LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 136. CHAT DE GUITARE

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pour Ivan O. Godfroid

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Fatigué par le tumulte du monde, le chat de guitare s’introduit par la rosace de la guitare sèche après avoir écarté les six cordes, comme dans une vulgaire boîte à rythmes, une vieille caisse de résonance. Il s’infiltre là pour pioncer et écouter sa fréquence de radio locale préférée.
Attention, c’est le chat commun qui s’introduit de la sorte dans la guitare classique ; l’angora favorisera, lui, pour son refuge, l’intérieur du violoncelle ; le siamois, le cœur du violon et l’abyssin, le ventre du kora.

Mais les chatons de toutes espèces commenceront par pénétrer l’ukulélé puis, ado, le banjo avant, possiblement, d’investir l’épaisse contrebasse, s’ils souffrent à l’âge adulte d’embonpoint d’orgue (l’orgue est un instrument volumineux naviguant dans les cathédrales sous-marines pour explorer les profondeurs de notes).

Si le luthier ne l’a pas prévu dans la fabrication comme accessoire, il doit s’en mordre les doigts, s’en ronger les onglets.

Le felis catus protège l’instrument des rongeurs de partitions et des mélomanes aux dents longues. Il griffe l’armure de la clé et imprime sa marque sur la modulation des morceaux.

Une de ses pattes, extraite de la cavité, peut aussi servir de plectre à tirer la corderie dans le sens du son le plus optimal : doré à souhait, fado ou récit musical ponctué de notes de lecture.

Son ronronnement est fort apprécié pendant les berceuses, moins dans les paso doble, qu’il a tendance à ralentir. Il se coule au rythme du tango et caresse de ses coussinets les pas las de la rumba.

Dans toutes ses interventions, il assure un vibrato feutré. Il étouffe les sons et permet de jouer la nuit sans réveiller les étoiles de la chanson qui slaloment sur la voie lactée, en descendant de leurs lignes de coke. Il pèse sur les éclisses son poids de rêve. Il désaccorde les accords, il donne du velouté à l’harmonie et de la félinité à la mélodie qui, sinon, se languirait et perdrait en gravité.

Pendant le concert du pieux guitariste dans l’église ombragée traversée d’une douce clarté, devant un parterre de malades de musique classique, le félidé pousse son museau par le cercle privé de l’instrument et leur adresse une patte d’honneur que, dans leur dévotion, aucun des goûteurs de musique céleste n’aperçoit, tout entiers à la pensée de leur élévation spirituelle.

Manquerait plus alors que le chat, électrifié par un riff d’Ozzy, bondisse comme un dératé de son trou de gratte et leur arrache la gueule pour la jeter aux lions du death metal dans la fosse commune de l’orchestre coliséen !



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