents bien insuffisants pour lui fournir les réponses qu’il attend.

L’arbre généalogique d’Aliocha est une véritable métaphore de la mosaïque des peuples qui constitue la population de l’Europe centrale, principalement des Balkans, depuis que les plaques tectoniques religieuses et culturelles se sont percutées dans cette région : la plaque germanique chrétienne, la plaque slave orthodoxe et la plaque ottomane musulmane. Ces différentes populations cohabitent plus ou moins bien, plutôt bien quand règne la paix, mais cette cohabitation prend vite des allures conflictuelles particulièrement barbares quand les conflits s’enveniment. Ces peuplades ne semblent pas connaître la modération, la violence est leur meilleur argument. L’histoire de l’Europe de l’est est jalonnée de massacres tous plus odieux les uns que les autres, les recenser est impossible et ça serait trop traumatisant. Aliocha est donc le petit-fils de Liza, une Russe née à Kazan ayant épousé un soldat bosnien combattant dans les troupes autrichiennes, et de Grette et Joseph nés à Vienne. Il est le fils d’Ira, la fille de Liza et Rudolff, le fils de Grette. Son arbre généalogique comporte des gènes finlandais, russes, autrichiens, bosniens, juifs, allemands et peut-être d’autres encore tant les populations se mélangent facilement dans cette région.

C’est Lena, son épouse, qui raconte cette histoire en recopiant d’abord tous les documents familiaux qui ont échappé à la destruction, elle voudrait aider Aliocha pour ne pas qu’il sombre définitivement mais aussi pour savoir ce que fut et fit Rudolf son beau-père. C’est une Bosnienne native de Sarajevo, la ville qu’elle adule, brillante universitaire spécialiste des langues, littératures et civilisations orientales, elle voyage beaucoup, obtient un passeport français, dispense des cours dans de nombreuses universités en Bosnie, en France, en Amérique, au Canada, en Turquie, etc… Ce n’est pas seulement une brillante intellectuelle, c’est d’abord une femme de conviction, d’action et de combat, qui n’accepte pas la dictature. Elle se bat pour la liberté sur tous les plans : la liberté des peuples asservis et martyrisés, la liberté des femmes contraintes par la religion, la liberté des cœurs, elle épouse ses amants et les abandonne quand leur histoire commune est épuisée, et la liberté des mœurs, elle couche avec ceux qu’elle aime. C’est elle qui choisit !

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Jasna SAMIC

Toute sa vie elle a lutté avec fougue, à visage découvert, dédaignant le danger, négligeant les conseils de prudence, contre le totalitarisme, contre les héritiers du nazisme qui se manifestent périodiquement, contre les communistes qui ont asservi son peuple comme ils avaient déjà martyrisé les Russes de Kazan au temps de la grand-mère Liza, contre les nationalistes serbes qui voulaient éradiquer les habitants de sa ville, contre les mafias bosniaques déguisées en factions  religieuses extrémistes pour installer leur pouvoir absolu en asservissant les femmes. Sa générosité dans le combat, son dédain du danger, sa liberté de pensée, de parole et d’écriture l’ont désignée comme une ennemie de premier plan par ceux qui veulent régner en maître sur les ruines de la Bosnie. Elle vit aujourd’hui sous la menace d’une demande de fatwa qui pourrait bien lui être infligée un jour. Mais le plus cruel n’est pas cette angoisse mortelle qui pèse en permanence au-dessus de sa tête mais bien l’ostracisme dont elle souffre partout où elle vit même à Paris ou New-York. On ne soutient pas les faibles, ils n’ont rien à donner…

Jasna c’est Lena, c’est son histoire qu’elle raconte, c’est l’histoire de sa ville, de son pays, des Balkans, de l’Europe centrale. Une nouvelle page d’histoire qui viendra s’ajouter à celle qu’Ivo Andric a déjà écrite il y a bien longtemps et à celles que d’autres auteurs, pas tous Bosniens, ont déjà écrites eux aussi : Danilo Kis, Mirko Kovac, Vidosav Scepanovic, Miroslav Popovic, Dubraska Ugresic, Bora Cosic, Velibor Colic, la petite Zlata Filipovic, Zeljiko Vukovic, Sassa Stanisic, Miljenko Jergovic, Aleksandar Hemon, le témoignage atroce de Slavenska Drakulic… et d’autres encore. Je n’ai pas fait le tri, j’ai lu tout ce que j’ai trouvé. J’espère seulement qu’un jour pas trop lointain chacun pourra vivre à Sarajevo selon ses convictions dans le respect de celles des autres. Chacun de ces auteurs m’a apporté un peu de sa lumière pour éclairer ma compréhension du maelström balkanique, pour que j’analyse au mieux tous les ingrédients qui font bouillir si fort le chaudron des Balkans si souvent en ébullition.

Si l’on en croit Jasna, « Sarajevo est désormais un mélange d’infortunés, de mythomanes, d’hypocrites, de narcisses, de mafieux… », alors rêvons avec elle qu’elle redevienne : « Sajarevo, ville de jardins et de cimetières, de joie et de tristesse », « lieu où douceur et grossièreté se fondent depuis la nuit des temps. Immergés dans leur plaisir lent, le merak, ses habitants planent au long des siècles entre le rêve et le réel ».

Le livre sur le site de M.E.O.

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Saison frivole pour un tueur

French Bricolo 3

Stephan GHREENER

Stephan Ghreener éditeur

FRENCH BRICOLO TOME 3 : GREG VADIM le retour : La couverture

Avec la série French Bricolo, Stephan Ghreener a créé un nouveau personnage de polars, Greg Vadim, un tueur à gages implacable, froid comme un iceberg, tireur d’élite à grande distance. Ce n’est plus un débutant, c’est un mercenaire aguerri, il a déjà honoré quatre-vingt-dix-neuf contrats sans laisser la moindre trace. Il exécute le centième dans le tome 1 de cette série sous le titre : L’été des deux pôles, avant de mettre un terme définitif à sa carrière pour vivre une vie normale avec sa fille. Mais ces projets de retraite anticipée ne se concrétise pas comme il le souhaite, certaines personnes s’évertuent à les perturber. Il doit résoudre un certain nombre de problèmes dans le tome 2 de la série :  Vadim royal, avant de raccrocher l’artillerie. Dans le présent tome 3, il entre dans sa nouvelle vie en se transformant en homme à tout faire dans le bâtiment : peinture, plâtrerie, électricité, …, pour se donner une couverture de Français moyen qui se lève chaque matin pour gagner son pain quotidien. Il espère ainsi pouvoir renouer avec sa fille qui le rejette car elle ne sait rien de lui et le soupçonne de commettre des choses peu légales et encore moins avouables.

Donc, son centième contrat exécuté (formule acceptable quand il s’agit d’un tueur à gages), Greg Vadim rentre à Paris où il se fond dans la foule des anonymes besogneux. Mais, avant de dormir en toute quiétude, il lui faut éliminer la seule personne qui peut encore l’inquiéter et renouer des relations correctes avec sa fille. Sa couverture se fissure vite, il rencontre des gens qui connaissent sa véritable identité et surtout sa réputation. Les indices s’accumulent, on le poursuit, on cherche à l’éliminer et le petit jeu du chat et de la souris recommence, sauf que, cette fois, il n’y a plus de contrat à honorer, il n’y a que sa peau à sauver. Malgré son dégoût pour les solutions sanguinaires, il doit se défendre seul contre tous ou presque puisqu’il obtient le rendort de son psychologue et d’un tueur à gages reconverti dans le vignoble depuis longtemps.

Stephan Ghreener
Stephan GHREENER

L’énigme semble très complexe puisqu’elle raconte à mots couverts – il s’agit d’affaires hautement confidentielles qui concernent ceux qui tirent les ficelles des marionnettes qui nous gouvernent – la succession de son chef disparu par un autre tueur à gages qui veut renouveler totalement l’équipe en éliminant les anciens tueurs pour les remplacer par des jeunes loups encore plus sanguinaires et ayant encore moins de scrupules. Ce malfaisant, Kimmel, est le seul tueur à gages, avec Vadim, encore vivant de l’équipe montée dans le monde entier par Périllat, le chef décédé que Kimmel cherche à remplacer en éliminant tous les tueurs qui travaillaient avec ce boss de la mort discrète et tarifée.

Dans ce monde du grand banditisme où les affaires se règlent presque toujours par l’élimination physique d’une faction des protagonistes, il faut souvent organiser des montages à plusieurs ricochets, comme au billard à trois bandes, pour atteindre sa cible sans risquer d’être soi-même éclaboussé. Et à ce petit jeu, Vadim le French Bricolo, est un expert. Il va devoir user de toute sa créativité retorse pour résister à ceux qui veulent l’éliminer et qui sont souvent très proches de lui.

Un polar violent certes mais qui ne se complait jamais dans l’horreur et l’hémoglobine, Vadim répugne même à tuer mais quand il le faut, il sait agir vite, très vite et très efficacement. La ruse machiavélique remplace la violence sadique. « Nous sommes des tueurs pas des meurtriers ». Nous rééquilibrons les plateaux de la balance, comme il aime à dire pour justifier son job. Il est vraiment temps que Greg Vadim prenne du recul avec le métier et qu’il raconte sa vie à sa fille, il devient trop sensible., la nouvelle génération qui le poursuit n’a pas ces états d’âme.

Pour info : Les droits d’adaptation de la trilogie de polars FRENCH BRICOLO de l’auteur Stephan Ghreener, mettant en scène GREG VADIM, tueur à gages en quête d’une nouvelle vie, ont été optionnés par BACTERIE FILMS. Le réalisateur Gérard Pautonnier et l’auteur Stephan Ghreener ont démarré leur collaboration en vue de développer une série.

Le livre sur le site de l’auteur et éditeur 

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Les dames de l’Elysée

Bertrand MEYER-STABBLEY

&

Lynda MAACHE

Editions Bartillat

L

On les dénomme souvent « First lady » comme si en France il n’existait aucune expression pour définir ces femmes qui sont les épouses ou les compagnes de ceux qui sont élus à la présidence de la République. Effectivement, leur statut n’est absolument pas défini, elles sont de simples épouses ou compagnes mais entrent par la force des choses dans le jeu politique national ou international par le seul fait de la place qu’elles occupent aux côtés de celui qui préside et décide. Emmanuel Macron a voulu mettre un terme à ce flou politique, il a « mis le sujet en avant pendant la campagne présidentielle, en expliquant qu’il fallait donner un véritable statut à la Première dame, afin de sortir d’un flou, d’une « hypocrisie » française ». Mais les événement en ont décidé autrement, le flou demeure même si une charte tend à éclaircir quelque peu cet état de fait devenu une sorte de fonction.

Bertrand Meyer-Stabley et Lynda Maache, ont exploré, observé attentivement pour celles qu’ils ont connues, la vie de ces femmes qui ont vécu aux côtés de nos président depuis la fondation de la V° République par le Général de Gaulle. Ils ont cherché à comprendre le rôle qu’elles ont joué, la place qu’elles ont occupée, plus ou moins volontairement, avec plus ou moins d’ambition, l’image qu’elles ont donné de la France, des institutions, du pouvoir et tout simplement de celui qu’elles accompagnaient dans la lourde mission qui lui incombait. Sous le regard de plus en plus acéré et de moins en moins respectueux des médias, elles n’ont pas souvent vécu l’existence dont elles avaient rêvé avant de s’installer au « Château » ou simplement d’y travailler en résidant ailleurs.

 

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Yvonne et Charles de Gaulle

Les auteurs ont su éviter les pièges de la médiatisation à sensation, ils n’avancent que des faits avérés, ne parlent des rumeurs qu’en évoquant l’impact qu’elles peuvent avoir sur le pouvoir, sur les institutions, sur la France et surtout sur elles-mêmes. Rendons-leur cet hommage de ne pas avoir succombé à cette abominable tentation et d’avoir su dignité garder. Pourtant les opportunités de salir ces femmes tellement exposées ne manquaient pas, elles ont toutes connu leur lot d‘avanies au point, parfois pour certaines, de prendre la fonction en horreur et de détester la vie de « Château ». Pour chacune d’elles, il raconte leurs origines, leur rencontre avec l’heureux élu, les campagnes électorales, l’installation à l’Elysée, les obstacles à franchir, les affronts à subir et tout ce qui constitue la vie d’une femme de chef d’état. Leur rôle essentiel consistant en la représentation de la France, tout est passé au crible : les tenues, les coiffures, les attitudes, l’organisation des réceptions, les relations mondaines, les sorties à l’étranger….  Elles sont en permanence sous les feux de la rampe.

Rien ne leur est pardonné et pourtant toutes n’apportent pas autant de matière aux deux auteurs, elles ont des origines différentes même si elles sont plutôt bourgeoises et fortunées, leurs études sont souvent solides mais leurs parcours sont assez différents, et, surtout, elles ont chacune leur tempérament, leur caractère, leurs ambitions, leurs exigences, … Yvonne de Gaulle ne leur  fournit qu’une bien maigre matière pour un long passage à l’Elysée, au regard de tout ce qu’on put apporter Cécilia Sarkozy (à l’époque), Carla Bruni Sarkozy, Brigitte Macron, … , des femmes qui avaient déjà une ascendance, une histoire, une réputation, une notoriété, une carrière, des engagements, …, avant d’entrer à l’Elysée.

Il convient aussi de noter qu’en six décennies, les mœurs ont beaucoup changé, les moyens d’information, tant pour l’investigation que pour la diffusion, ont été totalement réinventés, le statut des élus politiques et de leur compagne s’est notoirement dégradé, les trop nombreuses affaires ont provoqué une forte érosion de la notabilité, du respect, du standing. La distance entre le citoyen et le Président s’est considérablement raccourcie, de nombreux jeunes font des études très poussées et le recrutement des personnels politiques se fait de moins en moins sur la base du talent, de la compétence et du dévouement à la fonction. De ce fait, le Président et celle qui l’accompagne ne sont plus considérés comme des personnages inaccessibles perchés sur leur olympe.

En lisant ce texte très documenté, vous comprendrez mieux pourquoi toutes ces dames n’ont pas éprouvé une énorme douleur au moment de quitter l’Elysée. Certaines ont mal vécu la défaite électorale mais aucune n’a été très fâchée de regagner ses pénates et de sortir de l’œil du cyclone médiatique.

Le livre sur le site de Bartillat

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 16. LAVEUR DE PITRES


S’ils ne sont pas cassants et n’éclatent pas, sauf de rire, les pitres se salissent.

À force d’amuser la galerie, ils accumulent un vilain vernis, une espèce de crasse propre aux gens qui ne pensent qu’à rigoler.

Il faut alors les conduire au Joke Wash où des laveurs armés de leur kit anti-humour gras rendront à leurs saillies tout leur brillant car, comme les chaussures de clown, les plaisanteries s’usent, se craquellent et déteignent sur ceux qui les profèrent.

Après un coup de brosse en poils à gratter sur sa peau crade, le pitre est comme neuf, revigoré, prêt, en réunion de famille, au bar ou au club sportif, à l’atelier, au bureau ou en salle des profs, à faire à nouveau se poiler, se boyauter, se bidonner tout qui l’approche au risque d’une rigolbochade fâcheuse voire d’un esclaffement fatal.


SI JE T’OUBLIE, JÉRUSALEM de WILLIAM FAULKNER / Une lecture de Jean-Pierre LEGRAND

Le TOP 5 de JEAN-PIERRE LEGRAND
JEAN-PIERRE LEGRAND

Si je t’oublie Jérusalem,
Que ma droite m’oublie !
Que ma langue s’attache à mon palais,
Si je ne me souviens de toi,
Si je ne fais de Jérusalem
Le principal sujet de ma joie.

Ce psaume CXXXVII donne son titre à ce magnifique roman de Faulkner, audacieux dans sa forme et complexe quant aux ressorts psychologiques de ses personnages.

Sous le titre générique de Si je t’oublie, Jérusalem, Faulkner entrelace deux récits : Les Palmiers sauvages et Vieux père.

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Les Palmiers sauvages retracent la passion exclusive et destructrice dans laquelle s’isolent Harry et Charlotte que nous suivons à la trace, dans un périple halluciné traversant les Etats de sud et du Middle West ; fuite autant que chute, grand saut dans la nuit qui se referme sur eux sous la forme d’un avortement qui tourne mal.

Harry est un jeune interne dans un hôpital de la Nouvelle-Orléans. Il n’a jamais connu l’amour. Charlotte est une artiste manquée qui s’étiole dans un milieu de créateurs velléitaires aux audaces convenues et auprès d’un mari complaisant et sans relief. Elle a deux enfants dont nous ne saurons rien.

La jeune femme exerce une étrange fascination. Voici comment elle apparaît à Harry la première fois qu’il la rencontre : « (…) une jeune femme de moins de vingt-cinq ans, vêtue d’une robe en coton imprimé, avec un visage qui ne prétendait pas à la beauté et n’était même pas maquillé à l’exception de la grand bouche passée au rouge et une cicatrice longue d’un pouce qui lui marquait la joue. (…) Maintenant, elle le regardait et il vit que ses yeux n’étaient pas noisettes mais jaunes, comme des yeux de chat, et qu’elle le dévisageait fixement avec un regard dont l’intensité excédait la simple effronterie, où la spéculation excédait la fixité. Il lui répondit. Puis il ajouta, sans avoir l’intention de se dire, sans même savoir qu’il allait le dire, et il lui semblait se noyer, vouloir et volonté, dans le regard jaune : « c’est mon anniversaire. J’ai vingt-sept ans ».

Le jeune interne est pétri de conformisme, avide de respectabilité : son impécuniosité est un premier prétexte pour refuser l’amour ; pas de couple respectable sans argent. Mais, il découvre un portefeuille dans une poubelle : la somme rondelette qu’il contient fait sauter l’obstacle entre cette espèce de passivité agissante qui le meut et la volonté farouche de Charlotte qui a choisi Harry comme objet d’un amour qu’elle imagine pouvoir façonner à l’image de cette œuvre d’art qu’elle poursuit sans jamais pouvoir l’atteindre. « J’aime faire l’amour et fabriquer des choses avec les mains » dit-elle. De ses doigts habiles et inlassables sortent des statuettes « bizarres, fantastiques et perverses » qui ne la satisfont jamais, échouant à saisir  le mouvement qui la fascine. Harry et Charlotte  deviennent amants et quittent tout.

Repli en une autarcie radicale hors du temps (les deux amants vivent au bord d’un lac et épuisent lentement leur réserve de boites de conserve) et tentative de réinscription dans le monde et sa temporalité sans jamais trouver de point d’équilibre, rythment cette passion étrange où s’expriment la domination furieuse de Charlotte et la passivité malléable et distanciée d’Harry, empêtré dans une logique d’échec et de culpabilité masochiste. Dépourvue de tendresse et de sensualité, cette passion exhale un parfum de mort que rappelle avec insistance le vent noir qui agite d’un bruit sec les branches des palmiers de la plage toute proche du bungalow où les deux amants viennent échouer au terme de leur périple.

Vieux père est un récit composé après coup et qui vient s’intercaler entre les différents chapitres des Palmiers sauvages. Il raconte l’odyssée d’un forçat envoyé en barque, sur les flots furieux du Mississippi, au secours d’habitants en péril lors de la grande crue de 1927.

En s’ouvrant sur les mots « Il était une fois », l’épopée du forçat sur le « Père des eaux », a d’emblée la connotation d’un mythe, d’une nouvelle genèse, la grande crue prenant les allures du déluge biblique : « Il faisait nuit noire maintenant. C’est-à-dire que la nuit était complètement tombée, le ciel gris s’était dissous et évaporé, et cependant, par une sorte de renversement pervers, la visibilité de la surface des eaux s’était accrue d’autant, comme si la lumière de l’air que la pluie de l’après-midi avait balayée s’était rassemblée sur les eaux comme l’avait fait la pluie elle-même, si bien que maintenant le flot jaune s’étalait devant lui, presque phosphorescent, jusqu’au point même où cessait la vision ».

Voulu par Faulkner comme un contrepoint au premier récit, Vieux Père m’apparaît davantage comme une sorte de basse continue ou même une sorte de « storyboard » métaphorique des Palmiers sauvages.

Les deux récits témoignent d’une double malédiction.
Tout d’abord celle des deux amants : lui en nouvel Adam (« Alors, Adam ? dit-elle ») ; elle, en Lilith d’un nouveau genre (« J’ai été attiré dans un paradis d’imbécile par une vieille putain ; j’ai été étouffé et dépouillé de ma force et de ma volonté pour la vieille et lasse Lilith de l’année »).

Cette allusion à l’un des personnages les plus fugaces de l’Ancien testament (Une ligne dans le livre d’Isaïe) n’est pas gratuite. Lilith est un démon féminin de la tradition juive. Dans les légendes sémites, elle est présentée comme la première femme d’Adam D’après la Kabbale, elle refusait dans l’acte sexuel qu’Adam fut au-dessus d’elle. Devant l’obstination machiste d’Adam elle quitta le Paradis terrestre. Dieu la condamna à voir mourir chaque jour une centaine de ses enfants (la gueuse était très prolifique). Rendue enragée par ce cruel verdict, Lilith se jura de dévorer tous les nouveau-nés qu’elle pourrait. Charlotte est bien une nouvelle Lilith : dominatrice dans ses rapports sexuels avec Harry, sa conception d’un amour parfait et absolu oppose passion et génération et confine à un désir de mort et d’anéantissement, un refus de la vie. « Lorsque les gens s’aiment fort, s’aiment vraiment, ils n’ont pas d’enfants, la semence se consume dans l’amour, la passion ».

Maudit, notre forçat dont nous ne connaîtrons jamais le nom l’est également. Alors qu’il erre sur les flots du Père des eaux depuis de longs jours, notre nouveau Noé aperçoit un cerf émergeant de l’eau et se mettant à courir : « Terre croassa-t-il ? » Faisant écho au corbeau de la genèse, cet oiseau noir se nourrissant de charogne, cette exclamation est pour moi le signe que la victoire apparente du forçat sur les éléments n’augure pas une nouvelle alliance : comme le souligne la théologie, ce croassement « figure une  représentation des pensées les plus obscures de notre vie qui ne font qu’aller et venir, se nourrissant des ordures d’un monde en putréfaction ».

Magnifiquement écrit, ce chef d’œuvre de Faulkner s’ouvre puis se referme sur une même nuit, dans le sifflement et le bruissement sec des palmiers de la plage et l’odeur de la mer apportée par le vent noir mêlé de sable. Le style est éblouissant et on mesure à la lecture tout ce qu’un Claude Simon que j’admire également doit à Faulkner: les deux écrivains affectionnent les longues phrases indécises, procédant par accumulation, nourries de métaphores, coupées de parenthèses et bifurquant brusquement en associations d’idées.

Si je t’oublie Jérusalem est probablement l’un des romans est plus sombres de Faulkner, par moment douloureux à lire.
On termine sa lecture légèrement fourbu et vide d’espoir à l’image de son personnage Harry : « Pas même des traces d’amour dit-il. Rien de cet accord tendre et sauvage, de la course des pieds nus vers le lit dans la pénombre, des couvertures qui ne s’ouvrent pas assez vite. Rien que le grincement symptomatique du sommier, le soulagement prostatique matinal de dix ans de mariage »

Si je t’oublie, Jérusalem dans la collection L’Imaginaire

Les ouvrages de William FAULKNER chez Gallimard (Folio compris)

William FAULKNER dans La Pléiade