2020 – LIRE POUR DÉCONFINER : LECTURES ÉPICÉES / La chronique de Denis BILLAMBOZ

2020 - LECTURES POUR (DÉ)CONFINÉS : NOUVELLES DE PRINTEMPS / La chronique de Denis BILLAMBOZ
Denis BILLAMBOZ

Après un printemps bien compliqué, il est temps de reprendre goût à la vie et quoi de plus stimulant qu’un bon texte bien épicé à la sauce inventée par le malicieux Eros. Pour cette chronique, je vous propose donc un texte inédit de Pierre Louÿs et un livre témoignage du maître de l’érotisme extrême, celui qui draine tous les passionnés de BDSM dans son donjon parisien.

 

Deux filles et leur père

Pierre Louÿs

Bartillat

D

L’œuvre érotique de Pierre Louÿs est considérable, elle le place parmi les auteurs les plus prolifiques du genre, elle « reste encore très imparfaitement connue, tant il reste de manuscrits inédits à découvrir ». Celui qui a permis l’édition du présent opuscule a été acquis lors d’une vente à l’Hôtel Drouot, en novembre 2018, après un long cheminement de ventes en disparitions dans des bibliothèques connues ou inconnues, pour terminer, à cette date, chez un collectionneur particulier qui a donné la permission à la maison Bartillat de publier ce texte jusque là inédit. Le titre figurant sur la couverture est dû à l’éditeur car l’auteur n’en avait pas fourni, il fait pendant à un autre ouvrage de Pierre Louÿs, connu celui-ci, intitulé « Trois filles de leur mère ».

Pierre Louÿs — Wikipédia
Pierre Louÿs (1870-1925)

Ce texte raconte les aventures (mésaventures ?) de Julien, un jeune homme embauché par un vieil homme un peu gâteux comme professeur de morale pour ses deux filles, Clarisse l’aînée et Martine la cadette, à sa seule charge depuis son veuvage. Il bénéficie de l’appui de Mademoiselle Esther chargée de l’instruction des deux filles. Le vieil homme ne se rend plus très bien compte de la vie que mène les deux bougresses, elles n’apprennent pas que la littérature et les mathématiques sous la férule de la demoiselle Esther qui, avant d’être préceptrice, fit son apprentissage pendant quelques mois dans une maison dite close. Le brave Julien apprend vite que la morale qu’il est chargée d’enseigner aux deux filles ne doit pas correspondre à ce que le père attend, les deux diablesses sont déjà bien dévergondées et ne le cachent dans le langage très vert et très cru qu’elles emploient dans leurs conversations avec tout leur entourage. Le maître devient vite l’élève des deux filles, avec le concours de leur préceptrice, elles lui enseignent des pratiques qui lui sont encore méconnues et même pour certaine parfaitement inconnues.

Ce texte est d’un érotisme libertin très libéral, très polisson mais aussi très policé, il se démarque nettement de la pornographie, ne cherchant jamais à choquer ni à provoquer mais seulement à libérer les mœurs pour trouver le plaisir maximum. Pierre Louÿs avait pour objectif de débrider la société, de la libérer du carcan de la morale religieuse. « Je veux démoraliser la vie privée de mes contemporains. Cela m’intéresse passionnément », a-t-il écrit. Sous sa plume l’érotisme est plaisir et jouissance, jamais péché, jamais contrainte, jamais violence mais il est aussi littérature car Pierre Louÿs écrivait magnifiquement, Jean-Paul Goujon dans sa postface note : « Pierre Louÿs apportait dans tout ce qu’il écrivait le souci de la perfection joint à des dons hors du commun ». Pour ma part, je n’ai jamais douté qu’érotisme et littérature pouvait se conjuguer pour générer des chefs-d’œuvre artistiques.

Pierre Louÿs dévoile son exigence littéraire à travers une courte préface à ce texte où il précise que « L’auteur de ce livre ne le publiera que si la réflexion le lui conseille », en d‘autres termes si, après réflexion, il le trouve assez bon.

Le livre sur le site de Bartillat

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L’ombre du Maître

Patrick Le Sage

Tabou

L'Ombre du Maître

« Patrick Le Sage est le maître d’un donjon très particulier, un monde à la sexualité sans tabou, à l’hédonisme presque sans limites. ». Il a confié certaines de ses expériences avec ses soumises à Julie-Anne de Sée, auteure bien connue de romans érotiques, pour qu’elle les écrive sous forme de courts récits rassemblés en un recueil de textes sur la soumission, sa signification, la dépendance qu’elle crée, les stigmates qu’elle inflige, la relation maître soumise, … Une façon de bien faire comprendre qu’il n’est pas un bourreau, qu’il est juste celui qui accompagne les femmes qui veulent chercher au plus profond d’elles-mêmes le plaisir le plus intense, la jouissance extrême et d’autres choses encore plus spirituelles, plus intellectuelles, en sublimant la douleur infligée.

« Sa créativité, son imaginaire fantasmagorique… » exercent « une incroyable emprise sur les femmes qui ne cessent de venir s’offrir à lui pour connaître les plaisirs et les affres de leur soumission ».

Il raconte en une vingtaine de textes des rencontres qu’il a faites car jamais il ne contraint, jamais il ne propose, jamais il ne cherche, c’est toujours la soumise, ou son compagnon, qui quémande, comme une faveur, les traitements si particuliers du Maître. Une soumise confesse dans une lettre au Maître : « … derrière cet acte sauvage, des émotions intenses et grisantes se sont données à vivre, de remarquables valeurs humaines, des sentiments nobles et forts, exacerbés par l’interdit, le secret et la perversion bien présents ».

Il sait qu’il est capable de transformer les femmes, il en a acquis la capacité, et la certitude, en fréquentant certaines ferventes adeptes de ces pratiques. Des témoignage sont même émouvant tellement ces femmes semblent emportées dans un autre monde. « Vous êtes un monstre… Pourquoi m’imposez-Vous cela ? Pourquoi suis-je à Vos ordres, jusqu’à vous obéir totalement ? Je suis plutôt du genre à rechigner, me rebeller. Qu’avez-Vous fait de moi, Monsieur le Magicien ? ».

Patrick Le Sage & Julie-Anne de Sée

Il se défend de toute exploitation en expliquant que toutes ses « patientes » sont des intellectuelles : avocates, médecins, …, capables de sublimer leur douleur pour la transformer en une quête du plaisir sublimé, d’une sensualité exacerbée, d’une fusion de la chair avec l’âme et l’esprit en abandonnant le temps d‘une séance la triviale matérialité du corps. Elles se l’arrachent, elles en sont folles, mais jamais il ne confond la soumission et les sentiments, tout cela reste un jeu, un jeu qui peut mener très loin au fond de soi, mais un jeu tout de même. L’une d’elles écrit : « Votre science du jeu, Votre maîtrise, et ce plaisir sexuel immense, dévastateur, si intense que vous faites jaillir dans mon corps torturé qui devient reconnaissant ».

Le Maître semble plutôt fier d’être capable d’emporter ces femmes vers des mondes qu’elles ne soupçonnaient même pas. N’ayant pas de contradicteurs, nous garderons notre confiance à Julie-Anne de Sée, sa plume, qui peint un portrait très élogieux du Maître. Elle le présente comme une légende, un personnage du monde de la domination. Si elle l’admire, elle confie cependant qu’elle ne succombera jamais à la magie de son art même si elle sait qu’il ne faut jamais dire jamais.

Le livre sur le site de Tabou

 

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