LA MAISON DES ANIMAUX d’Eric ALLARD (Lamiroy) / La lecture de Philippe REMY-WILKIN

La maison des animaux d’Éric ALLARD

(numéro 162 de la collection Opuscule, Lamiroy, Bruxelles, 2020, 39 pages)

par Philippe REMY-WILKIN,

qui associe à son hommage de Noël Martine ROUHART, Nathalie DELHAYE, Denis BILLAMBOZ, Jean-Pierre LEGRAND, Philippe BRAHY et Pascal FEYAERTS.

Eh bien, les éditeurs belges sont innovants ! Après les collections Bruxelles se conte (Maelström) et Belgiques (Ker), Noir Corbeau (et ses polars, Weyrich) et à cœur d’écrits (celle-ci évoquée un peu plus bas, Le coudrier), en voici une autre : Opuscule publie un court récit chaque semaine. Bravo à Éric Lamiroy : les livres d’Opuscule sont de jolis objets, tout mimi (14×10 cm).

La maison des Animaux #162

Éric Allard, que l’on connaît comme poète ou auteur d’aphorismes (recommandons son décapant Les écrivains nuisent gravement à la littérature, aux éditions du Cactus inébranlable), mais comme médiateur aussi, est à la barre du 162e numéro.

Le pitch ? Le narrateur, la quarantaine, est amoureux d’une jeune femme, Noémie, la trentaine, qui habite le même immeuble :

« Elle était menue, vive, tout en délicatesse, même si ses jeans laissaient deviner un fessier charnu. Son visage, piqueté de taches de son, possédait un front haut et beau pour l’occupation duquel se battaient sans relâche des mèches rebelles. ».

Noémie écrit/illustre des contes pour enfants mais doit gagner sa vie en servant le pain à la boulangerie du quartier. Tant et si bien que notre héros s’invente des neveux pour justifier une prise de contact.

Une bluette ? Un filigrane. Qui se faufile dans une cocasserie teintée de poésie surréaliste. C’est que les deux protagonistes ont pour voisins… des « animaux socialisés », un cheval, Xanthe (« du nom du fils de Zéphyr et de Podarge dans la mythologie »), et un lion, Aslan, « dernier survivant du monde sauvage ». Ajoutons une concierge et un bourgmestre, ou Joe, le chimpanzé amant de ce dernier, secouons le tout, saupoudrons d’un meurtre et d’une énigme, et…

Au-delà de l’humour et du burlesque, des clins d’œil modernistes à diverses littératures de genre, Éric Allard insinue un second degré structurel en osant de subtils décalages qui renvoient à des réalités plus prosaïques. La manière dont les animaux socialisés sont acceptés mais à peine tolérés (distorsion entre l’évolution des institutions et des populations, entre élites – au sens moral, intellectuel – et majorités) renvoie à l’insertion des Noirs, des Arabes, de l’étranger en général (qui peut encore être à l’occasion le villageois en ville et le citadin à la campagne). Mais que dire des amours entre humains et animaux ? Où la zoophilie n’est plus ce qu’elle signifie dans le langage commun mais un nouveau pas dans l’évolution des mœurs, une métaphore ?

L’air de ne pas y toucher – car on se focalise sur les dossiers énigme criminelle ou intrigue amoureuse jusqu’au bout, l’auteur coule un pas déjanté mais léger dans l’ornière creusée par des Swift et autres conteurs philosophes. Initiant une réflexion sur l’horloge de l’évolution des mœurs. Ce qui semble choquant un temps devient la norme un jour, ou, d’abord, une avancée des mœurs, une ouverture et un élargissement des cœurs et des consciences.

Amusant ? Troublant !

D’autres regards sur cet opuscule ?

Martine Rouhart :

« Passionnée par la défense de la condition animale, le titre de l’opuscule d’Éric Allard ne pouvait que m’attirer. La maison des animaux, une phrase chaude et ronde, un refuge pour ces êtres dits « inférieurs ». (…) Un récit rythmé par de petits et d’assez énormes rebondissements, raconté d’une belle écriture vivante et ayant largement recours aux métaphores et à l’humour. Un conte un peu fou comme le sont les contes, mais pas loufoque ; une réflexion, moins sur la condition animale proprement dite que sur les droits qu’il conviendrait d’octroyer à nos amis de poils et de plumes. (…) »

Le texte complet :

https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fwww.areaw.be%2Feric-allard-la-maison-des-animaux-opuscue-162-ed-lamiroy-

Nathalie Delhaye :

« (…) Le sourire m’est venu en voyant cet homme, maladroit, comme un tout jeune qui découvre ses premiers émois, balbutiant, multipliant les aller-retours entre chez lui et la boulangerie pour aller voir sa belle… (…) j’ai apprécié l’esprit, les remarques pleines de finesse et l’humour de notre auteur. (…) A la fois touchant et satirique, ce conte nous emmène dans une histoire loufoque, dramatique et drôle (…). »

Le texte complet :

Denis Billamboz :

« (…) ce conte est surtout une satire aigre-douce de notre société et peut-être aussi une leçon démontrant que la cohabitation avec les animaux est fort possible dans le respect de la dignité de chacun (…) La morale de ce conte pourrait être qu’en toute chose il faut savoir raison et modération garder même si cela n’empêche pas d’avoir les idées et la tolérance larges. »

Le texte complet :

http://mesimpressionsdelecture.unblog.fr/2020/12/19/la-maison-des-animaux-eric-allard/

Jean-Pierre Legrand :

« (…) Éric Allard nous entraîne dans une société qui reconnaît l’égalité de droits civiques entre humains et animaux tout en continuant à les maltraiter. Cette compénétration du monde animal et du monde humain aboutit à un effet d’humanisation des animaux et d’animalisation des humains sur fond d’opportunisme politique. (…) Enjouée et allègre, la fable se lit aussi comme une déroute annoncée (…) J’ai adoré cette nouvelle qui mêle humour décalé, farce et subtile interrogation, le tout dans la ligne claire d’un style des plus agréables. Vraiment jubilatoire. »

Le texte complet :

Philippe Brahy :

« « Mon chien, c’est quelqu’un. Depuis quelque temps, mon chien m’inquiète… Il se prend pour un être humain et je n’arrive pas à l’en dissuader. » Ainsi aurait pu être dédicacée la plaquette d’Éric ALLARD à l’intention du regretté Raymond Devos. Éric ALLARD, qui excelle dans l’humour à froid, serait, pour moi, le « p(r)ince sans rire » des hôtes des Opuscules édités par LAMIROY (…) »

Le texte complet :

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2020/12/21/la-maison-des-animaux-deric-allard-lamiroy-la-lecture-de-philippe-brahy/

Pascal Feyaerts :

« (…) un livre étonnant et la lumière jaillit, l’air de pas y toucher, une lumière un rien surréaliste. (…) Pour peu, Éric Allard nous ferait manger du foin. Son œuvre ne cesse de surprendre au fil des lectures. Ici, il clame son droit idoine à la satire et à la polysémie (…) les plus vigilant y verront une dénonciation du monde tel qu’il est, décevant et glauque, et une culture de la déception semble émerger. Cependant, le narrateur demeurant un naïf amoureux, il nous libère de la noirceur par sa candeur. (…) »

Le texte complet :

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