FEMMES EMPÊCHÉES de LEÏLA ZERHOUNI (M.E.O.) / La lecture de PHILIPPE LEUCKX


Etre empêché : être contraint, soumis. Tel est le statut de certaines femmes qui ne se sentent pas prêtes à devenir mères. Alors, le déni s’installe. Alors, certaines décisions tombent, souvent aussitôt regrettées mais irréversibles, hélas.

Le premier roman de Leïla Zerhouni sert de tremplin romanesque à l’évocation intime, intense de ces femmes qui n’ont pu garder l’enfant, en ont souffert longtemps, dans leur chair, dans leur cœur.

Ce sujet d’actualité brûlant est au cœur de « Femmes empêchées », au plus près de la vie d’Ania qui n’a jamais connu sa mère biologique. Les faits se sont passés en 1997. L’eau a coulé sous les ponts. La voilà, adulte, en Ardennes, dans une librairie de village où l’on cultive la littérature. La rencontre d’Ania et de madame Kéra est lumineuse et décisive ; l’amour qu’Ania a pour les livres l’éloigne peu à peu du trauma de ses origines. Le lieu attire beaucoup de monde et les rencontres se multiplient : Ania fait la connaissance de Yasmine, qui a dû quitter son Algérie natale ; Niko, un journaliste épris de la beauté et du sort du monde.

Sans jamais peser, jouant de la chronologie (1996-1997-2017-2018-2071), la narration nous plonge dans la vie intérieure d’une jeune femme, en quête de vérité et de son passé.

En trois parties, bien structurées et bien écrites, la jeune romancière impose sa voix, sa justesse et l’importance de ses thèmes familiaux. La quête des origines, rendue indispensable au fil du vécu, illumine ce roman, dont nous ne révélerons pas l’épilogue, tant elle innerve les personnages, leurs descriptions, leur vie.

Une écrivaine à suivre, bien sûr.


Leïla ZERHOUNI, Femmes empêchées, M.E.O., 2022, 128p., 15 euros.

Le roman sur le site des Editions M.E.O.


JEAN-QUI-VOLE de FRANÇOISE HOUDART (Ed. Audace) / La lecture de PHILIPPE LEUCKX


La romancière hennuyère poursuit sa quête mémorielle avec ce beau récit. Après le portrait de proches dans « Au revoir Lisa », elle nous relate ici l’aventure peu commune d’un enfant orphelin, dans le Borinage de la fin des années quarante. Le récit est authentique.

Accueilli par son oncle Louis et sa tante Pauline, Jean qui n’a jamais connu sa mère Florida, grandit dans l’affection de ses « nouveaux parents ». Nous sommes à Elouges, patrie du grand peintre Victor Regnart.

La vie se partage avec les potes de la cité, les découvertes (la mer, les colonies de vacances), la recherche des origines.

Doué, vif, en quête de tout, l’enfant est assez turbulent mais toujours attachant. Il a le sens de l’amitié, des découvertes insolites, de l’Aventure. C’est un gamin intelligent, qui n’a peur de rien et s’initie vite à tout.

On est pris par ce qui lui arrive, on se met volontiers à sa place parce que ses expériences ont pu être les nôtres, dans un passé plus récent.

Houdart a l’art de planter ses décors, de décrire et de faire vivre ses personnages, de leur donner une histoire qui soit dense, chaleureuse, pleine.

L’écriture coule de source pour nous amener à partager ce « destin », hors du commun.

La mort est sans cesse au rendez-vous : après la mère, c’est le tour du père, du grand-père, et le petit héros, qui termine ses primaires à la première place, a multiplié les expériences de vie, les acquis, les souvenirs.

Aucune plainte. Aucun pathos.

Le livre se lit avec l’enchantement des histoires vraies, celles qui font grandir.

Aujourd’hui, Jean s’appelle Renild. Françoise, sa compagne, en a brossé une étonnante biographie.


Françoise Houdart, Jean-qui-vole, Audace, 2022, 108p., 15 euros 

Le livre sur le site des Editions Audace


2022 – FEUILLES D’AUTOMNE : LA FÊTE DU HAÏKU / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

La poésie courte d’inspiration asiatique semble trouver un nouvel écho dans le monde littéraire et, ainsi, j’ai eu le plaisir de lire récemment deux recueils consacrés à ce genre poétique : un recueil de Véronique DE LABOULAYE publié chez BLEU d’ENCRE et un autre pour lequel Iocasta HUPPEN a réuni autour d’elle quatre autres haïjins (auteurs de haïkus). Ces poésies très minimalistes pourraient paraître simplistes mais elles sont en fait d’une grande finesse, elles évoquent en quelques mots seulement une scène, un paysage, une histoire, une sensation, une émotion, … Il faut posséder une très grande maitrise de langage et bien connaître les codes du genre pour écrire de jolis haïkus très expressifs.


Haïkus bleus et verts

Véronique de Laboulaye

Bleu d’Encre


Avant de me lancer dans la lecture de ce recueil de haïkus, j’ai relu la chronique que j’avais rédigée après avoir lu l’ouvrage que Iocasta Huppen a consacré à la poésie brève japonaise, « Poésie brève d’influence japonaise », édité à L’Harmattan. Iocasta est une haïjin de talent, roumaine d’origine, elle vit en Belgique, j’ai eu la chance et le plaisir de lire plusieurs de ses recueils et ainsi de me familiariser un peu avec ce type de poésie. C’est donc avec une certaine impatience, une véritable envie de découvrir ce recueil, que j’ai abordé sa lecture. J’y ai trouvé de très jolis haïkus qui appartiennent à la famille des haïkus écrits sur trois lignes et qui doivent respecter des règles très précises que j’ai, hélas, oubliées.

Avant d’écrire des haïkus, Iocasta invite les auteurs à  « … garder à l’esprit l’idée que cette écriture se fait en employant un langage simple et des mots simples. La simplicité a un pouvoir universel, celui de s’adresser directement à l’esprit ». J’ai trouvé que Véronique respectait très bien ce principe de simplicité qui est à l’origine de l’élégance de cette forme poétique, de sa douceur, de sa poésie,  de la sérénité qu’elle dégage, des images qu’elle forme avec quelques mots seulement. J’ai été immédiatement emballé, dès la lecture du haïku qui introduit le recueil :

« Dieu créa la femme / puis donna vie à l’homme / pour qu’ils puissent jouer // Mais l’homme pleura tant / de n’être pas né le premier / que Dieu prit pitié // Il fit croire à l’homme / qu’il avait été créé / premier des humains ».

La forme courte est toujours très efficace, je n’ai peut-être jamais lu un aussi joli et convainquant texte féministe !

Dans ce recueil, Véronique évoque surtout la nature et ceux qui la peuplent qu’ils appartiennent au monde végétal ou au royaume animal :

« Ajoncs mimosas / Tiges de saules osier / janvier jaune dans l’île »,

« Venu à la nage / un sanglier est dans l’île / la légende commence »,

« Un merle dans l’arbre /attend-il le merle blanc / d’Alfred de Musset ? ».

Mais elle s’autorise aussi quelques petites excursions, à Venise notamment où elle a trouvé une belle matière pour nourrir son œuvre :

« Sur la pointe des pieds / je longe le Grand canal / crainte de submersion ».

Ou encore au bord de la mer :

« Porté par les vagues /et divaguant dans les algues / un rêve vagabonde ».

Véronique nous a convaincus, une fois de plus, que la forme courte est une des plus belles expressions littéraires et que sa concentration exprime les plus jolis sucs de la langue qu’elle utilise. J’ai choisi de conclure sur cette strophe qui m’a parue pleine de douceur et de poésie :

« Alcôve marine / flux et reflux de fleurs blanches / adieux à l’amie ».

Bleu d’encre sur le site des Editeurs Singuliers

La page Facebook de Véronique de Laboulaye


Le haïku à 5 voix

Sous la direction de Iocasta Huppen

Editions unicité

Pour écrire ce recueil, Iocasta, haïjin de talent, a regroupé autour d’elle quatre autres auteurs qu’elle connait bien : Jean Antonini (Lyon), Marie Derley (Belgique), Damien Gabriels (Métropole lilloise), Serge Tomé (Belgique). Ils ont développé une réelle connivence entre eux en participant avec la même vision et le même esprit à la promotion et au développement de la poésie d’influence japonaise en Belgique et en France depuis de nombreuses années.

Pour réaliser ce recueil, elle leur a fixé un « cahier des charges » assez précis : les haïkus, tercets et senryus proposés doivent respecter le thème des quatre saisons, ils doivent être complétés par un poème d’inspiration libre, chaque auteur doit fournir cinq textes pour la thématique imposée et cinq autres pour la thématique libre. Malgré la rigueur de la composition, chacun a conservé sa liberté de ton : l’humour, la dimension intellectuelle, l’esprit social, une inspiration plus poétique, … Ainsi, chacun a fourni des poèmes de trois vers, je ne suis pas suffisamment versé, malgré les efforts accomplis par Iocasta, pour déterminer qui a écrit des haïkus, qui a écrit des tercets, qui a écrits des senryus mais tous les poèmes publiés comportent trois vers. Ils sont encadrés par un magnifique dessin de Jean-Louis Gabriel reproduit à la fin de la production de chaque auteur, toujours sur le même thème mais avec chaque fois une variation dans la couleur et dans les motifs secondaires.

Pour vous donner un aperçu de ce recueil, j’ai choisi, au hasard, un poème de chacun des cinq haïjins dans le thème libre qu’il a exploré :

Jean Antonini : « au sol de la chambre / une plume – je ne me souviens pas / de mes rêves »,

Marie Derley : « retour de chez lui / à l’aller je pédalais / avec le vent »,

Damien Gabriels : « sortie de reprise – / le col hors catégorie / du pont de l’autoroute »,

Iocasta Huppen : « lumière des bougies / pour mieux saisir l’étincelle / au fond de tes yeux »,

Serge Tomé : « fin de manif – / les syndicalistes sont unis / pour pisser au mur ».

Et, à chaque fois, je suis épaté de voir avec quel talent les haïjins savent avec quelques mots bien rangés suggérer une histoire bien réelle. Ils sont les artistes de la forme littéraire ultra courte.

Le recueil sur le site des Editions Unicité

Le site de Iocasta Huppen


TEMPO DE CUISSON

Le fruit ne tombe pas tout cuit dans la bouche du métronome.

Faut-il encore que l’arbre fruitier se trouve à proximité de l’appareil et qu’il fasse si chaud que la vapeur montant des temps proches du Big Bang porte à température de cuisson le fruit en passe de perdre son assise sur la branche qui l’a vu naître.

Puis, plus c’est chaud, plus le temps de cuisson est réduit, comme vous le chantera n’importe quel mitron mélomane. Une pomme cuite largo mettra des plombes à devenir compote alors qu’une prune cuite presto donnera illico une confiture à étaler sur des crêpes à la pâte levée moderato cantabile. Et qu’ça saute, et qu’ça sauce, clame le chef d’orchestre avec sa baguette à remuer la chocolat dans la crème au beurre de l’Opéra !

Mais dans la vie, comme vous l’expliquera n’importe quel sémiologue parachutiste, les circonstances ne sont pas toujours réunies pour que tout tombe sous le sens des phrases toutes faites.


2022 – FEUILLES D’AUTOMNE : BRÈVES D’ÉTÉ / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Mes Feuilles d’automne sont construites avec une partie de mes lectures estivales et même printanières, c’est ainsi que dans cette chronique vous trouverez deux commentaires de mes lectures de MICROCACTUS, la dernière-née des collections des CACTUS INÉBRANLABLE Editions. J’y ai réuni Mathieu JAEGERT et Jean-Loup NOLLOMONT, associés à Roger LAHU & Eric DEJAEGER publié par GROS TEXTES. Une belle brochette de talentueux auteurs qui contribuent brillamment à perpétuer le genre littéraire court à travers leurs recueils de micronouvelles.


Mathieu Jaegert

Ceci n’est pas un crime

Cactus inébranlable


Mathieu Jaegert est sans doute un grand voyageur, il a jeté l’ancre dans le port de Saint-Nazaire après une longue traversée … terrestre, en effet, il venait d’Alsace, ce qui constitue tout de même une belle odyssée. C’est là qu’il a publié son ton premier opus, celui-là même que je commente aujourd’hui, chez le célèbre éditeur, grand spécialiste des formes littéraires courtes, Cactus inébranlable, dans la collection des Microcactus. Il est ainsi l’auteur de l’opus #9.

Dans ce recueil, il propose une série de textes courts, deux par page petit format : des micronouvelles, des histoires courtes, des aventures qui se terminent presque toujours de manière radicale, définitive, souvent mortelle. Mathieu possède l’art de la nouvelle qu’il condense au maximum pour que la chute fatale explose brusquement sous les yeux du lecteur. Les histoires qu’il propose sont souvent féroces, cruelles, cyniques, …, mais elles sont toujours pleines d’humour, d’un humour certes noir, souvent très noir.

J’ai noté quelques exemples pour montrer le ton, la fulgurance, la radicalité, la férocité, …,  des textes de Mathieu, en commençant par celui-ci qui pourrait coller à l’actualité tout en espérant que ce ne soit qu’une dystopie et non une prémonition :

«  …, il avait annoncé qu’il tirerait toutes les conséquences de la crise. Pour l’heure, il songea en balayant du regard la salle des ministres et ces abrutis bâillonnés qu’il était grand temps de tirer les causes.

Puis il libéra le cran de sécurité de sa carabine ».

Et celle petite histoire qui que l’on pourrait croire réelle tant il y a de gens embrouillés sur notre belle planète :

« Julie est réconciliatrice de gens fâchés. Pour faire prospérer ses affaires, elle dispose d’une armée de collaborateurs dévoués. Tous formés aux subtilités du métier d’embrouilleur de gens ».

Ce ne sont certes pas des crimes mais c’est comme une célèbre marque de soda, ça en a l’odeur, la couleur et le goût. Et, c’est surtout un condensé de littérature noire, des thrillers en réduction.

Le recueil sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable


Contre tous chacaux

Roger Lahu & Eric Dejaeger

Gros textes


Quelle surprise en découvrant ce petit recueil, je connais les deux auteurs et je n’aurais jamais pensé qu’ils se connaissaient entre eux jusqu’au point d’écrire ensemble, c’est tellement intime d’écrire ! Eric Dejaeger, le poète du Pays noir comme j’aime l’appeler, est un Carolorégien dont j’ai commenté au moins une vingtaine de titres, peut-être plus en ajoutant tous ceux qu’il a écrits avec d’autres. Il fait partie des premiers auteurs dont j’ai chroniqué un livre. Roger Lahu est lui un concitoyen à la mode Hollande, nous faisons partie de la même région, chacun citoyen de l’une des deux parties rassemblées par Hollande pour n’en faire plus qu’une. J’ai lu deux des recueils qu’il a écrits. Comme dit Eric dans sa « Postfrasque », « … on s’est bien marré en revisitant quarante aventures de Bob (Morane) et de Bill (Ballantine) ».

Et là est ma grande déception, le Bob et le Bill n’ont jamais franchi les rivières et vallées délimitant le plateau sur lequel je suis né. Dans mon village natal pas un môme n’avait ces romans ou BD chez lui, je n’ai donc jamais lu les aventures de ces deux énergumènes que je connais un peu plus maintenant même s’ils ont été remodelés par mes deux amis. J’ai ressenti sous la plume d’Eric la mauvaise influence de Maigros vite réprimée par l’autre auteur, comme ils se définissent souvent dans leurs textes. J’ai aussi humé des flaveurs suant directement des produits des côteaux du Mâconnais ou de la Côte chalonnaise dont Roger semble garnir méticuleusement sa cave.

Ainsi à travers ses petits textes, Eric et Roger revisitent les aventures héroïques des deux énergumènes en leur donnant un côté loufoque, burlesque, surréaliste souvent hilarant et quelque peu satirique. Ils charrient volontiers ces héros picaresques en moquant leurs exploits tellement improbables et si peu crédibles. Mais tout ça n’est qu’une vaste rigolade entre deux amis férus des belles lettres toujours à la recherche de mots rares, peu usités et enrichissants pour le vocabulaire du lecteur.

Et près cette lecture gouleyante comme un vin du Mâconnais, il faut aussi réécouter la fameuse chanson du groupe Indochine, « L’aventurier » :

« Égaré dans la vallée infernale
Le héros s’appelle Bob Morane
À la recherche de l’Ombre Jaune
Le bandit s’appelle mister Kali Jones
Avec l’ami Bill Ballantine
Sauvé de justesse des crocodiles
Stop au trafic des Caraïbes
Escale dans l’opération Nadawieb

…. »

Le livre sur le site de vente en ligne de Gros Textes


Contes à rebours

Jean-Loup Nollomont

Cactus inébranlable


Jean-Loup n’est pas un inconnu pour moi, j’ai déjà et lu et commenté deux de ses recueils, l’un d’aphorismes, « Pensées nyctalopes », et l’autre de micro-textes, « Cécité interdite »,  édités tous les deux chez le même éditeur que le présent recueil mais dans la désormais célèbre collection Les P’tits Cactus. Comme le laisse supposer ces deux titres, Jean-Loup est affecté d’un problème visuel qui, s’il altère sa vue, n’entache en rien son acuité intellectuelle, sa finesse d’esprit, son autodérision et la qualité de son écriture. Dans son anthologie des aphorismes belges, Michel Delhalle le présente comme un individu n’ayant fait que des études relativement banales,  « tout à fait secondaire… », ce qui ne l’empêche pas d’avoir une très fine perception des femmes et des hommes et de leur comportement en privé ou en société.

Dans ce recueil, édité dans la dernière-née des collections des Cactus Inébranlable Editions, Microcactus, Jean-Loup Nollomont propose trois-cent-trente-quatre micro-textes numérotés, à rebours, de 333 à 0, des histoires courtes, voire très courtes, des micro-contes, des fabulettes. Des textes qu’on pourrait situer entre la micronouvelle et l’aphorisme, comme une idée que l’auteur n’aurait pas pu réduire suffisamment pour en faire un aphorisme, ni développer suffisamment pour en faire une micronouvelle, tout en en gardant la saveur fondamentale.

« Il revenait d’avoir été se faire foutre. Il n’y retournerait plus. » Celle-ci, elle est particulièrement courte mais elle aussi tellement savoureuse que j’ai eu envie de la partager avec vous. J’en ai noté quelques autres que je tiens aussi à vous rapporter. Notamment celle-ci qui montre bien la grande dérision et la résilience dont sait faire preuve Jean-Loup : « Lorsqu’elle reçut de son fiancé une lettre écrite en braille, elle se cacha le visage dans les mains et comprit que l’amour l’avait rendue aveugle ». J’ai bien aimé aussi les petites histoires absurdes, comme celle-ci : « Le sommet de l’échelle reposait à même le sol. Il était très facile d’y grimper pour aller cueillir au pied de l’arbre les pommes tombées au ras des pâquerettes », ou incongrues, comme cette autre : « Tous deux prenaient de la drogue. Lui en cachet. Elle en cachette ».

Jean-Loup a aussi l’art de dépouiller une idée au maximum sans en retirer une once de sens, d’humour, de drôlerie, … : « Il s’était offert de la raccompagner. Et il l’avait raccompagnée. Et elle s’était offerte ». Certains romans d’amour comportent moins de romantisme que ces quelques mots. Et certains livres dits un peu osés suggèrent beaucoup moins d’érotisme que cette toute petite histoire : « Je suis certain qu’elle ne porte pas de culotte. Je le tiens de mon petit doigt ». Les petits doigts, ça sait tout, c’est bien connu, celui de Jean-Loup est particulièrement bien informé et très coquin !

Les Microcactus sont les livres idéaux à lire pour patienter dans une salle d’attente ou voyager dans les transports en commun, on peut interrompre leur lecture à tout moment, n’importe où, et la reprendre sans jamais avoir perdu le fil de l’histoire, elles sont tellement courtes et se succèdent sans aucun lien entre elles. Alors, un Microcactus aussi drôle que celui de Jean-Loup et vous pouvez faire un grand voyage comportant de nombreuses escales ou patienter dans une salle d’attente en étant sans cesse interrompu par un voisin trop bavard.

Le recueil sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable


JÜRGEN LÖWENSTEIN, DESTIN D’UN ENFANT JUIF DE BERLIN de SAMUEL HERZFELD (Ed. Jourdan) / La lecture de JEAN-PIERRE LEGRAND


Voici un livre indispensable. Il s’agit de la biographie de Jürgen Löwenstein, Juif allemand né en 1925 dans un quartier du centre historique de Berlin.
Jürgen a tout vécu des heures terribles du nazisme, glissant d’une vie harmonieuse à la relégation sociale puis aux camps de travail pour enfin échouer à Auschwitz. Là règne la terreur. Le massacre s’y organise, systématique, avec une haine froide et sans colère. Jürgen survit à tout cela. Il renaîtra sur la terre si longtemps rêvée : Israël.

Ce livre m’a beaucoup touché. Il entre en résonance avec ma propre histoire familiale.
Dans ma jeunesse, au sein de ma famille, l’horreur encore proche des camps de concentration et d’extermination était tenue à distance. En 1944, mon grand-père maternel avait été déporté à Buchenwald comme prisonnier politique. Trop affaibli, il fut achevé d’une balle dans la nuque lors de l’évacuation du camp par les Allemands. On retrouva ses ossements des années plus tard dans un fossé. Ma mère et ma grand-mère n’évoquèrent que rarement cette tragédie. Le traumatisme était encore trop grand.
C’est bien plus tard, que je me suis véritablement intéressé à l’histoire de mon grand-père, au phénomène concentrationnaire et à son paroxysme, l’extermination des Juifs. C’est un travail scolaire d’une de mes filles qui en fut l’occasion.

J’ai ainsi lu d’assez nombreux ouvrages : témoignages, études historiques, essais, œuvres littéraires … Au regard de ceux-ci, le travail de Samuel HERZFELD tient une place singulière. Il s’origine bien en amont de la folie d’Auschwitz et s’étend fort au-delà : c’est toute la vie de Jürgen qui hante ces pages. L’originalité du livre tient aussi à sa forme. Il a presque les allures d’une biographie à quatre mains dans laquelle la voix de l’auteur soutient celle du rescapé d’Auschwitz.
L’un témoigne tandis que l’autre recueille sa parole et la contextualise. Par cette médiation, les souvenirs s’inscrivent sur la page presqu’à l’état brut, comme autant d’inserts de mémoire vive dans le corps du texte et le déroulé historique.

L’alternance de la mise en perspective et du témoignage recueilli sous une forme anaphorique – « Jürgen se souvient » revient de manière lancinante  – donne au texte son rythme si particulier qui en relance sans cesse l’intérêt et lui donne une indéniable valeur littéraire.

Ce livre vient de loin… Après la libération et son installation en Israël, le silence s’est refermé sur Jürgen, moitié volonté personnelle de ne pas transmettre son traumatisme à ses enfants, moitié surdité des autorités politiques peu réceptives au récit des survivants. Comme beaucoup, Jürgen s’est trouvé coincé entre deux impératifs contradictoires : tout dire, ce qui était à la fois inaudible et douloureux ou tout oublier, ce qui était impossible.
La parole de Jürgen ne s’est déliée que tardivement, à l’occasion de la bat-mitsva d’une de ses petites filles. Plus tard encore, au soir de sa vie, au fil d’une relation de confiance puis d’amitié avec l’auteur, il a vaincu toutes ses réticences : le livre de Samuel HERZFELD est le fruit de cet affranchissement.

L’ouvrage a le grand mérite de nous ouvrir à la réalité contrastée de l’avant-guerre et de la montée du nazisme. Curieusement, à ses débuts, la portée de la politique antijuive n’est pas évaluée à sa juste mesure par bon nombre de ceux qu’elle concerne. Ainsi, malgré les discriminations qui se multiplient, le père de Jürgen, décoré de la Grande Guerre, veut se croire encore considéré comme un Allemand à part entière. Dans son esprit, les mesures raciales visent surtout les « Juifs de l’Est » traditionalistes et peu intégrés. Elles l’inquiètent sans le bouleverser : bon gré mal gré « il faut rester un citoyen respectueux des lois ».
Agathe, la grand-mère de Jürgen, se montre plus lucide. Lors de l’autodafé du 10 mai 1933, elle prévient : « Jürgen, n’oublie jamais ça ! Ces gens-là sont nos ennemis. Ce sont nos ennemis ! »

La question de l’assimilation ne s’est pas posée qu’en Allemagne. Un peu plus tôt, en France, des divergences sensibles avaient surgi entre le judaïsme institutionnel profondément assimilationniste et le sionisme dans lequel une part de la jeunesse se reconnaissait davantage. Jürgen prolonge assez bien ce cas de figure : inscrit au collège juif, Moses Mendelsshon, il devient rapidement un sioniste convaincu, « malgré l’indifférence, voire le scepticisme de ses parents à l’égard du mouvement et de ses aspirations ». Il n’a pas quinze ans lorsqu’il s’inscrit dans une Hachscharah, un camp préparatoire à l’émigration vers Israël. Avec le recul, Jürgen s’explique mal le fatalisme de son père et son manque d’anticipation : « comment n’a-t-il pas d’avantage compris que les actions menées par les nationaux-socialistes à l’encontre de ces Juifs de l’Est n’était que le prélude à un processus élargi qui le toucherait bientôt. (…) Pourquoi n’a-t-il pas cherché à émigrer au cours des premières années du nazisme, quand il en était encore temps ? » Cette interrogation n’est pas isolée ; elle est également partagée par Elie Wesel dans son livre La nuit. Il y évoque son ami Moshé le Bedeau. Expulsé de Hongrie comme d’autres Juifs étrangers, Mosché assiste à l’exécution de tous ses compagnons en pleine forêt polonaise. Il parvient toutefois à s’enfuir. De retour au village, personne ne veut le croire : « le pauvre, il est devenu fou ! »

Jürgen se souvient encore de la Conférence d’Évian en 1938. A cette époque, les nazis sont encore disposés à laisser les Juifs émigrer à l’étranger. Les trente-deux pays convoqués à Évian par le président Roosevelt doivent discuter de leur accueil. La conférence ne débouche sur aucune mesure concrète : pas un État n’est prêt à ouvrir son territoire aux réfugiés juifs. Pour Samuel HERZFELD, ce sommet de la honte constitue un point de bascule : Hitler est désormais convaincu d’avoir les mains libres. La volonté nazie de chasser les Juifs d’Allemagne se mue progressivement en une véritable politique d’extermination.

A partir de 1938, chaque année constitue un tour d’écrou supplémentaire menant Jürgen des camps de travail de Paderborn à Auschwitz. Il arrive dans ce dernier cercle de l’enfer le 3 mars 1943. Il va avoir 18 ans.
Survivre y est une gageure. Tous les témoignages concordent : résister aux conditions épouvantables de l’univers concentrationnaire implique le maintien d’un minium d’estime de soi et d’identité au sein d’une réalité qui précisément nie la personne humaine. Les chances d’échapper à la mort ne se gagnent qu’au prix d’une tension entre la sauvegarde l’intégrité physique et la préservation de l’intégrité morale, entre la survie individuelle et la solidarité avec le groupe. Cette tension est extrême car elle est instrumentalisée par les autorités du camp dont le fonctionnement repose largement sur une hiérarchie très stricte établie entre les prisonniers eux-mêmes.

Pour tous les survivants et plus encore s’agissant d’un aussi jeune garçon, une même interrogation s’impose: qu’est-ce qui leur a permis de « tenir » ?
Durant sa captivité, plusieurs éléments soutiennent Jürgen. Tout d’abord, même si toutes sortes d’inégalités sont exacerbées par l’organisation perverse mises en place par les SS, l’entraide entre les anciens  de Paderborn s’y perpétue au moins en partie. Ensuite, Jürgen reste porté par l’idéal sioniste qu’il partage avec plusieurs de ses compagnons : « même si la libération appartenait encore à un lointain horizon, celui-ci imposait son nom : ERETZ ISRAÊL ! » Enfin, peut-être son jeune âge l’a-t-il préservé de questions existentielles trop déstabilisantes. Il confesse s’être surtout concentré sur sa survie quotidienne. On retrouve ici une autre constante observée chez bon nombre de rescapés : une forme de dédoublement, une capacité à s’extraire de la réalité qui, toutefois, le temps venu du retour à la vie civile, sera pour beaucoup une difficulté supplémentaire sur le chemin de la réintégration.

Le retour à une vie normale… Jürgen a décidé qu’il se passerait en Israël. La voie choisie n’est pas la plus aisée. A la libération, la Palestine est encore sous mandat du Royaume Uni. Soucieux d’éviter les tensions avec les populations arabes, les Britanniques y limitent l’immigration juive. Jürgen doit donc d’abord patienter dans un camp de réfugiés dans des conditions indignes. 1948 sera l’année de sa véritable libération. L’indépendance d’Israël est proclamée : Jürgen rejoint un kibboutz.
Mais le rêve est aussi un exil : Jürgen doit s’adapter à une société qui, en réalité, lui est largement inconnue.
Jürgen se souvient et partage avec nous une vérité amère. Les survivants ont souvent été mal accueillis et peu considérés par les Juifs nés en Israël avant la guerre. Sur ce point, la parole de Jürgen m’a surpris : « accusés de s’être laissé mener à l’abattoir comme des moutons » les Yeckes (Juifs survivants originaires d’Allemagne) ont pâti de la comparaison avec les héros du soulèvement du ghetto de Varsovie. Leurs souffrances « s’imbriquaient mal dans le récit national israélien en construction ». Il faudra attendre le procès Eichmann pour que l’opinion publique israélienne se retourne complètement en leur faveur. Profondément perturbé par cette résurgence brutale du passé, Jürgen refusera d’ailleurs de témoigner au procès.

Jürgen n’a jamais regretté sa décision de vivre dans un kibboutz. Il lui semblait impossible de se reconstruire sur le sol européen où tant de sang juif avait été répandu. Pourtant, au fil de ses souvenirs, un discret désappointement est perceptible. Jürgen reste convaincu que l’idée initiale du kibboutz était fabuleuse mais se montre rétrospectivement critique quant à la forme d’aliénation que portait en lui ce collectivisme trop radical. Dans le même temps il déplore que les idéaux socialistes se soient évaporés : la société israélienne s’est engagée sur une autre voie. A la fin de sa vie, Jürgen s’avoue inquiet de l’avenir.

Le livre de Samuel HERZFELD est à la fois dense et poignant.
Il rappelle que ceux qui ont traversé la mort autant qu’ils l’ont été par elle ne s’en remettent jamais. Me reviennent en écho les paroles fortes et déchirantes de Charlotte Delbo : « Oublier est impossible de toute manière… Je ne suis pas vivante, je suis morte à Auschwitz et personne ne le voit. »


Samuel HERZFELD, Jürgen Löwenstein, Destin d’un enfant de Berlin, Editions JOURDAN, 2022, 14,90€.

Le livre sur le site des Editions JOURDAN


INCANDESCENCE de TATIANA GERKENS (Bleu d’Encre) / La lecture de PHILIPPE LEUCKX


Un premier livre de poésie et une totale réussite, brûlant à l’image du titre et à l’aune des thèmes puissants abordés par la poète : désir, jouissance, perte et adoration des corps.

On sent dans le poème une urgence à (se) dire, à « respirer « le baiser des barbaries », sa présence et sa perte.

Les images fulgurantes nomment les lieux des délits délicieux, énonce les « cris à jouir », la « prise de feu » des rencontres amoureuses:

« mordre l’humide

de toute sa jungle » (p.15)

« la saignée végétale

la houle des sens » (p.16)

Un lyrisme de feu traverse la poésie et fait trembler le corps, en dépit de tout, des absences, du manque vertigineux de l’autre. Les images sanglent une nature et débordent des lignes, ce côté barbare, nu, amoral, authentique des liens qui tissent les corps.

« Ecouter la respiration secrète/ des choses à l’envers du monde » (p.48) : la lecture sans doute de B. Noël et de M. Moreau a dû inspirer l’auteure de ces textes forts, déstabilisants et rebelles.


Tatiana GERKENS, Incandescence, Bleu d’encre, 2022, 64p., 12 euros; Couverture de Stéphane Lejeune.

Les Editions Bleu d’Encre

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2022 – FEUILLES D’AUTOMNE : POUR MÉMOIRE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Les deux textes que j’ai choisi pour la construction de cette chronique ne sont pas de cette année, ils sont plus anciens, mais j’ai tenu à les mettre en évidence dans l’une de mes Feuilles d’automne car ils nous rappellent les auteurs particulièrement brillants qui les ont écrits et illustrés en ce qui concerne Gérard SENDREY qui nous a quitté en janvier dernier. Pour de nombreux lecteurs, Ils sont ou ont été aussi des amis. Alors, en hommage à leur talent nous relirons ces textes encore et encore…


Momentanément absent

Olivier Terwagne

Editions Traverse


Dans ce recueil où alternent poésie en vers et poésie en prose, Olivier Terwagne joue avec les mots qu’ils convoquent, en des exercices d’allitérations, d’assonances, incluant de nombreux aphorismes et même quelques grains de surréalisme. Il cherche à les faire chanter, à les détourner, il aurait même tendance à en abuser même s’il aime à les câliner pour les rendre plus dociles. Ce texte ressemble ainsi un peu à un exercice de style dans lequel l’auteur évoque le temps : le temps qui s’efface trop vite, le temps passé qui devrait nourrir le temps présent déjà devenu le temps à venir.

« … le livre de ton corps / s’écrit / d’amour de ce que tu / es / en train d’éviter / de devenir / trop / tôt »

L’auteur voudrait ainsi revenir au temps de l’enfance pour mieux l’appréhender et en construire l’avenir.

« … « je dois partir, j’ai rendez-vous avec l’enfance. » « Vous n’avez pas besoin de moi : la fin du monde est reportée à une data ultérieure. »

Le temps n’est pas la seule dimension évoquée par l’auteur, il chante aussi ceux qui habitent la planète, notamment : les familles, les filles, celles des autres pas les siennes, celles qu’on aime, et tous ceux qui déambulent dans le mouvement permanent qui habite sa poésie. Il inclut dans ses vers le monde en mouvement : les mobilités quotidiennes à proximité ou occasionnelles et très lointaines. Mouvement des foules ou des individus dans les espaces publics, migrations des peuples en fuite devant tous les fléaux naturels ou sociaux, … Mais aussi la mobilité des mœurs dont les formes nouvelles percutent déjà les us et coutumes bien désuets rangé au rang des antiquités pas encore historiques.

Ce temps qui file entre les doigts, il faudrait pouvoir l’arrêter pour en tirer le meilleur et en nourrir le présent et l’avenir.

« Le passé, c’est inspirant / c’est aussi aspirant / un écho à nos chants / aux misères du présent »

Les nouvelles technologies ont débordé le temps, l’ont relégué au rang des quantités qui mesurent les profits régissant le monde nouveau. L’ennemi n’est peut-être plus le temps mais l’invention des hommes, la machine infernale ?

« Ce n’est pas nous qui désignons forcément l’ennemi, c’est parfois lui qui nous désigne à coups de hashtag …. Luttes des classes, des races, des sexes, des genres, des religions, des régimes alimentaires, des styles vestimentaires… »

Alors avant qu’aujourd’hui soit déjà demain, il faut, comme l’auteur l’a écrit : « habiter son corps, habiter l’espace, habiter le temps ».

Le livre sur le site des Editions Traverse


La soie des mots musique

Jean-Louis Massot / Gérard Sendrey

Editinter


Merci Jean-Louis de m’avoir adressé ce recueil édité depuis un longtemps déjà, en 2007, un recueil pour évoquer notre amitié avec Gérard Sendrey et l’impressionnant travail artistique qu’il a réalisé jusqu’à la fin de sa vie. Gérard est devenu un ami quand tu m’as proposé de lire et commenter son livre testamentaire, « Mon amour pour la vie en moi », dans lequel il évoque avec ferveur son inébranlable foi en la vie. J’ai beaucoup apprécié son propos, il a aimé le regard que j’ai porté sur son texte et, ainsi, nous sommes devenus amis. Chaque jour, jusqu’à ce que la maladie l’emporte, en ce début d’année, il m’a adressé un dessin, un vrai témoignage d’amitié et de complicité littéraire et artistique.

Tu as eu la riche idée de lui confier l’illustration de chacun des poèmes que tu as écrit pour constituer ce recueil, pour ce faire, il a utilisé un procédé qui lui était cher, chacun des dessins fut réalisé à deux mains, chacune équipée d’un marqueur, en agissant simultanément de façon synchronisée ou non selon l’image souhaitée. Cette technique de dessin comporte une part d’aléas qui peut laisser planer une certaine incertitude quant au résultat obtenu, ce qui peut rendre l’illustration encore plus suggestive. Adepte de l’art brut et du dessin automatique, il ne pouvait en être autrement avec lui.

Ces dessins se marient à merveille avec les textes que tu as rédigés pour évoquer la musique et les musiciens que tu as aimés, je ne les connais pas tous mais j’en ai noté certains noms et certaines œuvres qui m’ont particulièrement fait vibrer. A mon avis, il n’y a aucune fausse note dans ce recueil, pas plus dans les choix musicaux que dans les textes que tu as écrits avec beaucoup de sobriété et une grande finesse. Ces textes sont doux, parfois mélancoliques, souvent enthousiastes, dégageant empathie et irénisme.

Tu as choisi la musique que j’aime, celle que j’ai découverte, un peu trop tard, après qu’elle a déferlé sur les ondes européennes. Tes choix sont sûrs, tu aimes, comme moi, le blues, le jazz, le rock n’ roll et tout cet univers musical mais, comme il y a de la bonne musique partout, tu as pioché dans d’autres bacs : chansons, musique classique, …, pour donner des envies de ressortir des vieux vinyles et écouter la musique de nos vingt ans. Eh oui :

« Quelle idée stupide / que de vouloir écrire un / poème ou quelque chose / qui s’en rapprocherait / après / avoir passé la fin de la soirée / à écouter le Requiem de Gabriel Fauré » !

Ce recueil comporte tout ce dont on peut rêver pour passer un moment de bonheur seul ou avec des amis :

« Une journée à savourer un livre ; une soirée à laisser couler un vin qui chante ; un week-end partagé entre amis, sous un ciel qui … hésite à nous accompagner et qui s’amuse à nous laisser croire que nous pourrions être des étoiles filantes ».

Dans ces quelques mots, tout semble être dit,  alors, vite, remettons, un disque sur la platine pendant que le vin chambre, avant que les amis arrivent pour lire ensemble quelques poèmes de Jean-Louis Massot comme celui qui suit et que j’aime tout particulièrement. J’entends Billie Holliday se lamenter loin loin là-bas au paradis du blues,

« Sur la plage, / regardions l’océan. // Des heures // Ne cessait de gémir. // Un blues /// N’y pouvions rien. // Et rentrions. »

Le livre sur le site de la FNAC


À voir sur Youtube

Comprendre l’art brut et la création avec Gérard Sendrey – partie 1

Comprendre l’art bru et la création avec Gérard Sendrey – partie 2.


CAROLINE DÉSIR PRÉSENTE LE PREMIER CORPS D’ENSEIGNANTS VOLONTAIRES EN COMMUNAUTE FRANÇAISE


On connaît les difficultés des directeurs d’établissement pour s’approvisionner en enseignants tout au long de l’année scolaire.

Le service d’Etudes et de Réflexion dépendant du ministère de l’Education de la Communauté française, réputé dans le monde éducatif international, a une fois de plus innové en créant le concept d’enseignant volontaire qui sera opérationnel dès le 1er novembre 2022.

Comme le pompier volontaire, ou le policier volontaire, appelés pour prêter main forte contre un incendie ou un citoyen lambda franchissant une ligne blanche continue, l’enseignant volontaire, par ailleurs ministre de l’emploi, apprenti boucher, boulanger en proie à des difficulté de paiement de sa facture d’énergie, ingénieur de ponts et chaussées, fabricant de pellets…, pourra être appelé en cas de carence éducative auprès d’un des nombreux opérateurs de formation des régions concernées.

Il sera disponible à toute heure du jour, de 8 h du matin à 21 h du soir, car il pourra aussi intervenir dans cette spécificité francophone belge que sont les cours de promotion sociale et, il va sans dire, dans toutes les matières figurant dans l’ensemble des programmes éducatifs de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Les syndicats d’enseignants ont bien sûr applaudi à l’unanimité cette mesure qui contribuera largement à un système d’enseignement d’excellence et concurrentiel sur le marché européen. Ils ont rappelé leur soutien à Caroline Désir et au parti progressiste qu’elle incarne si bien.


DOUZE CHRONIQUES TOUTES FAITES EN TROIS LIGNES et même moins


1.

Un récit pas moins brillant (ni plus terne) que les précédents de cet auteur qui sait si bien parler de sa vie en faisant croire qu’il a réinventé le roman !

2.

Un nouveau recueil (le quatorzième cette semaine) de ce poète tranchant comme un croissant de plume qui sait où couper ses phrases comètes pour qu’elles ressemblent à des vers lunaires !

3.

La biographie apocryphe d’un obscur prix Nobel de littérature qui écrivait des apophtegmes grand public pour plastronner sur les réseaux sociaux !

4.

Un recueil d’aphorismes au verbe libre mais avec (pas moins d’)un jeu de mots par lettre et dix lipogrammes par syntagme nominal !

5.

La première chronique littéraire réussie de ce primo-romancier qu’il a publiée à compte d’auteur pour la faire figurer dans sa chiche bibliographie et se faire ainsi passer pour critique.

6.

La nouvelle pièce sans conviction de ce poète devenu auteur de théâtre après avoir dramatisé son premier alexandrin à succès, précédé d’un avant-propos de sa plume où il rapporte comment il a viré de genre littéraire tout en devenant préfacier !

7.

Un roman miroir tout tacheté dans lequel l’auteur se voit bien en écrivain dalmatien !

8.

Une nouvelle tirée du premier chapitre d’un roman méchamment charcuté et qui s’achève en queue de boudin (mon boucher qui a écrit un traité poétique sur les rognons prétend que c’est l’inverse) !

9.
Un pamphlet manuscrit qui fait la nique aux autopubliés & aux gallimardés, aux capitalistes & aux Gilets jaunes, aux chaveziens & aux maoïstes, à la vaseline & aux vaccinés, aux usagers des réseaux sociaux & aux utilisateurs de télécopieurs, aux Beatles & aux Insus, et qui pour l’instant (avis aux éditeurs amateurs) n’a pas encore trouvé d’éditeur indépendant !

10.
Le premier recueil de poésie noire oulipienne dans lequel tous les caractères sont en blanc (façon Opalka) et où il faut deviner entre les lignes quel crime contre la littérature a été commis (alors que ça saute aux yeux).

11.
Un carnet de notes de bas de gamme hors de portée du commun des lecteurs même s’il a un frère musicien (dans la fanfare du roman wellness) ou une sœur à l’orteil musical (dans la bouche édentée d’un vernisseur d’ongles de pied tatoué) !

12.

Un recueil de contes si fins qu’on voit à travers les squelettes de la fée anémique et de l’ogre mort de faim !