2022 – FEUILLES D’AUTOMNE : LA FÊTE DU HAÏKU / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

La poésie courte d’inspiration asiatique semble trouver un nouvel écho dans le monde littéraire et, ainsi, j’ai eu le plaisir de lire récemment deux recueils consacrés à ce genre poétique : un recueil de Véronique DE LABOULAYE publié chez BLEU d’ENCRE et un autre pour lequel Iocasta HUPPEN a réuni autour d’elle quatre autres haïjins (auteurs de haïkus). Ces poésies très minimalistes pourraient paraître simplistes mais elles sont en fait d’une grande finesse, elles évoquent en quelques mots seulement une scène, un paysage, une histoire, une sensation, une émotion, … Il faut posséder une très grande maitrise de langage et bien connaître les codes du genre pour écrire de jolis haïkus très expressifs.


Haïkus bleus et verts

Véronique de Laboulaye

Bleu d’Encre


Avant de me lancer dans la lecture de ce recueil de haïkus, j’ai relu la chronique que j’avais rédigée après avoir lu l’ouvrage que Iocasta Huppen a consacré à la poésie brève japonaise, « Poésie brève d’influence japonaise », édité à L’Harmattan. Iocasta est une haïjin de talent, roumaine d’origine, elle vit en Belgique, j’ai eu la chance et le plaisir de lire plusieurs de ses recueils et ainsi de me familiariser un peu avec ce type de poésie. C’est donc avec une certaine impatience, une véritable envie de découvrir ce recueil, que j’ai abordé sa lecture. J’y ai trouvé de très jolis haïkus qui appartiennent à la famille des haïkus écrits sur trois lignes et qui doivent respecter des règles très précises que j’ai, hélas, oubliées.

Avant d’écrire des haïkus, Iocasta invite les auteurs à  « … garder à l’esprit l’idée que cette écriture se fait en employant un langage simple et des mots simples. La simplicité a un pouvoir universel, celui de s’adresser directement à l’esprit ». J’ai trouvé que Véronique respectait très bien ce principe de simplicité qui est à l’origine de l’élégance de cette forme poétique, de sa douceur, de sa poésie,  de la sérénité qu’elle dégage, des images qu’elle forme avec quelques mots seulement. J’ai été immédiatement emballé, dès la lecture du haïku qui introduit le recueil :

« Dieu créa la femme / puis donna vie à l’homme / pour qu’ils puissent jouer // Mais l’homme pleura tant / de n’être pas né le premier / que Dieu prit pitié // Il fit croire à l’homme / qu’il avait été créé / premier des humains ».

La forme courte est toujours très efficace, je n’ai peut-être jamais lu un aussi joli et convainquant texte féministe !

Dans ce recueil, Véronique évoque surtout la nature et ceux qui la peuplent qu’ils appartiennent au monde végétal ou au royaume animal :

« Ajoncs mimosas / Tiges de saules osier / janvier jaune dans l’île »,

« Venu à la nage / un sanglier est dans l’île / la légende commence »,

« Un merle dans l’arbre /attend-il le merle blanc / d’Alfred de Musset ? ».

Mais elle s’autorise aussi quelques petites excursions, à Venise notamment où elle a trouvé une belle matière pour nourrir son œuvre :

« Sur la pointe des pieds / je longe le Grand canal / crainte de submersion ».

Ou encore au bord de la mer :

« Porté par les vagues /et divaguant dans les algues / un rêve vagabonde ».

Véronique nous a convaincus, une fois de plus, que la forme courte est une des plus belles expressions littéraires et que sa concentration exprime les plus jolis sucs de la langue qu’elle utilise. J’ai choisi de conclure sur cette strophe qui m’a parue pleine de douceur et de poésie :

« Alcôve marine / flux et reflux de fleurs blanches / adieux à l’amie ».

Bleu d’encre sur le site des Editeurs Singuliers

La page Facebook de Véronique de Laboulaye


Le haïku à 5 voix

Sous la direction de Iocasta Huppen

Editions unicité

Pour écrire ce recueil, Iocasta, haïjin de talent, a regroupé autour d’elle quatre autres auteurs qu’elle connait bien : Jean Antonini (Lyon), Marie Derley (Belgique), Damien Gabriels (Métropole lilloise), Serge Tomé (Belgique). Ils ont développé une réelle connivence entre eux en participant avec la même vision et le même esprit à la promotion et au développement de la poésie d’influence japonaise en Belgique et en France depuis de nombreuses années.

Pour réaliser ce recueil, elle leur a fixé un « cahier des charges » assez précis : les haïkus, tercets et senryus proposés doivent respecter le thème des quatre saisons, ils doivent être complétés par un poème d’inspiration libre, chaque auteur doit fournir cinq textes pour la thématique imposée et cinq autres pour la thématique libre. Malgré la rigueur de la composition, chacun a conservé sa liberté de ton : l’humour, la dimension intellectuelle, l’esprit social, une inspiration plus poétique, … Ainsi, chacun a fourni des poèmes de trois vers, je ne suis pas suffisamment versé, malgré les efforts accomplis par Iocasta, pour déterminer qui a écrit des haïkus, qui a écrit des tercets, qui a écrits des senryus mais tous les poèmes publiés comportent trois vers. Ils sont encadrés par un magnifique dessin de Jean-Louis Gabriel reproduit à la fin de la production de chaque auteur, toujours sur le même thème mais avec chaque fois une variation dans la couleur et dans les motifs secondaires.

Pour vous donner un aperçu de ce recueil, j’ai choisi, au hasard, un poème de chacun des cinq haïjins dans le thème libre qu’il a exploré :

Jean Antonini : « au sol de la chambre / une plume – je ne me souviens pas / de mes rêves »,

Marie Derley : « retour de chez lui / à l’aller je pédalais / avec le vent »,

Damien Gabriels : « sortie de reprise – / le col hors catégorie / du pont de l’autoroute »,

Iocasta Huppen : « lumière des bougies / pour mieux saisir l’étincelle / au fond de tes yeux »,

Serge Tomé : « fin de manif – / les syndicalistes sont unis / pour pisser au mur ».

Et, à chaque fois, je suis épaté de voir avec quel talent les haïjins savent avec quelques mots bien rangés suggérer une histoire bien réelle. Ils sont les artistes de la forme littéraire ultra courte.

Le recueil sur le site des Editions Unicité

Le site de Iocasta Huppen


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