UNE FEMME D’EXTÉRIEUR de CAROLINE TAPERNOUX / Une lecture de Gaëtan FAUCER

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Gaëtan FAUCER

 

Un récit qui se lit comme une lettre adressée à une seule personne, cette personne
s’appelle Marthe. Sacré personnage !

Résultat de recherche d'images pour "une femme d'extérieur tapernoux"Tantôt attachante, tantôt horripilante, voire « attachiante »… Mais qu’importe, une personnalité incroyable est décrite sous la plume magique de Caroline Tapernoux.
L’auteure nous dresse ici un tel tableau, que l’on se croirait dans la toile d’un
fauviste ! Les couleurs sont belles et criardes à la fois. Quel portrait !

L’histoire de Marthe pourrait être celle d’une autre femme, on en a vu chez Balzac ou
dans d’autres grands romans. La femme qui veut à tout prix monter…mais qui ne s’intègre pas ou jamais.

Dans une « Femme d’extérieur » on y passe un bon moment. Caroline nous dévoile une lettre intime, le lecteur, lui, y découvre un récit poignant…

L’image contient peut-être : Caroline Tapernoux, sourit, debout, ciel et plein air

Le livre sur le site de l’éditeur

LES LECTURES D’EDI-PHIL #21 : COUP DE PROJO SUR LES LETTRES BELGES FRANCOPHONES

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Philippe REMY-WILKIN (par Pablo Garrigos Cucarella)

Les Lectures d’Edi-Phil

Numéro 21 (novembre 2019)

Coup de projo sur le monde des Lettres belges francophones

sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…

 

A l’affiche :

deux romans (Marcel Sel et Ziska Larouge), une BD-Doc (Arnaud de la Croix et Cie), une pièce de théâtre (Jacques De Decker),), un témoignage (Inge Schneid) et un recueil de nouvelles (Jean Jauniaux) ;

les maisons d’édition Onlit, Weyrich, Petit à Petit, Lansman, Couleur Livres et Ker.

 

(1)

Coup de cœur !

Marcel SEL, Elise, Onlit, Bruxelles, 2019, 434 pages.

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Un livre étourdissant ! Qui nous offre un Grand Large inusité en nos Lettres, à mille lieues des autofictions qui nous inondent ad nauseam. Une nouvelle vague se lève-t-elle ? En trois mois, j’ai lu trois livres enthousiasmants écrits par des Belges et édités par des Belges (NDLR : les deux autres sont 37, rue de Nimy d’Alexandre Millon chez Murmure des Soirs et Libre comme Robinson de Luc Dellisse aux Impressions Nouvelles). On espère pouvoir ajouter « et lus par des Belges (en nombre) »… avant une traversée méritée vers l’Eldorado français (et le monde francophone).

Insistons sur un aspect fondamental. Marcel Sel, le roi des bloggeurs de notre FWB (Fédération Wallonie/Bruxelles), a accompli un pas de côté par rapport à son premier (formidable) roman, Rosa, glissant du roman/roman vers un roman plus ancré dans la matière littéraire.

Lien vers mon article, paru dans Le Carnet :

https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/10/19/sel-elise/

 

PS Nous en parlerons le lundi 18 novembre dans Les Rencontres Littéraires de Radio Air-Libre (voir la page Facebook de l’émission).

 

(2)

Arnaud DE LA CROIX, Bruxelles, de Waterloo à l’Europe, BD/Doc, Petit à Petit, Rouen, 78 pages, 2019.

Nous découvrons le troisième tome d’une histoire de Bruxelles des plus originales, ludique : elle mêle de micro-BDs et des pages explicatives. Un travail collectif, donc, dont nous parlons pour Arnaud de la Croix, mais celui-ci assure documentaire et textes historiques, il faut relever l’apport d’Hugues Payen (scénarios et dialogues), dont les histoires sont dessinées et coloriées par une équipe assez nombreuse.

Bien que je sois (relativement) un spécialiste de l’Histoire belge et de Bruxelles en particulier, j’ai pris un vif plaisir à la lecture. Et me suis rappelé qu’une image vaut parfois mieux qu’un long discours et inscrit une idée dans nos mémoires (on se balade à travers l’Expo 58, on revit l’incendie de l’Innovation ou l’exécution d’Edith Cavell, etc.).

Les encarts d’Arnaud, dynamiques et précis, allument mille appétits (on désire se précipiter aux musées Africa ou MIM, approfondir l’étude du style éclectique et profiter encore davantage des Journées du Patrimoine, on s’émeut du courage de nos édiles politiques en 14/18, etc.).

Le rapport texte/images/photos évoque la tonicité des Gallimard/Découvertes, on apprend (beaucoup !) en s’amusant. Un mélange de genres très réussi, qui fait écho à un souvenir extatique : une émission britannique consacrée à Darwin diffusée par Arte qui avait osé juxtaposer scènes de fiction filmée et interventions d’historiens, une voix off reliant le tout.

Un cadeau idéal !

 

PS L’éditeur breton recourt à un imprimeur belge (de Mouscron), et Arnaud, interrogé, me confirme la bonne tenue, la réputation de nos imprimeurs.

 

Mes précédents articles sur ADLC :

https://karoo.me/livres/treize-livres-maudits-hublots-demultipliant-lhorizon

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2018/10/02/le-coup-de-projo-dedi-phil-sur-le-monde-des-lettres-belges-francophones-5-octobre-2018/

 

(3)

Jacques DE DECKER, Le magnolia, ou Le Veau-de-Ville et le Veau-des-Champs, pièce de théâtre, Lansman, Carnières-Morlanwelz, 1998, 71 pages.

On n’en a pas fini avec cet auteur (majeur !), auquel nous avons consacré un feuilleton en quatre épisodes. Dont un Spécial Théâtre. Nous échappaient alors deux pièces. Restera une, Fitness, me semble-t-il.

Nous avons tout dit des qualités du Grand Jacques. Nous dirons simplement avoir pris un plaisir majuscule en compagnie de ce vaudeville, qui n’a de cesse de jouer sur les degrés, les clins d’œil. Ainsi, vaudeville et Veau-de-Ville… et Vaudeville, le restaurant où se joue une page importante du récit.

Le pitch ? Les amours d’une jeune femme qui la joue mystérieuse et fatale, se partageant (à leur insu) entre deux jeunes hommes a priori très différents (un architecte de jardin vivant à la campagne et un historien citadin). Mais ces derniers ont en fait une passion commune : le water-polo. Et ils deviennent amis. Comment Marie-Antoinette (Marie pour Adrien, Antoinette pour Julien) va-t-elle échapper à la confrontation ou aux impasses de sa vie ?

Comme le dit la quatrième de couverture, sont interrogés ici « avec un humour insidieux la complexité et l’ambiguïté des rapports affectifs dans la comédie de la vie ». De Decker, ce « sociologue tendre et cruel » (dixit Pierre Mertens dans la page de garde), réussit à parler avec légèreté et tonicité d’un sujet qui pourrait, en d’autres mains, se complaire dans la tragédie. Il y a indubitablement un parfum de Rohmer dans l’air, mais un Rohmer au meilleur de sa forme (Conte d’été, Pauline à la plage, la deuxième partie de La Femme de l’aviateur) :

« – Qu’est-ce qui ne va pas ?

  • Je suis trop heureuse.
  • Ben alors… c’est que tout va bien.
  • Tout va trop bien. J’ai tout ce que je veux. Je suis exaucée au-delà de mes espérances.
  • Tu l’as trouvé, l’oiseau rare ?
  • … J’ai deux volières. »

Un JDD qui s’autorise à l’occasion et sans excès de petites éclaircies poétiques (« J’aime la façon dont tu me cueilles. »), des saillies philosophiques (« on dit souvent certaines choses pour en dire d’autres, ou pour en cacher d’autres… »), humoristiques (« Un cerveau qui ne s’intéresse qu’aux histoires de cul, précisons-le quand même. ») ou de théorie artistique (« les bonnes pièces, elles sont réglées comme du papier à musique, mais le spectateur ne s’en rend pas compte »).

 

PS Un coup de chapeau à Emile Lansman qui a su s’ériger en éditeur francophone référentiel dans le domaine du théâtre. Oui, rivaliser avec la France, Paris durant des décennies. Ce qui n’a pas d’équivalent à part André Versaille et ses superbes éditions Complexe dans le sillon des essais.

 

Voir notre feuilleton sur JDD :

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2019/03/30/le-coup-de-projo-dedi-phil-sur-le-monde-des-lettres-belges-francophones-11-special-jacques-de-decker/

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2019/05/30/le-coup-de-projo-dedi-phil-sur-le-monde-des-lettres-belges-francophones-13-special-jacques-de-decker-le-theatre/

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2019/07/01/le-coup-de-projo-dedi-phil-sur-le-monde-des-lettres-belges-francophones-14/

Ou nos chroniques radiophoniques (Radio Air-Libre), avec un focus sur JDD en compagnie de Daniel Simon :

https://soundcloud.com/user-750795099-90825386/rencontre-litteraire-ral-10-juin-2019

 

(4)

Ziska LAROUGE, La grande Fugue, roman, Weyrich, Neufchâteau, 2019, 219 pages.

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Ah, j’étais content de recevoir le seul livre qui m’avait échappé à l’occasion de la première salve éditoriale (quatre sorties, trois romans et un livre théorique, retraçant l’histoire du roman policier… belge) de la nouvelle collection Noir Corbeau ! Un projet auquel j’ai consacré divers articles.

D’autant plus content que j’avais découvert Ziska il y a un an, elle m’avait frappé par sa jubilation d’écriture, de narration.

 

Le pitch de ce roman policier ? On retrouve une violoniste massacrée (un archet dans la carotide !) mais de quelle jumelle Barrazzini s’agit-il ? Wanda ou Sara-Louise ? Et qui et pourquoi ?

Le roman est divisé en deux parties, quasi deux romans. Un premier nous projette dans la vie d’un quatuor célèbre, Les Barrées, qui répète au Flagey. On découvre tout ce qui peut rapprocher, lier et séparer (jusqu’à la haine ? jusqu’au meurtre ?) quatre jeunes femmes vivant côte à côte depuis des années alors que l’une d’elle, la plus destroyed, Wanda, attire toutes les oreilles… et toute l’attention.

La deuxième partie nous transfère au côté des pittoresques enquêteurs Gidéon Monfort (cloué à un fauteuil roulant et suivi comme son ombre par un chien aux allures de Rantanplan very lucky, Tocard) et André Mozard. A eux de dénouer les fils du drame.

Qu’en penser ? C’est bien écrit et bien raconté, vif et tonique :

« Ce psy et son air de suffisance lui mettaient les poils. On psychottait beaucoup trop de nos jours. Partout, et jusque dans la police. Beaucoup trop ! Qui n’avait eu une enfance compliquée, connu une relation vampirisante, un patron salaud, la mort d’un proche ou que savait-elle encore ? Cette manie de trouver des excuses aux comportements amoraux la hérissait. »

On pressent (à tort, à raison ?) un cahier de charges (de la collection), qui privilégie une écriture fluide et teintée de touches humoristiques, humanistes, la reconstitution d’un décor (ici, Bruxelles, la place Flagey, etc.) et le portrait de héros/enquêteurs pittoresques. Il y a une tonalité commune aux trois premières fictions estampillées Noir Corbeau, bien que chaque auteur apporte sa personnalité, une interprétation. Une identité s’esquisse. Qu’on espère voir s’élargir un tantinet.

 

  1. En ces temps moroses, la progression des éditions Weyrich apporte un vent d’espoir à nos Lettres. En démontrant aussi qu’on peut devenir grand en ayant sa base loin de la capitale.

 

Voir notre article sur le précédent roman de Ziska Larouge dans ce reportage :

Le Printemps du livre un must ! – Karoo.me

 

(5)

Jean JAUNIAUX, Belgiques, Ker, Hévillers, 2019, 121 pages.

Jean Jauniaux 

Un recueil de nouvelles, le quatrième déjà, de cet auteur, apparu soudain en 2006, venant du milieu audio-visuel, qui a très rapidement tracé un sillon consistant en nos Lettres.

Belgiques, c’est d’abord un concept, le nom d’une collection qui se décline au gré des invitations lancées à des auteurs. Ecoutons Xavier Vanvaerenbergh, le directeur/fondateur des éditions Ker :

« Belgiques, ce sont des recueils de nouvelles à travers lesquelles un auteur explore ses Belgiques. Sa définition de la belgitude, pour employer un mot à la mode depuis quelques années.

L’idée n’est pas de publier des recueils autobiographiques. Il s’agit bien de rester dans la fiction – c’est du moins la consigne, même si parfois, certains ont du mal à l’appliquer – mais bien entendu, en tant qu’auteurs belges, la plupart du temps (ce n’est pas une obligation : un auteur français qui habiterait en Belgique depuis longtemps serait bienvenu), il est naturel de puiser dans son expérience et dans son vécu. »

Les nouvelles, ici, ne sont pas tant des nouvelles que des textes courts évoquant des rencontres, des pages autobiographiques parfois, légèrement adaptées, transposées. Détail ! On est immédiatement happé par le recueil. Dès l’épigraphe du premier texte, où Yvon Toussaint (le père de Jean-Philippe et l’époux de Monique, deux autres pierres angulaires de notre microcosme) brosse une définition du (bon) journaliste.

Ensuite ? On est ému par les bribes de vie distillées par Jean Jauniaux. On est interpellé par la recréation d’un aspect original de notre belgitude, en rapport avec les médias, les médiateurs. Et l’auteur de ressusciter des figures (Armand Bachelier, Théo Fleischmann, etc.) qui sont autant de modèles. De nous plonger dans la nostalgie d’un temps où l’éthique, un sens des responsabilités guidaient les stars de la radio ou de la télévision. Ô tempora, ô mores ! Mais vade retro, la déprime ! A nous de ressusciter/récupérer un souffle d’âme…

L’écriture, sobre, s’inscrit dans la démarche d’une narration fluide et participe d’un ton doux-amer. Elle n’en laisse pas moins filtrer des trésors. De deux natures : pièces extérieures judicieusement instillées et envolées personnelles.

Ainsi :

« Je voudrais peindre un tableau fabuleux dans lequel je pourrais vivre. » (Paul Delvaux) ou « Il ne faut pas toujours tourner la page, il faut parfois la déchirer. » (Achille Chavée).

Mais aussi :

« Il lisait trop, c’est tout. Cela lui donnait cet air absent qui agace tant les brutes. Il naviguait sur un voilier blanc et léger fait de pages de livres, que ses yeux rêveurs parcouraient sans faire escale. » ou « (…) je m’étais rendu compte de cette vertu irremplaçable de la littérature de fiction : celle de miroir fraternel, dans lequel le lecteur peut découvrir son double, un autre soi qui traverserait les mêmes épreuves et qui, ainsi, le rend moins seul à les affronter. »

Du Jean Jauniaux, cette fois. Et j’avouerai, ô mise en abyme, avoir vécu en ces pages l’expérience annoncée par l’auteur.

Le recueil se conclut en beauté, dans l’émotion et la poésie, avec l’adieu de Jean Jauniaux à sa mère, à quatre ans, quelques semaines avant l’ouverte de l’Expo 58. Scène vécue ou rêvée ? La littérature, ici, déploie tout son sens :

« Toi, tu rêves de la mort. Ta mort, celle qui te gagne petit à petit, trace son chemin dans tes veines, creuse ton cœur à grands coups de pioche et de bêche, explose ton crâne à la dynamite des douleurs. (…)  Tu remues la main qui gît le long de ta hanche. La main droite. L’autre, celle du cœur, repose sur ton front, comme un coquillage prêt à recevoir la marée de souffrance dont les vagues roulent vers toi depuis le tréfonds des océans, avec le grondement d’une armée invisible. »

 

(6)

Inge SCHNEID, Bakwanga, la pierre brillante, Couleur Livres, témoignage, Bruxelles, 202 pages.

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La collection Je, dirigée par Daniel Simon, livre une série de livres-témoignages. Celui-ci est sous-titré Une vie de femme au Congo de 1950 à l’Indépendance. Tout est dit. De l’intérêt du livre. Que je désirais pour retrouver ce qu’avait pu être la vie de mes parents quelques mois avant ma naissance, le décor de ma conception.

L’autrice traduit bien l’inadéquation des colons, qui vivent entre eux, sans contact avec les populations locales, sans interaction profonde, empathie/sympathie. Et évoque avec des mots simples ce qui a mené au chaos : le manque de communication, d’anticipation des autorités belges (publiques ou privées) ; l’accélération désordonnée du processus d’indépendance ; la collusion des intérêts privés et de leaders sécessionnistes ; le manque d’élites locales (une volonté délibérée des colonisateurs) ; les conflits entre les anciens leaders africains (sorciers, chefs de tribus) et les nouveaux (politisés) ; le manque d’éveil/lucidité/ouverture d’une majorité de colons (broutant leur pré comme une vache regarde passer un train).

Ma lecture me laisse révolté. Il ne suffit pas d’un simple « Autre temps, autres mœurs ! ». Non. Il était impossible de ne pas voir. Mais on ne voulait pas savoir, en savoir plus, s’interroger. On profitait. Or la réalité, il suffisait d’un peu gratter, pour la découvrir terrible.

Inge Schneid le reconnaît, dans un mea culpa nuancé et intègre. Ces Noirs qui refusent eux-mêmes le contact, d’autres qui marquent leur hostilité (on a violé leurs femmes), ils auraient bien des raisons, non ? Et que dire du passage où l’autrice, rompant avec le conformisme de ses collègues/épouses dévolues au piscine/soirée dansante/repos, s’informe sur la réalité des mines de diamants et nous parle des travailleurs passés journellement au rayon X (pour vérifier s’ils n’emportent pas… ce qu’on leur vole !). Rumeur ? Ou réalité digne du scandale de l’amiante ?

La comparaison est exagérée mais j’ai songé au film de Lanzmann sur la Shoah, à la passivité/volonté de ne pas savoir des villageois allemands ou polonais proches de camps d’extermination.

C’est bien écrit et bien raconté, on apprend beaucoup, mais l’autrice est davantage une rédactrice qu’une écrivaine. On regrette le souffle ou la réflexion plus approfondie qui eussent pu nous emporter face à un tel sujet. Les merveilles et les horreurs sont comme mises à plat :

« (…) il y avait des dizaines de milliers de Belges à rapatrier. La première heure, les pilotes transportaient un « cargo-dortoir » mais bientôt se mit en place un remue-ménage et des allers-retours aux sanitaires. Il y avait une file permanente, alors on discutait un brin, sans grand-chose à se dire. Lorsque je quittai les lieux, mes sandales étaient irrémédiablement fichues. Dégoûtée, je pensai à autre chose. »

Mais c’est la différence entre un témoignage et un roman, un essai.

Il y a encore la retenue de l’autrice. Ainsi, la relation avec son mari ne laisse filtrer qu’une série d’indices de distorsion, d’inadéquation. Un témoignage qui refuse l’autobiographie ?

La phrase finale, balancée par un oncle à notre narratrice (avec réalisme ou méchanceté/jalousie… vu l’enfer dont elle émerge) à son retour en Belgique m’a étourdi, elle résumait ce qui avait anéanti ma mère (dans le cadre d’une dramatisation égocentrée des événements vécus par notre famille) :

« Inge, tu viens de perdre ton trône ! ».

 

Edi-Phil RW.

 

 

LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 41. VERNISSEUR DE PATATES

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Septembre est désormais bien passé et vous avez dépensé l’été dernier tout votre argent en vols low cost et en chambre d’hôtes all-in. Vous avez terminé de glaner sur les champs votre lot hivernal de pommes de terre. C’est harassant et dégueulasse.

Il vous suffit de porter les fruits de votre glanage chez le vernisseur de patates qui, à l’aide d’une brosse à poils courts et d’un chiffon en laine de crin, vous les dépouillera de sa terre excédentaire et vous les fera briller comme un galet neuf, un savon Palmolive, une boule de Berlin, une couille de Merlin qui aurait conservé toute sa vigueur.

Quand vous porterez la patate en chemise à la bouche, doucement, en se déshabillant sous vos dents expertes quoique en partie érodées par les sucres, les alcools et les pratiques de l’amour, elle fondra sous la langue en délivrant dans votre palais décati un goût succulent, suave et sauvage à la fois, qui, mêlée à votre haleine un brin acide, ravira vos papilles, ravies à souhait.

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 40. CONDUCTEUR DE BRAVOS

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L’homme, la femme – et leurs croisements intermédiaires – ont besoin d’idoles : politiques, religieuses ou littéraires.

On observe ces derniers temps des foules marries à l’idée d’hommes politiques disparus depuis cinquante ans ayant été indûment privés de T-shirts pour leurs icônes, des élans de ferveur en faveur d’écrivains qu’on avait cru morts et enterrés retrouver une vigueur de ressuscité dominical à la faveur d’un retweetage de leur oeuvre vite devenu viral, de brillants porteurs de signes extérieurs religieux être encensés par des sommités du monde laïque en veine de reconnaissance publique.

Imaginons maintenant Cyril Hanouna publier son premier roman (avec l’aide, soit, de son chroniqueur littéraire Eric Naulleau, pas à l’abri d’un Jourde), un député permanent ordinaire se mettre à l’art contemporain (façon Jeff Koons sans sa blonde), mon pharmacien devenir imam (ou rabbin ou moine tibétain) ou encore mon beau-frère Pierre-Yves (avec un tel prénom, rien d’impossible) devenir ministre régional. Et les foules de leurs affidés d’aussitôt se mettre à organiser marches blanches et sit-in (avec bulles, plumes & envols de ballons) sur la place de leur village respectif.

C’est ici que le conducteur de bravos, fort de ses années de philosophie zen et de psychologie sociale, entre en scène. À l’instar du modérateur de salle de conseil communal à l’arrivée du bourgmestre et de son clinquant collège, il doit contenir les vivats, les marques d’enthousiasme, les mille bravos, les applaudissements nourris – à base de produits culturels locaux, forcément surréalistes – du petit peuple de ses admirateurs (infiltrés par quelques contempteurs notoires – il y en a toujours pour ne pas plaire comme tout le monde). Car qui trop applaudit se casse les mains et les reins (s’il ne coordonne pas bien ses ébranlements) et n’a plus la force d’œuvrer au renouveau intercommunal de sa région.

Le conducteur de bravos réfrène donc les ardeurs, il rend la raison aux foules en délire en leur rappelant qu’après tout rien ne sert d’idolâtrer, il faut agir à poings fermés. En leur démontrant par a plus b n’égale pas ab que leur force est en eux, au cœur de leur joie enfouie dans leur manière de ne se conformer point à un quelconque cercle (même vertueux), comme l’a montré Spinoza qui, quoique éthiquement parfait, a débuté – on le sait peu – comme conducteur de bravos.

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 39. ENVOYEUR DE CARTES À LA CRÈME

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Le métier d’envoyeur de tartes à la crème ne fait plus recette. Les envoyeurs de jadis ont levé le pied et la relève n’est guère assurée. Et qui oserait attenter à l’imagerie sainte des anciens terroristes aujourd’hui à la retraite ?

Le métier à la pointe de l’envoi, c’est expéditeur de cartes à la crème.

A l’époque du mailing répandu, l’envoyeur fait œuvre d’originalité, d’artisanat. Il compose une carte à la crème qu’il va lui-même livrer chez le destinataire, recommandé par son traître entourage.

Quand le destinataire ouvre la porte, il est doublement surpris, d’abord par le mode d’envoi, puis par ce qui lui saute à la gueule lors de l’ouverture de l’enveloppe, et qui lui barbouille le visage aussitôt photographié par l’oeil incorporé à la carte et qui reproduira sa face ébahie de crapule ordinaire sur tous les réseaux sociaux auxquels il est mailé.

 

LA SAISON LITTÉRAIRE 2019-2020 : VERS D’AUTOMNE

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Denis BILLAMBOZ

Ils n’ont pas été écrits en automne, ils n’ont peut-être même pas été publiés en automne mais je les ai lus en automne, alors ce sont mes vers d’automne. Des vers venus de Belgique jusque chez moi, des vers de CLAUDE DONNAY et des vers de MARCELLE PÂQUES, des vers qui évoquent la nature, la lumière et par conséquent la vie.

 

Le bourdonnement de la lumière entre les chardons

Claude Donnay

Le Coudrier

Photo

« Heures sombres de l’hiver quand la joie est perdue, il semble qu’à l’entame le recueil ne laisse place qu’à un deuil désespéré.

Reste à « interroger la lumière » quand elle a cessé de briller aux yeux. L’effort des mots, la voix éteinte semble ne plus pouvoir le soutenir ». Jean Michel Aubevert, le poète de référence des Editions du Coudrier, introduit par ses mots le présent recueil.  Il évoque la lumière, les heures sombres, le deuil, …, et enfin les mots que Claude Donnay a convoqués pour façonner les vers qu’il présente dans ce recueil.

D’un regard

On interroge la lumière

Dans l’espoir

Qu’elle éclaire nos ombres

Dans ce recueil, le poète évoque tout ce qui gravite dans le champ de la lumière, un champ sémantique en clair-obscur qui évoque aussi bien la clarté que l’obscurité, dessine les objets en pleine luminosité ou dans une ombre plus ou moins épaisse. Avec un mot, deux, parfois trois ou quatre, il écrit un vers qui éclaire la feuille ou l’assombrit, qui évoque la mort plus souvent que la vie.

Devrait-on

Mourir

Aux certitudes

Pour entrer

Dans l’errance ?

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Claude Donnay

Dans ce recueil, j’ai noté des mots récurent : lumière, étoile, soleil, ciel, nuit, vent, silence, feuille, peau, corps, mort, mots… Le poète le confesse :

Je serre le présent

Dans un mot

Avec ces mots qu’il a choisis avec soin, le poète raconte la lumière source de vie qui se voile dans la fine brume du vocabulaire laissant paraître cette légère mais prégnante impression de souffrance ou de douleur où l’on rejoint le préfacier. Parviendra-t-il à faire briller les mots sous cette douce lumière pour qu’ils dessinent les corps, caressent la peau, colore la feuille dans le silence d’un infime souffle d’air, redonne vie à ce qui fut ? L’optimisme ne semble pas de mise :

On n’apprivoise pas

Le silence

Ni les remords

La mort semble roder dans les parages de ces vers, et le poète essaie de la chasser ou de l’oublier dans cette impression de deuil qu’il nous laisse ressentir, dans cette invocation du désir auquel il voudrait croire encore.

Entre vie et mort

Ce bourdonnement du désir

Où tout s’inscrit

Le recueil sur le site du COUDRIER

Le blog de Claude DONNAY 

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Bordélique alchimie

Marcelle Pâques

Chloé des Lys

Bordélique Alchimie

Et si la vie n’était qu’une

bordélique alchimie… ?

Voilà bien le genre de question auquel Marcelle Pâques ne nous a pas habitué, elle qui aime tant raconter les fleurs, le soleil, les petits oiseaux, son jardin, …

Mais aujourd’hui….

Il y a le rire des fleurs dans la lumière

Et le chœur des oiseaux…

Elle écrit des vers avec des couleurs, des odeurs, des saveurs et parfois même une note de musique,

Une note subtile

Un accord imprévu

S’empare de la ville

Presque à notre insu

Son optimisme débordant, sa joie de vire, son extase devant les prouesses de la nature pour nous séduire, dessinent un cadre enchanteur pour couler une douce vie dans le « cirque en plein air » qu’est notre existence.

Le rire des étoiles

Egaie les spectateurs

La raison perd patience

Devant cette folie

La vie retrouve son sens

C’est le sens de la vie !

La vie n’est pas toujours celle qu’on cueille au jardin, celle qu’on lit dans les étoiles, celle qui chante dans les feuillages… c’est aussi celle de la douleur, celle du désamour, celle qu’il faut cependant toujours aimer pour ne pas sombrer.

Le goût de la vivre, rayon essentiel de lumière

L’éblouissait encore !

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Marcelle Pâques

Mais le temps n’arrête pas l’inéluctable défilement des ans entraînant l’érosion des corps et des esprits,

Vieillir est un jeu d’enfant ?

Oui, mais le dernier jeu d’une étrange journée

Vieillesse souffrira des affres du temps mais l’amour jamais de s’usera et la poétesse toujours confiera ses sentiments à sa page,

Voilà pourquoi j’écris !

J’écris pour vivre

Marcelle a bien raison de ne pas croire que l’âge altère les sentiments et elle a bien raison de penser que l’écriture est un art de vivre encore, de vivre encore mieux ! Rilke le lui a dit dans ses vers qu’elle nous confie.

Le recueil sur le site de CHLOÉ DES LYS

L’ANARCHIE de VÉRONIQUE BERGEN & WINSHLUSS / Une lecture de Jean-Pierre LEGRAND

TOUS DOIVENT ÊTRE SAUVÉS OU AUCUN de VÉRONIQUE BERGEN (Onlit) / Une lecture de Jean-Pierre LEGRAND
Jean-Pierre LEGRAND

« La petite bédéthèque des savoirs », des éditions du Lombard compte actuellement près d’une trentaine de titres. Dans un style volontairement vintage qui rappelle les vieux manuels d’école, l’idée est d’associer un spécialiste d’un domaine donné (ou à tout le moins un auteur passionné par le sujet) et un dessinateur : cela donne un ouvrage de vulgarisation, une clé pour découvrir une problématique de notre temps. Libre à celui qui le souhaite d’aller ensuite plus loin : chaque volume comprend de judicieuses suggestions bibliographiques. En somme la version BD de la célèbre collection « Que sais-je ? »

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Le volume auquel viennent de collaborer Véronique Bergen et Winshluss sent le soufre et on ne s’en étonnera pas, venant de deux personnalités qui, chacune dans leur domaine, font preuve d’une grande indépendance d’esprit et se signalent par des œuvres originales et fortes. Dans les pas d’un jeune adolescent qu’oppose à ses parents un quiproquo fort drôle, nous découvrons l’histoire largement méconnue de l’anarchie. Le texte est didactique et direct, sans fioriture ni commentaire surabondant. Le style graphique de Winsshluss, mordant et agressif ainsi qu’une colorisation franche et vive conviennent à la fois à la collection et au sujet traité.

Venons-en à l’anarchie. Le sujet a mauvaise presse : on l’associe aux poseurs de bombes (il est vrai que plusieurs anarchistes en furent) et l’anarchisme est si radicalement opposé au mode habituel de pensée et de perpétuation des dominations que ses partisans ont toujours été persécutés ou au minimum calomniés par les pouvoirs en place ou par ceux aspirants à s’y substituer. L’intérêt du roman graphique de Bergen et Winshluss est de remettre en perspective, de manière simple et didactique, l’histoire incroyablement complexe des mouvements anarchistes.

Histoire complexe car parcourue de courants aussi divers que l’individualisme de Stirner, le collectivisme de Kropotkine, les partisans de la lutte armée, les tenants de l’action directe et ceux de la propagande par le fait…

Deux constantes se dégagent de l’histoire de l’anarchie que met bien en lumière le présent ouvrage. La première, c’est que répandus un peu partout dans le monde et s’incarnant dans un mouvement largement majoritaire au sein des forces de contestation sociale, les anarchistes ont progressivement cédé du terrain jusqu’à pratiquement disparaître. Aux premières loges de la révolution russe qu’ils contribuèrent à sauver, ils seront ensuite impitoyablement éliminés par les bolcheviques. Rebelote lors de la guerre d’Espagne : ils sont carrément massacrés par le gouvernement républicain avec le soutien des communistes… La seconde constante est la tension permanente entre la tentation de la lutte armée et l’exigence de légalité voire de pacifisme. La question n’est jamais clairement tranchée et continue de se poser aujourd’hui : face à un Etat qui use de la violence contre le peuple, comment se limiter aux actions pacifiques ? Cette problématique met en jeu une subtile arithmétique qui voudrait qu’un mal passager puisse justifier un bien futur. On retrouve cet enjeu dans les autres livres de Véronique Bergen – « Le mal relatif, transitoire au profit d’un bien supérieur, la justification dialectique d’un mal métabolisé en bien chez Hegel, je les vomis » écrit-elle dans « Tous doivent être sauvés ou aucun »  – avec, me semble-t-il, une évolution perceptible dans Guérilla, son dernier roman.

En fin de lecture, une contradiction saute aux yeux : un très grand nombre d’idées anarchistes ont triomphé sous la forme d’acquis sociaux (journée de travail de 8 heures, droit à la contraception, etc) alors que les mouvements anarchistes ont été laminés. A quoi tient cette défaite ?
Le refus de l’autorité et des différentes formes de pouvoir ne facilite guère la structuration d’un mouvement là où d’autres pratiquent une centralisation extrême. Ceci explique que d’aucuns, comme Michel Onfray en appellent à un post-anarchisme fondé sur une autorité immanente librement consentie et pouvant être retirée à tout moment : en somme une forme d’action directe revue et corrigée.

J’ai appris beaucoup de choses à la lecture de cet ouvrage vivifiant. Deux très légers regrets peut- être.
Même si l’affaire Sacco et Vanzetti est évoquée, de même que les martyrs de Haymarket, il me semble que l’ouvrage de Bergen et Winshluss est un peu trop « européocentré » au détriment de ce haut lieu de l’anarchisme que furent les Etats-Unis. Mon second regret tient à l’absence, dans l’index nominum, de ce grand homme que fut Francisco Ferrer, libertaire non violent, évoqué dans le texte de l’ouvrage mais non retenu dans l’index.

Pour moi, que répugne toute violence, je me sens proche du Montaigne qui, dans le troisième livre des Essais, se proclame « impatient de commander comme d’être commandé ». Un anarchisme tranquille ou à tout le moins une forme d’esprit libertaire qui me convient…

Le livre sur le site du Lombard 

LA SAISON LITTÉRAIRE 2019-2020 : ON NE CHOISIT PAS TOUJOURS SA FAMILLE / Une chronique de Denis BILLAMBOZ

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Denis BILLAMBOZ

La famille, ce grand problème qui agite encore aujourd’hui tellement notre société n’a pas laissé indifférents les écrivains. Dans cette chronique, j’en ai réuni trois qui ont abordé récemment ce sujet à travers des récits qui ne sont peut-être pas très éloigné de leur vécu. EDMÉE DE XHAVÉE évoque des mariages bien peu sincères dans un double roman, DIDIER DELOME révèle les relations houleuses qu’il a eues avec sa mère et TANIA NEUMAN-OVA raconte l’histoire d’une adolescente à la recherche de ses vraies racines ne pouvant se satisfaire de celles qu’on lui propose. La famille, un sujet bien complexe, épineux et même parfois, hélas, carrément nauséabond.

 

Toffee suivi de La preferida

Edmée de Xhavée

Chloé des Lys

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Avec cette nouvelle publication qui comporte deux courts romans qui tous les deux évoquent la diversité des relation sentimentales qui peuvent naître entre deux personnes et, éventuellement, les conduire au mariage, Edmée de Xhavée nous rappelle qu’elle n’est pas seulement une excellente nouvelliste mais aussi une très bonne romancière. Elle sait magnifiquement disséquer tout ce qui se passe entre deux personnes qui s’aiment, s’aiment de plus en plus, plus souvent de moins en moins, parfois ne s’aiment pas du tout et, dans certains cas, finissent même par se détester. Elle est experte pour dénouer tous les liens qui se nouent, se dénouent et finissent par s’embrouiller dans un groupe de personnes pour composer des couples mariés, des cercles d’amis, des relations inavouées, tous ce qui rapproche ou sépare les êtres amenés à se croiser fréquemment. Elle connaît aussi très précisément les mécanismes qui animent la société bourgeoise du XX° siècle qui sert de fond aux deux histoires qu’elle raconte dans ces deux romans.

Toffee c’est une petite bonniche bien ambitieuse, elle veut sortir de sa condition ancillaire en épousant un industriel beaucoup plus âgé qu’elle, il vient de perdre la femme qu’il adorait. L’auteure raconte comment, bien des années plus tard, sa fille se rend dans un hospice pour rencontrer le fils de l’industriel en question et essayer de restituer l’histoire comme elle s’est réellement déroulée.

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Edmée De Xhavée

La preferida, c’est la grande sœur ambitieuse qui veut toujours être sur le devant de la scène quitte à écarter sa petite sœur quand un beau parti se présente. L’auteure donne la parole aux différents protagonistes de cette histoire pour dévoiler les manœuvres de cette séductrice plus intéressée par un joli héritage en perspective que par son mari. C’est avec une réelle malice et sans aucune concession  qu’Edmée démonte le machiavélique projet que cette ambitieuse a ourdi avec cynisme pour enfin trôner sur le siège sur lequel sa mère n’a jamais pu se pavaner malgré le pédigree de son père.

Edmée de Xhavée passe ainsi à la moulinette une société qu’elle connaît bien, une société où les apparences ont plus d’importance que la réalité, une société où il faut éclabousser les autres pour exister au-dessus d’eux, une société où le mariage, et même parfois l’amitié, sont d’abord des associations d’intérêts avant d’être des unions de personnes qui s’aiment et s’apprécient. On dirait qu’à travers ces portraits de familles, elle cherche à montrer le vrai visage de cette société qu’elle ne semble pas beaucoup apprécier. Mais même si ses personnages s’embrouillent régulièrement dans leurs amours et leurs amitiés, créant des situations toutes plus inextricables les unes que les autres, semant le chagrin et le malheur dans les cœurs et les corps, il reste que tous les héros et héroïnes de ces deux histoires éprouvent tous de l’amour qui est, hélas, rarement partagé et encore plus souvent contrarié par un environnement trop intéressé.

Et si l’amour n’était qu’un sentiment à durée déterminée entre des êtres libres et responsables, à l’abri des intérêts des autres … ?

Le livre sur le site de l’éditeur

Laissez-moi vous écrire, le blog d’EDMÉE DE XHAVÉE

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Les étrangers

Didier Delome

Le Dilettante

Dans son précédent livre, « Jours de dèche », Didier Delome raconte l’irrésistible descente aux enfers d’un flambeur qu’il pourrait bien avoir été. J’avais écrit dans mon commentaire que cette histoire n’était pas close qu’il lui faudrait un autre développement où il raconterait ses démêlés avec le monde de l’édition pour faire publier son livre, son histoire invraisemblable, son parcours chaotique, l’origine de tous ses travers et de tous ses déboires. Didier a bien écrit cet autre livre mais le sujet en est tout autre, il concerne bien ce qui pourrait être l’origine de tous ses travers et déboires, mais il va chercher ceux-ci dans les rapports houleux, et même pire que ça, qu’il aurait entretenus avec sa mère. Il serait donc ce fils rejeté par sa mère qui, caché derrière un pilier de l’église Saint Jean de Montmartre, assiste au baptême de sa petite-fille auquel son fils qu’il a abandonné avant sa naissance, a donné le même nom que la mère agonie. « Nous avions beau être du même sang au lieu de me percevoir comme la chair de sa chair, j’incarnais pour elle un corps étranger, qui plus est indésirable parce que masculin. Une entité dégoûtante, insupportable que son propre corps devait à tout prix expulser de son environnement… »

Le récit de ses rapports de ce fils avec sa mère commence par cette phrase lapidaire et foudroyante : « Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mes pires ennemis d’endurer mon adolescence auprès d’Elle. Longtemps les deux mots qui m’ont le mieux évoqué cette femme ont été honte et dégoût ». Cette histoire ne commence pas avec sa naissance à lui mais avec sa naissance à elle, cette période lui étant donc inconnue, il a recours à l’un des meilleurs amis de sa mère pour reconstituer cette partie de l’histoire qui court de la rencontre de sa mère avec cet ami devenu patron d’un célèbre cabaret pour homosexuels de Pigalle. Françoise, la mère était au moment de leur encontre une très jeune fille androgyne, très belle, mais peu soucieuse de son charme. Ils fréquentaient tous les deux une bande qui traînait du côté de Saint Lazare et s’encanaillait à Pigalle. Sa famille très composite avait assez d’argent pour qu’elle donne libre court à ses petits caprices jusqu’au jour où elle est tombée amoureuse d’un bellâtre qui l’a engrossée et entraînée en Algérie où il l’a bien vite délaissée.

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Didier Delome

L’expérience algérienne tourne vite à la débandade et Françoise rentre au pays avec Didier qu’elle confie à sa belle-famille, son frère partant avec son père putatif. Elle reprend ses activités à Pigalle où elle rencontre une femme richissime qui la prend sous son aile sans jamais pouvoir en faire son amante. Cette union se brise quand une autre femme l’enlève et se met en ménage avec elle. C’est dans ce foyer de deux lesbiennes que Didier débarque un jour pour six années de son plus grand malheur. Il subit alors les pires avanies et les pires humiliations jusqu’à ce qu’il décide de s’enfuir pour construire une autre vie. Une vie qu’il bâtira à l’image de celle que sa mère a érigé, puisqu’au moment de revivre cette histoire, il observe le fils qu’il a abandonné, comme sa mère l’a lui aussi abandonné, faisant baptiser sa fille en lui donnant comme pour le narguer et le meurtrir un peu plus, le nom de la mère qui l’a torturé : Françoise.

Dans son premier livre, Didier Delome inspirait plutôt la pitié, la commisération, la compassion pour ce pauvre type égaré dans le monde des pauvres qu’il ne connaissait pas du tout. Dans ce second opus, plus alerte, plus poignant, plus incisif, il ne se plaint pas, il dénonce les mères qui ne veulent pas aimer leur progéniture et les pères qui les abandonnent à leur triste sort. C’est un véritable réquisitoire contre ceux qui procréent sans se soucier de savoir comment ils élèveront le fruit de leurs étreintes. C’est aussi une page d’histoire du quartier de Pigalle de la fin de la guerre à nos jours, avec la faune, surtout homosexuelle, qui le hante la nuit, du taulier à la prostituée, du barman à l’hôtesse qui fait boire le client et à tous ceux qui y font régulièrement la fête au milieu des touristes et autres gogos. Mais, ce livre n’est pas qu’un documentaire sur Pigalle, qu’un réquisitoire contre les mauvais parents, c’est aussi une œuvre littéraire savamment construite qui retient toute l’attention du lecteur d’un bout à l’autre de sa lecture.

Et, peut-être qu’un jour prochain, Didier nous racontera comment il a retrouvé son fils et surtout la petite fille qui lui permettra de pardonner tout ce que sa mère lui a fait subir… ?

Le livre sur le site de l’éditeur

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Miss Patchouli

Tania Neuman-Ova

M.E.O.

Miss Patchouli

Après une jeunesse tumultueuse, Lilou a eu trois filles avec deux maris différents, l’aînée restée avec son père avec laquelle elle vit en parfaite harmonie et les deux plus jeunes qui vivent encore dans le foyer familial avec leur mère et leur père. Alana, la plus âgée des deux est très instable, elle inflige une vie infernale, au-delà même du supportable, à sa famille mais surtout à sa mère qui essaie de la protéger comme elle peut de tous les dangers dans lesquels elle sombre souvent de son simple fait. Elle est inapte à l’école, elle en change souvent sans grand succès, elle ne travaille pas, se laisse aller, choisit toujours les pires fréquentations jusqu’à vouloir entrer dans un gang, tâte de la drogue et du porno. Et chaque fois que sa mère essaie de parer au pire, la situation dégénère en un affrontement d’une extrême violence.

Pour supporter cet enfer, Lilou essaie de se remémorer sa jeunesse à elle, une jeunesse pas très brillante non plus, une jeunesse d’errance, de voyage sans but réel, sans moyens suffisants. Elle n’était, elle aussi, pas très stable, elle avait quitté l’école très tôt pour chercher des boulots qu’elle quittait très vite, tout aussi vite que les petits amis qu’elle séduisait et que les aventures qu’elle interrompait toujours en catastrophe faute de moyens financiers ou sous la menace d’un danger pressant. La venue au monde de son premier enfant lui avait fait comprendre qu’il fallait qu’elle se stabilise, qu’elle donne un sens réel et concret à sa vie. Ses multiples expériences lui avaient tout de même apporté une certaine expérience dont elle voulait faire profiter sa fille qui, bien évidement refusait toute intrusion de ses parents dans ses aventures d’adolescente en quête de liberté et d’autonomie.

Tania Neuman-Ova
Tania Neuman-Ova

Tania Neumann-Ova raconte une histoire bouleversante qui ressemble peut-être à la sienne, une vie passée dans des couples décomposés, recomposés, déliquescents où l’amour, même s’il existe, n’arrive ni à s’exprimer ni à atteindre son objectif, seule la violence explose au grand jour avec une extrême virulence. C’est aussi, d’une certaine façon, un réquisitoire contre cette mode ambiante qui voudrait que chacun puisse avoir des enfants sans toujours penser à ce qu’ils deviendront quand ils seront plus grands ni comment ils accepteront leur naissance. La lutte qui oppose la mère et sa fille c’est aussi le choc des générations qui ne se rencontrent pas dans un univers technologique qui a très, trop, rapidement évolué, notamment les réseaux sociaux qui ont bouleversé l’univers des jeunes et peuvent devenir les armes les plus permissives.

Il ressort aussi de cette dramatique histoire la faiblesse quasi pathologique des protagonistes qui ne tirent aucune leçon de leurs mésaventures récurrentes. Elles sont toujours aussi peu persévérantes, aussi peu courageuses dans l’effort, aussi peu dégourdies, influençables, manipulables, prêtes à foncer tête baissée dans le premier traquenard ou à se laisser séduire par la pire des crapules. Elle me rappelle une camarade qui se plaignait d’être toujours embarquée dans des mésaventures ennuyeuses, je lui avais alors dit : « Lorsque que tu as un ennui, tu te dépêches de le découper en deux pour être sûre d’en avoir un pour le lendemain ». Lilou, Alana, aujourd’hui je pourrais peut-être vous dire la même chose mais il y a un non-dit dans cette histoire qui pourrait expliquer une bonne partie des problèmes que vous rencontrez, du genre de ceux qu’on pousse comme la poussière sous le tapis familial. Ce livre sera peut-être l’occasion de chasser cette poussière… ?

Le livre sur le site de l’éditeur 

 

 

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 38. LIVREUR DE PISSAT

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Le livreur de pissat propose un assortiment d’urines d’une large variété de goûts et d’une enviable variété de jaunes.

Des extraits d’urines rares de Miley Cirus, Ariana Grande, Bradley Cooper, Lady Gaga ou Joaquin Phoenix se vendent à prix d’or au marché noir même si leur authenticité demeure contestée. Leur pissat très prisé peut être combiné, sur demande et moyennant bonbon, à tout cocktail d’urine.

Quand vous avez fixé votre choix dans le menu affiché sur écran, le livreur de pissat vous apporte dans un élégant flacon transparent en verre recyclé (fini le vieux flacon malpropre en plastique honni des mers célibataires et de Écolos décolorés !) le composé réclamé. Même si vous avez hâte de l’avaler, vous dissimulez votre trouble et en payant stoïquement le livreur.

Contre un joli pourboire, il peut aussi vous pisser dans la bouche.

RÉÉDITION d’extraits de NOUS NOUS SOMMES TROMPÉS DE MONDE de CLAIRE LÉGAT (Encres Vives #442) / Une lecture de Philippe LEUCKX

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Philippe LEUCKX

Chantée par Ayguesparse, Hubin, Goffin, la poésie de Claire Légat (1938) est d’un lyrisme âpre qui embrasse intimisme et sens de l’homme. Dans de longs poèmes innervés de beautés, la poète ose se dire dans l’espace de l’univers : « Nous sommes la même plage visitée par la mer » ou « Je ne cherche pas à t’habiter : ton visage devient mon espace ».

Claire Légat

« Je revois mon enfance posée comme un couteau » pourrait être la bannière d’une poésie qui sait mêler humeurs des voyages, « le destin des villes », « les routes (qui) ne mènent nulle part », « nomades des famines ».

« Et je suivrai des yeux les migrations prochaines » : belle déclaration d’une poète attentive « à la terre étrangère », aux « fragments de ciel » et aux « enfants des grandes villes de cendre ».

Elle entreprend d’analyser les blessures du monde, ses cicatrices, ses urgences :

« famines sans nom » ou « patries immobiles » empêtrées dans leur misère.

Toutefois, un vitalisme de tout instant sourd de ces poèmes qui sèment roses et espoirs au milieu de nulle part.

Le site d’ENCRES VIVES

CLAIRE LÉGAT sur le site de l’AEB