BAISERS DE CINÉMA d’ÉRIC FOTTORINO (Gallimard) / Une lecture de JEAN-FRANÇOIS FOULON

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Eric Fottorino a été directeur du journal Le Monde après l’éviction de Jean-Marie Colombani, puis président du directoire du groupe. En mai 2009, dans un article, il reproche à Nicolas Sarkozy sa «vantardise et sa frénésie ». Ses propos provoquent une crise avec les actionnaires (Les milliardaires Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère et Bernard Arnault, tous trois proches du Président en exercice). Fottorino sera révoqué en 2010. Il déclare alors : « Le Monde a rejoint la cohorte de ces titres renommés dont le sort est désormais lié au capital et au bon vouloir des capitaines d’industrie ou de finance ». Constat lucide s’il en est.

A côté de son travail de journaliste, Éric Fottorino est aussi un écrivain. Son roman « Baisers de cinéma » avait obtenu le prix Femina en 2007.

Le héros, Gilles Hector, avocat quadragénaire divorcé, est le fils d’un photographe de plateau (véritable professionnel de la « lumière  » et des éclairages lors du tournage des films) et d’une mère inconnue, peut-être une actrice célèbre. Gilles va tenter de retrouver sa trace parmi les milliers de photos de célébrités qu’il a retrouvées dans l’appartement de son père après le décès de celui-ci.

Quête de la mère parmi ces clichés en noir et blanc, donc. Mais aussi quête de l’amour. La lumineuse rencontre avec Mayliss, femme mariée et mère d’un petit garçon, va transformer sa vie. Mayliss, « très belle et très blessée », Mayliss traductrice d’arabe en français et qui rêve de changer de vie, lassée par la monotonie de la vie de couple. Elle va ensorceler Gilles, qui ne pourra plus se passer d’elle au point de le plonger dans une dépendance de tous les instants dont il a cependant conscience et contre laquelle il finira finalement par lutter.

Quête parallèle donc, de la mère et de l’amante, Mayliss, par ses côtés d’ombre et de lumière, le renvoyant à cette mère inconnue et inaccessible,  « qui a filé comme une étoile » (de cinéma).

Fottorino nous fait pénétrer dans les coulisses du cinéma en décrivant le travail du père de Gilles lequel, par ses éclairages précis et patiemment recherchés, tente de révéler les actrices de la Nouvelle Vague, des actrices qui sans lui n’auraient pas briller du même éclat sur les écrans. A côté de cette maîtrise paternelle de la lumière, Gilles, lui, reste dans l’ombre. Négligé dans son enfance par son père, trop occupé par son métier, il tente de lever le voile obscur qui recouvre l’identité de sa mère. Celle-ci reste inconnue, ce qui confère au roman une grande part de mystère. Mystère que l’on retrouve dans la fantasque Mayliss, l’amante qui ne se dévoile que peu à peu.

Roman d’amour donc, de l’amour passion, de l’adultère avec tous ses dangers, de cette recherche de l’autre (cet éternel inconnu), pour lequel on prend le risque de se perdre, car il nous fascine depuis toujours, avant même la rencontre initiale.

Roman d’initiation aussi, à la recherche de ces inconnues (la mère, l’amante), en tentant par une relation charnelle et érotique de trouver l’amour, celui que la mère n’a jamais donné.

Mayliss est-elle la doublure de cette mère inconnue ? Comme il existe des doublures au cinéma ?

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Le livre sur le site de Gallimard

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DIX QUESTIONS à IVAN O. GODFROID

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Entraînez-vous à ne rien répondre. Jamais.

(aphorisme #3483)

Toutes les interviews ont déjà été données.

(aphorisme #4529)

Ivan O. Godfroid, Réflexions sans miroir (Cactus Inébranlable)

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1/ Ivan O. Godfroid, tu es l’auteur d’un recueil de 5000 aphorismes sous le titre Réflexions sans miroir paru aux Cactus Inébranlable Editions, que tu as écrit sur une période de dix ans.
Peux-tu, en quelques mots, nous en raconter la genèse et dire quel en a été l’élément déclencheur, quel questionnement sous-tend ce livre ?

Tout d’abord je te remercie, Éric, de m’offrir cette occasion de m’exprimer sur mon parcours littéraire, et la philosophie du projet qu’il porte. Réflexions sans miroir s’inscrit en effet dans une continuité – celle de mes ouvrages précédents. Le fil conducteur est celui d’un questionnement sur l’existence ; l’aphorisme, un outil pratique. Si je me suis tourné vers la forme courte, c’était d’abord dans la recherche d’une « littérature du présent » : accessible, attrayante – un cheval de Troie de la pensée destiné aussi à ceux qui la fuient.

Lorsque j’ai découvert les réseaux sociaux, je les ai envisagés comme un moyen de toucher un grand nombre de lecteurs, facilement et gratuitement – en particulier le site de « microblog » Twitter. Composer chaque jour un ou plusieurs aphorismes originaux a représenté un défi très stimulant pour moi à partir de 2013, date de mon inscription. Bien sûr, j’avais déjà eu recours à l’aphorisme par le passé – dans Glam Dicinn, par exemple, publié en 2007 chez Socrate Éditions Promarex. Avec le temps toutefois, ils se sont accumulés, par dizaines, puis par centaines. Je les ai alors agencé d’une manière très particulière afin que leur enchaînement raconte une histoire, une histoire dépassant ce qu’un aphorisme isolé était capable d’atteindre – je recherchais une sorte de « propriété émergente » de ces enchaînements. Et c’est ce qui s’est produit : du texte sont nés des concepts originaux, comme celui de la « physiosophie ».

Les aphorismes se sont alors ordonnés par groupes de 500 unités, avec une logique interne. J’ai continué à écrire, jour après jour, pour atteindre mille, puis deux mille aphorismes, etc. Ayant dépassé les quatre mille cinq cents unités, je me suis dit que cela pourrait donner un ouvrage intéressant. J’ai alors cherché un éditeur spécialisé pour ce livre atypique, si possible un éditeur wallon – et une maison s’est imposée : Cactus Inébranlable, avec un Jean-Philippe Querton médusé à qui j’ai décrit mon projet lors qu’un coup de fil mémorable ! J’ai alors terminé la rédaction des cinq mille aphorismes, ai retravaillé les dix chapitres et je me suis rendu compte que ces différentes « parties » interagissaient de manière inattendue. Pour utiliser une image, j’ai conçu chacune des dix sections du livre comme autant de parties d’échecs, mais celles-ci sont liées les unes aux autres dans une sorte de géométrie – disons, un décaèdre –, dont les dix jeux s’entremêlent (mais gardons ça entre nous : je crains que ça n’effraie le lecteur).

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2/ Quels sont les écrivain(e)s qui t’ont porté, influencé, bouleversé, donné envie d’écrire ?

Adolescent, j’ai beaucoup lu, mais j’avoue avec un peu d’embarras que mon intérêt était avant tout tourné vers la littérature anglo-saxonne – en particulier le roman gothique. Puis j’ai découvert H.P. Lovecraft, que j’ai vénéré, avant d’embrasser sa passion pour Edgar Allan Poe, qui m’a fasciné, et que je tiens toujours pour un géant de la littérature mondiale. J’ai aussi dévoré les Sagas islandaises, traduites par Régis Boyer pour La Pléiade en 1987.

Je dois forcément citer Umberto Eco, pour ce mélange d’érudition, de science et de littérature dont seul il avait le secret. Et finalement, c’est ce qui m’a toujours attiré : le cross-over, l’hybridation des genres ; le franchissement des frontières. J’ai donc lu autant de grands auteurs que de grands savants, constatant souvent qu’il existait des ponts invisibles entre les îlots de la pensée humaine.

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3/ Plusieurs entrées de ton livre sont consacrées à la littérature mais aussi à l’aphorisme, qui, pour ce livre, a constitué ton moyen d’expression. 

Si tu ne devais retenir qu’une ou deux assertions pour définir l’aphorisme, quelle seraient-elles ? Pourquoi avoir, pour ce livre, privilégié ce moyen d’expression ?
Quels sont les auteurs d’aphorismes qui t’ont marqué ?

C’est par la force des choses que je me suis tourné vers l’aphorisme au début des années 2010. Entre mes obligations professionnelles et une vie familiale très prenante, il ne restait que très peu de temps pour l’écriture. Ne pouvant me résoudre à renoncer à écrire, je n’ai eu d’autre choix que d’incorporer la littérature à mon existence-même. Et l’aphorisme s’y prête merveilleusement : on peut le laisser mûrir dans un recoin de son esprit, le sentir se structurer peu à peu tout au long de la journée, en distinguer soudain la musique, et finalement le griffonner sur l’un de ces nombreux carnets qui ne me quittent jamais (j’en ai toujours un sur moi, et d’autres dans la plupart des endroits que je fréquente : voiture, bureaux, salon, chambre).

À mes yeux, le plus grand des aphoristes – et l’un des rares auteurs vers je lequel je reviens sans lassitude –, est Jean de la Fontaine. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour Sun Tzu.

Et pour répondre à ta première question : « L’aphorisme tient de l’origami : l’art de plier les longs paragraphes en d’innocents calligrammes » (#23) ; et aussi : « On peut tirer un aphorisme de tous les sujets ; le plus difficile est d’éviter de perdre en clarté ce que l’on gagne en justesse » (#2216).

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4/ Tu exerces la profession de psychiatre en tant que chef du service psychiatrie d’un grand hôpital. Tu écris en quatrième de couverture de ton livre : « Si les fous littéraires portaient des blouses blanches, deviendraient-ils des psychiatres littéraires ? »

Et : « Ah, si Hemingway avait eu un bon psychiatre. »

Mais aussi, parmi les mille questions que comprend ton livre : « Faut-il être fou ou psychiatre pour être écrivain ? »
En quoi l’écriture relève-t-elle de la folie ou/et de l’activité du rêve ?

As-tu déjà recommandé des lectures à tes patient(e)s dans le cadre d’une thérapie ?

Relevant de l’émotion plus que de la raison, toute création artistique tient de l’utopie : c’est en cela qu’elle recèle une part de folie irréductible – l’émergence de ce qui n’existait pas, de ce qui n’était pas connu, prévisible, et donc empreint de la réassurance cartésienne. Pas besoin d’être psychiatre pour être écrivain toutefois, et encore moins d’être fou… mais rêveur, ah ça oui ! Le rêve, c’est l’intrusion de l’inconscient, et donc de l’intuition, de la créativité débridée.

Je recommande rarement une lecture à mes patients, mais j’ai cependant une très belle anecdote à ce sujet. Il y a quelques années, une patiente éprouvait de grosses difficultés à mettre de l’ordre dans sa vie. Je me suis alors souvenu d’un article publié dans les Annales Médico-Psychologiques qui démontrait que par ses exigences de concision et d’équilibre, le haïku était utilisé en psychiatrie dans le cadre d’ateliers d’écriture. Peu de temps après, la patiente déménageait dans un autre pays, et les consultations cessèrent. Plusieurs années passèrent et un jour cette patiente me recontacta pour m’annoncer une grande nouvelle : elle n’avait jamais arrêté d’écrire des haïkus, et l’un d’entre eux venait d’être sélectionné pour figurer dans un recueil international à paraître au Japon !

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5/ Tu as beaucoup voyagé, signales-tu, et les aphorismes que tu consacres à plusieurs grandes villes du monde l’attestent. Quelle est ta ville préférée ?

Quel livre emporterais-tu dans une ville – déserte ? – pour un long séjour ?

La ville dont la visite m’a procuré le plus d’émotions est sans conteste Saint-Pétersbourg – mais est-ce vraiment la cité que j’ai visitée qui m’a tant plu, ou toute la magie de la capitale de Pierre le Grand qui m’enivrait bien avant mon arrivée ?

Si je devais emporter un seul livre dans une ville déserte, ce serait à n’en pas douter un dictionnaire. Et lorsque je l’aurais entièrement lu, je pourrais toujours en faire un palimpseste…

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6/ Tu es un amoureux des chats. Tu leur consacres plusieurs aphorismes. Quel chat d’écrivain(e) aurais-tu voulu être ?

Ils sont en effet très nombreux, les écrivains qui ont partagé l’existence d’un chat. Le nom de Colette vient tout naturellement à l’esprit, mais citons Chateaubriant, Baudelaire, Dickens, Twain, Hugo, Perec, et puis Gide, Céline – bien sûr –, T.S. Eliot, Neruda, Borges… à vrai dire, il est infiniment peu probable qu’une personne qui publie des livres sans aimer les chats puisse être qualifiée d’écrivain.

J’aurais pu être Catarina, le chat qui possédait Edgar Poe – mais j’aurais dû m’astreindre à son régime spartiate, et puis me méfier des coups de bec du corbeau –, ou mieux : le noir Crazy Christian qui fraternisa avec Ernest Hemingway (les chats de Key West, par une singularité génétique, possèdent six griffes aux pattes avant : de quoi mieux griffer le vieil homme amer).

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7/ À l’aphorisme # 2122, tu écris : « Mon premier robot s’appellera von Neumann. » (du nom du mathématicien hongrois inventeur de l’idée d’ordinateur). Quels noms de personnages célèbres donnerais-tu à tes autres robots ?

Asimov me semble incontournable… Et si je devais avoir autant de robots que je n’ai actuellement de chats – sept –, les cinq autres ne nommeraient probablement Diogène (déjà le prénom d’un félin de ma vie), Jheronimus, Marc Aurèle, Ludwig van et… Kongzǐ ?

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8/ Tu as écrit dans d’autres genres littéraires. Peux-tu nous dire, en quelques mots, de quels livres il s’agit ?  

J’ai beaucoup écrit dans le domaine de la littérature scientifique : un genre littéraire à part entière, à n’en pas douter, avec ses codes, ses structures ; sa rigueur obsessionnelle. Bien qu’ayant commencé à écrire durant l’adolescence (ma première « œuvre » publiée figure dans le Recueil de la quatrième foire aux poètes de chez nous, à Charleroi en 1988), mes publications suivantes participent de la recherche médicale. Deux sujets de prédilection : l’effet placebo et la psychiatrie de la femme. Après un certain nombres d’articles sur ce dernier domaine, j’ai envoyé toute une série de « tirés-à-parts » aux Presses Universitaires de France, avec le synopsis d’un livre. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir un contrat d’édition par retour du courrier ! Je n’étais qu’en première année de spécialisation. Quelques mois plus tard paraissait La Psychiatrie de la femme (PUF, 1999), mon premier livre. Fin 2001, je terminais ma spécialisation, et la voie était toute tracée : continuer à rédiger des articles scientifiques, et publier des ouvrages médicaux. Mais cela m’a paru facile et ennuyeux. Après un livre sur le placebo (L’Effet placebo, Un voyage à la frontière du cerveau et de l’esprit. Socrate Editions Promarex, 2003), j’ai laissé tomber les sentiers battus pour mettre le cap au large, à la recherche d’une terre inconnue.

C’est là que débute l’aventure de L’Ombre close des portes celtiques : une série de sept essais mêlant littérature et science. Chaque essai devait avoir un sujet spécifique, et employer un média d’écriture différent, mais l’ensemble contait une seule histoire. Je reprenais là un projet de mon adolescence : j’avais déjà rédigé à cette époque et durant mes études les deux premiers Livres de la série. Mais leur qualité ne me satisfaisant pas, c’est ainsi que le Livre III fut le premier publié : Larmes de venin, essai sur le pouvoir (Socrate Editions Promarex, 2004) dont la poésie était le support principal. Puis l’année suivante Pacte de contrition, Essai sur la folie, dominé par littérature scientifique.

J’ai ensuite marqué une pause pour m’attaquer à la rédaction d’un livre particulièrement subversif, à commencer par sa forme (il est écrit dans une langue imaginaire d’où émerge peu à peu un texte en langue celte), puis dans sa structure : toute l’œuvre est assignée aux notes de bas de page, dont la fonction académique est tour à tour questionnée, détournée, moquée – et je l’espère, sublimée. Glam Dicinn est une œuvre autant visuelle que littéraire, avec un gros travail sur le lettrage. Enfin, je me suis attaqué à l’écriture d’un roman, que j’ai abandonné, ayant fait fausse route ; puis d’un autre – au prix d’un éveil quotidien à 4h30 durant plusieurs années –, que j’ai cette fois terminé, mais qui reste inédit à cette heure.

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9/ Tu es un fin gourmet. Quel est ton mets préféré ?

Peux-tu composer un menu littéraire (entrée, plat, dessert…) ?

Le ris de veau, lorsqu’il est parfaitement maitrisé, est un plat exquis contre lequel toute résistance est inutile.

Le Livre II de L’Ombre close des portes celtiques, un essai sur l’art, comportera le menu littéraire que tu me demandes, aussi le garderons-nous secret pour l’instant… mais que cela ne nous empêche pas de sabrer une bouteille champagne pour tromper l’attente !

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10/ Ton livre s’ouvre sur l’aphorisme performatif : « Ceci est la littérature du présent » et se termine sur un constant cinglant : « Ceci est la dictature du présent. »

Tu écris par ailleurs : « Le meilleur de mes livres, c’est toujours le prochain, parce que le tout dernier, c’est déjà l’œuvre d’un autre. »

Quel est l‘état présent de tes projets littéraires ?

Depuis la publication de Réflexions sans miroir, je me suis replongé dans l’écriture du Livre premier de L’Ombre close des portes celtiques. Il s’agira d’un « essai sur les commencements » dont le titre est Murmures d’une extrême violence. Je me donne cinq ans pour terminer cet opus, dont le support principal sera le roman. Par la suite, je compte enchaîner sur le Livre II, puis une révision rigoureuse de Larmes de venin et Pacte de contrition, et enfin la rédaction des trois derniers Livres. La prise de note est déjà en cours pour les sept parties quoi qu’il en soit.

À présent au début de la cinquantaine, n’ayant plus rien à prouver, je me sens prêt, tant artistiquement que scientifiquement, à me lancer dans l’exploration de cette terra incognita, à mille lieues de toute ligne éditoriale conventionnelle, étranger à toute pression financière et surtout, définitivement affranchi de la doxa.

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LIENS UTILES

Ivan O. Godfroid

RÉFLEXIONS SANS MIROIR – 5000 aphorismes – sur le site de vente en ligne des Cactus Inébranlable Editions

IVAN O. GODFROID sur le site des Editeurs Singuliers

L’émission littéraire Sous Couverture où Thierry Bellefroid parle de ce livre

Réflexions sans miroir d’Ivan O. Godfroid sur Les Belles Phrases (lecture d’Eric Allard + séléction de 40 aphorismes)

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DANS LE NOIR d’ÉRIC LAMIROY (Coll. Crépuscule) / La lecture de GAËTAN FAUCER

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Quand Eric Lamiroy passe du côté (non pas obscur !) mais bien du côté auteur, c’est toujours pour nous surprendre.

Il nous a fait le coup à de multiples reprises, entre autres avec, Excréments et Madame Beulemans.

En effet, avec Dans le noir, la surprise nous éclaire sur quelques travers de notre quotidien. 

Même s’il est préférable de laisser au lecteur la surprise de l’histoire, le propos est cocasse et doit être lu entre les lignes ! 

La nouvelle ici présente est en adéquation parfaite avec notre temps.  

Elle entre dans la collection polar/suspens en toute quiétude… pour nous laisser, à nous, lecteurs, le soin d’éclairer notre esprit.

Inutile de vous dire que je n’en dirai pas davantage. Même si mon texte semble assez obscur, sachez que la nouvelle, elle, est très originale et peut se lire à l’aide d’une bougie ou d’une torche. Ambiance assurée !

Dans le noir est la 20ème nouvelle qui figure au palmarès de la collection Crépuscule.

L’éditeur Lamiroy s’amuse quand il devient auteur, l’espace d’une nouvelle.. .En parlant d’espace,  il y fait tout noir, là aussi !

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Eric LAMIROY, Dans le noir, Lamiroy/coll. Crépuscule, 5 €.

L’ouvrage sur le site des Editions Lamiroy

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CONTRE-FUGUE de MILA TISSERANT (Editions du Cygne) / La lecture de PHILIPPE LEUCKX

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Résolument, voilà une très jeune poète française, née à Strasbourg en l’an 2003, contre tout ce que la poésie peut contenir de fadeur, de timidité. Résolument, elle arme ses mots, ses poésies en prose d’une vigueur sans relâche, maniant l’impératif et l’invective comme des outils de vrai poète « voyou ».

Car c’est ainsi qu’elle brandit, farouche, les mots pour les porter à la fureur du dire.

Rien de clément ici, ni d’apaisé : le verbe grince, ronfle, s’enhardit, les vers percutent et les métaphores bouillonnent.

Résolument, Mila Tisserant étonne et cherche à le faire savoir, s’en prenant aux poètes, s’en prenant aux traditions, « le poète n’est pas celui qu’on vous enseigne » (p.32).

Voilà une poésie qui ne laissera personne indifférent : ça éructe, ça sonne fort, c’est « endiablé ».

Nerveux poème qui se permet tant d’injonctions, tant d’exclamatives secousses.

Cette poète ira loin. Nul doute.

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Mila TISSERANT, Contre-fugue, Ed. du Cygne, 2022, 52p., 10 euros.

Le recueil sur le site des Editions du Cygne

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2023 – FLOCONS DE MOTS : MES POEMES DE L’HIVER / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Je lis de plus en plus de poésie, je propose donc, ci-dessous, une chronique construite avec des recueils de poésie d’une grande qualité proposés par des éditeurs très exigeants : un recueil de Claude LUEZIOR, mon voisin et ami suisse, dont Traversées a publié un très beau recueil en forme de beau livre, un autre de Sophie BRASSART édité par Tarmac et enfin un troisième de Serge DELAIVE, édité par Le Chat polaire. Trois recueils qui enchanteront tous les amateurs de poésie.

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Sur les franges de l’essentiel suivi de Ecritures

Claude Luezior

Traversées

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Avant d’évoquer ce que j’ai trouvé dans ce recueil je voudrais déjà parler de l’objet livre : un magnifique ouvrage au format portrait, presque carré, orné de la photographie d’une magnifique peinture de Jean-Pierre Moulin. Le papier utilisé pour la couverture comme pour les pages intérieures est de très belle qualité, l’impression et la mise en page sont très soignées, c’est presque un objet collector. Ce livre comme l’indique le titre comporte deux textes : un recueil de poésie en partie en prose et en partie en vers et un autre texte en forme d’essai sur l’écriture, l’art d’écrire, la raison, d’écrire, la manière d’écrire, tout ce qui apporte une motivation à l’écrivain et développe son talent potentiel.

Claude Luezior, je l’ai découvert il y a peu à travers la lecture de son P’tit Cactus, Emeutes, publié aux Cactus inébranlable éditions, un recueil d’aphorismes qui met bien valeur sa profonde culture et son art de jongler avec les mots. Dans le présent recueil, le texte poétique se décompose en deux parties : des poèmes en vers très courts écrits en caractères d’imprimerie et des textes en poésie en prose présentés en italique. La partie en prose semble servir à exposer l’esprit de ce qui suit en vers, comme si ces textes en prose introduisaient un nouveau chapitre, un nouveau thème, une partie d’un tout évoquant l’écriture, son histoire, l’art d’écrire, la finalité de l’écriture, la nécessité de l’écriture, … Tout ce que l’écriture apporte à la vie et tout ce qui rattache l’homme à l’écriture.

L’écriture c’est aussi un message que Claude lance avec force : « On me rebat les oreilles avec les robots et l’intelligence artificielle. / A quand les vraies oreilles pour entendre les cris des affamés ? … » Claude en raconte l’histoire à travers sa poésie pour que les hommes comprennent le rôle qu’elle joue dans leur vie depuis l’origine de l’humanité, depuis que les hommes préhistoriques ont laissé des messages sur les parois des grottes. « Les dessins des cavernes ou ceux des pyramides ont survécu durant des millénaires, les volumes et codex, quelques siècles. Alors que les électrons de nos ordinateurs ne seront peut-être plus lisibles dans une vingtaine d’années. » Certains supports ne sont déjà plus lisibles aujourd’hui faute de matériel adapté pour les lire et certains langages informatiques sont déjà oubliés.

Ecrire est un art que la machine n’apprendra jamais, « Le langage du poète est tellement confidentiel qu’aucune notice « Secret », qu’aucun tampon « Défense » ne sera nécessaire ». Seule l’écriture manuelle peut conserver l’humanité nécessaire à la vie. Et peut-être que les poètes deviendront, dans un avenir incertain, les vedettes des années à venir. « Qui sait ? Robots et ordinateurs en convulseront d’envie. / je ne suis d’ailleurs pas sûr que les artisans de la plume d’oie en seront aise. »

Cet art d’écrire, Claude le possède à l’excellence, il l’expose dans ce texte où, comme il y a le fin du fin dans tout ce que nous pouvons évoquer, il y a de la poésie dans la poésie. J’ai pris cet exemple qui m’a particulièrement épaté : « A main feutrée, je profusionne des caresses que je dénoue au gré de tes courbes. » Son vocabulaire est d’une grande richesse : choix des mots exacts, les mieux adaptés au texte et à son sens, les plus éloquents, les plus précis mais aussi ceux qui coulent, sonnent le mieux dans la musique et le rythme du texte.

Ainsi, le texte de Claude est d’un parfait esthétisme, il est enchanteur est pourtant il comporte une dose d’amertume en évoquant le temps qui passe provoquant la déchéance physique. « Pour le salut / de leur corps // à l’abandon / sous mes yeux / dans mes mains // ce corps igné par l’insupportable / magie / coup de fouet / du dire // … » Un certain agacement aussi devant l’humanité qui perd de plus en plus la sienne. « Mais pourquoi donc Dieu a-t-il légué à l’Homme sa folie inventive ? ».  Ce texte a une dimension testamentaire, Claude, comme moi, a déjà vécu une partie conséquente de sa vie, il s’interroge sur ce qu’il est, ce qu’il a fait, ce que les hommes ont fait et feront encore, Pourquoi vivre ? Il questionne dans un poème, « Vivre ? »,  dont je ne cite qu’une partie : « Fleurir / … // rugir / … // courir / … // , souffrir / face aux décrépitudes qui sonnent la charge dans mes viscères / … » Le corps faiblit, l’écriture accueille l’inquiétude, l’angoisse, la vision de la fin qui se profile de moins en moins loin. L’écriture et la vie se fondent dans une même fusion pour transmettre un message de vigilance, d’attention et d’espoir aussi aux générations futures. « … / pour que survive / en manière d’essentiel / nous avons calligraphié / sur l’épiderme de nos chairs / écrouelles, cicatrices / et spasmes insensés / que l’on appelle poésie »

Et la poésie sera toujours la vie comme sous la plume de Claude.

Le livre sur le site de Traversées

Claude LUEZIOR sur Les Belles Phrases

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L’être à l’enfant

Sophie Brassart

Tarmac

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La lecture de ce recueil m’a permis de découvrir cette poétesse que je ne connaissais pas auparavant, j’étais tout de même fort confiant car je n’ai eu que de bonnes expériences avec Tarmac qui déniche et publie toujours des auteurs de grande qualité. Dans ce présent recueil, Sophie Brassart propose, sur chacune des pages, deux strophes de quatre vers qui constituent à eux deux un petit poème : une image, une impression, une sensation, un ressenti :

« Te voici, dans le jardin, / en éveil sur la balançoire, / avec ton visage renvoyant / jusqu’au coin // le plus dégagé du ciel / les derniers sillons du potager / L’odeur de l’ombre, comme on aime sentir sa gloire »

Sophie fait chanter les mots en les tamisant, les triant, les sélectionnant avec la plus grande rigueur pour qu’ils rendent ces images, ces impressions, ces sensations, ces ressentis, plus vrais que nature, au-delà de la matérialité de nos vies, dans l’espace réservé aux poètes. Sous la caresse de ses mots, elle esquisse un monde dépassant les contraintes quotidiennes, pénétrant les cœurs et les âmes.

« Tes deux mains / retenues par l’ombre / cherchent un ciel nouveau / Quand les fleurs des pruniers tombent ] »

Elle évoque les hommes et les femmes, les êtres – comme pourrait l’évoquer le titre dégenré du recueil, si être est accepté au mode nominatif -, les enfants, la nature et les animaux qui l’habitent, à travers les couleurs, les formes, les musiques qu’elle dessine ou compose pour esquisser le monde qu’elle semble appeler de tout son talent. Elle peint les émotions comme elle peint la vie, l’amour la mort.

« A contre-jour, / chaque façade s’est alourdie / autant que les bêtes / à l’approche de la mort »

Sophie est aussi peintre, son talent pictural est très visible dans ses textes très visuels où les mots sont souvent comme des touches de couleur qui font vivre les images et les personnages qu’elle pose sur ses pages.

« Laisse l’image, le mot, jusqu’au nom du bonheur / s’évanouir, comme ce vent nourri / de pierres qui écrase la pluie sur / le cheval de trait »

Le mot et l’image sont caresses dans le monde de Sophie, elle les choisit comme le marqueteur sélectionne ses bois pour obtenir les meilleures impressions, et les assemble le plus justement faisant même appel, parfois, à des formules de style comme ce zeugma : « des verres et du vent » si justement placé.

Les caresses de Sophie sont faites de mots mis en vers…

Le recueil sur le site des Editions Tarmac

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Lacunaires

Serge Delaive

Le Chat polaire

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C’est le septième opus édité par Le Chat polaire que je lis et, avant de l’ouvrir,  j’ai éprouvé un petit frisson comme avant d’ouvrir chacun des précédents car ils m’ont tous enchanté en m’emmenant dans des mondes différents, nouveaux souvent, sur les ailes de vers inventifs, émouvants, … Les auteurs sélectionnés par Le Chat polaire sont toujours créatifs, originaux, …,  et Serge Delaive ne faillit pas à cette tradition qui semble s’installer chez cet éditeur comme une ligne éditoriale.

Ce dernier recueil se décompose en quatre parties introduites chacune par une superbe photo prise par l’auteur lui-même, la première intitulée, Inadvertances, évoque les nombreux séjours effectués par l’auteur dans un charmant coin du Frioul en Italie.

« Barcis Frioul neuf bars / trois cents habitants / allé de bar en bar pas plus loin / … », voilà un village où j’aimerais passer mes vacances et où, Serge, apparemment a passé lui aussi de bons moments mais pas que dans les bars d’après ses vers.

La deuxième partie du recueil, la plus longue, les pansements les rêves, évoque la vie, le monde qui nous entoure, avec parfois une certaine nostalgie comme dans le poème qui énumère nombre de dernières fois – « … / la dernière voix une dernière fois / puis survire parmi les disparus / … » -, un brin de mélancolie, des failles, une interrogation sur ce que serait vraiment l’existence et une série de petites choses, d’événements, d’anecdotes, des petits riens qui font la vie et le monde. « Parler de rien de la poussière / de la lumière ultime silence / … » . « Je me souviens de cette fissure / apparue entre nous et nous / sous des formes non cicatricielles »

La troisième partie, En direction de mu (lettre grecque), est plus courte mais peut-être encore plus profonde, elle s’adresse à l’âme, au cœur, aux tripes, évoquant l’espoir né de la nuit, les amours de l’aube, la vie écrite avec le sang, la vie envolée, la femme qui donne la vie, « … / elle l’une t’a porté en elle / elle l’autre t’a accepté en elle / … ». Le recueil referme ses vers sur une dernière partie aux accents nihilistes, « Et ne plus rien écrire » . « Je n’écrirai plus / raison pour laquelle j’écris / malgré tout à foison / ces lignes depuis le champ des ruines / … ».

Ces textes m’ont enthousiasmé, ils m’ont porté sur la vague de l’angoisse de notre présent même s’ils ne sont pas toujours très iréniques, s’ils distribuent plus de crainte que d’espoir…Serge trie ses mots avec attention, il les tamise, les sasse, les blute, pour ne conserver que ceux qui sont indispensables pour le texte, ceux qui construisent les images qu’il met en vers pour dire son inquiétude et son angoisse. Sa démarche littéraire, les images qu’il crée, nourrissent mon intérêt pour ses poèmes allégés, dépoussiérés et pourtant si éloquents :

« Le monde est rempli / de morts qui n’ont plus soif / de morts absents de la mort / … »

« Ainsi ce serait donc ça vivre ? / surgir de la mort pour y retourner / surnager sur la réalité du vide / … »

« Et de l’espoir né au matin / d’une nuit qui n’a pas voulu de nous / ne demeurent qu’os blanchis / … »

Et pour conclure ce commentaire, je retiendrai ce ver qui pourrait résumer ce recueil : « La chute est le mouvement qui domine l’univers »

Le recueil sur le site des Editions Le Chat polaire

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CLARTÉS DU SOIR de JACQUES ROBINET (Unicité) / Une lecture de PHILIPPE LEUCKX

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La nuit, c’est la « mort » qui vient, c’est l’heure où « la lumière décline », alors, il faut promouvoir au mieux cette clarté, annonciatrice du jour.

Le poète oeuvre dans le feu de l’autre et du silence, à force d’images qui puissent nier l’exil, l’absence, la perte :

« Une rose à la fenêtre

le gel au fond du coeur »

Le chemin est un élément important de la poétique de Robinet : il inaugure « l’ouvert », engrange « l’estuaire », afin que la parole circule et vienne « le bleu du ciel ».

Les poèmes, assez brefs, circonscrivent un domaine de réflexion : la présence de l’autre (ce « tu » obsédant), les impératifs dressés à soi (« reviens, n’écoute pas l’appel/ du vent »), les « traces » attendues, requises ou négligées.

« Perdu sur mon chemin

j’ai tressailli à ton approche »

Un aller-retour désir/ présence creuse les enjeux de cet intimisme brûlant : « la nuit respire/ ton silence ».

On comprend l’intensité qui s’y joue et l’étonnement métaphysique « d’être là », encore, et toujours, en quête du beau, de l’impossible, de ce réel qui nous joue des tours.

« Rôdeur », témoin des « nocturnes », le poète sait « où règne la nuit/se tisse la lumière ».

Lyrisme vivace, explorant les fins fonds de l’être : voilà où le poète nous mène, signe après signe, sans triche, énumérant les « passages incertains », « frottant les mots jusqu’à l’usure ».

Le lexique, ainsi, ressasse les mêmes vocables, dans une volonté dense de tout dire de ce désir de « clartés ».

Un beau livre.

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Jacques ROBINET, Clartés du soir, Unicité, 2022, 15 euros. Couverture de Renaud Allirand

Le recueil sur le site de vente en ligne des Editions Unicité

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ILS ONT PEUR de GEORGES CATHALO et LIONEL BALARD (Cahier des passerelles) / Une lecture de PHILIPPE LEUCKX

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La peur est une voisine encombrante et l’angoisse d’aujourd’hui souille nombre de relations et de vies.

Elle est là, rampante, irrépressible.

Le poète l’a bien saisie, cette peur omniprésente, dans le regard, dans le geste, dans la tension.

Avec la légèreté des quatrains – une vingtaine, à raison de deux par page, le poète dessine sa vision du monde, entre acuité, analyse et espérance d’un autre univers.

Le poème, référence à ses fameuses « Quotidiennes », traque le menu, les mots réfractés, les paroles enfouies, les « vieilles photos »: la solitude prévaut et encrasse, cette « peur de vivre » laisse ces êtres égarés, tourmentés.

Le livret rend bien compte d’une errance qui est devenue marque du temps, usage d’aujourd’hui, et le poème doit servir d’éclairage à nos vies malmenées.

Cathalo ne se fait aucune illusion d’un monde qui sait trop bien aller à vau-l’eau.

Par sa poésie, lucide, vigilante, il veut nous alerter sur les beautés à conserver, d’un monde qui n’est déjà plus là, sans doute, sauf les mots qui veillent, décrivent, animent.

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Georges CATHALO, Ils ont peur, poèmes, Cahier des passerelles n°54, 2023. Belles gravures de Lionel Balard, qui s’est souvenu de Tardi. 5 euros.

Contact pour vous procurer l’ouvrage : Les.passerelles@laposte.net

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UNE ASSOCIATION D’ÉDITEURS S’EN PREND À UN NON-ÉCRIVAIN

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Ce soir, à 17 heures, dans une rue non soumise à l’activité carnavalesque de la bonne ville de *, un homme a été pris à partie et molesté par une association d’éditeurs masqués, de retour de la réunion hebdomadaire de leur cercle.

La victime se nomme Xavier Y. Après un brillant doctorat en pataphysique avec une thèse sur l’influence (par anticipation) de l’Oulipo sur le dernier vers de l’ode à Albert Rajji de Jean-Baptiste Ubu, Xavier a fait une belle carrière de fonctionnaire au Ministère des Emplois Latents.

Fort de ses diplômes et de sa qualification de lecteur émérite de sa ville, remise par le Centre Surréaliste Universitaire local, il a lu, Post-it à la main, toutes les publications passées et actuelles. Xavier Y. ne s’est jamais accordé le droit d’écrire un ouvrage qui ne ferait en rien bouger les lignes de la littérature. Puis, Xavier, qui a une âme d’écolo (sa mère l’a abandonné à sa naissance au pied d’un séquoia nain) renâcle à gâcher du papier précieux.

Victime d’une commotion cérébrale et de la perte d’un doigt d’honneur, monsieur Y., qui a tenu à garder l’anonymat et auquel nous donnons ici un prénom et une lettre d’emprunt, a signalé la violence des faits et paroles des présumés coupables du délit.

Les treize hommes et la femme [la parité n’est pas respectée dans la société éditoriale de la bonne ville carnavalesque de *] ont commencé par lui faire une clé de bras, puis, ils se sont assis sur son visage avant de le rouer de livres en lui criant, d’une haleine avinée : Pourquoi n’écris-tu pas  enf… ?, Quand vas-tu, enc…, te décider à nous adresser un manuscrit ?…Mais tu te prends pour qui, face de m… ! Tu veux qu’on crève ou quoi, fils de p… ? et autres amabilités du même acabit.

Ces propos, s’ils sont avérés par l’enquête, pourraient même affecter un gille de retour de son Mardi gras de lancer d’agrumes.

Les présumés coupables nient en bloc et l’affaire risque bien d’en rester là car le chef de la police, les agents, le personnel administratif et le bourgmestre sont des écrivains, de même que toute la population de la bonne ville carnavalesque de ¨* faisant partie du patrimoine universel de Lu Nescroc.

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LA SOURCE D’INCANDESCENCE de MONIQUE THOMASSETTIE (M.E.O.) / La lecture de JEAN-PIERRE LEGRAND

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« Au commencement étaient les couleurs qui créèrent les formes. Au commencement était le savoir des couleurs. »

Or donc un certain soir, incendié par le couchant, un grand arbre flambait dans un rouge de forge. A l’écrivaine son fût sembla une porte qui ouvrait sur les degrés d’un raide escalier plongeant sous les racines dans des tréfonds où rougeoyait un feu sacré. Elle se trouvait sur le seuil d’un conte qui les disait tous. Un jour il lui faudrait se laisser choir et, portée par la chute, narrer l’un de ces contes.

Ce jour vint. Au retour d’un séjour en Inde du sud qui la marqua au plus profond de l’être et qui coïncida avec la mort de son père, Monique Thomassettie entreprit l’écriture de La Source d’Incandescence. La même année, elle rédigea La Source raphaëlle, un récit autobiographique hanté par cette disparition. Le voyage en Inde évoqué dans ce dernier texte est transposé dans le conte mais cette fois, dans une prose poétique et onirique où les symboles croisent le mythe. En postface de son conte, l’autrice reproduit un extrait crucial et éclairant de son récit. Il rapporte sa rencontre avec un enfant misérable qui, sans mendier, vint glisser sa main dans la sienne et chemina quelques instants avec elle. Il lui parut comme un ambassadeur de toute cette pauvreté riche seulement de « pouvoir traverser dignement ce monde d’injustices ». Ne pouvant rien pour lui, elle eut le sentiment de l’abandonner. Sa réapparition allégorique dans La Source d’Incandescence est une reconnaissance dans tous les sens du terme : à la fois gratitude et vision.

Mais franchissons cette porte.
Sur les chemins qu’elle suit « comme des points d’interrogation » la voyageuse – elle n’aura pas d’autre nom » traverse des fouillis d’arbres où l’on ne distingue plus les branches des racines, des clairières où l’accompagne le murmure des eaux « qu’elle comprend « comme la musique », aboutit à des temples isolés dont le temps érode les pierres et efface lentement les écritures dont elles sont gravées. Peu importe : « de l’art poussé à sa plus haute perfection demeure l’acte créateur, éternellement recommencé. Enseignement des œuvres englouties par le temps. » Plus loin d’autres temples s’enchevêtrent à des maisons dans une ville aux rues pleines d’une foule innombrable et tranquille dans le bruit des klaxons et la proximité des animaux partout présents.

Ce pays d’arbres, d’eaux et de villes écartées,  mi vécu et mi imaginé, est propice aux rencontres étranges.

Un moinillon, lointaine incarnation de Rimbaud verse des poudres colorées dans le creux des lettres d’inscriptions sacrées qu’efface le temps. Ailleurs la voyageuse ayant perdu son chemin interroge un aveugle qui lui chante sa vision intérieure. La réalité s’étage en plusieurs plans : la vertu du rêve, de la poésie et de la musique est de les réunir dans un langage total.

Dans le croisement des chemins, la voyageuse rencontre encore une manière de double inversé d’elle-même, son autre : l’oratrice. C’est une révoltée. Là où la voyageuse s’abandonne à la perception et renonce à l’obsession de « comprendre ce qui ne peut qu’être reçu », l’oratrice discourt, s’agite brûle d’un feu qui la consume. L’une et l’autre vivent d’un même cœur mais selon des voies différentes.

Au centre des rencontres, insaisissable, l’enfant. L’enfant né des eaux, l’enfant sylvestre, le dos vibrant de feuilles, l’enfant musicien, l’enfant mendiant couvert de haillons sous lesquels tremblent deux ailes. Toujours perdu, toujours retrouvé il confie à la voyageuse qui s’en retourne ce qu’elle est venue chercher : son viatique, l’ « Emotion messagère ».

Avec La Source d’Incandescence, éditée une première fois  en 2004 aux Editions de la Page et rééditée par les éditions M.E.O., Monique Thomassettie signe un conte envoûtant, sorte de long poème en prose dont la grâce onirique et l’exquise profondeur continuent longtemps de troubler les pensées du lecteur. Une réussite formelle, thématique et émotionnelle qui réside dans le mantra de sa voyageuse : « jongler avec les images, les adapter, les retourner, les danser. »

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MONIQUE THOMASSETTIE, LA SOURCE D’INCANDESCENCE – Conte, Editions M.E.O. 2022, 91 p., 14 €.

Le livre sur le site de vente en ligne Editions M.E.O.

Les livres de Monique THOMASSETTIE sur le site des Editions M.E.O.

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SOUS LE PONT MIRABEAU de MADELEINE BOURDOUXHE (Espace Nord) / Une lecture de JEAN-FRANÇOIS FOULON

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Madeleine Bourdouxhe est une autrice pour le moins méconnue. Née à Liège, en Belgique, en 1906, elle s’est éteinte en 1996 dans une indifférence quasi générale. Pourtant, cette femme au caractère indépendant, qui avait connu l’anarchiste Victor Serge, était la secrétaire perpétuelle de la Libre Académie de Belgique, fondation dont le but a toujours été de faire contrepoids aux institutions officielles, trop souvent sclérosées et tournées vers le passé. Elle est surtout connue pour son roman La femme de Gilles (1937) dont Frédéric Fonteyne a tiré un film. On ne peut que regretter qu’il ait fallu un film pour que le public découvre enfin cette autrice, mais d’un autre côté cet événement va peut-être contribuer à faire sortir M. Bourdouxhe de l’anonymat dans lequel elle était tombée. Pour oeuvrer, par cette modeste contribution, à sa réhabilitation, je voudrais me pencher sur la conception de l’écriture qui est la sienne dans son roman Sous le pont Mirabeau (1). Ce textequi est plutôt une longue nouvelle, a été publié en 1944, c’est-à-dire en pleine guerre. Notons directement que M. Bourdouxhe avait refusé catégoriquement d’être éditée par une maison contrôlée par les Allemands. Cela aurait été d’autant plus difficile que ce récit raconte l’exode de 1940.

Mais pourquoi revenir avec ces choses du passé, objectera-t-on ? Et pourquoi pas, après tout ? On a bien décerné le prix Renaudot 2004 à Irène Némirovsky, bien que celle-ci soit décédée, pour sa Suite française, qui traite du même sujet. Qu’on nous permette donc de revenir sur le texte d’une personne qui a vécu directement les événements afin d’essayer de comprendre comment elle les transcrit par l’écriture. On percevra vite en quoi la littérature est différente de l’approche journalistique car ici, loin de vouloir rendre la réalité des événements, on se trouve plutôt devant une fuite poétique…

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Dans La femme de Gilles déjà, Madeleine Bourdouxhe mettait en scène une héroïne qui avait peu de prise sur la réalité. Tout lui échappait, à commencer par l’amour de son mari. Loin de se révolter ouvertement, elle tente de reconquérir ce dernier, mais d’une manière qu’on pourrait qualifier de passive. Ainsi, loin de supplanter sa rivale d’une manière ou d’une autre, elle va jusqu’à consoler son mari quand la maîtresse de ce dernier s’est montrée injuste envers lui. C’est qu’elle mise sur la patience et la compréhension qu’elle a en elle pour ramener ce mari à de meilleurs sentiments. Bafouée par la vie quotidienne (l’habitude n’est-elle pas la mort de tous les couples ?), elle laisse faire. Mais ce laisser-aller est une arme comme une autre. Il n’empêche qu’à la fin elle s’avouera vaincue. Même si Gilles se tourne de nouveau vers elle, plus rien n’a de sens, l’amour est mort et le suicide est au bout du chemin.

Dans Le pont Mirabeau le réel semble également échapper à l’héroïne. Tout glisse autour d’elle, les personnages comme les événements. Elle traverse le roman comme si rien ne la concernait, elle dont on ne connaît même pas le prénom. Déjà dans La femme de Gilles, l’épouse ne semblait avoir d’autre patronyme que celui de son époux, comme si elle n’avait pas par elle-même d’existence intrinsèque. Ici, la dépersonnalisation va plus loin : l’héroïne n’a ni nom ni mari. Ou si mari il y a, ce dernier n’est évoqué qu’une fois, pour signaler son absence (il est parti, vraisemblablement à la guerre). Etre sans nom, terriblement anonyme, l’héroïne vit les débuts de la guerre et l’évacuation comme si elle ne les voyait pas, ou comme si ces événements dramatiques ne la concernaient que fort peu. Et pourtant voilà une jeune femme belge qui se retrouve seule sur les routes de France avec dans les bras un enfant qui vient de naître la nuit même de l’invasion allemande. Il y aurait de quoi nous faire un récit dramatique à souhait. On s’attendrait à des descriptions de bombardements, de villages en ruine, de cadavres le long des routes, de stukas qui mitraillent en piqué dans le hurlement des réacteurs. Mais non, rien de tout cela. La guerre est évoquée de loin, comme une réalité qui va de soi, ou à laquelle il faut bien s’habituer. Mais si l’autrice n’entre pas dans la description extérieure du conflit, on pourrait s’attendre à avoir un roman psychologique, qui fouille l’âme de l’héroïne (et en réalité, dans cet exode immense, M. Bourdouxhe réussit ce tour de force de n’avoir qu’un seul personnage). Mais non, rien là non plus. Pas d’états d’âme, pas de panique, pas de pleurs, rien. A l’exception du premier bombardement peut-être et puis c’est tout. Une fois que l’on sait que l’on est en guerre, on l’accepte. Si sentiment il y a, c’est plutôt celui de l’étonnement devant la beauté des paysages ou des villes traversés :

  • « Ce matin-ci est large et beau, comme celui d’hier, comme celui d’avant-hier. Par la fenêtre de la chambre, on voit les grands champs, toujours calmes. » (page 21)
  • « Comme la route est belle, comme le soleil est ardent. » (page 28)
  • « Les belles routes bordées d’arbres, qui ne sont pas macadamisées, ni toujours bien réparées, mais de terre et de pierres, où l’on a envie de marcher, où l’on a envie de chanter en marchant. » (page 30)
  • « La Sologne est verdoyante, les villages y ont beaux noms. » page 37)
  • « Un souffle léger et chaud laisse immobiles les châtaigniers de la Corrèze. (…) Les soirées sont sereines, remplies d’immobilités. Les nuits sont amples, claires, étoilées. » (page 42)

Bref, dans son exode, l’héroïne semble fascinée par ces paysages de vacances davantage que par la guerre et par la défaite imminente. Sur la route, il y a bien des soldats, mais ils sont gentils et courtois.

D’ailleurs, ils ne se battent pas, ils attendent les ordres, des ordres qui ne viendront jamais. Quant à la population, elle se montre toujours empressée d’offrir une chambre à la jeune accouchée et les réfugiés eux-mêmes, malgré leur malheur, sont serviables. Contrevérité historique ? Peut-être pas. D’une part il y a le voyage qui, même si la guerre en est la cause, reste un premier voyage pour une jeune femme de province. D’autre part c’est une descente vers le sud, ce qui ne peut qu’émerveiller une native du nord et conférer à cet exode un caractère initiatique. Au milieu du malheur collectif, elle parvient donc à trouver une source de joie personnelle. Et puis, si la guerre est ainsi niée par l’écriture, non décrite, pourrait-on dire, c’est que l’héroïne est concentrée sur la survie de son enfant. C’est une mère qui traverse ainsi la France et si on ne se complaît pas dans des descriptions de villes bombardées c’est précisément pour ne pas focaliser l’attention du lecteur sur ce qui n’est finalement qu’annexe. Le centre du livre n’est pas la France, ni sa population, ni la guerre, ni les soldats. Le centre du livre, c’est ce bébé qu’il faut sauver, en le portant à travers tout, en le tenant à bout de bras afin qu’il n’étouffe pas dans la foule, quand on se retrouve dans un abri en plein bombardement. Mais point de bruits de bombes qui tombent. Rien que la fatigue de la mère qui doit tenir l’enfant pour le sauver.

Madeleine Bourdouxhe

Le roman est à la troisième personne, ce qui permet à M. Bourdouxhe de prendre ses distances avec sa propre expérience de la guerre. Car au départ ce voyage d’exode de la Belgique vers les Landes fut bien le sien, comme était le sien le bébé qui l’accompagnait. Mais point de biographie ici. Le « il » se veut distance et refuse toute subjectivité. Et si le récit ne veut pas raconter les horreurs de la guerre (que la romancière a fatalement connues), c’est que le voyage décrit se veut poétique et comme initiatique. C’est au bout d’elle-même que l’héroïne va devoir aller. Le conflit des hommes n’est qu’un prétexte pour se découvrir elle-même en tant que mère (plusieurs allusions à la Vierge Marie sont d’ailleurs faites). Apologie de la maternité ? Pas vraiment. Sauver l’enfant est une chose naturelle, comme semblent naturels les paysages ensoleillés que l’on traverse, comme fait partie de l’ordre des choses la guerre qui fait rage. Tout ce qui n’est pas l’enfant et la mère et qui constitue le monde extérieur n’a pas d’importance. On le subit, c’est tout. Car comme la femme de Gilles subissait son destin, notre héroïne est passive. Point de révolte, ici. On accepte les événements, mais tout en les acceptant, on tente simplement de survivre. Et voilà pourquoi tout ce qui l’entoure n’est pas décrit mais est plutôt tracé en pointillés. Le monde existe, mais dans le roman la vision qu’on en a est comme filtrée.

Un lecteur qui rechercherait des détails historiques sur l’exode de 1940 serait donc déçu par ce texte. Comme serait déçu celui qui voudrait y trouver un personnage s’affirmant contre son destin. Non, ici, rien n’est décrit et l’héroïne est passive. Mais de cette passivité même naît une force incroyable. Si elle ne s’arrête pas pour contempler les malheurs environnants, ce n’est pas par manque de sensibilité mais par force intérieure. Elle n’a qu’une idée en tête : sauver l’enfant et n’a donc pas le temps de se laisser distraire par ce qui est étranger à cet acte.

Pourtant, pour protéger cet enfant, nous nous serions attendus à la voir prendre au moins quelques initiatives. Mais non. A chaque halte, il y a toujours une villageoise qui vient proposer une chambre pour la jeune accouchée. Ou bien, au début, quand elle est encore trop faible pour marcher, des soldats s’offrent pour la transporter en civière, etc. De plus, si elle n’agit pas, elle ne parle pas davantage. Il y a bien quelques dialogues avec des militaires mais il y a surtout un grand silence lourd de sens :

« Elle remonte vers le hameau. Elle s’arrête devant la maison de la paysanne impassible. Pendant un moment, elles demeurent l’une en face de l’autre, sans rien se dire. Comme on ne le promène plus l’enfant s’éveille ; la femme dit : « Allez, il faut le promener. Et faites-lui la chanson. » La femme rentre. » (page 51)

Que cache ce silence ? Le monde de l’exil. L’héroïne est là, loin de chez elle. Elle a sauvé l’enfant et attend. Quoi ? Que la guerre se termine sans doute. Mais se terminera-t-elle ? En attendant elle est là, tout le monde se tait, il n’y a rien à dire. Comme se taisaient les soldats.

Et le titre alors, que signifie-t-il ? Cette allusion au poème d’Apollinaire (1) est évidente : « Les jours s’en vont, je demeure. » Le temps passe, la Seine coule, mais le héros reste là. Comme reste là l’héroïne que la guerre n’a pas su abattre. Fidèle à elle-même, elle demeure. Changée, certes, mais elle a pu survivre. On pourrait d’ailleurs se demander si le bébé n’est pas une métaphore de l’héroïne elle-même. Car le fait de traverser toutes ces épreuves sans vraiment les voir, n’est-ce pas comme une nouvelle naissance ? Et l’écriture n’est-elle pas née, elle aussi, de ce voyage ? L’enfant n’est-il pas lui-même l’écriture que la femme va sauvegarder envers et contre tout ? Cette maternité qui est la sienne, n’est-ce pas celle de la future romancière, fidèle à cette petite voix intérieure qui lui dit que plus tard elle racontera tout cela. Pas la guerre, mais le fait qu’elle a su préserver au fond d’elle-même un je ne sais quoi qui devra s’exprimer. Et la comptine initiale (« Colimaçon borgne, prête-moi tes cornes »), comme le fait remarquer MJ Hanoulle dans la postface de l’édition Labor, n’est-elle pas une allusion à une écriture encore dans l’enfance ? Tandis qu’à la fin on dit du bébé que « les années la feront femme, les années la feront idée claire. »

Le voyage aurait-il donc été d’abord en soi, à la recherche de soi-même ? Cela expliquerait pourquoi il ne faut pas parler, pourquoi le silence est d’or. Et si la passivité de l’héroïne tourne au fatalisme, à la résignation, c’est sans doute qu’elle sait qu’au fond d’elle-même brille une étoile. Une étoile qu’il s’agit de préserver car elle représente son moi intérieur. Il appartiendra à l’écriture, demain, d’en révéler toute la richesse.

Jean-François FOULON

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(1) Madeleine BOURDOUXHE, Sous le pont Mirabeau, Labor, collection Espace nord, 1996 (lecture de Marie-Julie Hanoulle)

(2) Apollinaire, ce poète blessé durant la Grande Guerre, convient particulièrement pour évoquer les malheurs de 1940. De plus il avait séjourné à Stavelot, ville des Ardennes proche de Liège, dont M. Bourdouxhe est originaire. Il ne faut pas perdre de vue non plus qu’il y a là une sorte de mise en abyme : en 1914, la mère de M. Bourdouxhe s’était réfugiée en France avec son jeune enfant, comme Madeleine le fera en 1940 avec sa fille. Sous le pont Mirabeau se présente donc aussi comme le souvenir d’une autre guerre. L’Histoire est cyclique. Tout recommence, rien ne change.

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Madeleine BOURDOUXHE chez ACTES SUD

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