VERS UNE CINÉTHÈQUE IDEALE : LE MAGICIEN D’OZ (Victor FLEMING, 1939) / Krisztina KOVACS & Philippe REMY-WILKIN

VERS UNE CINETHEQUE IDEALE

100 films à voir absolument…

…des débuts du cinéma aux années 2010

OFF

Le magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939)

Description de cette image, également commentée ci-après

Krisztina KOVACS à la mise en place,

Ciné-Phil RW au contrepoint.

Le magicien d’Oz/The Wizard of Oz, film musical/conte fantastique de Victor Fleming, Etats-Unis, 1939, 98’.

KRISZ :

Je réexplore le classique américain (familial ?) pour la Cinéthèque durant une période festive qui ne nous verra pas voyager ou revoir notre famille de sitôt, pandémie oblige : il reste vibrant, décalé et aura mieux vieilli que certains films de Tim Burton (avis controversé !).

PHIL :

Un classique familial ? Assurément. Qui, dès l’avènement de la télévision, vers 1956, deviendra une diffusion idéale pour la période de Noël, se faufilant ainsi dans l’imaginaire de plusieurs générations d’Américains. Tout en séduisant la critique : l’AFI (American Film Institute, une référence mondiale) l’a classé 6e film (américain) de tous les temps en 1997 et 10e en 2007, 1er film fantastique aussi et 3e film musical, tout en plaçant « la méchante sorcière de l’Ouest » 4e plus grand méchant de l’histoire du grand écran.

PHIL :

Rappelons les grandes lignes du récit.

Dorothy Gale (Judy Garland), une orpheline, est élevée par ses oncle et tante dans une ferme du Kansas. Le grain de sable qui grippe sa vie ? Les manigances d’une institutrice : Miss Gulch veut faire saisir (et tuer) son chien Toto. Pour éviter la séparation, la jeune fille s’enfuit avec celui-ci, une tornade les surprend et les emporte « over the rainbow »/« au-delà de l’arc-en-ciel », dans un pays magique, Oz. Elle voudrait rentrer chez elle, songeant à la détresse de ses parents adoptifs, trouver qui pourra l’y aider. Elle croise une fée, des nains sympathiques. On lui parle d’un puissant magicien, elle reçoit des souliers magiques, en rubis, pour la guider jusqu’à lui. S’ensuivent une série de rencontres et bien des aventures auprès de personnages fantastiques, dont plusieurs deviennent des amis inséparables : « l’épouvantail », « l’homme de fer-blanc » et « le lion peureux ». Aventures d’autant plus échevelées qu’elle doit affronter les entreprises haineuses d’une bien vilaine sorcière destinée à tout pour lui ravir ses chaussures magiques.

Dorothy parviendra-t-elle à rencontrer le magicien d’Oz et à en obtenir ce qu’elle souhaite ? Echappera-t-elle à la « méchante sorcière de l’Ouest » et à ses hordes de singes volants ? Regagnera-t-elle un jour le Kansas et sa maison, sa famille et ses amis ?

Pourquoi vous n'avez (sans doute) rien compris au « Magicien d'Oz »

Dorothy et ses amis l’épouvantail, le lion peureux et l’homme en fer-blanc.

KRISZ :

Le film est d’autant plus intéressant qu’il plaît à la fois aux adultes et (énormément !) aux enfants, qui y voient un monde onirique et une quête initiatique, y reconnaissent des valeurs « sûres » : la famille, le travail, l’amitié, la gentillesse, tous symbolisés par les personnages principaux, très attachants. Serait-ce de la propagande, après la grande dépression américaine ? Le dur labeur, la solidarité et l’honnêteté triompheront à la fin… Ou simplement une merveilleuse source de distraction pour le public, entre films noirs et films de gangsters, très populaires à l’époque ? Qu’en penses-tu, Phil ?

PHIL :

Tu me tends une perche qui peut mener très loin.

D’abord, cadrons le propos. Le film est inspiré des livres de L. Frank Baum, le premier tome est paru en 1900, près de quarante ans plus tôt. Donc il faut tenir compte des intentions de l’écrivain puis vérifier si le film présente des écarts signifiants. Baum lui-même a dit que son récit avait été écrit « pour le seul plaisir des mômes d’aujourd’hui » (dans l’introduction qui précède Le magicien d’Oz). Avis corroboré par la Bibliothèque du Congrès américain qui voit dans cette œuvre « le premier conte américain destiné aux enfants ».

Il y a pourtant une interprétation politique de l’œuvre de Baum, qui est encore aujourd’hui étudiée dans les universités américaines. Elle date de 1964 et d’un article rédigé par un professeur de New York. Henry M. Littlefield réinterprète Oz en allégorie d’un courant populiste, qui aurait échoué dans sa lutte contre la finance et l’étalon-or. Dorothy devient une incarnation du peuple américain, ses amis représentent les fermiers (« l’épouvantail ») et les ouvriers (« l’homme de fer-blanc ») confrontés à un marasme économique, endettés ; « le lion peureux » renverrait au leader démocrate (dont Baum était un supporter) qui voulait aider le peuple mais n’y arrivera pas. La route en briques jaunes symboliserait l’or, le magicien ces hommes politiques qui font des promesses qu’ils ne peuvent tenir, etc.

Un détail du film m’a interpellé tant il semble gratuit et donc tant il renvoie à un sous-texte : une réplique virulente de la tante de Dorothy, au début, révèle que l’institutrice (qui se métamorphosera en « vilaine sorcière ») appartient à une famille richissime qui possède toute la région ou l’Etat, des allures d’exploiteurs féroces. Dans le film, les amis merveilleux de la jeune héroïne sont des interprétations des ouvriers agricoles de la ferme familiale, mais ce détail est dû à un des réalisateurs ou scénaristes. Le plus important changement opéré par ces derniers, la transformation des souliers de Dorothy, n’a rien à voir avec l’idéologie mais tout avec la technologie : Technicolor !

A méditer, donc ! Au contraire de la rumeur idiote qui a associé les livres puis le film à une « apologie de la sorcellerie ». Hier (dès la parution des livres) et aujourd’hui (du moins, encore en 1986). Ce qui renvoie à un radicalisme chrétien, très présent aux States, dont on ne mesure pas assez, en Europe, l’obscurantisme et la force de nuisance. Quoique. Trump a soulevé le couvercle…

15 Wonderful Things You Might Not Know About L. Frank Baum | Mental Floss
Lyman Frank Baum (1856-1919)

KRISZ :

Produit par la MGM en réponse au succès du Blanche-Neige de Disney, le film sera attribué à Victor Fleming, même s’il part avant la fin pour les plateaux d’un certain Autant en emporte le vent !

PHIL :

Sacré Victor ! Et c’est doublement le cas de le dire. Fleming sera le grand vainqueur des Oscars de l’année 1940. 1939 est une année magique du cinéma américain mais, au milieu des chefs-d’œuvre qui se seront télescopés, Oz est nommé pour 5 Oscars (dont le meilleur film), Autant en emporte le vent pour 13 ! Fleming est sacré meilleur réalisateur pour Autant mais Oz ramène les statuettes pour la musique et la chanson Over the Rainbow.

Ont aussi apporté leur grain de sel à la réalisation : Richard Thorpe, George Cukor, King Vidor et Mervyn LeRoy, autant de grands noms qui renvoient à l’omnipotence des producteurs/créateurs de l’époque. Cinq réalisateurs et… quatorze scénaristes, dont trois, seulement, seront cités.

KRISZ :

A la base, je ne suis pas du tout fan de comédies musicales, Le magicien d’Oz a pourtant une valeur singulière dans mon imaginaire d’enfant, et maintenant d’adulte. Son impact formel ? Tout le film, mis à part le générique du début, a été entièrement filmé en studio. Une atmosphère colorisée, fortement psychédélique mais parfois claustrophobe, à l’image de ce passage inédit alors, du noir et blanc (Phil : du sépia, en fait) à la couleur, aussi magique qu’inquiétant. Curieux mélange. Dans l’ouvrage d’origine, le roman de Frank L. Baum, les fameux souliers de Dorothy sont en argent, mais la production a préféré le rouge éclatant du rubis (Phil : pour cause de Technicolor !). Selon l’écrivain Salman Rushdie, la merveilleuse comédie musicale est en fait « un rare exemple de film améliorant un bon livre ».

PHIL :

Ne serait-ce pas le cas aussi du Parrain de Mario Puzo (adapté par Coppola) ou du Rebecca de Daphné du Maurier (réinventé par Hitchcock) ?

KRISZ :

Cas des classiques que tu cites, beaucoup n’ont pas lu le livre mais connaissent parfaitement le film et les séries ou comédies musicales Broadway ou West end dérivées.

KRISZ :

Serait-ce le premier film « à gros budget » prioritairement destiné à un jeune public ? Commence-t-on à l’époque (avec les premiers Disney, quasi contemporains du film) à voir le potentiel commercial et artistique d’œuvres destinées à l’enfance ? Le magicien d’Oz marque une étape dans les campagnes promotionnelles au cinéma en imprimant, pour la première fois de l’histoire, un t-shirt à l’effigie d’un film.

PHIL :

Du coup, je relis nos listes des années 1910 et 1920… Il me semble que tu as raison. Disney et Oz pourraient avoir ouvert une nouvelle ère. Il faut mesurer (et ça vaut pour les romans : Les trois mousquetaires, les Sherlock Holmes, etc.) que de nombreuses œuvres glissent vers la jeunesse après de nombreuses années, des décennies. Chaplin, les Marx ou Keaton, Laurel et Hardy, les films d’aventures avec Tyrone Power, Douglas Fairbanks ou Errol Flynn ont d’abord été des films pour adultes.

KRISZ :

Bien des répliques du Magicien d’Oz sont devenues cultes, et sa thématique a inspiré à son tour d’autres films dont le déjanté Sailor et Lula (Lynch, 1990), et donné vie à de nombreuses répliques de répliques par exemple dans Reservoir Dogs (Tarantino, 1992) ou Qui veut la peau de Roger Rabbit (Zemeckis, 1988).

PHIL :

Quelques exemples : « Toto, I’ve got a feeling we’re not in Kansas anymore/Toto, j’ai le sentiment que nous ne sommes plus au Kansas » ; « There’s no place like home/Il n’y a aucun endroit où on est aussi bien que chez soi » ; « I’ll get you, my pretty, and your little dog, too/Je t’aurai, ma jolie, et ton petit chien aussi ».

KRISZ :

Judy Garland/Dorothy interprète Over the Rainbow, chanson devenue un classique, repris par des dizaines d’artistes, de Frank Sinatra à Juliette Gréco en passant par Harry Nilsson et Phil Collins.

PHIL :

Over the Rainbow (Yip Harburg à l’écriture, Harold Arlen à la composition), première au classement des plus grandes chansons du cinéma américain, m’a aidé jadis à comprendre le talent d’interprète exceptionnel de Judy Garland. Une de ces voix habitées si rares dans tous les genres, qui font frissonner dès la première note : Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Janis Joplin, Piaf, Barbara…

A noter qu’un premier montage avait éliminé Over the Rainbow ! Que de pertes opérées par les monteurs (et les directives des producteurs !), même si leur rôle est fondamental. Un bonus d’une version DVD révèle la soustraction d’une scène de danse exceptionnelle… et les talents de Ray Bolger/« l’épouvantail ». Vive le DVD, donc ! Qui peut ressusciter une part de création !

KRISZ :

Lors de la cérémonie des Oscars, Judy Garland, âgée de 17 ans, reçoit un prix spécial récompensant la prestation remarquable d’un jeune talent. Ceci ne l’empêchera pas d’être critiquée et manipulée à l’extrême par les producteurs. Garland mènera un âpre combat contre l’alcoolisme et l’addiction aux barbituriques, maux hollywoodiens, qu’elle perdra à 47 ans, emportée par une overdose.

PHIL :

Puisque tu me confies en off avoir prévu de nous parler de… Pink Floyd d’ici la fin de l’article, je glisserai un lien menant à Queen. L’idole absolue du chanteur Freddie Mercury était Liza Minelli, la fille de Judy Garland, cas rare d’une progéniture atteignant, si pas le génie absolu de sa mère, un talent hors normes dans le même domaine.

KRISZ :

Quelques anecdotes sur les personnages ?

Le maquillage de « l’homme en fer-blanc » contenait de la poussière d’aluminium qui a fini par enrober les poumons de son premier interprète Buddy Ebsen. Un jour, il ne pouvait plus du tout respirer et il fut emmené aux urgences. L’interprète du « lion peureux », Bert Lahr, transpirait tellement sous sa peau de 40 kilos qu’il a fallu engager deux personnes pour s’occuper exclusivement de sécher et nettoyer le costume durant la nuit. Quant à « l’épouvantail », son maquillage, en majeure partie constitué d’une prothèse en caoutchouc, a fini par laisser de nombreuses marques sur le visage de son interprète Ray Bolger.

L’actrice jouant la sorcière et sa doublure ont été grièvement brûlées aux second et troisième degrés. Plusieurs acteurs incarnant les singes volants (scène de l’attaque dans la forêt) ont été blessés : les câbles auxquels ils étaient suspendus ont subitement lâché, les faisant chuter de plusieurs mètres. Pis encore. Dans la célèbre scène du champ de pavots – symboliques du sommeil et de l’opium, la neige utilisée était faite à partir d’amiante au chrysotile (asbestos) malgré la dangerosité du produit.

Ah, le Hollywood de la pré-guerre, ne veillait aucunement à la sécurité et/ou au bien-être de ses employés !

Pourquoi vous n'avez (sans doute) rien compris au « Magicien d'Oz »
Dorothy et ses amis sur le chemin de briques jaunes

PHIL :

C’est le moins qu’on puisse dire ! Une pensée pour le pauvre Buddy Ebsen, remplacé sans état d’âme après avoir été démoli physiquement et privé d’immortalisation !

KRISZ :

Une autre anecdote ? Une légende urbaine relie Oz et… Pink Floyd ! Une rumeur, confidentielle dans les années 70 et 80, s’est amplifiée et fortement répandue à travers le monde au milieu des années 1990, avec l’arrivée d’Internet et des premiers groupes de discussions : le mythique album de Pink Floyd Dark Side of the Moon (1973) aurait été écrit pour être une bande-son idéale du Magicien d’Oz ! Roger Waters, le leader du groupe, aurait-il initié ceci sans informer ses trois partenaires ? Nick Mason, le batteur de Pink Floyd, dit ne pas « vraiment se souvenir d’avoir composé l’album pour ce film ». Ailleurs, il nie en bloc, sarcasme à l’anglaise, disant que ça correspond davantage à Sound of Music (Wise, 1965) : tiens, une autre comédie musicale, un autre « film de Noël ».

PHIL :

Je n’en avais jamais entendu parler et j’eusse plutôt associé Pink Floyd (époque Meddle) à un Space Opera (le 2001 de Kubrick !). J’ai découvert le dossier hallucinant, halluciné ! Il est question de « synchronicités », un thème qui me passionne, un phénomène auquel j’ai été confronté dans ma vie et mes créations. Un ami m’a renvoyé à Jung et ses théories : ces connexions existeraient à l’insu de ceux/celles qui s’y coulent, renvoyant à un inconscient collectif peut-être, quelque chose du genre.  En l’occurrence, il faut tirer sur la corde mais des scènes du film colleraient à des passages du disque. Quoi qu’il en soit, cette affaire amusante me rappelle une autre légende urbaine du pop/rock, qui a troublé mon adolescence. A en croire les singularités de la pochette du disque des Beatles Abbey Road, Paul McCartney était mort et avait été remplacé par un sosie.

KRISZ :

Il y a aussi des indices sur la pochette de Sgt Pepper, non ? Les bouquets funéraires, les stars « décédées » (autour de Paul) et quelque chose d’écrit dans le gazon… Ce genre de légendes pop/urbaines me fait sourire et m’intrigue tout à la fois.

PHIL :

Krisztina, figure-toi qu’une autre légende urbaine est liée à Oz ! Elle est née à l’époque où circulaient les versions VHS du film. Dans une scène, Dorothy danse aux bras du bûcheron en fer-blanc et de l’épouvantail. Or, à l’arrière-plan, d’aucuns ont observé un détail pour le moins déconcertant : une silhouette semble pendue à un arbre. Et une théorie de se propager : l’un des figurants s’était suicidé sur le tournage et la production s’en était rendu compte beaucoup trop tard. Il a été signalé aux complotistes que le pendu était en fait un oiseau. Qui déploie ses ailes sur une bande-annonce.

KRISZ :

Glauque ! Encore un tour de la « sorcière de l’Ouest » !

PHIL :

Terminons en prolongeant ce que disait Krisztina au début de cet article et en rappelant à quel point les livres et le film sont inscrits dans l’imaginaire américain ou anglo-saxon.

Une sélection très partielle sinon infime (et je vous incite à jeter un œil sur la page Wikipedia du film : vertigineuse !) : Goodbye Yellow Brick Road, le plus célèbre album d’Elton John (une route en briques jaunes !) ; Eldorado, l’un des meilleurs disques de l’Electric Light Orchestra (sur la pochette, un fragment de scène : la « sorcière de l’Ouest » tente d’arracher les souliers de Dorothy !) ; Zardoz, titre d’un des films les plus singuliers de John Boorman (une contraction de The Wizard of Oz !) ; Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (ce film de 1988 reproduit la scène de la fonte de la sorcière !) ; Sailor et Lula, le film de David Lynch évoqué supra par Krisztina (entre autres allusions, les chaussures rouges de Lula/laura Dern) ; Oz, la mythique série sur le monde carcéral (a priori en opposition absolue avec l’atmosphère du Magicien sauf que… l’extérieur du bloc pénitentiaire est rutilant, ce bloc est nommé « cité d’émeraude ») ; Ally McBeal, la drolatique série sur le monde judiciaire (l’une des avocates du bureau de l’héroïne, des allures de serpent à sonnette – inoubliable Lucy Liu ! -, fait souvent irruption accompagnée par un thème musical lié à miss Gulch/« la sorcière de l’Ouest » !) ; Homeland, la série d’espionnage et d’action (dans un épisode, les cibles sont toutes désignées selon des noms de personnages du Magicien). Etc.

Krisztina KOVACS et Ciné-Phil RW.

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