L’ARTICLE de Georges A. BERTRAND consacré à CHRISTIAN DOTREMONT (Lamiroy) / La lecture de Gaëtan FAUCER


Comme le relève très justement l’éditeur (Maxime Lamiroy) dans sa préface, on en apprend beaucoup sur le personnage Christian Dotremont. 

Merci à Georges A. Bertrand, l’auteur du présent Article de mettre en lumière un artiste, hélas, trop peu connu du grand public.

Outre le mouvement artistique Co.Br.A. (comprenez, Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, créé entre 1948 et 1951), le lecteur est transporté jusqu’en Laponie !

Un bel univers qui suscite la curiosité pour en apprendre davantage. Un livre intéressant qui part à la découverte d’un peintre/poète singulier et de ses fameux Logogrammes.


Christian Dotremont , à perte de souffle

L’article de Georges A. Bertrand

Editorial : Maxime Lamiroy

Illustrations : Hugues Hausman

Logogramme présent dans le livre : Christian Dotremont 

Parution le 1 décembre 2022

Prix : 4€ en version papier / 2€ en version numérique

L’ARTICLE DE Georges A. BERTRAND sur le site de vente en ligne des Editions LAMIROY, avec l’Editorial de Maxime LAMIROY

LISEZ-VOUS LE BELGE ? dans LES RENCONTRES LITTÉRAIRES de RADIO AIR LIBRE

Le 14 novembre 2022, entre 18h et 20h, Les rencontres littéraires de Radio Air libre ont organisé une émission spéciale Lisez-vous le belge ?

Voici le lien vers l’enregistrement :

Durant près de deux heures, au micro de Guy Stuckens, les chroniqueurs littéraires Jean-Pierre Legrand (Les Belles Phrases, Que faire ?) et Philippe Remy-Wilkin (Le Carnet et les Instants, Les Belles Phrases, Que faire ?) ont présenté l’opération puis évoqué 4 livres qui y participaient (autres contenus : intermèdes musicaux et page de littérature africaine d’Abel, alias Homban Puzulu).

On peut trouver des analyses plus détaillées des 4 livres évoqués durant l’émission mais d’autres encore (celles du chroniqueur Éric Allard) sur le site des Belles Phrases :

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/category/lisez-vous-le-belge/

Pour en savoir davantage sur Les rencontres littéraires de Radio Air Libre (87.7MHZ) :


La campagne de cette troisième édition de Lisez-vous le belge ? court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation). Ses objectifs :

« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».

LISEZ-VOUS LE BELGE ? UN TEMPS IMMOBILE de JEAN-LUC OUTERS (Le Taillis Pré) par ÉRIC ALLARD

Les Belles Phrases participent, pour la deuxième année consécutive, à l’opération Lisez-vous le belge ?

En connexion, cette fois, avec l’émission littéraire de Guy Stuckens Les rencontres littéraires de Radio Air libre.

La campagne de cette troisième édition court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation).

Rappel des objectifs de l’opération :

« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».


UN TEMPS IMMOBILE de JEAN-LUC OUTERS, Gravures de SIMON OUTERS (Le Taillis Pré)

Une question et sa réponse

« Dans dix ou vingt ans, que retiendrons-nous de ces deux mois cloîtrés dans nos maisons ou nos appartements ? », se demande Jean-Luc Outers dans cet ouvrage paru au Taillis Pré en avril dernier qui nous dit que nous avons été des millions, pour le moins, à vivre en Belgique, certainement, mais aussi dans nombre de pays du globe en mars-avril 2020, sous le coup de la sidération provoquée par l’ampleur et la gravité d’une pandémie inédite, puis, avec quelques variations et épisodes divers, des vagues et des éclaircies, durant les quelques deux années qui ont suivi.

A cette question, Jean-Luc Outers répond comme suit : « Sans doute, le côté inimaginable de la situation. Qui aurait pu penser qu’on allait en arriver là, à devoir renoncer à tout ce qui faisait notre quotidien et qui, telle une évidence, semblait aller de soi […] ». S’ensuivent tout ce qu’on faisait, contraint par le Covid, et tout ce qu’on refait, il faut le dire, depuis que la menace de la pandémie s’est éloignée grâce aux vaccins, n’en déplaise aux Antivax.
Ce livre constitué de textes écrits au jour le jour détaille à la façon d’un ethnologue (Outers cite d’ailleurs Claude Lévi-Strauss à propos d’un de ses ouvrages, La voie des masques) les pratiques du temps du confinement duquel, à la façon d’un ou l’autre Je me souviens perecquien/brainardien ce qu’on a presque oublié qui revient à la mémoire à la façon d’une madeleine de Proust.

Us et coutumes par temps de pandémie

Ce livre constitue une formidable recension de ce qu’est devenue notre vie entre mars 2020 et la parution de ce livre. Alors que chacun était assigné à résidence, sans contact direct avec autrui, pas même avec les membres de sa famille vivant sous un autre toit, nos existences se sont uniformisées comme jamais.

Le livre part d’une observation personnelle de l’auteur qui, dans le silence propre aux premiers temps du confinement, « délivré du tintamarre des voitures, du grondement des avions, du sifflement des trains, du crépitement des marteaux-piqueurs », perçoit le son de l’univers, sans qu’aucun mot tiré du lexique du bruit, ne parvienne bien à le définir.

« Car derrière ce silence, il y a, surgissant des confins, un bruit, comme une rumeur, celle de la terre qui nous parle. »

Comme si la terre profitait de ce silence propitiatoire pour se rappeler à notre attention, nous éveiller aux dangers qui la guettent.

« On avait sans y penser saccagé ses forêts, mutilé ses animaux, abîmé ses champs, pollué ses rivières et ses mers. »  

« La terre réinvente la mémoire nous pressant de nous rappeler ce que nous n’avons pas connu. »

L’écrivain confiné profite de la situation pour s’interroger sur la permanence et la résistance de la beauté face au désastre, sur sa résilience, pourrait-on dire. Il observe que si le virus ignore les frontières, se propageant vite et partout, il nous contraint à « l’immobilité du rester chez soi »  et à modifier en conséquence notre emploi du temps, à tourner en rond.

De même que notre corps est alors limité dans ses mouvements, « le présent se dilate », « les jours s’écoulent pareils ». On ne distingue plus les jours de la semaine ni ceux-ci du week-end.

« Le futur, c’est-à-dire l’avenir, n’est plus associé à des projets de rencontres, de travail et de vacances. […] L’avenir se confond désormais avec la suspension du temps. » Ce qui le conduit à formuler, adapté aux circonstances, le concept de « temps immobile ». SI le doute et l’incertitude priment quant à ce que sera le lendemain, même non exprimé, l’espoir de sortir de cette situation demeure solide et permet de tenir : « Nous vivons accrochés à l’espoir des jours meilleurs. »
Dans des sections de trois ou quatre pages, il nous est rappelé aujourd’hui, à l’heure où on lit ces lignes, ce que nous avons vécu au moment où Outers le notait journellement, avec justesse et opportunément : le port obligatoire du masque et la « guerre des masques », les nombres hallucinants de morts, les règles de distanciation, les gestes barrières, le surgissement sur la scène publique des scientifiques, experts et praticiens, ainsi que le bannissement des métiers de la scène et des activités artistiques, la pratique du yoga comme remède à l’angoisse et moyen d’ « écouter son corps », les aides de l’État, les consultations ou réunions par écran interposé, la notion de pic – qui ne relevait désormais plus du seul domaine de l’alpinisme (et l’occasion pour l’auteur de citer un livre de De Luca, Sur la trace de Nives) – et qu’il s’agissait moins d’atteindre que de vite dépasser, ou, à défaut, de stationner sur un plateau. Nouveau vocabulaire, nouveau mode de vie. Avant bientôt le dépistage, le traçage et la géolocalisation qui suscitent des questionnements à propos de « la liberté individuelle et de la vie privée ».  

Outers observe aussi ce qu’est devenue la politique à la faveur de la crise sanitaire, et ce qu’elle a révélé de peu glorieux et d’inquiétant sur les gouvernants et leur mode de gouverner désormais.

Avec l’obligation de garder ses distances, l’auteur observe que le « toucher érigé en interdit » mettait l’accent sur ce sens qu’on avait un peu oublié, jugé moins important que les autres : vue, ouïe, goût, odorat, ces deux derniers ayant par ailleurs été mis à mal par le Coronavirus.

À la faveur du premier déconfinement, on aperçoit à différents signes « une lumière tremblante au bout du tunnel » : la réouverture des magasins de fleurs mais aussi des garages et magasins de bricolage. De même qu’on pouvait se montrer à l’écoute de l’univers, il était possible d’assister au renouveau de la nature, voir pousser des fleurs de ballast, au Japon ou en Inde, entendre gazouiller toutes sortes d’oiseaux… Si l’Homme payait son tribut au virus, fruit, si l’on peut dire, du mauvais traitement qu’il a fait subir à la terre, la flore et la faune ne cessaient de jouir de la mise à l’arrêt des activités proprement humaines.

Mais encore…

Les textes formant ce livre furent « lus quotidiennement à Paris grâce à Textes et voix » par des comédiennes et comédiens avec un accompagnement musical au violoncelle.

Les trois-quarts des textes concernent la période de mars-avril 2020.

La dernière partie porte sur la deuxième vague et le deuxième confinement de la rentrée 2020 quand l’espoir estival est mis à bas et que les courbes des décès repartent à la hausse. « L’heure est au ressentiment. Il n’y pas de malheur sans bouc émissaire », note Jean-Luc Outers. On cherche des responsables à ce retour de flammes du feu viral dans la population : on accuse les restaurateurs et les cafetiers, les cinémas, les jeunes, les voyageurs, les lieux de prière… Le désespoir pointe son nez : « La vie se résume à la peur de la perdre. »

Puis, en mars 2021, le vaccin est découvert mais la vaccination n’est pas encore à l’ordre du jour alors qu’on redoute une troisième vague et un scénario déjà éprouvé refait surface avant quelques mesures d’assouplissement… et l’arrivée d’un nouveau mot, variant, porteur de nouvelles menaces et pertes de contrôle des autorités. On est en janvier 2022.

Mais le pire, la fin de la pandémie se profilant, c’est, observe justement Outers, « un niveau de défiance jamais atteint envers les institutions et les gouvernants dont l’inusable pragmatisme est impuissant face à l’onde de choc qui désagrège des pans entiers de la société ».

Après le fol espoir du premier confinement et la joyeuse euphorie du premier déconfinement, qui plus est aujourd’hui, depuis la parution du livre, la pandémie maîtrisée, mais avec la survenue aux portes de l’Europe d’une guerre qu’on n’avait jamais imaginée « quelque chose s’est perdu  sans que l’on sache exactement quoi sinon cette confiance dans un monde maîtrisable et prévisible ».

« Il ne s’agirait pas de faire le deuil de quelque chose qui ressemblerait à notre mode de vie  mais plutôt d’un avenir  qui, il y a deux ans, encore nous ouvrait grand les bras. »

Et Jean-Luc Outers de conclure, justement, ce Journal du temps de la pandémie qui, partant d’une suite d’observations très fines, a permis, durant une période pénible, de tirer des leçons de sagesse et se révèle au final un manuel de savoir-vivre à l’usage des populations à venir :

« A présent le temps semble figé dans une immobilité qui fait fi des projets et des grands desseins. »

Eric ALLARD


En savoir plus sur l’auteur

« Après des études de droit à l’Université de Louvain, Jean-Luc Outers entre dans le service public. Il publie son premier roman, L’ordre du jour, en 1987 aux éditions Gallimard. Il devient en 1990 Conseiller littéraire, responsable du Service des Lettres et du Livre au Ministère de la Culture de la Communauté Française, fonction qu’il a quittée en 2012 pour se consacrer à l’écriture. À ce titre, il était aussi éditeur de la revue « Le carnet et les instants », un bimestriel (aujourd’hui un trimestriel papier complété par une revue en ligne aux recensions et articles quotidiens, une référence absolue en FWB ) consacré à la promotion et à la diffusion des lettres belges de langue française. En 1992, il a obtenu le prix Victor Rossel pour Corps de métier, en 1995, le prix AT&T pour La Place du mort, et en 2008 le prix Victor Rossel des jeunes pour Le Voyage de Luca.

Depuis 2012, il fait partie du comité de lecture de la collection de livre de poche consacrée à la littérature belge francophone Espace Nord. En 2013, il a été élu membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. En 2016, il publie des lettres de refus de d’Henri Michaux sous le titre Donc c’est non (Gallimard). » 

(Source : Wikipedia)

En savoir plus sur la maison d’édition Le Taillis Pré

« Les éditions Le Taillis Pré, fondées en 1984 par le poète Yves Namur, ont d’emblée affiché une politique éditoriale résolument tournée vers les auteurs du monde entier.

Ainsi peut-on trouver au catalogue des poètes comme Roberto Juarroz, Antonio Ramos Rosa, Salah Stétié, Israël Eliraz, Nuno Judice ou E. E. Cummings pour n’en citer que quelques-uns. Une douzaine de titres paraissent ainsi chaque année au rang desquels figurent également les meilleurs poètes de Belgique : Gaspard Hons, Jacques Izoard, Fernand Verhesen, Michel Lambiotte, André Miguel, Eric Brogniet, Liliane Wouters, Philippe Jones, etc.
La collection « Ha » présente quant à elle un panorama des poètes belges dont les œuvres sont importantes mais peu connues, voire introuvables. On y découvre ainsi les noms de Françoise Delcarte, Ernest Delève, Frans Moreau, Pierre Della Faille, Jean Dypréau et Robert Guiette. Cette collection publie généralement l’œuvre complète du poète dont il est question.
Le Taillis Pré entend donner voix aux mots du poète Yves Bonnefoy : « La poésie moderne est loin de ses demeures possibles. » C’est là sa raison d’être. »

(source : Les Editeurs singuliers)

Lien vers la vidéo de présentation du Taillis Pré par Yves Namur qui précise qu’il s’agit principalement d’une maison d’édition de poésie comptant quelque deux cent soixante livres à son catalogue. Il parle de la collection des Inclassables, de la collection Ha, et des anthologies qui ont été publiées. Il ajoute que, depuis une dizaine d’années, Le Taillis Pré édite Le Journal des Poètes.

LIT SOLAIRE et AUTRES POÈMES de BARBARA AUZOU


J’ai 53 ans. Je vis en Normandie où j’enseigne les lettres depuis 29 ans.

Si je n’ose publier mes poèmes que depuis 2017, je peux dire que j’écris depuis toujours et c’est davantage une manière de vivre qu’une activité. En tout cas je ne conçois pas l’écriture poétique comme telle. Si j’ai pour habitude de dire que l’inspiration n’existe pas c’est que je ne connais pas l’attitude qui consiste à chercher le quoi dire et le comment.

J’écris beaucoup, plusieurs heures par jour, y compris lorsque j’enseigne, partout, toute la journée, sur un coin de table ou sur un coin de bureau et toujours dans un cahier à spirales- et cette nécessité de dire est une façon d’être et de vivre, ce qui n’exclue pas un vrai travail du poème par la suite bien évidemment. Je ne connais pas d’affres d’écriture. Je la vis comme un plaisir quasi-musculaire et je ne suis jamais mieux que lorsque j’écris beaucoup, que ma journée est dédiée à cela.

On aura remarqué que l’amour est mon thème de prédilection. Ce n’est pas la traduction d’un bonheur candide ou béat-je ne m’interdis d’ailleurs pas d’autres thèmes plus sociaux voire politiques- mais plutôt la conviction que l’on n’écrit au fond jamais autre chose.

J’ai la métaphore facile et c’est heureux. Faire naître des images belles et insolites me semble être la mission de la poésie et j’ai du mal avec la tendance actuelle qui consiste à écrire dans un langage de tous les jours dénué de toute image. Je ne ponctue pas mes poèmes laissant le soin aux lecteurs de trouver leur propre respiration et beaucoup de recensions ont dit de mon écriture qu’elle était exigeante envers le lecteur. Je crois qu’il faut être exigeant. Pour soi. Pour la vie. Pour la salubrité du monde.

Le blog que je tiens chaque jour s’est révélé être une véritable rampe de lancement pour mes publications en recueils mais aussi le lieu de magnifiques rencontres. Je publie désormais dans de nombreuses revues poétiques et d’autres projets de recueils sont en cours dont une suite de L’envolée mandarine en association avec Francine Hamelin.


Lit solaire

en balance dans la saison de tes mains

je mesure enfin le tremblant de nos luttes

celui de nos victoires

et la place de l’accueil comblée enfin

c’est comme si l’insupportable douceur

savait depuis toujours où établir

sa belle élégance

où dresser son lit solaire

et ce peu de givre dans les sapins

répète à l’envi ce matin

mes baisers à fleur d’eau sur ton front

exclusif

j’épouse les dimensions du simple

elles ont la noblesse d’un chat furtif

l’éclat d’or d’un au-delà sauvage dans les feuilles

regarde-moi

je suis aujourd’hui assez nue pour voir au travers


Terre fumée

par le sommeil je te devine encore

t’essayer à la peau douce du temps

au poids juste et idéal de l’âme

et je reviens te donner l’eau

chauffer le chant dans la gorge de l’oiseau

d’une joie sans pareille

d’une élégance qui sait se taire

et fleurir d’aubes à l’abri des circonstances

l’instant nu peut se lever

sur cette terre fumée de récompense

nous voici à niveau

les ailes trop pures pour nous déguiser plus loin

nous prenons de plein fouet la couleur qui danse

avec tous ses soleils

nous prenons ensemble les mêmes chemins

et l’écorce la plus proche est une main de chair

posée au coeur d’une grande nuit imperméable


Un soleil posé sur sa source

j’emmène un souvenir en appui

le paysage pacifié d’un rêve

et c’est un soleil posé sur sa source

qui posséderait son équivalent de silence

une impatience tout entière contenue dans les bras

longs de la patience

je file ma ronde et me fraie un passage de choix

dans la vie provisoire

ma main peut jouer ravie avec son lendemain

en éprouver doucement le poids

je place au répertoire des hautes images le bois

de rose de nos sourires

quand il est si près des mousses encore

et du simple argument de douceur

qu’il signe la page bleue des saisons

d’une belle entropie berceuse


Soixante-dixième lettre pour toi

je redoute plus que jamais le lundi obèse de son bruit

je t’écris

comme on lance une plainte

et j’aimerais pouvoir fuir les longues théories des gens pressés

la maison toute blessée de leur fenêtre inquiète et bavarde où se cogne un oiseau sec

il faut tant de temps pour prendre l’empreinte d’un visage

son buisson de jubilation

son balancement secret

le secret de la fleur dans son sourire sans en dérober son vol

ton visage est un enfant-dieu qui joue obstinément contre un siècle de démesure sur une peau conforme

j’en caresse le coulé minéral qui va des commissures à la phrase courbée et un peu folle que suscite l’or du vivant

et je m’en fais un manteau de signes moi qui ne crois en rien sinon en un printemps idéal

il fallait que tu fusses terre d’amour et écho de mes propres pas pour que j’arrache avec toi autant de chants à la paume des prémonitions

et quand la grâce ne sait plus où tomber je couche ta présence caressée sur les genoux du temps

elle reprend un instant la chanson de l’eau qui s’en retourne au bois et les mousses se plissent pour saluer la beauté en son endroit


Les yeux fous de l’étendue

je laisserai le miel

adoucir l’aplomb du temps

glisser sa pluie aphone et drue dans ta bouche-abeille

jusqu’au solaire de nos mots

jusqu’au blé apprivoisé à la meule d’un monde incertain

jusqu’à ton sein sûr comme une pomme

je suis en route fragile et forte vers le seul tumulte

des moissons

je viens recolorer l’incarnat léger des merveilles

celui des saisons

ta main vivante dans ma main attendrie te prolonge

te berce doucement de chants lointains

soudain levés sur le grain du songe

et les yeux fous de l’étendue


Le plus court chemin

l’arbre hospitalier

me laisse ce matin des fagots d’étoiles

et je rêve à des choses profondes

tandis que s’essaie au loin

la première aventure de l’aube

comme une anticipation d’amour

il est des espaces où l’on peut s’étendre

avec ce délié opiniâtre qui n’appartient qu’à soi

quand tout autour semble tracé au cordeau

il est des relents de rondes aux flancs conciliants

qui doucement se déplacent d’un temps vide

à un temps plein

je reprends mon chemin rassurée de soleil

et c’est un ancrage dans le mouvement

où je me déchagrine

tu as souri et pourtant

tu dors encore dans le rêve pur d’un oiseau

dans la corbeille de mes mains que tu devines


Epure

je ne peux te voir

qu’à travers une épure

débarrassée de la durée

un cérémonial qui reprend partout

sa nécessaire importance et l’insensée

recherche du signe suivant

et je prends soin de son tendre chargement

j’assemble des morceaux de royauté

et puis d’enfance

je recompte les oiseaux qui ouvrent tes paupières

te rince de pairies au pouls puissant

je te tiendrai loin de tout ce qui peut effrayer

la vie

avec des mots qui ne seront jamais des mots

mais un corps entier d’écriture

à la tendre salinité

et au regard toujours surpris

où tu pourras enfin dormir d’aimer


Les rameaux roses de la perspective

laisse encore dans mes cheveux

ta main entière

et tes yeux sans rhétorique sur mon rêve chaud

l’air ce matin est transparent de certitudes

beau comme un bal champêtre

un soleil poussé dans le dos

la terre a les yeux grand ouverts

et le ciel ému à bleu tremble

entre les rameaux roses de la perspective

je te rejoindrai partout où l’on froisse

les rires entre deux silences

et dans tous les nids méticuleux

dans la tendre crédulité du vert

qui prend des poses et danse devant l’hiver

je te rejoindrai pour ce qui veut vivre

malgré tout ce qui est blessé

dans le cri des oiseaux de novembre


L’ampleur des pistes

prends ma main et viens avec moi

t’asseoir dans les yeux de l’instant

regardons danser celles qui consentent

à s’étonner d’être là

dans l’ampleur des pistes

et dans le désordre des pierres à feu

dis-moi encore le banc

dans l’étendue tremblante de l’entre-saison

qui descend voir la rose du sang

au plus profond

dis-moi aussi des corps le tendre abandon

les plumes du soleil tout autour

comment les arbres ces grands lecteurs du vent

feront la toilette du rire sans raison

quand l’attente aura pris fin

rien ne ment si longtemps

sans susciter le chant l’alouette et puis l’amour


L’ouvert et l’aveugle

dans la dérision des vents

sur l’étendue pierreuse

sur les années aveugles cernées de symboles

que l’on n’avait pas su voir

on agite parfois son grand corps de silence

tu sais celui qui voudrait la mer

sans jamais avoir touché l’eau

et vieillir longtemps en enfance

pris dans les plis et le tremblé du temps

qu’on félicite et qu’on met dans un vase faute de mieux

je me continue sans référence

j’observe doucement la montée de la lumière

comme au premier séjour

et mes mains très petites tentent partout

de te retenir dans l’ouvert

ma voix de balise me coule par les yeux

rien n’aura raison de l’amande du rêve

de l’essaim sur la peau

qui contient et dépasse l’existence

et l’air tousse en gerbes d’auréoles

des nuées récurrentes d’oiseaux


Douceur dont je t’avise

pas à pas je te construirai un jour d’exception

ça finira bien par prendre chair

j’ai une lumière primitive dans les yeux

qui redresse la marge d’erreur

sur l’épi dansé du silence

et prend tout au rire du plus grand sérieux

j’ai mendié des ailes

pour ne pas annuler l’oiseau de nos traces

niché dans l’arbre de bonne volonté

j’ai mis l’échelle sur mes mots

laissé le chant au pied de l’enfance

quitté ma robe pour tes doigts de vin doux

rendu mon âme à ses besognes de pain

ma bouche à l’étoile gonflée des lendemains

la peau sans fin et la douceur dont je t’avise

suffiront bien à adoucir le feu du monde

et le terrible hiver

plus personne ne rêvera à notre place

je n’aurai plus à imaginer comment tu dors

sans moi


LIRE, DIT-ELLE, le riche site de BARBARA AUZOU en textes personnels et d’autrui

L’ENVOLÉE MANDARINE, le dernier ouvrage de Barbara AUZOU à partir de sculptures de Francine HAMELIN (avec une préface de Jeanne CHAMPEL GRENIER) aux Editions 5 SENS


LISEZ-VOUS LE BELGE ? BELGIQUES de GRÉGOIRE POLET (Ker Editions) par ÉRIC ALLARD

Les Belles Phrases participent, pour la deuxième année consécutive, à l’opération Lisez-vous le belge ?

En connexion, cette fois, avec l’émission littéraire de Guy Stuckens Les rencontres littéraires de Radio Air libre.

La campagne de cette troisième édition court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation).

Rappel des objectifs de l’opération :

« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».


Grégoire POLET, BELGIQUES, KER Editions

Défense du genre court

La collection Belgiques, dont il a été plus d’une fois question ici avec Philippe Remy-Wilkin et Jean Pierre-Legrand, propose chez Ker Editions quatre nouveaux titres chaque année. Parmi ceux-ci, celui de Grégoire Polet, qui a sorti conjointement un Petit éloge de la Belgique dans la collection Folio/Gallimard, offre101 micronouvelles d’une demi-page à cinq pages, qu’il inscrit tout en s’en démarquant dans la lignée des microfictions de Régis Jauffret et des miniatures de Dostoïevski. Il donne le titre générique de détails à ces nouvelles singulières qu’il a écrites principalement dans les cafés, bars, brasseries… « en excursion volontaire ou involontaire, d’Ostende à Beaumont […] où le ferment bruxellois prédomine ». L’Ardoise finale, constituant le 101ème texte, dresse l’inventaire de tous les lieux visités, avec une phrase de présentation pour chaque endroit.

« La miniature, écrit-il, n’est pas seulement un exercice et une hygiène, un soulevé de terre bref et intense, un shot d’endorphines, un échauffement matinal aux travaux romanesques, un laboratoire. C’est surtout, comme toute improvisation, le fruit de toutes les écritures passées. »

En épigraphe de ce recueil de détails, une citation d’Alfred Polgar, l’écrivain autrichien : « La vie est trop brève pour la forme littéraire longue […] ; la vie fermente et se décompose trop rapidement pour pouvoir la conserver indéfiniment dans des livres longs. »

Détails pèlemêle

Le premier détail au sens pictural, qui va porter l’action et engager le lecteur à approcher le réel autrement, dans la nouvelle intitulée Lapsus, est celui que fait une cliente qui s’adresse au serveur en lui demandant « L’addition, si je vous plais », lapsus qui ne tirera pas à conséquence. Plus d’une « histoire d’amour » du recueil ne se résout pas favorablement ; coups de foudre manqués, non suivis d’éclairs de reconnaissance, manœuvres d’approches non suivies d’attouchements. À propos de l’idylle, contenue, entre Verhaeren et madame Van Rijsselbeghe, au printemps 1894, dans une petite villa de la côte, l’auteur écrit : « Elle aura vu, avec quelque cruauté, ce désir – le sien aussi – se tordre comme un animal dans le feu, elle aura gardé dans son cœur cette impression durable, beaucoup plus durable que des éjaculations, des corps fatigués, peut-être décevants. […] Elle aura pensé que dans la bile ou le fiel spécial de l’inaccompli et du refusé, dans cette difficile résistance au bonheur se trouve une porte étroite, qui mène à quelque chose de mystérieux, et de plus désirable en fin de compte. »

On retrouvera un lapsus dans le texte intitulé Mélanie et, dans la nouvelle la plus coquine du recueil (Gentrification), c’est un mot qui est à découvrir à partir d’une définition ambiguë : « De nuit, elle est longue », proposée par le voisin de comptoir du narrateur.

Autre détail d’une autre brève nouvelle (Zoé), « deux petits gants de boxe qui pendent au rétroviseur » intriguent la narratrice prise en stop par le conducteur d’un véhicule…

La nouvelle intitulée Le parapluie de Monsieur Emerson met l’accent sur un pépin se trouvant dans un ancien seau à charbon à l’entrée d’un bistrot. La fille du comptoir pense d’abord qu’il appartient à un client qui ne fréquente plus l’établissement…

Comme souvent, la nouvelle propose d’emblée un fragment, une phrase d’accroche qui sera explicitée plus avant dans la suite du texte.

On trouve des nouvelles plus classiques, dans leur traitement, du moins, qui n’en sont pas moins remarquables et des modèles du genre, comme cet homme qui observe des coïncidences dans sa journée (Benoît) et finit par acheter un billet de Lotto ou ce garçon qui crache (Péniche) d’un pont sur une fille se trouvant sur le chaland qui passe, ou encore ce fils qui va visiter sa mère à la maison de repos pendant un match de demi-finale de coupe diffusé à la télévision (L’autogoal).

Une seule fois, le narrateur est clairement identifié au seul patronyme de l’auteur, Polet, lorsqu’il il est pris à partie par un homme sorti de prison au Café Belga – qui sert des sandwiches bobo (Magnum). Pour le reste, les narrateurs se distinguent de l’auteur et peuvent être de genre féminin, histoire de montrer que le narrateur n’est pas un et inaltérable, que l’auteur se joue aussi bien de lui que des personnages, fictifs, ou non, rapportés à la troisième personne.

Epuisement d’un lieu bruxellois se veut un clin d’œil aux exercices parisiens de Perec, alignant des observations pour se terminer par une intervention du narrateur. Cette référence nous reporte au projet perecquien, qui vaut pour ce recueil, consistant à décrire « ce qu’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages ».

Nietzsche est aussi convoqué avec ses Considérations intempestives qui conduisent l’auteur à philosopher, notamment sur le questionnement du visible ou la tentation de pénétrer dans un tableau.

Plus d’une nouvelle rend parfaitement le « bourdonnement de la parole » (surtout la nouvelle intitulée Au Plattesteen) et la vie foisonnante des cafés, de même que ce qui transparaît de la société dont ils constituent un creuset bouillonnant et représentatif.

Une des clés de la technique de l’écrivain au travail est en partie donnée dans cette nouvelle (Rêves) où deux amis se rencontrent au café pour se raconter leurs rêves : « J’ai constaté que j’entends mieux ce que je regarde […] Les mots qui m’échappaient ajoutaient au charme mal cousu des songes. »

Bestiaire

Le carabe qui « projette par le cul une goutte de venin » (Gigi, le dimanche) ; un ara gris à queue  rouge qui « tourne la tête pour vous fixer de son œil rond » (Valérie et moi) ; un petit guépard en malachite supposé volé par une femme de ménage (Guépard) ; un chien comme une figure de tableau, « à peu près la moitié de la beauté du Prado ou du Louvre qui se dandine » (Avant l’orage) ; les mouches et guêpes piégées par les vitrines des restaurants (Considération intempestive) ; la corneille (ou un choucas ou un corbeau) qui vient se poser sur un pied posé sur l’autre d’un homme couché sur un terrain de foot (Corbeau) ; des frelons qu’une fille ne fuit pas pour se précipiter dans une piscine, contrairement à ses amies (Frelons) ; l’oiseau dans une cage qu’on monte sur une table ou une demi-colonne (L’oiseau ou lui). 

Personnages historiques 

Outre Verhaeren et Madame Van Rijsselberghe, on trouve de nombreux personnages historiques liés à la Belgique et qui sont les sujets des nouvelles : Anna Bloch, la seule acheteuse d’un tableau de Van Gogh de son vivant ; le prince de Ligne et son fils Charles tué par un boulet de canon à Mons, dont le corps est ramené à Beloeil en octobre 1792 en l’absence de son père qui est à Vienne ; Jean-Pierre Rostenne, spécialiste des cartes postales et concepteur de cannes ; Albrecht Dürer en visite dans les villes belges en 1520 ; le méconnu Thomas Braun, poète des Ardennes, vanté par Francis Jammes ; Max Elskamp, à sa mort en 1931 ; les enfants de Léopold II et le roi Baudoin en photo ; le peintre Joachim Patinir né à Dinant en 1483 ; le sculpteur gantois Verschaffelt ; Lou Tseng-Tsiang, Premier ministre chinois dont l’épouse était belge et qui finira sa vie en tant que moine dans une abbaye flamande ; les frères jumeaux Oyens, peintres hollandais installés à Bruxelles ; Chateaubriand lors de son exil forcé en 1815 ; Erasme, à la fin de sa vie ; Charles Niellon, le général qui mena les troupes révolutionnaires belges de 1830 ; Louis Burniaux, le frère de Constant, brancardier mort sur le front de l’Yser ; le seigneur de Beaumont, qui a fait construire la Tour de la Salamandre il y neuf cents ans, que le narrateur voit depuis le bureau de sa chambre aujourd’hui.  

Pure poésie

Dans la nouvelle d’une page « Avec François », cette description d’« un moment émouvant », quand «dans le jet de la fontaine, les gouttes approchent  le sommet de leur arc, ralentissent, ont un imperceptible instant d’arrêt puis, pour retomber, reprennent lentement de la vitesse » Le ravissement du narrateur, et François qui n’en a « rien à foutre ».

Et je ne vous ai encore rien dit…

Et je ne vous ai encore rien dit de mes nouvelles préférées, Juan Calvo et son livre de moins, à propos d’un ancien espoir de la littérature rencontré dans un bar pourri ou bien celle (Gare à toi) où le narrateur voit dans une gare quelqu’un lisant son livre… Comme l’occasion n’est pas près de se représenter, il ose interpeller son lecteur pour lui demander, sans confier qu’il est l’auteur – ce qui serait trop risqué – si c’est bien…

En guise de conclusion

On rit beaucoup, on meurt parfois, il pleut forcément, on croit à sa chance et on déchante, il arrive qu’on hallucine, qu’on retourne dans le passé, on roule à vélo ou en voiture, on flashe sur un serveur ou une serveuse qui deviennent le centre du monde avant de s’évanouir dans la nature ou le cours des jours.

Les notations brèves, le style tonique, sans longueurs, les ruptures de ton qui rythment le récit, alternent les modes de narration permettent de passer d’un registre, d’un point de vue à l’autre. Guère de longues descriptions, donc, pour évoquer un décor, un personnage, croqués en quelques courtes phrases.

Un plaisir de lecture, tout du long.


Quelques mots à propos de l’auteur

Grégoire POLET est un écrivain et traducteur belge né à Uccle en 1978.  Il est docteur en Lettres de l’Université catholique de Louvain, spécialisé en littérature espagnole. Également traducteur, scénariste et réalisateur de documentaires pour la télévision.

Il a publié son premier roman à 28 ans, Madrid ne dort pas, aux Editions Gallimard, en 2005. Il a publié depuis sept autres romans en plus d’un récit chez Onlit, Autoroute du soleil, un Petit éloge de la gourmandise (Folio/Gallimard) et un recueil de nouvelles, Soucoupes volantes, chez Gallimard aussi, en 2021.

Vient de paraître un Petit éloge de la Belgique dans la collection Folio/Gallimard à 2 €.

Son œuvre est traduite en plusieurs langues.

Lien vers son site : https://gregoirepolet.com/


Quelques mots sur la collection BELGIQUES des Editions KER

Y compris une interview de son fondateur et directeur, Xavier VANVAERENBERG et les BELGIQUES de Véronique BERGEN, Michel TORREKENS et Tuyêt-Nga NGUYÊN par Philippe Remy WILKIN et Jean-Pierre LEGRAND : https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2022/01/30/les-phrases-belges-1-la-collection-belgique-des-editions-ker-par-philippe-remy-wilkin-jean-pierre-legrand/


Petit éloge de la Belgique de Grégoire POLET (Folio/Gallimard)

Dans Petit éloge de la Belgique, l’écrivain raconte sa Belgique en commençant par faire l’éloge des nuages en évoquant Django Reinhardt, né à Liberchies en 1930, puis, par dire la spécificité de la Côte belge à l’occasion de ses Vacances à la mer, étant enfant (les cuistax, le tram, les châteaux de sable et les bunkers…). Il parle des joies et peines ressenties devant la télévision, dans les années 80 (le naufrage du ferry Herald of Free Enterprise, les Tueurs du Brabant wallon, la catastrophe du Heysel, l’équipe belge de foot à la Coupe du monde au Mexique, la victoire de Sandra Kim à l’Eurovision). Son J’aime la vie, toute la vie résonne dans tout le livre, en clin d’œil, en ritournelle, comme un leitmotiv censé braver le sort et le cours du temps.

Ensuite, il sera question de figures historiques, plus ou moins connues, Belges ou étrangers en séjour en Belgique et tous plus ou moins saisis dans le contexte de la Grande Guerre. On y croisera Zweig, l’été 1914, à la Côte, en compagnie de Crommelynck, à la veille de rencontrer Verhaeren (rencontre qui n’aura finalement pas lieu). Henry Van de Velde est là aussi, dans le même temps, mais pas en compagnie de l’Autrichien, avant de partir pour Weimar…

Polet use d’un artifice narratif pour opérer une plongée dans l’Histoire et venir s’immiscer, d’abord, entre Crommelynck et Zweig, pour leur parler de Van de Velde justement et regretter à cette occasion, parmi d’autres, l’absence de reconnaissance des talents belges par les autorités nationales. Le procédé sera reproduit, notamment quand l’auteur rejoint Rik Wouters ou Oscar Thiry, le frère aîné de Marcel, pour narrer l’épopée des autocanons de par le monde et pour parler de leur « futur »… Oscar Thiry est en mauvaise posture, et sur le point de trépasser, il a été victime d’un tir d’obus. L’avatar de Polet viendra aussi s’entretenir avec le prince de Ligne et Casanova à Teplitz où l’auteur croira reconnaître Goethe…

Grégoire Polet questionne le patriotisme dans une section intitulée contre-éloge du nationalisme. Il retrace de manière édifiante l’histoire de la Belgique avant celle de 1830, depuis Charles Quint, au XVIème siècle, tout en déplorant, à juste titre, que ce vaste pan historique ne soit pas plus enseigné dans les écoles belges.

Bref, en cent et quelques pages, qu’on soit Belge ou non, on en apprend beaucoup sur la Belgique et ce qui fait qu’on est Belge, au-delà de la possession d’une carte d’identité ou d’un passeport belges car c’est « la langue que l’on parle, le paysage où l’on grandit, l’énorme masse de son passé, les événements qui touchent un pays ou l’ont frappé [qui] façonnent notre chambre d’écho », nous font citoyens d’un pays.

Éric ALLARD

LISEZ-VOUS LE BELGE ? LA BELGIQUE, L’OTAN ET LA GUERRE FROIDE – Le témoignage d’André de Staercke d’ESTELLE HOORICKX (Racine) par JEAN-PIERRE LEGRAND

Les Belles Phrases participent, pour la deuxième année consécutive, à l’opération Lisez-vous le belge ?

En connexion, cette fois, avec l’émission littéraire de Guy Stuckens Les rencontres littéraires de Radio Air libre.

La campagne de cette troisième édition court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation).

Rappel des objectifs de l’opération :

« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».


Estelle Hoorickx, La Belgique, l’OTAN et la guerre froide – Le témoignage d’André de Staercke

Essai (440 pages) paru en 2022 aux éditions Racine à Bruxelles, avec une préface de préface de Georges-Henri Soutou.


La Belgique, l’OTAN et la guerre froide est un ouvrage original et ambitieux. Il ressuscite un quart de siècle de la politique étrangèrede la Belgique dans le cadre de l’Alliance atlantique. Il couvre les années 1950 à 1976. Son angle d’attaque est inédit : il est centré sur un homme de l’ombre, un diplomate : André de Staercke.

Qui est André de Staercke ?

Né à Gand en 1913, dans une ancienne famille industrielle du textile André de Staercke fait toutes ses études chez les jésuites. Ces longues années de « jésuitière » – la formule est de lui – façonnent sa culture classique et chrétienne mais sans en faire pour autant un catholique pratiquant. La souplesse retorse des bons pères infuse cependant largement son tour d’esprit personnel, ce qui, plus tard, le rendra allergique à la raideur janséniste d’un Couve de Murville.  Il passe la Seconde Guerre mondiale à Londres, dans les valises du gouvernement Pierlot. Il devient alors un proche de Paul-Henry Spaak et de Winston Churchill. C’est de cette époque que date aussi une amitié profonde et durable avec le dictateur Salazar dont il apprécie l’intelligence rigoureuse alliée à une surprenante équanimité. Cette relation chaleureuse peut aujourd’hui nous choquer. Mais, après tout, de Gaulle lui-même s’effarouchait peu des horreurs perpétrées par le voisin Franco : en 1970, après son départ du pouvoir, c’est au vieux dictateur qu’il rendra visite à l’issue de sa longue balade en Espagne.

Après la libération, de Staercke devient secrétaire du prince-régent Charles. Il décrit l’homme qui « sauva le brol » comme ombrageux et solitaire. Il a les mots d’une Sévigné rehaussée de Saint-Simon lorsqu’il évoque l’amitié qui lie le prince au même Salazar :

« (…) leur caractère, leur pensée, leur timidité, leur repliement et jusqu’à cette secrète solidarité provenant, chez l’un comme chez l’autre, d’une extraordinaire accession au pouvoir qui laissait toujours quelque trouble et quelque incertitude, tout les rapprocha et les unit. »

A la fin de la Régence, en juillet 1950, de Staercke quitte la scène politique belge : direction l’OTAN, où il devient représentant permanent de la Belgique.

Une carrière à l’OTAN

L’OTAN … Dans son chapitre préliminaire, Estelle Hoorickx brosse rapidement un très intéressant tableau de la scène politique belge au sortir de la guerre et revient sur l’adhésion de la Belgique à cette organisation dès sa création le 4 avril 1949. Spaak est alors Premier ministre. A lire cette introduction -nécessairement synthétique, on retient l’image d’un Spaak exprimant l’angoisse du monde lors de son célèbre « Nous avons peur » prononcé devant l’Assemblée générale de l’ONU en 1948. Nous sommes frappés par un sentiment d’évidence.
Pourtant, d’autres historiens comme Rik Coolsaet rappellent qu’à la Libération, Spaak avait une tout autre idée en tête : la constitution d’un troisième bloc de l’Europe de l’Ouest piloté par la Grande Bretagne et faisant contrepoids aux deux Grands. Un traité d’amitié entre l’URSS et la Belgique était d’ailleurs sur le feu. Selon Coolsaet, ce sont les pressions américaines, les réticences britanniques mais surtout les perspectives – bien réelles – du plan Marshall qui auraient eu raison des convictions de ce pragmatique ondoyant qui, à cette époque, ne croyait guère en une réelle menace militaire soviétique. L’historien gantois va plus loin : en dramatisant soudainement son discours, Spaak aurait eu pour unique but de justifier sa subite volte-face.

Or donc, de Staerck devient rapidement et pour plus d’un quart de siècle le représentant permanent de la Belgique auprès du Conseil de l’Atlantique Nord, principal organe de décision politique à l’OTAN. Sa carrière est sur ses rails. Il va progressivement acquérir une influence considérable. Il est vrai qu’il est servi par les circonstances : son ami Spaak est ministre des Affaires étrangères entre 1954 et 1957 puis entre 1961 et 1966. Dans l’intervalle, il occupe le fauteuil de Secrétaire général de l’OTAN.

Partageant une même conception du monde d’après-guerre, les deux hommes s’épaulent l’un l’autre. Par ailleurs, unilingue flamboyant, Spaak tire sans nul doute parti de l’entregent de son ami dont l’aisance en anglais facilite les relations interpersonnelles au plus haut niveau international.

Une carrière au croisement de l’histoire

Estelle Hoorickx suit la carrière du diplomate en structurant son étude en trois volets qui épousent les grandes lignes de fracture de l’époque : la montée en puissance de l’OTAN entre 1950 et 1955, conjuguant Guerre froide et réarmement de l’Allemagne ; l’exacerbation des tensions entre 1956 et 1962 qui, sur le fond d’une paradoxale coexistence pacifique, culmineront lors de  la  seconde crise de Berlin  et de celle de Cuba : un concept cher à de Staercke en sortira, le couple défense-détente, la version politico-militaire de la confiance-méfiance. Enfin la période de Staercke se termine avec l’après-Cuba, qui s’étire jusqu’en 1975, année de la signature de l’Acte final d’Helsinki. S’insèreront encore, dans ce vaste panorama, les palinodies diverses entourant le projet avorté d’une Communauté Européenne de Défense, la crise de Suez, la guerre de Corée puis celle du Vietnam, le retrait de la France du Commandement intégré de l’OTAN, et on en passe…
En 1973, Renaat Van Elslande succède à Pierre Harmel aux Affaires étrangères. C’est le premier Flamand à occuper ce poste, ce qui en dit long sur l’outrageuse emprise francophone sur ce département. Le nouveau venu s’avère un furieux flamingant avec lequel de Staercke entretient des relations polaires. Ce changement de cap n’est sans doute pas étranger à la démission en 1976 de notre diplomate francophone de Flandre qui ne parlait pas le flamand.

Le multilatéralisme : la potion magique des petits États

Tout au long de son ouvrage, l’historienne montre bien tout le parti que la Belgique – et son représentant permanent – tire du multilatéralisme. Celui-ci démultiplie l’influence de notre petit pays en renforçant sa position de go-between entre les grands partenaires de l’OTAN voire même entre ceux-ci et l’URSS, contribuant ainsi à un relatif rapprochement Est-Ouest. Nous sommes sidérés des relations personnelles nouées entre Spaak et Khrouchtchev, qui accordait à l’influence de la Belgique un prix qui nous surprend aujourd’hui.

Sous l’impulsion de de Staercke, devenu le doyen écouté du Conseil atlantique, cet organe s’est progressivement mué en un instrument très souple de discussion et de travail, palliant au fil du temps le déficit de consultations réciproques qu’avaient souligné les grandes crises.

Au-delà de l’influence en coulisse d’un de Staercke et du rôle de premier plan joué par des ministres XXL comme Spaak mais aussi Harmel, le livre d’Estelle Hoorickx nous apprend – ou nous rappelle – combien, depuis sa création, l’OTAN fut sans cesse appelée à s’interroger sur elle-même, son utilité, sa fonction, le dosage du militaire, du politique et de l’économique dans l’action déployée et sur son rôle en-dehors du périmètre géographique de l’Alliance. La guerre en Ukraine renouvelle cette interrogation.

Á titre personnel, je suis frappé de voir combien, pendant des décades, la politique étrangère belge allia un atlantisme parfois complaisant à un multilatéralisme qui servait ses intérêts mais aussi sa phobie maladive d’une hégémonie franco-allemande. Tout cela ne fut pas sans conséquence sur la tournure que prit la construction européenne limitée à sa sphère économique. Consacré « Père de l’Europe », Spaak vit toujours celle-ci comme un des éléments d’un « Commonwealth atlantique ». L’Europe politique pouvait attendre…

En guise de conclusion

Une fois tournée la dernière page de La Belgique, l’OTAN et la guerre froide, on demeure admiratif mais un peu étourdi. Le travail est titanesque. L’auteure a brillamment exploité la montagne d’archives, d’articles, d’interviews à sa disposition. Dérivé directement de sa thèse de doctorat défendue en 2020, l’ouvrage présente les avantages et les inconvénients de cet exercice universitaire. Il explore son sujet dans le détail mais suppose acquises certaines connaissances qui échappent aux béotiens dont je fais partie. Certes, des notes éclairantes et nombreuses sont reportées en fin de volume mais cela rompt parfois le cours naturel de la lecture. Ne boudons cependant pas notre plaisir : ce livre est exigeant avec son lecteur mais il lui procure en retour une connaissance bien plus fine d’une période charnière de notre histoire.


Quelques mots sur l’auteure

Estelle Hoorickx est commandante d’aviation, docteure en histoire contemporaine et attachée de recherche au Centre d’études de Sécurité et Défense de l’Institut royal supérieur de Défense (IRSD). Elle a multiplié les articles très savants dans son domaine de prédilection :  l’évolution de l’environnement sécuritaire de l’UE et de l’OTAN.

L’éditeur

Créées en 1993, les éditions Racine occupent une position enviable dans le secteur de l’édition en Belgique francophone. Elles comptent à leur actif plus de 1000 titres et éditent chaque année plus d’une soixantaine d’ouvrages.

Deux pôles principaux structurent le catalogue de la maison : le « beau livre » (architecture et patrimoine, arts et arts décoratifs, histoire et régions, photographie, gastronomie, nature et jardins, tourisme…) et les livres d’essais (histoire, société, politique, économie…). Je vous invite à visiter leur site :  https://www.racine.be/fr

Jean-Pierre LEGRAND

2022 – FEUILLES D’AUTOMNE : HISTOIRES DE FAMILLE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

La famille est désormais une structure sociale à dimensions variables et géométrie provisoire, fluctuant en fonction des événements, des amours, des rencontres, … On y trouve toutes sortes d’histoires qui intéressent fort les romanciers. Michel JOIRET a mis en scène un journaliste qui cherche la famille qu’il n’a que peu connue et notamment son père accusé, à tort ou à raison, d’un meurtre. Olivier DUCULOT, lui, raconte l’histoire de la déconstruction de sa famille après le petit coup de canif donné par sa mère dans le fameux contrat de mariage…


Stella Maris

Michel Joiret

M.E.O.


Dévasté après le décès de son épouse pendant une pandémie virale, Damien, journaliste, décide de quitter la région bruxelloise pour se retirer à Ostende où il loue une partie de la villa dans laquelle il a résidé de nombreux moments quand il était enfant avant que son père l’enferme dans un pensionnat tenu par des moines lassaliens sévères et austères. Cette villa, la villa Stella Maris, est un point de départ à partir duquel, il essaie de se reconstruire en revivant son passé. Il redécouvre la ville avec ses rues qu’il parcourt à nouveau, ce qui fut sa maison, le pensionnat où il était interne et surtout le Frère Marc qui était son mentor. Celui-ci lui remet un coffret renfermant divers objets que son père lui a remis après le départ de Damien.

Ce coffret contient un cahier sur lequel son père notait tout ce qui concernait sa vie depuis que son épouse l’avait quitté pour un autre. Damien y retrouve la douleur paternelle, le nom des femmes qu’il voyait lors des visites du père, les « tantes », et surtout Lucie, la dernière, qu’il aimait bien. Il pense pouvoir, à partir des informations qu’il a récoltées, expliquer la disparition de son père après l’assassinat de Lucie, sa « tante » préférée mais il manque des feuilles au cahier et le Frère Marc décède son tour de la pandémie. « Qui était donc ce père amoureux pour n’offrir à son fils que la figure d’un homme désinvolte, imprévisible, distant, cynique ? ».

La vérité lui semble à jamais inaccessible mais une rencontre opportune le remet sur le chemin de son passé à travers l’histoire de la ville et de sa famille. La malédiction qui semble l’accabler après l’abandon de sa mère, la disparition de son père, la mort de Lucie et celle de sa jeune épouse pourrait trouver un explication dans cette histoire…

Ce roman raconte les malheurs d’une famille qui semble vouée à subir tous les malheurs de la terre depuis que les troupes françaises ont envahi la ville au moment de la Révolution. La malédiction serait-elle une fatalité qui accable certains?, la question reste posée et Damien y succombera ou trouvera l’espoir auprès d’une jeune femme qui a elle aussi connu une histoire bien douloureuse. Son voyage dans le passé lui a appris beaucoup de choses sur sa famille et lui-même peut-être que muni de ces nouvelles données, il trouvera son chemin vers le bonheur … ?

Ce père mystérieux que Damien ne connaitra peut-être jamais était un amoureux de la langue, il possédait une belle écriture « colorée », Il a transmis ses gènes littéraires à son fils qui les a utilisés pour son choix professionnel. Après lecture de ce texte, on se demande si l’auteur n’aurait pas, lui aussi, une quelconque filiation littéraire avec cette famille d’écrivains ?

Le roman sur le site des Editions M.E.O.

Le site de Michel JOIRET


Parc fermé

Olivier Duculot

Les éditions Ovadia


Arnaud, jeune gamin de sept ans, vit dans la banlieue liégeoise avec son papa brillant commercial, avec tout ce que cela comporte de frime et d’égocentrisme, dans les assurances, sa maman au foyer totalement étouffée par un mari qui l’aime trop et lui laisse bien peu de place pour s’exprimer, et sa sœur jumelle gavée par son père au point d’être une enfant obèse et, comme s’il elle n’était déjà pas assez handicapée, dysleptique. Le talent commercial du papa leur permet de se payer des vacances sur la Côte d’Azur dans une petite ville où j’ai moi-même passé mes vacances pendant une douzaine d’années (mais moi j’étais invité), Peymeinade, sur la route de Draguignan en sortant de Grasse. Là le père, en bon m’as-tu vu, étale son train de vie et ses pseudos talents pendant que la mère et les enfants profitent de la piscine de la résidence.

Un beau soir, pendant que résidents et vacanciers communient autour d’une bonne table, la mère s’écarte avec un bel homme et commet ce que son fils ne devrait pas voir mais a pourtant vu. Rentrée en Belgique, la famille retrouve sa vie monotone, le père travaille, la mère et les enfants s’ennuient. Un jour, ne pouvant joindre sa femme pour des raisons insignifiantes, le mari panique et commet l’irréparable, la mère quitte alors le foyer en abandonnant sa famille. Depuis son écart, elle sait qu’elle peut refaire sa vie, elle plait encore et elle peut reprendre le travail qu’elle exerçait avant la naissance de ses enfants.

Une nouvelle vie s’organise, le père travaille moins, la mère gravit l’échelle sociale, les enfants sont ballotés de l’un à l’autre. La fille soigne son obésité et sa dyslexie mais Arnaud n’arrive pas à s’intégrer au lycée, il devient vite un cancre et ne supporte pas que sa petite amie le quitte pour un fils à papa nouvellement arrivé dans l’établissement. Dans une crise de colère, il commet un geste fatal qui l’expédie dans un centre pour mineurs ayant commis un acte grave. Dans ce centre, sa vie s’écoule lentement jusqu’à ce qu’il soit libéré et cherche à donner un sens à son existence. Son passé lui laisse bien peu de solutions mais il a une passion qu’il pourrait peut-être valoriser… ?

Ce texte, c’est l’histoire d’une des nombreuses familles qui aujourd’hui se décomposent, souvent trop facilement parce que les couples ne vivent plus comme avant, les tâches ne sont plus réparties de la même façon, les deux sexes ont les mêmes droits et devoirs et tout le monde ne l’a pas compris. Les adultes résolvent souvent le problème en se séparant au détriment des enfants qui cherchent un avenir possible entre les allées et venues entre leurs parents qui n’ont plus le même mode de vie ni les mêmes aspirations. Heureusement, certains jeunes rencontrent des gens avec qui partager un savoir, une passion, un espoir, … et trouvent ainsi un avenir possible. Olivier semble bien connaître le problème des couples décomposés, recomposés ou pas, son histoire sent le vécu par lui ou des proches…

Le roman sur le site des Editions Ovadia

Olivier DUCULOT sur Objectif Plumes


LISEZ-VOUS LE BELGE ? L’AFFAIRE OCTAVIA EFFE de ZISKA LAROUGE (Academia) par PHILIPPE REMY-WILKIN


Les Belles Phrases participent, pour la deuxième année consécutive, à l’opération Lisez-vous le belge ?

En connexion, cette fois, avec l’émission littéraire de Guy Stuckens Les rencontres littéraires de Radio Air libre.

La campagne de cette troisième édition court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation).

Rappel des objectifs de l’opération :

« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».


Ziska LAROUGE, L’affaire Octavie Effe

Couverture L'Affaire Octavia Effe

Il s’agit d’un roman de 165 pages, publié par Academia, à Louvain-la-Neuve, en septembre 2022, dans la nouvelle collection Noirs desseins, dédiée aux polars « teintés d’un joli accent belge ».


On entre aisément dans le récit. Un coup de fil est reçu par la gendarmerie de Telloure, dans le Gers. Une dame signale un accident de circulation, la présence d’un motard casqué inerte, ensanglanté, et la fuite apparente d’une voiture rouge. Ce qui pourrait se réduire à un banal fait divers prend rapidement un relief plus escarpé. L’homme n’est pas mort mais plongé dans un coma profond. Il se révèle être le mari, ô combien mystérieux et caché, d’une autrice mondialement célèbre, Octavia Effe, qui a elle-même disparu. Le relief se fait bientôt vertigineux : le mari avait lui-même loué la voiture qui l’a renversé et… il n’existe pas (officiellement : il n’est pas répertorié dans les fichiers de la gendarmerie).

Un thriller gouleyant

Le mystère et le suspense s’ancrent d’entrée dans la lecture, la tension se faufile et l’appétit du lecteur, qui tourne les pages avec jubilation, d’autant que l’écriture est alerte, la narration fluide, juxtaposant un accent sociologique à la trame policière.

La suite ? Ne déflorons pas l’intrigue, qui nous mènera à Genève ou à Bruxelles, auprès des millions envolés de l’autrice ou d’un père très inquiétant. Divers suspects se profilent, des ombres rôdent. Autour de la propriété d’Octavia, dans l’hôpital où on soigne le blessé, au sein même de la gendarmerie…

Des personnages attachants

Deux couples retiennent notre attention, celui formé par les chefs de l’enquête Joy Froissart et Michaël Cornillac, cet autre constitué d’une gendarme, Jessica, et d’une infirmière, Cora. Dans les deux cas, un membre du duo est en crise profonde mais l’autrice creuse davantage le sillon Joy/Michaël, nous plongeant dans les affres de la dépression post-partum. Qui n’empêche pas (ou favorise ?) l’investissement croissant de Joy pour son enquête. Jusqu’à paraître progressivement possédée par les récits d’Octavia Effe. Jusqu’à se confronter à de déchirants paradoxes. Elle se révèle incapable d’accorder la moindre attention à sa petite Lynette mais, s’identifiant à l’héroïne récurrente de la disparue, elle semble se tromper d’enquête et chasse frénétiquement le tueur d’enfants au cœur des huit tomes de la série littéraire. Folie ou… ? Il est vrai que les ouvrages possèdent de troublants prologues, des allures de récit-cadre issu d’une autre réalité :

« Au début, l’assassin dormait beaucoup. Il lui semblait qu’il avait des années de sommeil à rattraper. Sans doute était-ce le cas. Parfois, il regardait la femme, et l’envie de la tuer le prenait. Elle s’en doutait, cela se voyait à la légère crispation sur son visage, mais elle se contentait de l’observer en retour avec curiosité. »

Et si…

Ma conclusion ?

Fidèle à sa manière d’écrire et de raconter, Ziska Larouge, avec L’affaire Octavia Effe, nous a à nouveau offert un roman sans temps mort, tonique et varié. Où défilent les registres (mail, SMS, fragment de roman de la disparue, scène de film, article Wikipédia, etc.) et les tons (thriller, humour, psychologie, degré ludique avec les indices à tamiser, les clins d’œil au réel – entre autres, « Effe » est le pseudonyme d’Effira… comme notre Virginie nationale).


Pour en savoir davantage sur Ziska Larouge et ses livres…

J’ai précédemment évoqué deux de ses romans, tous deux parus chez Weyrich :

Hôtel Paerels :

https://karoo.me/livres/le-printemps-du-livre-un-must

La grande fugue :

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D’autres livres évoqués par Les Belles Phrases durant l’opération Lisez-vous le belge ?

. Les sœurs noires (roman policier situé à Tournai) :

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2 ou 3 autres articles suivront encore, de Jean-Pierre Legrand et Éric Allard…

Edi-Phil, alias Philippe REMY-WILKIN.


LES NUAGES CARESSENT LA TERRE de SANDA VOÏCA (Les Lieux-Dits) / Une lecture d’Éric ALLARD


Les nuages caressent la terre de Sanda Voïca, paru cette année aux éditions Les Lieux-Dits, comporte cinq parties, composées chacune de textes et poèmes écrits suite au décès, en 2015, de sa fille Clara, à l’âge de 22 ans et qui, tous, sont marqués par cette perte. Chaque section est accompagnée de deux ou trois oeuvres d’artistes différents qui allient la gravité à l’apparente sobriété, et qui constituent des soutiens aux textes, dans les deux sens du terme.

Dans Trajectoire déroutée, paru aux Editions Lanskine, Sanda Voïca, proposait une septantaine de poèmes dans une forme plus classique, beaux et touchants ; elle y parlait de Clara en la nommant « la fille disparue » ou « la fille » sans s’autoriser, sauf une fois, le possessif « ma ».

À la toute fin du précédent recueil, elle écrivait « Me voilà », comme si malgré la douleur elle avait sur-vécu. Dans la première section de ce nouveau recueil, elle écrit : « Sanda Voïca / est de retour / […] Jamais je ne l’aurais cru.  ». Si dans le précédent recueil, la poète maintenait comme une distance avec le drame, ici, surtout dans la première partie intitulée Paysange, un mot valise pour dire un paysage mental investi par la figure de Clara sa fille, elle questionne dans chaque texte la présence/absence, à la façon d’un Journal d’après et d’une manière qui m’a rappelé son déjà prenant recueil Epopopèmémés (composé de 27 poèmes écrits entre le 28 novembre 2011 au 15 mars 2012) sorti chez Impeccables dans lequel livre les faits du quotidien étaient passés au crible la vigueur de l’intellect de la poétesse.

Dans Les nuages caressent la terre, Voïca inclut la disparition à ce que sont devenus ses jours, cherchant, une possibilité de vivre en accord avec ce qui est arrivé, ainsi qu’à formuler l’inexprimable. C’est cette quête d’un sens, d’une formulation, ce souci du questionnement perpétuel, d’approcher toujours plus près une manière de vivre encore en sachant qu’aucune vérité n’existe et que le travail de deuil ne cessera pas, qui fait tout le prix de ces textes. Des textes qui nous absorbent et qu’elle nous fait ressentir en tant que « lecteur-regardeur » invité au partage de ses mots.

Comme dans le si singulier Epopopoèmémés, Voïca incorpore à son propos ses chocs littéraires ou artistiques, elle y assimile aussi bien le journalier dans sa crudité qu’elle n’y fait état d’une tentation à la sainteté – déjà présente avant le drame personnel.     

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, « en vidant la corbeille, / en fermant le sachet-poubelle », elle fait le constat que « le plein est enfin le vide ». Á la fois dissociée par la perte et comme augmentée de l’âme de son enfant, elle se vit séparée et double. Clara est devenue une sainte, elle en apporte les preuves. Elle a aussi à son sujet ce barbarisme : Tu t’es étrangée, écrit-elle

Si elle déstructure volontiers les mots, les expressions, c’est à la façon d’une linguiste mais aussi pour s’en amuser : le langage n’est pas fait d’une pièce, il n’a pas droit à tant d’égards, semble-t-elle dire par sa démarche. La langue joue entre nos interstices existentiels, et elle le fait sur plusieurs modes : libre à nous de lui donner toutes les interprétations comme de nous en jouer à notre tour !

En parlant d’elle-même, Voïca fait sienne la formule rimbaldienne : « On n’est pas sérieux quand on à cinquante-quatre ans. »

Sanda Voïca

Plus gravement, elle écrit qu’elle ne peut plus rêver « parce que [elle n’est] plus connectée ». Elle parle de la « grâce douloureuse de chaque instant », de « cet écartèlement qui n’arrêtera jamais », de la couleur rouge, celle du feu, du sang, qui brûle en elle comme il a brûlé dans le ventre de sa fille.

« Jusqu’où une âme peut perdre ?
La mienne pourra-t-elle gagner parfois ? »

Le plus difficile à vivre, observe-t-elle, est l’absence de certitude sur le fait de savoir si l’âme de son enfant est là ou non, et de quelle âme s’agit-il ? Malgré la douleur, la lucidité demeure, l’inépuisable questionnement sur l’existence de l’âme.

Son rapport au réel est rompu ou, du moins, métamorphosé.  

 « Ma petite fille qui es aux cieux

Ou ailleurs

Ou plus du tout

Donne-moi la force de te dire

Ce que je ne te dirai jamais.

[…]

Et de me laisser avec mon seul grand moment

Qu’est devenue ma vie sans toi.*

Ella fait aussi ce constat, terrible, mais qui ne peut avoir lieu qu’une fois lorsqu’une vie est achevée ou, plus précisément, interrompue par la maladie.

 «  Te voilà enfin d’un bloc –

De la naissance jusqu’à la fin :

Tout faite, entièrement faite,

Il n’y a plus rien à rajouter, »

On le devine à ces quelques extraits : on ne sort pas indemne de la lecture des textes de Sanda Voïca.

Des couleurs en profondeur, Ecrits dans l’air, Vibre le vent, Raison sans raison, aux titres explicites, poursuivent, sous d’autres formes et en des poèmes plus courts, moins autocentrés de prime abord, cette poétique de la présence/absence au monde où le dehors et le dedans, le ciel et la terre, les os et la chair, la neige et le feu, signifié et signifiant, les mots et la mort sont sinon remis en cause mis en liaison via les nuages, les nerfs, tout ce qui distingue l’écriture-miroir ultrasensible de Sanda Voïca.

Le ciel, mon miroir,

Les mots, mon ciel.

L’écritoire – ma terre.


Sanda Voïca, Les nuages caressent la terre, Les paral­lèles croi­sées — Les Lieux-Dits, Stras­bourg, 2022, 96 p., 18 €.

Avec le texte de 4ème de couverture de Germain Roesz et les créations de : Véronique Sablery, Philippe Boutibonnes, Liviu Şoptelea, Danièle Massu-Marie, Sylvie Durbec, Clara Pop-Dudouit, Ghislaine Lejard, Maurice Marie, Jean-Pierre Stevens, Caroline François-Rubino, Samuel Dudouit, Sanda Voïca.


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*Un texte du présent recueil à lire sur Terres de femmes

La chaîne Youtube de Sanda VOÏCA


MAISON ROUGE de CATHERINE BAPTISTE, accompagnée de six collages de Manou JOUBERT (À l’index) / Une lecture d’Éric ALLARD


Comme l’écrit Catherine Baptiste dans l’avant-propos, ce recueil est né à la faveur du confinement qui a renvoyé la poète à une jeunesse marquée par la contemplation de l’œuvre de Malevitch datant de 1932. Avec les poèmes de Lavinia Greenlaw et Anna Akhmatova, ses « deux complices imaginaires », reproduits en début de recueil, Catherine Baptiste a trouvé les mots qui « ont fait poèmes » pour libérer sa parole et dire elle aussi sa Maison Rouge.

Une parole qui, comme elle l’exprime, a été tue «  par des gravats, par un secret d’enfance ».

La « suprématie du sensible » suscitée par le tableau de Malevitch fait qu’il se prête à des interprétations multiples mais non contradictoires. Reprenant les mots des poétesses qui l’ont précédées dans leur fascination pour cette demeure picturale, Baptiste écrit : « La maison rouge : refuge ou prison », sans point d’interrogation. Elle aurait pu écrire : refuge et prison… pour des femmes, pour nombre de femmes assignées à la résidence parentale puis maritale, sans omettre celle où se conçoivent puis s’élèvent, on pourrait dire presque se dressent, les enfants.

C’est de même le lieu de l’enfermement de la raison, qui vire à la folie, celui de l’absence d’évasion qui attise la « fureur du désir ». Lieu ultrasensible, où la cruauté voisine avec l’amour, où brûlent les sentiments divers dans la fournaise de ses murs clos.

Nous sommes des figures grossières

aux mouvements maladroits

La couleur noire nous cerne

fait de nous des prisonnières

des écorchées

Nous sommes rouges

ça fait volume

ça rend perceptible

le poids du corps

le poids de la douleur

lur nos seins

sur nos bouches

La femme occupant la maison finit par faire corps avec elle, par l’intérioriser, au risque de s’emmurer. C’est la maison qui, à force, l’habite, la déroute de son destin sans déloger ni sa force d’âme ni ses humeurs.

Dans nos intérieurs

Nous saignons

Et ce flux abondant est nôtre

Nous le cachons, le préservons

L’offrons à d’improbables enfants

A naître à jamais.

La maison est aussi mouvement, « perpétuelle métamorphose » : « une dévisagée / qu’on méconnaît. ». Elle est « un grand cri contenu », « une blessure cubique […] une tombe. »

« La maison rouge exaltée » délivre les mots en poèmes et les images en tableaux ; elle abrite l’atelier de l’artiste, « salle d’attente d’un cœur. » Elle bat comme « cœur à boucherie, cœur à saigner » comme « cœur immortel, cœur de précision ».

Catherine Baptiste questionne la maison rouge – ce qui la fonde, ce qui la limite. Par delà le souvenir, dans tous ses recoins métaphoriques, elle creuse « l’idée de la maison » pour trouver au lieu de la naissance de l’amour et du besoin d’expression le coeur de la création.

Les beaux collages de Manou Joubert « sont venus à la rescousse des mots » pour seconder la poétesse dans son travail de libération de la mémoire et de ré-ancrage de l’écriture.


Le recueil sur le site de l’éditeur

Cinq poèmes de Catherine BAPTISTE avec des collages de Manou JOUBERT – à découvrir sur Les Belles Phrases

Les livres de Catherine BAPTISTE sur son site