PROSES SOUFFLÉES (281-300) d’ÉRIC ALLARD / OEUVRES de DIDIER GOESSENS

Adios III-35
Goessens Didier
25 x 25 cm
Mixte

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281.

Le feu flambe. Le four fume. La foudre frappe. La fouine flaire. La femme fleure. La fleur fane. La faux feule. La fête foire. Le filtre floute. Le fou flingue. Le faux flatte. Le faible fuit. La force fige. Le foie flanche. La figue fronce. La feuille flotte. La fin ferme.

282.

Macédoine de pommes et de poires pour contrer l’aigreur d’une soupe de pissenlits. Poireaux et patates en potée pour refouler l’acidité d’un jus de pamplemousse. La guerre du goût est totale pour investir de nouveaux territoires de saveur. L’usage de la farce est autorisée.

283.

La librairie de livres désaltérants est située au milieu du désert. Pour y parvenir, il faut braver sable et soif. Le libraire vous accueille à l’ombre d’un palmier géant aux bonnes feuilles annonçant la cascade de la rentrée quand la fraîche littérature coule de source.

284.

La première heure de l’après-midi est celle des taiseux. Un ciel morcelé, c’est la porte ouverte aux pires rêveries. Sur la balancelle d’un nuage, le soleil se berce d’un espoir d’ondée. Remettre à ce soir le moment des bavardages et passer son temps à garder le silence.

285.

Mon boulanger est romancier. Mon directeur de conscience est franc-maçon. Mon boucher est maire. Mon psy est pompier. Mon facteur est éditeur. Mon ostéopathe est poète. Mon homme de ménage est transformiste. Mon médecin est mécanicien. Et moi je ne suis rien de tout cela.

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Aléos 4-96
Goessens Didier
36 x 36 cm
Mixte

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286.

Je suis né pianissimo. C’était sans compter sur le coeur grondant sous le couvercle lançant un tonnerre d’accords sur le ciel du clavier. Lupu et Argerich niaient être mes parents même s’ils confiaient s’être accouplés sur la table d’harmonie après un coup de foudre musical.

287.

Ma poétesse préférée a un prolapsus. Je le sais car c’est moi qu’elle hait. Les mauvaise langues disent que c’est une babouine et que je suis incapable de distinguer un vers solitaire d’un aphorisme moyen même si, dans une autre vie, j’ai été prof de poésie dans une école de primates.

288.

Par le trou de la serrure, je vois un brin de lumière sur le bout d’une lampe. Par le trou de la serrure, je vois la nuit tomber. Par le trou de la serrure, je vois le vol de la clé et le voleur s’envoler. Par le trou de la serrure, je passe tout mon temps libre de serrurier.

289.

Dans la cabine d’essayage de douche froide, je forme le numéro de lavage de cerveau et je tombe sur un message de répondeur qui me glace. Tu me dis texto d’aller me rhabiller. Mais tout le monde m’a vu à poil et, si tu ne m’aimes plus, que vais-je faire de ma nudité ?

290.

Face à la nuit le cri sourd d’une étoile, le sang d’un songe abattu en plein vol. Ne rien entendre au temps qui se tape de nos attentes. Peser de toute l’histoire de l’oeil pour faire descendre le soleil de la branche où il repose sa lumière après la bataille de l’aube.

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Aléos III-24
Goessens Didier
25 x 25 cm
Mixte

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291.

Je chauffe mes bleus au rouge ardent et casse mes blancs au vert émeraude. J’aère mes verts au bleu ciel. J’éclaire mes bleu nuit au blanc lunaire. Je refroidis mes orange au bleu givré et mêle mes jaune citron au vert pomme. Quand j’avale des couleurs, je vois un arc-en-ciel.

292.

Il s’adresse des cartes postales de tous les endroits de la ville, avec un mot méchant, une rosserie, une insulte. Le lendemain, à la réception du courrier, il a un sourire indulgent car il sait bien que les saillies de l’expéditeur ne tirent pas vraiment à conséquence.

293.

Si chaud qu’il décida de migrer vers le nord, là où on menait la guerre contre le froid avec parkas, pulls, gants et bottes fourrées. Arrivé à l’aéroport, il découvrit que tous les avions avaient fondu et comprit qu’il ne gagnerait jamais la guerre contre le froid.

294.

Arriver au milieu d’une fête sans avoir été prévenu. Faire bonne figure, sourire au lieu de geindre. Noyer son chagrin dans un bol de lait, avaler un amuse-gueule. Cacher le cordon parmi confettis et serpentins, refermer la blessure du nombril avec un bouchon à champagne.

295.

Je jette l’aube nouvelle. Je cherche dans la matière noire des mots l’étincelle de vérité. Qui a mis le feu à mon enfance pendant que je grandissais ? Mon corps sèche au soleil. J’ai demandé qu’on disperse mes sables dans la mer quand l’heure de la noyade sera venue.

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Aléos II-77
Goessens Didier
19 x 19 cm
Mixte

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296.


Pour retarder l’heure d’aller mourir, on redouble de tendresse ou de vilénie, on retient son souffle et les ombres, on s’allonge sur le soir, on plonge dans la nuit, on fait sécher sur le fil du souvenir les images du bonheur, on brûle d’impatience une dernière pensée.

297.

Chaque crime de lèse-majesté, chaque désir contrarié, chaque torsion du doux, chaque amour contre nature, chaque lame éclatée, chaque flamme tranchée, chaque feu défait, chaque épi perdu, chaque fleur coupée, chaque larme versée… Je tiens ici à dire l’inexpiable.

298.

La pierre dans l’eau connaît-elle le nom de la rivière ? À quelle source de livres abreuves-tu tes lectures ? Quels amours ont mis le feu à tes jours ? Quelle douceur parcourt tes lèvres quand la nuit les effleure ? Où luis-tu ? Depuis quel aube ? (À quoi bon te demander ?)

299.

La gloire grise. Le gaz gagne. La graine germe. Le grain grille. Le gland gèle. La glu goutte. La glotte glisse. La gorge gratte. La grille grince. Le grog graisse. Le gode gire. La gaufre gave. Le Gille gerbe. Le Grinch griffe. Le gant gifle. Le gif grouille.

300.

En jupe, elle dévoile des genoux adorables. Lisseur des rotules sous la main. Bienfait de l’été qui les livre aux caresses du temps. Quand l’enfance est ravivée et qu’une pierre griffe la vitre des souvenirs, les genoux sont au centre de l’espace tendre.

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Aléos 4-96
Goessens Didier
36 x 36 cm
Mixte

La série Aléos est visible sur la page Facebook de l’artiste

DIDIER GOESSENS

Né en 1962 à Charleroi en Belgique, Didier Goessens est dessinateur, aquarelliste, peintre et graveur. Cet artiste pluridisciplinaire baigne dans le monde de l’Art depuis sa plus tendre enfance. Il fréquenta les Académies des Beaux-Arts, selon son expression, « avant les bacs-à-sable et les cours de récréation ». Puis il suivit des cours de BD à l’âge de 14 ans, et vers 17 ans des cours de croquis avec son père. Il obtient ensuite un diplôme d’enseignant à l’école Normale. Enfin, à l’Institut Saint-Luc de Liège, il apprend le métier d’illustrateur à la fin des années 80, se nourrissant entre autres des échanges avec ses camarades. Il travaille alors pour la publicité, fait des décors pour des défilés ou des spectacles, et est très souvent sollicité pour ses illustrations de mode (Marie-Claire, Flair, Feeling, exposition universelle Séville 1992…) Ce métier, il le pratique encore aujourd’hui, en parallèle de ses travaux de plasticien. Il vit à présent en France depuis plus de 20 ans. […]

La suite de la présentation et une interview de Didier GOESSENS sur le blog de KAZOART

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