VERS UNE CINÉTHÈQUE IDÉALE
100 films à voir absolument…
…des débuts du cinéma aux années 2010
Par Julien-Paul REMY.
(1/100)
Le Voyage dans la Lune.
Film de science-fiction muet de Georges Méliès, France, 1902, 14 minutes.
L’un des premiers films à effets spéciaux de l’Histoire du Cinéma.
Visible sur YouTube :
Ou dans une version colorisée (avec une bande-son du groupe Air) :
Version où il s’agissait, 108 ans après la création, non pas de sonner gratuitement moderne mais de retrouver l’aspect d’une version peinte à la main par Méliès.
Ce film onirique de 14 minutes dépeint le voyage dans l’espace d’un groupe d’astronomes mais, tout autant, un voyage dans l’histoire et l’univers du cinéma.
Méliès est un pionnier. A travers son langage visuel et à l’image des protagonistes qui posent pied sur la Lune, il a découvert et inauguré une nouvelle planète : le Cinéma. Au mode de reproduction réaliste et photographique des frères Lumière, il substitue un mode de transformation du Réel.
Ce polyptyque, avec sa suite de scènes enchâssées comme des tableaux peints, incarne l’essence du cinéma : la manière de représenter prime ce qui est représenté, la réalité extérieure n’est plus une fin en soi mais un moyen au service d’une finalité supérieure, la fiction et l’imaginaire.
Certes, d’aucuns croiront peut-être discerner une critique du caractère irrationnel de la communauté scientifique (des astronomes déguisés en magiciens et alchimistes, avec chapeaux pointus ou motifs en forme d’étoiles) ou une dénonciation de l’hubris humaine, de son impact négatif sur l’univers et les planètes/terres explorées (l’engin spatial s’assimile à une cartouche de revolver blessant la Lune). Mais à quoi bon s’échiner à déceler un quelconque message quand l’essentiel est ailleurs ? Le réalisateur français veut divertir en exploitant la richesse des possibilités d’un art encore balbutiant. Le fondu ou la surimpression, notamment, sont de véritables effets spéciaux avant l’heure. L’objectif se situe bien au-delà des considérations terre–à–terre : libérer le cinéma des arts qui l’ont précédé et le placer sur orbite pour en faire le… 7e Art. Si les frères Lumière ont appris au cinéma à marcher, Méliès lui a appris à voler.
Une scène culte ?
Elle montre de manière ludique et surréaliste la projection du boulet-fusée de l’expédition en plein dans l’œil droit d’une Lune à visage humain et consacre toute la puissance créative et transcendante du cinéma : transformation d’une réalité inerte (le satellite) en son contraire, du vivant doué d’émotions.
Julien-Paul REMY.