
Ecrivaine et peintre à la fois, Anne-Marielle Wilwerth vient d’enrichir sa bibliographie déjà longue d’un nouveau recueil poétique publié aux Editions du Cygne. Son titre ? Vivre au plus près. Tout un programme pour une auteure qui possède cette qualité rare de rester fidèle à elle-même tout en sachant évoluer constamment au fil de ses parutions successives. Comme c’était déjà le cas dans ses opus précédents, les textes de la poétesse nivelloise marient concision du verbe et densité du signifié, chaque mot étant soigneusement choisi et accordé avec d’autres pour constituer des ensembles bien élagués et très « parlants ». D’autre part, l’absence de ponctuation permet de mieux mettre en valeur la force qui se dégage de ceux-ci.
Le résultat frappe, non seulement par son étonnante harmonie stylistique, mais aussi et surtout par l’émotion qui en émane et qui ne peut que submerger le lecteur, pour autant que celui-ci accepte de se laisser envoûter par l’imaginaire ainsi déployé sous ses yeux. Sur le plan formel, on y retrouve – comme d’ailleurs dans les œuvres antérieures de l’auteure – cette caractéristique majeure de l’écriture wilwerthienne que constitue la substantification d’adverbes, d’adjectifs qualificatifs, de participes passés, voire même d’infinitifs : « le regard n’a plus d’horizon pour y semer son encore » (p. 47), « avant que ne s’immobilisent les possibles » (p. 14), « le bleu du promis » (p. 24), « resserrer son étreinte autour de l’écrire » (p. 15).
Il en résulte, ça et là, de véritables pépites qui confèrent à ce recueil un charme tout à fait particulier. A travers ces images souvent originales, la poétesse tente de cerner au plus près « le fragile », « l’infime » ou encore « le peu » de notre condition humaine caractérisée avant tout par une finitude radicale. Les textes de Vivre au plus près ne sont d’ailleurs pas sans évoquer par endroits l’univers de Christian Bobin où la plénitude apparente de l’être s’efface le plus souvent devant l’absence ou le vide : « Ecouter le vertige prodigieux du rien / et s’en trouver bien » (p. 33).
On assiste, au fil de ces pages, à la quête d’une proximité avec soi-même et avec le monde, mais on y décèle aussi l’aspiration au vrai, à l’authentique, à « l’autre versant de soi » (p. 22) qui nous est trop souvent masqué par les artifices, l’incertain, le « rideau du vent » (p. 40) derrière lequel se dissimule trop souvent l’essentiel.
Cette poésie est celle de l’intimité, mais également celle de l’apaisement et de la sérénité, lesquels tranchent résolument avec le négativisme trop souvent exhibé au fronton de la société actuelle. La thématique de l’espérance y est notamment évoquée à plusieurs reprises – « la marée montante renouvelle notre espoir en son sable » (p. 39) –, de même que celle de l’exultation intérieure – « (Le temps) qui révèle les cris du monde et les transformera en puits de joie » (p. 14). Cette vision optimiste et confiante de l’existence se cristallise en particulier dans la célébration récurrente de la couleur du ciel chère à l’auteure : « Se rouler dès lors dans l’apaisement soyeux d’un clapotis de bleus » (p. 15).
Bref, ce recueil de poèmes souvent courts mais toujours ciselés avec soin questionne les certitudes établies pour mieux nous inviter à revenir « au plus près » de notre vécu quotidien, et ce dans une quête sans cesse renouvelée de l’authenticité et de la vérité. Une incontestable réussite, tant sur le plan de la forme que du fond !
Anne-Marielle WILWERTH, Vivre au plus près, préface de Francis Gonnet, Les Editions du Cygne, 2022, 50 p., 10 €.
Le recueil sur le site de l’éditeur