
Comme l’écrit Catherine Baptiste dans l’avant-propos, ce recueil est né à la faveur du confinement qui a renvoyé la poète à une jeunesse marquée par la contemplation de l’œuvre de Malevitch datant de 1932. Avec les poèmes de Lavinia Greenlaw et Anna Akhmatova, ses « deux complices imaginaires », reproduits en début de recueil, Catherine Baptiste a trouvé les mots qui « ont fait poèmes » pour libérer sa parole et dire elle aussi sa Maison Rouge.
Une parole qui, comme elle l’exprime, a été tue « par des gravats, par un secret d’enfance ».
La « suprématie du sensible » suscitée par le tableau de Malevitch fait qu’il se prête à des interprétations multiples mais non contradictoires. Reprenant les mots des poétesses qui l’ont précédées dans leur fascination pour cette demeure picturale, Baptiste écrit : « La maison rouge : refuge ou prison », sans point d’interrogation. Elle aurait pu écrire : refuge et prison… pour des femmes, pour nombre de femmes assignées à la résidence parentale puis maritale, sans omettre celle où se conçoivent puis s’élèvent, on pourrait dire presque se dressent, les enfants.
C’est de même le lieu de l’enfermement de la raison, qui vire à la folie, celui de l’absence d’évasion qui attise la « fureur du désir ». Lieu ultrasensible, où la cruauté voisine avec l’amour, où brûlent les sentiments divers dans la fournaise de ses murs clos.
Nous sommes des figures grossières
aux mouvements maladroits
La couleur noire nous cerne
fait de nous des prisonnières
des écorchées
Nous sommes rouges
ça fait volume
ça rend perceptible
le poids du corps
le poids de la douleur
lur nos seins
sur nos bouches
La femme occupant la maison finit par faire corps avec elle, par l’intérioriser, au risque de s’emmurer. C’est la maison qui, à force, l’habite, la déroute de son destin sans déloger ni sa force d’âme ni ses humeurs.
Dans nos intérieurs
Nous saignons
Et ce flux abondant est nôtre
Nous le cachons, le préservons
L’offrons à d’improbables enfants
A naître à jamais.
La maison est aussi mouvement, « perpétuelle métamorphose » : « une dévisagée / qu’on méconnaît. ». Elle est « un grand cri contenu », « une blessure cubique […] une tombe. »
« La maison rouge exaltée » délivre les mots en poèmes et les images en tableaux ; elle abrite l’atelier de l’artiste, « salle d’attente d’un cœur. » Elle bat comme « cœur à boucherie, cœur à saigner » comme « cœur immortel, cœur de précision ».
Catherine Baptiste questionne la maison rouge – ce qui la fonde, ce qui la limite. Par delà le souvenir, dans tous ses recoins métaphoriques, elle creuse « l’idée de la maison » pour trouver au lieu de la naissance de l’amour et du besoin d’expression le coeur de la création.
Les beaux collages de Manou Joubert « sont venus à la rescousse des mots » pour seconder la poétesse dans son travail de libération de la mémoire et de ré-ancrage de l’écriture.
Le recueil sur le site de l’éditeur
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