Numéro 42 (septembre 2021)
Coup de projo sur le monde des Lettres belges francophones
sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…

A l’affiche :
cinq romans (Carino Bucciarelli, Armel Job 2x, Barbara Abel, Nicole Thiry), un récit (Véronique Bergen), une maxi-nouvelle (Claude Donnay), une revue, une biographie, deux recueils de poésies (Florence Noël, Françoise Lison-Leroy) ; les maisons d’édition MEO, Samsa, Belfond, Robert Laffont/Pocket, Murmure des soirs, Lamiroy, Les impressions nouvelles et Bleu d’encre.
(1)
Carino BUCCIARELLI, Nous et les oiseaux, roman, MEO, Bruxelles, 2021, 152 pages.

Le pitch ?
Éric Allard*, sur cette plateforme culturelle, l’a esquissé :
« Par une nuit d’un hiver rude comme on n’en connaît plus guère dans nos régions, après que son véhicule a été immobilisé le long d’une autoroute, Stéphane Delatour laisse son épouse, prénommée Olga, et ses deux jeunes enfants dans l’habitacle pour partir en quête d’une borne téléphonique. En route, il aperçoit sur un bas-côté un anorak rouge qui recouvre vraisemblablement un cadavre. Après avoir appelé les services d’un dépanneur, il ne retrouve plus son véhicule ni ses passagers. »
La scène initiale est remarquablement cinématographique. La campagne et la neige, la tâche de couleur et le no man’s land, la borne. La voiture à l’arrêt et les trois fragilisés en attente. Le héros, l’homme d’action bravant les éléments, s’insinuant progressivement Over the Rainbow, comme s’il glissait dans un autre monde. Par touches menues. De légères distorsions assénées au réel, à la normalité.
Comme dans cet extrait mis en ligne par l’éditeur :
« Une tache noire dans les branchages nus des arbres attira mon attention. C’était une corneille. Elle me regardait. Du moins j’eus cette impression. Une corneille regarde-t-elle les hommes dans les yeux ? Tout en progressant, je lui jetai des coups d’œil furtifs. Elle semblait toujours, elle aussi, me suivre du regard. Au moment où elle allait sortir de mon champ de vision, elle prit son envol pour venir se poser sur un arbre situé plus en avant, comme si elle voulait volontairement rester visible à mes yeux.
(…)
Manifestement la corneille s’obstinait à me suivre. J’entendais le bruit régulier de ma respiration inquiète. Des panaches de vapeurs sortaient de ma bouche dans l’air glacé à chaque expiration. Le froid provoquait une sensation de brûlure dans mes cavités nasales. J’aurais aimé ramasser une pierre et la jeter au volatile, mais on n’en trouvait aucune sur cet accotement bien entretenu. Et d’ailleurs, si une pierre s’était présentée, j’aurais dû me baisser pour la prendre. La corneille ne risquait-elle pas de percevoir ce geste comme de la soumission ou de la fuite, et dès lors de véritablement attaquer ? Je m’immobilisai et lui fis face. Prêt à la lutte. (…). »
Une langue fluide et des mots simples. Le mystère, le suspense, la peur ou le fantastique font irruption en douceur mais l’étreinte, d’un coup, est là. De nombreux thrillers ou romans policiers commencent par deux ou trois pages bien plantées qui déboulent, dans la foulée, sur un récit de plus en plus creux, poussif ou prévisible. Rien de tout cela ici ! Les pages tombent mais l’attention du lecteur ne se relâche pas, un vertige le saisit, qui grandit, grandit, grandit… Devant les signes ou les indices (mais de quoi ?) : les traces laissées par la voiture semblent indiquer un ramassage par un dépanneur mais celui-ci se trouve au côté du père de famille ; ce dernier, lors de la déclaration de la disparition, tombe nez à nez avec une photo de corneille sur le bureau de l’inspecteur ; la police se retourne contre notre héros (ou anti-héros) qui, selon leur banque de données, ne possède pas de permis de conduire ni de femme, ni d’enfants ; etc.
La suite ? Le lecteur poursuit sa quête du sens avec appétit, sinon frénésie. De plus en plus hébété. Car les chapitres ouvrent de nouvelles perspectives sur l’affaire. Et si Stéphane Delatour avait rêvé la scène initiale au sortir d’un traumatisme ? Et s’il y avait décomposition et recomposition d’un réel insoutenable, mise en fiction pour résoudre les impasses d’une vie ? On croit commencer à saisir le sens de l’intrigue, le fil nous glisse entre les doigts. Quand apparaît la sœur de Stéphane, qui pourrait s’appeler Pierre. Ou une automobiliste témoin, qui porte le même prénom que la femme disparue. Olga ? Mais la commissaire en charge de l’affaire s’appelle aussi Olga. Et ne voilà-t-il pas qu’elle tombe amoureuse de celui qu’elle soupçonne et traque ? Les doubles se multiplient, une ronde infernale s’esquisse…
Je lève la tête et songe à un roman de Rossani Rosi, De gré de force, où la réalité, là aussi, progressivement, se défilait. Ou à ce film américain, Un jour sans fin (Harold Ramis, 1993), où un homme (joué par Bill Murray) revit sans cesse la même journée mais différemment. Que lit-on ? Un thriller fantastique halluciné ? Un jeu littéraire moderniste, où un auteur essaie de nouveaux assemblages narratifs à partir d’une poignée d’ingrédients ? Quel fil narratif ou quel personnage charrie la réalité, une bouée plongée dans la tempête et qui nous passe sous le nez, entre deux vagues, insaisissable ? Je rêve du Cabinet du docteur Caligari à présent, à ses récits emboîtés comme des matriochkas, à son final renversant.
Cette question encore, lancinante : que signifient les oiseaux ? Ils sont omniprésents, corneille ou faucon pèlerin, moineau ou mésange. Une métaphorisation du remords, de la conscience, du besoin d’adéquation, d’une âme envolée ? Mais n’y a-t-il là qu’une intrigue d’horloger fou ou faut-il entrevoir l’orchestration de thématiques graves ? Les limites de l’identité et la fragilité des vies, des positions. La difficulté à nouer des connexions et leur besoin viscéral. Avec l’autre et le monde. L’autre décliné à tous les temps : conjoint ou ami, frère ou enfant, supérieur hiérarchique, etc.
Je n’en dévoilerai pas davantage pour préserver le suspense. Si ce n’est que le voyage s’avère inventif, déstabilisant et captivant jusqu’à la dernière ligne. Autrement dit ? Nous et les oiseaux est une réussite éclatante qui couronne le retour de Carino Bucciarelli (six livres publiés depuis 2018 !) après une éclipse de dix-sept ans. Un retour qui arrime fermement l’auteur au courant qui fonde l’âme belge, si j’ose asséner ces mots (mais le grand Jacques De Decker m’a précédé et légitime donc la démarche) : le réalisme magique ou fantastique. Qui nous vient de loin, des peintres Bosch et Breughel jusqu’aux auteurs Thomas Owen, Jean Ray ou Jean Muno…
A noter !
La revue trimestrielle Le Non-Dit (animée par Michel Joiret) a consacré une bonne partie de son numéro d’été à l’auteur évoqué supra : Carino Bucciarelli et l’écriture de l’étrange. Il y est commenté ou interviewé par Michel Joiret lui-même, Antonio Moyano, Joseph Bodson ou Françoise Houdart. En sus d’être soumis au questionnaire de Proust. Ou de livrer des extraits de sa prochaine parution.
* L’article complet d’Éric Allard, paru en mars 2021 :
(2)
Véronique BERGEN, Ulrike Meinhof, récit, Samsa, Bruxelles, 2020, 348 pages.

Ulrike Meinhof ! Son nom a bercé ma jeunesse. « Bercé » ? Si je puis dire… Ces années (70) de plomb du terrorisme d’extrême-gauche. En Allemagne, en Italie. Avec le recul des décennies, il est aujourd’hui plus aisé d’analyser les faits, quitte à revoir la copie de nos impressions et conclusions, des clichés qui nous embourbent.
Véronique Bergen ! L’autrice nous est chère. Et nous avons précédemment évoqué avec passion son Kaspar Hauser ou son Barbarella, d’autres livres encore, seul ou en duo avec Jean-Pierre Legrand :
Jean-Pierre Legrand ! Sa remarquable recension d’Ulrike Meinhof me dispense de la mise en place et de la citation (nécessaire à la démonstration du talent étourdissant de notre autrice) :
« Inconfortable et dérangeant » !
Ces mots clés, assénés d’entrée par Jean-Pierre Legrand, me renvoient à ma perception. Il est question, tout au long des pages, d’idéal et d’idéalistes (et de leur confrontation avec le monde réel), or ces notions m’inspirent un double mouvement, entre aspiration et suspicion, empathie/complicité et mépris/haine. C’est qu’au-delà d’un certain cap, l’idéaliste, qui a le mérite de laisser la médiocrité sur place, se fait dogmatique, intolérant, fanatique. L’Inquisition brûlait les corps pour sauver les âmes, Robespierre coupait des têtes pour sauver une idée de la République, etc. Et je dois faire un effort sur moi-même pour m’intéresser aux états d’âme d’une extrémiste :
« Ceux qui désavouent la révolution seront, par nous, désavoués. Entre eux et nous, le divorce prendra la forme d’un pistolet-mitrailleur MP5 en travers d’une étoile rouge. »
De relire des fragments de déclarations d’Ulrike ou de ses partenaires de combat (idéologique et tout court) me téléporte vers des souvenirs de BD satirique. Lauzier, en son temps, a ridiculisé ces tirades absconses ou sulfureuses, qui se noient dans l’aveuglement, parfois, dans l’hypocrisie, souvent. Qui passent à mille coudées des « pauvres opprimés » censés être les premiers concernés. La figure du maire de Champignac me file sous le nez aussi.
Pourtant… Deux réactions positives me traversent. D’un côté, la juxtaposition des textes documentaires (des déclarations des protagonistes) et créatifs, tout en s’érigeant sur des terres communes (une volonté de dire/écrire haut et fort), souligne le talent supérieur de l’autrice : elle insuffle un supplément de sens et d’émotion que ne possèdent pas les vocalises idéologiques de ses personnages, elle transporte vers la vibration et l’inventivité.
Et puis…
Une extraordinaire interpellation du genre humain !
Véronique Bergen ne cautionne pas la trajectoire de l’infortunée Ulrike mais la coudoie au plus près. Et, ce faisant, elle réussit la gageure de démontrer à la fois tout ce qui a justifié une révolte mais aussi tout ce qui pervertit celle-ci quasi inexorablement. A partir d’un cas concret, incarné, déployé, on plonge dans la matière la plus essentielle : ce qui fonde nos sociétés et nos aspirations, ce qui nous émancipe ou nous manipule, la place de l’individu dans la marche collective du monde, nos aptitudes à le changer ou pas, etc. In fine, quels sont nos devoirs de citoyen, voire d’être humain ? Quelles sont les limites de notre liberté, de nos choix ?
Fondamental. Véronique Bergen, au fil des pages, détricote deux engeances absolues : l’amalgame et le cliché. Elle ne se limite pas à rapporter le cri d’une condamnée (à la prison, à la mort odieuse, aux limbes de l’Histoire), elle informe, elle questionne, elle bouscule. Quel contexte a favorisé l’émergence de tous ces groupes d’extrême-gauche de la mi-60ies à la mi-70ies ? N’était-il pas inscrit dans la pure humanité et la lucidité généreuse de ne pas pourvoir supporter la guerre du Vietnam et ses déversements de napalm, les camps de réfugiés palestiniens ou la prolifération des anciens nazis dans les rouages de l’appareil politique ou économique allemand ?
Cette problématique est-elle inscrite dans une tranche d’Histoire bien particulière ou de tous temps, de nouvelles problématiques s’imposant sans cesse ? Les migrants et les bateaux qui coulent en Méditerranée, les Indiens d’Amazonie, l’exploitation des mines du Zaïre, les paquebots qui toisent et éliment Venise, etc. Un certain ultra-libéralisme (qui ne serait plus du libéralisme comme l’islamisme ne serait plus de l’islam ?) est-il une forme masquée de fascisme, un nazisme qui réussirait en douce ?
La mise à plat d’une tranche du réel conduit à une série de constats. On ne traite pas un problème par un remède mais par un faisceau de remèdes très contrastés. Qui vont de la fermeté absolue à l’égard des inciviques de tout bord (en amont et en aval, puissants et modestes) à la nécessité de la dignité ou d’une analyse, d’une prise en compte des sources. On peut abattre sans état d’âme un terroriste dans le feu de l’action, quand seul compte le résultat positif d’une intervention. Mais, ensuite, il y a des pratiques (la torture, l’isolement total ici décrit dans toute son abomination) qui retranchent du genre humain (ou humaniste plutôt, car l’humain n’est pas si bon naturellement), à la fois qui la subit mais qui la fait subir.
Loin de l’amalgame et du cliché…
Ulrike s’avère très différente de ses compagnons de lutte. Pour une raison très simple. Ce qui nous définit, ce n’est jamais l’idéologie pour laquelle on croit agir mais des mécanismes préexistants. On peut faire le bien ou le mal au nom de l’islam, du christianisme, du communisme, etc. Tout humain se fait une interprétation propre, qui est unique, de tout courant de pensée. En l’occurrence, il n’y a pas un archétype du terroriste mais une polyphonie de profils amenés au même carrefour par des voies bien différentes.
J’insiste. Qu’Ulrike soit si différente de Gudrun Ensslin ou d’Andreas Baader, ses coreligionnaires, est fondamental. Et Véronique Bergen, là, réussit l’inattendu : rendre toute son humanité, sa personnalité à quelqu’un qui s’est imposé une forme de lavage de cerveau au sortir d’une prise de conscience. Faux paradoxe ! Poser un état des lieux et le traiter sont des choses très différentes. Et, souvent, toutes les qualités étalées dans l’une des démarches, se diluent dans l’autre. Comme on l’a souvent mesuré lors de la pandémie Covid, quand il s’est agi de défendre un scientifique à contre-courant ou de combattre la vaccination dans une atroce contradiction logique (et donc éthique). Car oui, oui, oui, Véronique Bergen, en parlant de Meinhof, nous parle du monde d’aujourd’hui et de ses impasses, de la perte du sens, de la raison. Et des résistances qui, pour les unes, mènent au meilleur, pour les autres au pire.
Bouteille à la mer ou lancement d’alerte ?
Les deux ! En évoquant la tragédie d’une femme qui, dans une autre vie, aurait pu être une missionnaire ou une romancière, l’autrice nous interpelle brutalement sur ce qui nous attend. Si on ne parvient pas à sortir des clichés extrémistes, à aborder plus sereinement et plus ouvertement (au sens fort) les questions qui gangrènent nos sociétés. Il faut agir, prévenir, avant que nos sociétés n’implosent ou n’explosent.
Mais attention aux indignés qui demeurent dans un binaire aussi mensonger que dévastateur, incapables d’appréhender le monde dans sa globalité, sa complexité. Ce qui est le cas d’Ulrike. D’où l’ambiguïté de sentences comme celles-ci :
« La protestation, c’est lorsque je dis que ceci ou cela ne me convient pas. La résistance apparaît lorsque je me soucie de ce que les choses qui ne m’agréent pas ne se produisent plus. »
Bien sûr, Ulrike s’indigne souvent à juste titre. Dresde ou Hiroshima, le Vietnam, etc. font écho aux abominables forfaits japonais et allemands. Le même Mal est à l’œuvre, dans tous les camps. Il n’est qu’à se souvenir du (vrai) complot de Katyn, quand les Alliés ont jugé bon attribuer aux nazis un massacre des élites polonaises accompli par les hordes de Staline. Mais justement. Staline ! Ou les Khmers rouges ! Le sang coule à droite comme à gauche. Et Meinhof ne va pas au bout de la démarche de la pleine lucidité. Car non, l’Etat ne doit pas périr ! Seul l’Etat peut sauver face à la pandémie, attribuer une pension, protéger les invalides et les handicapés, etc. Comme une banque permet aussi l’achat d’une maison. Ce sont les dérives des Etats (et des banques) qu’il faut dénoncer et combattre : l’Italie masque les attentats d’extrême-droite pour les attribuer à l’extrême-gauche, la France laisse le génocide rwandais se perpétrer, etc. Mais un Etat est comme un citoyen, il n’est jamais parfait, jamais tout blanc ou tout noir. Et sa valeur varie selon les gouvernements, les époques, le poids moral des sociétés qui les portent.
L’éthique se noie
Peut-on accepter les regrets de Meinhof face aux morts innocentes (même des ouvriers, un comble, sont touchés) ? Ou les attribuer à un collatéral qui exonère ? Selon moi, pas une seconde et pas une miette. Car le dérapage est inscrit dans les gênes de ce type d’entreprise, tout groupe possédant nécessairement ses maillons faibles. Et l’irréparable surviendra. Non, un braqueur n’est jamais innocent du sang versé par un complice. Jamais ! Et la révolution, comme une blague, on ne devrait la raconter qu’à des auditeurs avertis. Il n’est qu’à étudier l’Histoire. Bien des soulèvements ont engendré des marasmes (en Libye !), mais d’autres ont abouti pacifiquement (les Œillets au Portugal, la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud).
Mais… Peut-on accepter ce qui s’est passé dans les prisons allemandes ? La manière dont a été solutionné le problème de la Rote Armee Fraktion ? Pas une seconde et pas une miette. Car le refus d’ouvrir les yeux sur les dérapages d’une société et l’incapacité à conjuguer sanction et éducation, critique, autocritique et affirmation responsable d’un socle de valeurs poursuit le gavage des monstres Gog et Magog.
En conclusion…
Ulrike Meinhof est à lire les yeux et l’esprit grand ouverts. Comme un repoussoir sublime. De tout ce dont il faut nous éloigner. Et comme une incitation sublime, tout autant. Car changer le monde est l’œuvre de chacun et de chacune. Et nul ne sert de chercher des boucs-émissaires. En haut ou en bas. Le Mal est partout et en nous, mais nous pouvons en incurver la course. Il suffit de si peu de choses. Tenter d’apporter, le plus souvent possible mais sans se négliger, une petite parcelle de mieux-être, de soutien, d’attention, de compréhension, de rédemption à cet Autre qui passe.
Pour en savoir davantage…
… sur le rapport de Véronique Bergen avec la bio-fiction, un registre qu’elle manie avec un talent rare, lire un article de Jeannine Paque, long et fouillé, paru une première fois en 2016 dans Le carnet :
PS
Scoop intime. Qui a à voir avec les synchronicités chères à Jung ?
Ulrike Meinhof déclare qu’elle est née véritablement un 14 mai (1970, avec la libération de Baader) et, il y a peu, Maxime Benoît-Jeannin faisait lui aussi tourner son roman autour d’un 14 mai. Or ce 14 mai se retrouve axial dans deux livres publiés par l’éditeur référentiel de ma carrière au moment où je fête… un 14 mai (1981), qui m’a vu renaître et donc naître véritablement ! Deux livres que je lis, l’un juste avant, l’autre juste après, comme s’il s’agissait d’aligner des planètes…
(3)
Barbara ABEL, Et les vivants autour, roman/thriller, Belfond, Paris, 2020, 444 pages.

Barbara Abel est la figure emblématique du thriller en Belgique francophone, elle jouit d’une reconnaissance publique rare, qui la place dans la foulée d’Amélie Nothomb ou d’Adeline Dieudonné. Primée, adaptée en télévision ou au cinéma (Duelles), elle pourrait bientôt passer un cap, boostée par… Hollywood.
Et les vivants autour… est déjà le 13e roman de notre autrice en près de vingt ans. Le titre est à la fois simple, quand on connaît le pitch, et remarquable : il évoque le tournoiement d’une meute de vautours autour d’une proie. Et justement…
« Cela fait quatre ans que la vie de la famille Mercier est en suspens. Quatre ans que l’existence de chacun ne tourne plus qu’autour du corps de Jeanne, vingt-neuf ans. Un corps allongé sur un lit d’hôpital, qui ne donne aucun signe de vie, mais qui est néanmoins bien vivant. Les médecins appellent cela un coma, un état d’éveil non répondant et préconisent, depuis plusieurs mois déjà, l’arrêt des soins. C’est pourquoi, lorsque le professeur Goossens convoque les parents et l’époux de Jeanne pour un entretien, tous redoutent ce qu’ils vont entendre. Ils sont pourtant bien loin d’imaginer ce qui les attend. L’impensable est arrivé. Le dilemme auquel ils sont confrontés est totalement insensé et la famille de Jeanne, en apparence si soudée, commence à se déchirer autour du corps de la jeune femme… »
La quatrième de couverture copiée ci-dessus plonge dans l’appétit, on aura un page-turner, avec des secrets et des rebondissements. Pourtant, après une entrée aisée dans le récit (narration et écriture fermes et fluides, esquisse réussie des personnages), je cale un moment, ne retrouvant pas la dynamique des précédents Abel (Je sais pas, L’innocence des bourreaux), avant de m’adapter à un thriller moins spectaculaire mais plus subtil, qui creuse les personnalités de ses protagonistes (père et mère de Jeanne, sa sœur, son compagnon, etc.), leurs relations d’antan avec la jeune femme plongée dans le coma. Le malaise croît, les enjeux, rapidement, interpellent.
Barbara Abel n’est pas la Mary Higgins Clark belge. Sa vision sociale est plus sombre et balaie toute mièvrerie. Elle est plus littéraire aussi. Conteuse, elle privilégie le plus souvent l’efficacité mais elle ose distiller une information scientifique (sur le coma, les déviances sexuelles, la génétique, etc.), des épigraphes (Giraudoux, Churchill, Hugo, Gide, Chaplin, etc.) ou des fragments plus écrits :
« Du tréfonds de son passé, une vague d’amertume déferle en elle et lui retourne les entrailles, là où c’est vide, et ce néant prend soudain une ampleur qui l’étouffe.
Même plongée dans le coma, Jeanne réussit là où elle échoue.
Parce qu’il en a toujours été ainsi. Jeanne, la cadette, la petite, celle que l’on protège, celle que l’on chérit. Celle qui, soudain, s’est posée là comme une fleur en prenant toute la place, pousse-toi de là que je m’y mette. »
PS
J’ai déjà évoqué Barbara Abel sur cette plateforme, à l’occasion de son 11e roman :
(4)
Armel JOB, En son absence, roman/thriller, Robert Laffont/Pocket, Paris, 2018, 297 pages.

Le quatorzième roman de notre ancien professeur (de grec et de latin) et directeur d’établissement, déjà ! Tous publiés chez Robert Laffont, un Grand parisien. De quoi est-il question ? Le site de l’édition poche (Pocket) offre un résumé qui projette bien dans le récit :
« Jeudi 17 mars 2005 à 6h45 à Montange au cœur des Ardennes belges. Bénédicte ouvre la porte de la maison et se met en route pour le lycée. Mais trouve dehors une douceur à laquelle elle ne s’attendait pas. Surprise, elle hésite, fait demi-tour, troque la parka trop chaude qu’elle avait enfilée contre un blouson plus léger. Celui en velours que l’on verra bientôt sur les avis de recherche. Car Bénédicte n’arrivera jamais jusqu’à l’arrêt de bus. Ses parents et les habitants du paisible village entament alors des jours d’angoisse qui vont dévorer l’équilibre de ce monde où jusqu’ici il ne se passait rien. Entre inquiétude, soupçons, rumeurs, reproches, mensonges et dissimulation, la disparition de Bénédicte pulvérise les apparences. »
La suite ?
Le récit va se déployer, longeant divers fils narratifs, posant face caméra des protagonistes issus des deux sexes mais de générations contrastées : les parents séparés de Bénédicte, Mehdi et Marie-Louise ; le conducteur du bus scolaire et son épouse, Julien et Lisbeth ; le bûcheron et sa moitié acariâtre et paranoïaque, Walter et Julie ; le frère de Bénédicte ou la fille de Walter ; la vieille Maca et ses allures de corbeau, etc. Nous ne déflorerons pas l’intrigue mais pouvons assurer qu’elle nous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page. Sans une manne de rebondissements, d’actions et d’indices. Non. Nous sommes ici dans un thriller soft, psychologique, qui faufile autour d’une intrigue policière les paramètres du roman de mœurs : personnages excellement esquissés (si secondaires) ou approfondis (si principaux), plongée dans la vie d’un petit village reculé, dans son refoulé, ses tabous et ses fantasmes. Oui, on l’a dit ailleurs et c’est vrai, il y a du Simenon dans Job. Avec une dimension d’histoire contemporaine, car l’affaire Dutroux a changé la perception citoyenne, engendré une ère du soupçon, qui génère le meilleur (prudence et prévoyance) comme le pire (rumeurs, dénonciations, vendettas, etc.).
Lire Armel Job offre un plaisir double. Il raconte bien et écrit bien, de manière classique mais ferme, se coulant dans une observation méticuleuse :
« Une nouvelle trahison. Elle avait espéré que sa mère resterait seule et désespérée. Un coupable suffisait. Pour que Mehdi endosse vraiment le mauvais rôle, Marie-Louise devait vivre en ermite, quitte à sécher sur pied. »
Il y a chez Job ce que je distingue chez un Dellisse dans le registre de l’essai et d’une littérarité plus affirmée : une force tranquille mais affûtée, tendue, un naturel aussi, rien ne vient endolorir le flux des sensations, des interrogations. Cette sensation de lire un… classique, au sens le plus noble du terme. Qui explique l’entrée (ô méritée !) de notre auteur de romans noirs à l’Académie !
Les hasards de mes lectures et programmations ont juxtaposé mes recensions de livres récents de Barbara Abel et d’Armel Job, deux de nos trois* mousquetaires du thriller/policier belge francophone. Ce qui permet de mieux mesurer leurs contrastes. Barbara multiplie les rebondissements et complexifie ses intrigues, les rendant à la fois plus palpitantes et/ou plus artificielles, selon l’appréhension des divers types de lecteurs. Ce qui lui offre un statut unique sinon prodigieux : être l’autrice belge francophone la plus adaptée : en télévision, au cinéma. Armel Job, fidèle à un registre plus simenonien, rallie davantage les suffrages du microcosme et se retrouve académisé. Leur vision de l’humain est elle aussi fort différente. Chez Barbara, il n’y a quasi personne à sauver, un noir profond colorie cœurs et âmes, les pulsions les plus sombres n’attendent qu’à déferler, ce qui génère une certaine mécanicité. Chez Armel, les personnages sont plus réalistes et émouvants, leur tonalité varie en général du gris clair au gris foncé, ils ont à se définir pour un cap en cours de récit, leur sort nous importe, la rédemption existe.
* Le troisième mousquetaire du thriller/policier belge francophone est Patrick Delperdange, mais sa trajectoire est fort différente. De loin le plus éclectique des trois, le plus polyvalent, il explore de nombreux registres (BD, théâtre, conte, critique, etc.) et creuse moins régulièrement le registre du thriller, change d’éditeur (passant de la Série noire aux Arènes, etc.). On lui doit l’un des meilleurs romans de ces vingt dernières années : Le chant des gorges, prix Rossel et réédité dans la collection patrimoniale Espace Nord.
(5)
Armel JOB, La disparue de l’île Monsin, roman/thriller, Robert Laffont, Paris, 2020, 291 pages.

J’ai enchaîné ! Lu le 17e roman publié par Armel chez Robert Laffont dans la foulée du 14e. Pour rappel, j’avais lu précédemment son 4e (Le conseiller du roi, 2003) et son 10e (Le bon coupable), rubriqué dans Karoo en 2013 déjà : https://karoo.me/livres/philippe-remy-wilkin-un-parfum-de-simenon-et-de-chabrol
Michel Torrekens a très bien évoqué le roman dans Le Carnet :
… ce qui me permet de me concentrer sur des réflexions en surplomb…
. L’île Monsin projette dans un imaginaire teinté d’exotisme, on rêve déjà Bretagne ou Normandie, phare et tempête… mais il s’agit d’un trompe-l’œil : l’île en question n’est qu’un îlot minuscule situé à Liège.
. Au-delà d’un plaisir de lecture confirmé (narration et écriture de qualité mais sans fioriture, d’un classicisme éprouvé), j’ai été décontenancé par les nombreuses similitudes entre mes deux récentes lectures, soit les 14e et 17e romans d’Armel. Deux disparues, une jeune fille, précédemment, et une jeune femme, ici, soit. Mais il y a bien d’autres convergences. Dans les deux cas, on ignore si la disparue a fugué ou a été victime d’une agression. Elle entretient une relation compliquée avec une mère qui l’élève ou l’a élevée seule. En compagnie d’un frère dont elle a été très proche. Le père a à chaque fois mis les voiles. On retrouve le témoignage d’un chauffeur de bus. Les relations borderline avec des voisins masculins. Entre empathie humaine et pulsions sexuelles. Etc. Etc. Armel Job flanche-t-il côté imagination ? Ou creuse-t-il des variations sur un même thème, utilisant différemment une même poignée d’ingrédients ?
. Ces deux romans osent se situer sur une ligne très sensible, en écho à une ère du soupçon post-Dutroux : la fragilité des hommes et la manière dont ils ont à gérer des pulsions transmises par la nature. Comme homme, je suis diversement touché. Emu par les souffrances et les doutes de plusieurs protagonistes, mal à l’aise aussi et souvent devant leurs dérives. Poussé à l’introspection. Comme tout lecteur masculin. Que peut-on ressentir légitimement à l’égard d’une femme ou d’une fille plus jeune ? Comment doit-on contrôler, écarter ?
Somme toute, beaucoup plus intéressantes que l’intrigue, se faufilent des interrogations sur les relations humaines, la difficulté à gérer la vie partagée, le long terme, les rencontres et inclinations qui ouvrent de nouveaux sillons, comme si d’autres romans de nos vies roulaient en marge, bons ou mauvais, naturels ou pervers. Armel Job, je rejoins Michel Torrekens ou mon regard d’il y a près de dix ans, est bien l’héritier de Simenon et un auteur interpellant, qui conte à deux niveaux.
(6)

Opuscule.
Une collection audacieuse, qui s’ingénie à publier une nouvelle par semaine, d’auteurs connus ou moins connus voire inconnus. Qui permet donc, à travers de jolis petits objets, très bien édités (avec un correcteur affiché, à l’ancienne… dans le bon sens de l’expression !), de parcourir l’état des Lettres belges. Pour 4 eur l’exemplaire. Ou en s’abonnant. Aux versions papier ou numérique.
Bravo, donc ! Et j’ai déjà évoqué des opuscules réussis d’Evelyne Wilwerth ou Éric Allard :
Le texte de Claude Donnay ?
J’ai aimé dès la première page et dès les premières lignes :
« Je ne serai pas Voltaire, ni Rimbaud, ni Apollinaire. Je n’ai pas les ailes, encore moins le souffle. »
Le suspense s’infiltre dans la foulée :
« D’ailleurs, je ne parle pas, alors écrire… »
Puis l’émotion, avec la mort de la mère, avancée comme un axe de vie, un point de rupture.
La suite ? Une tranche de vie, entre avenir et passé, qui précipite vers un destin. Un petit texte à la texture très littéraire, qui se lit aisément et agréablement, infiltré par la sensibilité mais l’humour noir aussi, voire une note de surréalisme. Qui se conclut par une chute astucieuse.
Ce qui m’a frappé ?
Le plaisir pur de la lecture. La force tranquille d’un écrivain en pleine possession de son art, qui n’en fait jamais trop, distille juste ce qu’il faut de narration ou d’écriture.
Quelques exemples ?
« Je me souviens de ce vide versé en moi (…) Le soleil roulait dans ma tête. (…) j’écoutais un sac de larmes se former dans mon ventre, puis remonter lentement dans ma gorge jusqu’à noyer mon regard. (…). »
Pour tout dire, j’ai songé à L’homme de septembre, un court récit de Francis Dannemark découvert il y a un peu plus de quinze ans et qui avait incurvé mon rapport à la lecture.
(7)

Je vous ai parlé en février de cette nouvelle revue lancée par Christian Lutz, le fondateur des éditions Le Cri et actuel directeur des éditions Samsa :
Une audace à rebours de la morosité ambiante.
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’esthétique du projet
La couverture est très belle (un portrait de jeune fille, dit « de Sapho », datant du 1er siècle après JC et émergé des ruines de Pompéi), mais le grain du papier, la mise en page, l’iconographie ne sont pas en reste.
Côté fond…
Après Maxime Benoît-Jeannin dans le numéro initial, trois autres pointures du catalogue Samsa interviennent ici : Yves-William Delzenne, Véronique Bergen et Annie Massacry. Le premier offre La vie d’artiste, un extrait de son livre Un aussi long voyage ; la deuxième, grande spécialiste de la bio-fiction, un micro-essai sur Bonnie et Clide, les célèbres gangsters popularisés par le cinéma, Gainsbourg, etc. ; la troisième Tandis que j’agonise, un fragment de chantier romanesque.
Ces cas illustrent deux apports de la revue : ouvrir un espace de réalisation pour des projets hors normes éditoriales, mettre en appétit pour des œuvres publiées. Mais le contenu est plus varié encore.
Un poème de Roger Bodart (poète, essayiste et académicien) à sa femme Marie-Thérèse (romancière), mis en situation, rappelle une belle aventure familiale : ces deux écrivains ont donné le jour à Anne Richter, qui elle-même a enfanté Florence Richter. Quatre écrivains et trois générations. La famille littéraire emblématique du microcosme ?
Il y a encore des dessins d’humour de Wilhelm Busch ou des textes de Wilhelm Waiblinger (traduit de l’allemand par Alain Préaux), Georges Chapouthier, Albert Ayguesparse, Max Elskamp ou Robert Verdussen. Et si mon cher beau-père était encore en vie ! Lui qui adulait Marcel Proust et La recherche du temps perdu ! J’eusse été si heureux de lui présenter L’indifférent, un texte oublié, publié en revue en 1896, que l’auteur majeur aurait sans doute écrit vers ses vingt-deux ans. Où on retrouve déjà la vie des salons et les frémissements amoureux parasités par un excès d’analyse.
Si vous voulez découvrir cette revue, commander un numéro, etc., voir :
https://www.samsa.be/livres.php?id=2
PS
Une réflexion plus intime.
Jean-Pierre Legrand et moi nous sommes connus sur cette plateforme, grâce à Éric Allard, et y menons en duo divers feuilletons. Or, dès cette rentrée et le numéro 3 de la revue, nous intégrons Que faire ? pour une rubrique régulière, Epiphanies, créée en hommage à Jacques De Decker. Il y sera question, tous les quatre mois, d’une perle de notre patrimoine littéraire. Nous entamons avec Georges Rodenbach et Bruges-la-morte.
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Nicole THIRY, Mea culpa, roman, Murmure des soirs, Esneux, 326 pages.

J’ai parlé de ce roman policier au décor carolo dans Le Carnet :

J’ai parlé de cette biographie dans Le Carnet et lui ai attribué un « coup de cœur », c’est dire assez son excellence :
Les gabarits dévolus aux articles du Carnet m’ont contraint à retrancher un sous-chapitre de mon analyse, que je dépose ici, tel un bonus :
« La distorsion qui ravine de nombreux créateurs
Gainsbourg triomphe dans la chanson mais regrette un échec artistique (partitions plus ambitieuses, peinture). Cuvelier méprise la BD et préfère les pinceaux. Hergé et Jacobs traînent leurs personnages comme des boulets durant des décennies. Voltaire s’extasie devant ses pièces et son épopée, plus personne ne les lit, ne les monte. Diana Rigg abandonne les « bottes de cuir » d’Emma Peel pour le théâtre. Etc. Elle est désespérante, cette reconnaissance insaisissable ou qui arrive souvent trop tard. Et on pleure devant Schubert ou Van Gogh, devant les films martyrs devenus indiscutables : Citizen Kane, La nuit du chasseur, etc.
Dans le cas de Jacobs, la malédiction paraît complète et paradoxale : Hergé (ou Casterman) lui refuse de co-signer Tintin, il est sous-payé toute sa carrière, ses albums sont négligés par leur éditeur, etc. Pis encore : une posture victimaire et une tendance à la paranoïa (et une épouse trop possessive) l’éloignent de l’animation bruxelloise, il peine à saisir les indices de sa starification future alors qu’ils affleurent depuis le début (Le secret de l’espadon éclipse le héros d’Hergé lors du lancement du journal Tintin et suscite bien des vocations). »
Encore un mot, plus intime…
On me l’avait dit à mes débuts créatifs, ce qui m’avait à la fois ravi et embarrassé : flotte en moi un air de Jacobs. Qui a été, il est vrai, l’idole de mon enfance. Mais j’ai découvert dans cette biographie plusieurs points communs dans la naissance du rapport à l’imaginaire, la création : des parents qui nous coupent quasi de tout contact avec les enfants de notre âge, de premières histoires lues par fragments (dont on ne connaît ni le début ni la fin), la naissance tardive d’un frère cadet, la prédilection précoce pour les créations anglo-saxonnes, la passion pour les films de Griffith et Cecil B. De Mille, le cinéma expressionniste allemand, etc. Troublant ! Ou, simplement, émouvant.
Et pour terminer…
…selon mon habitude, loin de toute analyse, dans le plaisir pur de la perception, des extraits de deux recueils de poésies édités en 2021 par Claude Donnay…
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J’aime, dès l’entrée du recueil, dès le titre de la première partie :
« 1.
en ton jardin dormir
est un acte frémissant »
Et retiens ce texte :
« voici l’horizon
entaillé
par tant de certitudes
la mer fendue
en son milieu
par tant de rectitude
et moi entre deux eaux
entre deux sels
semée sur des terres vieillies
de doutes
moi heureuse quand la brume
cueille sur ma bouche
le tremblement
fragile
de l’insolence »
Pour en savoir plus sur cette autrice…
sur le portail référentiel Objectif plumes animé par Marie Baurins
. un bel article de Rony Demaeseneer paru dans Le Carnet :
. un entretien au Grenier Jane Tony mené par Patrick Devaux :
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A la page 24 :
« Petit Pierre. Petite braise. Sauvageon. On te
dirait enfant des bois et des ferrailles, fruit
princier cueilli à même la falaise. Elfe ou
gavroche, qu’importe la parure quand seule
une trace s’impose. La forêt conjuguée
héberge ton empreinte. L’astre lointain
l’éclaire. »