
Très belle iconographie en couleurs avec de précieux cadrages et une reproduction de qualité pour des synergies surprenantes entre mots et pixels.
Jamais ennuyeux, le ton est tantôt grave, tantôt badin, mêlant ombres et contre-jours, effluves, prières et ripailles, par exemple dans une abbaye : Qui sait ? Là-haut, un Pantagruel périgourdin patiente peut-être avec une corbeille de foie gras, de truffes, de vins de Bergerac, de noix et de cèpes ? Office du tourisme de la bonne chère au plus haut des cieux ? L’atmosphère nous fait penser aux dessins truculents de l’artiste-peintre Bruno Cortot dans La Bible des chats-moines…
Le rideau fermé d’une boucherie à l’abandon résonne tel le souvenir d’une autre époque : Les côtelettes orphelines, les gigots abandonnés, les steaks en désuétude ; quant aux cordons, ils sont bleus de tristesse. Fini les feux de la rampe… Une grande surface, mégapole en baleine mercantile, a-t-elle avalé, tel Jonas, cette menue boucherie, n’en faisant qu’une bouchée ?
Il est bien entendu difficile de rendre compte ici de cette atmosphère duale, résultat d’une synergie entre textes empathiques et photographies croquées avec bienveillance. En résulte le désir du lecteur complice, de s’arrêter avec les auteurs pour amadouer la Dordogne (ou se laisser amadouer par elle !), boire un coup, respirer à pleins poumons, écarquiller ses yeux devant les quatre saisons vivaldiennes qui enchantent les jours. Fenêtres ouvertes, elles nous émerveillent, chaque année, par leur musicalité, par la variété de leurs paysages, de leurs fragrances, de leurs rendez-vous et de leurs rencontres.
Dordogne aimée, Dordogne apprivoisée : … qui s’écoule au gré de la fantaisie enchantée de ses paysages qu’elle modèle et façonne à l’aune de son inspiration. Sérénité des instants où les ponts et leurs arches jouent au fifre sur son cours et ses méandres.
Le Périgord ne cesse d’être un musée à ciel ouvert, mais aussi une table pour papilles apprivoisées, un voyage de pâquerettes enchantées. Sans oublier la mère-grand et sa canne qui, à l’image d’un métronome, marque le temps…
L’itinéraire se termine en montgolfière (les ballerines des prés et autres ruminants n’en croient pas leurs yeux !) dans ce ciel en goguette pour redescendre sur terre, l’esprit léger, certes, mais le cœur lourd car tout bon vivant aurait bien voulu encore davantage… On l’a compris : la Dordogne est une vaste et giboyeuse volée de bois vert. Nous n’en sommes pas encore rassasiés mais ce livre, véritable cantique visuel et poétique, nous offre un portail, une voie à suivre, un point d’horizon pour amoureux de grands larges, tout à la fois rassurants et mystérieux.
VOYAGE EN PÉRIGORD, Entre lignes et courbes, d’Alain Tigoulet (photographies) et de Laurent Bayart (proses poétiques), Éd. du Tourneciel, 2022, 91 p., ISBN : 979-10-95248-39-2
Le livre sur le site de l’éditeur