VERS UNE CINETHEQUE IDEALE (8)
100 films à voir absolument
Une analyse décennie par décennie, un feuilleton en 12 épisodes
qui court des débuts du cinéma à nos jours.
Voir la présentation du projet et de l’équipe, le plan général et les dossiers ouverts :
(VIII)
Les années 1970
Ciné-Phil RW à la mise en place ; Krisztina KOVACS, Nausicaa DEWEZ, Adolphe NYSENHOLC, Alain BERENBOOM et Daniel MANGANO au contrepoint ; interventions de Thierry VAN WAYENBERGH et Bertrand GEVART (au côté de Krisztina) dans les analyses de films.
Top 10
. Voyage au bout de l’enfer/The Deer Hunter (Michael Cimino, EU, 78).

Le film qui a consacré ma De Niro mania pour de longues années. J’en suis sorti. Mais il a incarné mon idéal ciné juste avant mes 20 ans et jusqu’après mes 30. Le plus beau film sur la guerre du Vietnam, malgré Apocalypse Now ? Il y a ici un rapport entre le grandiose, l’action trépidante, l’Histoire et l’intime, le ralentissement du temps qui rappelle l’immense David Lean. Avec la violence des années 70/80 par-dessus, symbolisée par la roulette russe et la névrose de Christopher Walken.
Les seconds rôles sont prodigieux, comme dans un Parrain (Streep, Savage, Cazale, Walken). Une histoire d’amour mais une histoire d’amitié, indéfectible, une histoire de maturation aussi. Plus que jamais d’urgence vu qu’il établit la frontière, abyssale, entre le rêvé, le virtuel, le chimérique, et la réalité brute des faits. La valeur de la vie, d’une vie, de toute vie comme point de focalisation ?
. Le parrain II (Francis Ford Coppola, EU, 74).

Malgré Le parrain (Coppola, 72) et Apocalypse Now (79) ? Les trois sont classés 32e, 3e et 28e à l’AFI (American Film Institute référentiel) et sont des monuments du cinéma. Comment les départager, en exclure l’un ou l’autre ? A noter un intéressant The Conversation (74). Nous avons (en quatuor, duo ou trio, avec Krisz, Thierry et Bertrand) décortiqué les mérites respectifs des trois Parrain :
Lien vers l’article sur les 3 Parrain
KRISZTINA :
Apocalypse Now reste pour moi le meilleur Coppola. Un film à plusieurs strates de lecture, mêlant avec succès adaptation littéraire, poésie symbolique et critique socio-politique. Impressionnant et culte !
NAUSICAA :
J’aurais aussi choisi Apocalypse Now pour le top 10.
. 1900 (Bernardo Bertolucci, Italie, 76).

Formidable fresque (5h !). Devant Le dernier tango à Paris (72).
KRISZTINA :
Le dernier tango, un film qui m’a énormément plu à l’adolescence mais pour lequel je n’ai pas retrouvé les mêmes sentiments une fois adulte.
PHIL :
Idem, je l’avoue.
KRISZTINA :
Brando reste incroyable en homme veuf et brisé, mais l’histoire est chancelante, entre fantasme daté et projection personnelle, poussée presque jusqu’au masochisme. La scène d’ouverture, sous le pont Bir Hakeim, demeure une des plus émouvantes du cinéma de l’époque… et peut-être une des plus suédées par les fans.
. Sonate d’automne (Ingmar Bergman, Suède, 78).

Malgré Scènes de la vie conjugale (73), loin devant La flûte enchantée (75) ou L’œuf du serpent (77).
Règlements de comptes entre une mère et sa fille lors de retrouvailles familiales. Formidable Ingrid Bergman, qui se réinvente après avoir été pour moi la plus belle actrice (femme habitée) de tous les temps. Il faudra attendre le jubilatoire Festen (Vinterberg, DNK, 98), peut-être, pour renouveler le genre.
NAUSICAA :
Film bouleversant, avec un duo d’actrices, Ingrid Bergman et Liv Ullmann, au sommet de leur art. De Bergman, pour qui cette décennie est une nouvelle fois particulièrement faste, j’aurais toutefois retenu sans hésiter Cris et chuchotements (Suède, 72). Un quatuor d’actrices – trois sœurs et une servante – réunies pour assister à l’agonie de l’une d’elles. Un travail sidérant sur les couleurs (le rouge), la cruauté, la souffrance.
. Délivrance (John Boorman, EU, 72).

Extraordinaire et terrifiante odyssée d’une poignée d’Américains partis passer un week-end entre copains dans un parc national. La virée, centrée autour d’un cours d’eau, s’apparente à une descente aux Enfers, un retour à une nature pure, préhistorique ou médiévale, à une déferlante des forces obscures, les plus sauvages.
KRISZTINA :
Ce film possède un pendant britannique rural malsain : Les chiens de paille/Straw Dogs (71, GB/EU),de (l’Américain) Sam Peckinpah, avec Dustin Hoffmann. Du même Boorman (et puisque mon préféré, l’épique Excalibur, est de 81…), je me permets aussi de sélectionner Zardoz (74). Si vous n’aimez pas les semi-nanars et les films de science-fiction nourris de psychotropes, passez votre chemin ! Sinon, venez rire et voyager avec un Sean Connery natté et en maillot de bain.
. Vol au-dessus d’un nid de coucous (Milos Forman, EU/Tchécoslovaquie, 75).

Film-choc sur ce qui se passe dans certains hôpitaux psychiatriques (le plus souvent, à échelle plus réduite, on ose l’espérer) et, plus largement, sur l’abus de pouvoir, le rapport à l’autorité, la résistance, etc. Très dur. On n’en sort pas indemne.
. Family Life (Ken Loach, GB, 71).

Une mise en abyme des dérives vécues au sein de certaines familles (qui me parle un peu trop). Ne jamais oublier que la dictature, le phénomène sectaire, ça peut débuter dans la sphère de l’intime, du voisin, du cousin. C’est une histoire de crise d’adolescence, si on peut dire (car je reste persuadé que ladite crise concerne aussi la difficulté des parents à accepter la mutation de leurs enfants, les adolescents émergents assassinant en quelque sorte les enfants qui les ont précédés), poussée à son paroxysme.
. Duel (Steven Spielberg, EU, 71).

Loin devant le thrilling Jaws (75).
KRISZTINA :
Tout à fait ! Quel film unique ! Je lance un débat : n’ayant jamais été fan de Spielberg, j’aime énormément Duel que je trouve même plus réussi, nuancé que ses films cultes ultérieurs.
PHIL :
Le seul film auquel j’ai apposé la note de 10/10. Sans moyens, un maximum de sensations, une narration serrée, métaphorique. Je rejoins tout à fait Krisztina et l’explication, selon moi, est simple : Spielberg est un génie cinématographique par divers aspects mais il lui manque une dimension essentielle en art : le bon goût, la subtilité. Il n’est jamais aussi brillant donc que dans le pur cinéma, la narration visuelle, la capacité à s’arcbouter à ses fantasmes (peurs et frustrations) pour nous tendre, nous tordre. Les moyens, les effets dont il a pu par la suite user et abuser ont tendance à diluer sa force de frappe originelle.
. Au fil du temps/Im Lauf der Zeit (Wim Wenders, Allemagne, 76).

Malgré Alice in der Stadt (74).
Je lui ai consacré un article-manifeste :
Lien vers l’article sur Au fil du temps
. Taxi Driver (Martin Scorsese, EU, 76).

Loin devant Meanstreams (73) et New York, New York (77).
KRISZTINA :
Il y a dans New York, New York la scène incroyable du monologue de drague de dix minutes de De Niro (filmée, il me semble, en un seul plan). Le bagout à l’américaine Old School au sommet de son art et du cliché, le ridicule et l’humour mêlés.…
PHIL :
Nous avons écrit un article en trio (avec Krisz et Thierry) sur Taxi Driver :
Lien vers l’article sur Taxi Driver
*
D’autres grands films à découvrir,
évoqués dans les anthologies du 7e Art…
Côté Etats-Unis
M.A.S.H. (70), parodie désopilante et euphorisante de la guerre du Vietnam, ou Nashville (75), un film choral, de Robert Altmann ; Star Wars (77), space western ébouriffant en son temps mais qui me semble avoir beaucoup vieilli, avec un Harrisson Ford qui paraissait parti pour être le John Wayne des années 80/90, ou American Graffiti (73) de George Lucas ; Orange mécanique (71) et Barry Lyndon (75), deux monuments du grand Kubrick (GB/EU) ; Stay Hungry (76) de Bob Raffelson, avec une icône de mon adolescence, Jeff Bridges ; American Gigolo (79) de Paul Schrader, qui propulse Richard Gere ; Marathon Man (76) de l’Anglais Schlesinger ; Assault (77) ; le premier Carpenter ; L’exorciste (71) et French Connection (71) de Friedkin ; Josey Wales hors-la-loi (76) de/avec Clint Eastwood, la beauté virile ultime ; La dernière séance (71) de Peter Bogdanovitch ; Les hommes du président (76) d’Alan Pakula ; Rocky (76) d’Avildsen, qui va créer une franchise et produire un champ… de navets ; Annie Hall (77) et Manhattan (79), le meilleur du (selon moi) surestimé (KRISZTINA : « surestimé », je suis bien d’accord !) Woody Allen ; Chinatown (74) du… Polonais Polanski ; Network (76) du… Britannique Sidney Lumet ; Patton (70) de Franklin J. Schaffner ; Cabaret (72) de Bob Fosse ; Le dernier nabab (76) du grand Elia Kazan, avec un Robert De Niro sublime ; Une femme sous influence (74) de John Cassavetes avec sa si talentueuse épouse et complice Gena Rowlands ; Badlands (73) de Terence Malik, film que j’exècre moralement mais…

DANIEL :
Mon must absolu en ce qui concerne le cinéma américain : Save the Tiger de John G. Avildsen (73), passé inaperçu en Europe, confrontation de deux mondes, avec un Jack Lemmon bouleversant en petit patron au bord de la faillite qui rencontre une jeune hippie. L’humanité à fleur de peau.
Un schéma et un destin similaires pour le Breezy de Clint Eastwood (73), avec un William Holden en quinqua fatigué.
Rayon western, deux films atypiques : Soldier Bluede Ralph Nelson (70), décrivant avec violence le massacre d’Indiens par les Tuniques bleues, et Les proies/The Beguiled de Don Siegel (71), objet d’un récent remake, avec Clint Eastwood en renard vulnérable échoué dans un poulailler/pensionnat de jeunes filles.
Autres réminiscences : John Houseman en mandarin impitoyable de Harvard dans La chasse aux diplômes/The Paper Chase de James Bridges (73) ; Elliott Gould qui campe un Philip Marlowe coolissime dans Le privé/The Long Goodbye d’Altman (73) ; un autre excellent polar : Kluted’A.J. Pakula (71) ; un film dans la foulée d’Easy Rider : Five Easy Pieces de Bob Rafelson (70), avec un Jack Nicholson désabusé ; Abattoir 5/Slaughterhouse 5 de George Roy Hill (72), adaptation du roman de K. Vonnegut Jr. ; enfin Grease(78), parodie drôle des années 50 dont tous les airs semblent d’époque, et Soleil vert/Soylent Green de Richard Fleischer (73), un film d’anticipation que j’ai évoqué dans Karoo :
https://karoo.me/cinema/soylent-green-le-soleil-vert-de-la-misere-humaine
PHIL :
Soldier Blue avec le plus grand acteur de séries TL des années 70/80 : Peter Strauss). Soylent vert me rappelle une Charlton Heston mania d’adolescence.
ALAIN :
Le magnifique Billy Wilder nous offrait son dernier chef d’œuvre, Avanti, avec Jack Lemmon. Autre vétéran toujours brillant, John Huston, avec ce qui est peut-être son chef d’œuvre, L’homme qui voulut être roi (une coproduction EU/GB, avec Sean Connery et Michaël Caine prodigieux). On assiste surtout à l’éclosion d’une nouvelle génération de réalisateurs plus audacieux et créatifs les uns que les autres, Martin Scorsese (Taxi Driver), Coppola (Le Parrain, Conversations secrètes), Pollack (Les trois jours du condor, Jeremiah Johnson), Pakula (Klute, Les hommes du président), Cimino (Deer Hunter) et le cinéma si personnel de Woody Allen qui marque son empreinte (Annie Hall, Manhattan). Ainsi que les débuts américains de Milos Forman (Vol au-dessus d’un nid de coucous). Ajoutons-y le très beau Chinatown de Polanski et Délivrance de l’Anglais John Boorman. Je m’en voudrais d’oublier le très émouvant Une femme sous influence de John Cassavetes, interprété de façon bouleversante par Gena Rowlands, The Long Goodbye de Robert Altman, avec un grand Elliott Gould et Harold et Maude de Hal Ashby.
NAUSICAA :
J’aurais volontiers mis en exergue les deux films de Kubrick, Barry Lyndon et (surtout) Orange mécanique,cités par Phil. Cette décennie voit aussi le premier long métrage d’un cinéaste dont on aura l’occasion de reparler dans les prochains épisodes : Eraserhead de David Lynch(77). Tourné en noir et blanc, il contient déjà en germe toute l’étrangeté et l’effroi que le réalisateur déploiera par la suite.
Le cinéma d’animation est toujours dominé par les studios Disney, avec quelques films qui ravivent de beaux souvenirs d’enfance, dont Les aristochats (70) et Robin des bois (73).
Côté Europe
. En Italie.
Un grand cinéma d’auteurs, dans la suite des Sixties. Fellini avec Fellini Roma (72) ; Visconti avec Violence et passion (74) et, surtout, l’envoûtant Mort à Venise (71) ; Pasolini avec Le Décaméron (71), Les 1001 nuits (74), Les contes de Canterbury(72).

ADOLPHE :
Le lumineux Mort à Venise ! Du Proust en image, sur fond de Mahler, d’après Thomas Mann. Pas une seule fausse note. Visconti inspiré. Le 7e art dans une de ses plus belles expressions.
DANIEL :
Il n’y a pas que l’Italie des grands auteurs. Certes, il y a les incontournables Roma et Amarcord (73) de Fellini, Profession : reporter d’Antonioni (75). Mais il ne faudrait pas oublier le goût acidulé des films de Dino Risi avec un Gassman au sommet de son art dans Parfum de femme (75) et Ames perdues (77).
Une femme, Lina Wertmüller, nous livre au moins trois films tragi-comiques mettant en scène son mari, le chaplinesque Giancarlo Giannini : Mimi métallo, blessé dans son honneur (72), Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été (74) et l’effrayant Pasqualino Settebellezze (75). Les tares et malheurs d’une société italienne mise à nu suscitent un rire grinçant. Dans le premier film et le troisième, deux abominables coucheries filmées grand angle feraient paraître les créatures felliniennes anorexiques.
Enfin, Pain et chocolat de Franco Brusati (74), chef-d’œuvre absolu sur la haine de soi d’un émigré italien, joué par Nino Manfredi, voulant s’intégrer dans une Suisse frileuse et policée. Il nous rappelle que l’Italie fut une nation de migrants (elle semble parfois l’oublier aujourd’hui) mais le message est toujours délivré de façon subtile et drôle. Quand le cinéma se dépêche de rire des choses de peur de devoir en pleurer.
PHIL :
J’ai adoré Parfum de femmes et Ames perdues en fin d’adolescence, vécu une Italiamania ! Et Pain et chocolat ! Superbe ! Que ma future épouse m’a emmené voir au cinéma vers nos 20 ans.
ALAIN :
Les derniers feux de la comédie à l’italienne mais quelles étincelles ! Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola (que j’ai revu dix fois), en 74, et Pain et Chocolat de Brusati.
NAUSICAA :
Et de Scola toujours, Une journée particulière (77), Sophia Loren et Marcello Mastroianni à contre-emploi et au sommet de leur art. Autre grand film de la décennie : Portier de nuit (74) de Liliana Cavani. Un film qui a beaucoup dérangé, autour des retrouvailles après la guerre et de l’amour entre un ancien SS (Dirk Bogarde) et une ancienne détenue (Charlotte Rampling).
KRISZTINA :
Pour l’amitié cinéphile et franco-italienne, on doit ajouter La grande bouffe (73, It/Fr) de Marco Ferrari. Un film tout à fait unique dans son énormité moderne. Quatre amis embourgeoisés (et, accessoirement, des colosses du cinéma de l’époque : Mastroianni, Piccoli, Noiret et Tognazzi), en proie à leurs démons, s’enferment dans une maison cossue en banlieue parisienne et projettent de se suicider en mangeant à mort. S’ensuivent des situations tragico-burlesques et des répliques d’un humour grinçant et rare encore aujourd’hui. Du très grand cinéma (à l’époque, aussi intellectualisé que divertissant) !
. En France.
Le mythique La maman et la putain (73, Jean Eustache) avec Jean-Pierre Léaud mais la musique de Deep Purple aussi… en version orchestre symphonique, un concerto ; Le boucher (Chabrol, 70) ; L’amour l’après-midi (72 Rohmer) ; Les bronzés (78, Leconte) et la suite Les bronzés font du ski (Leconte, 79) ; l’onirique Faustine et le bel été(Nina Companeez, 71), qui a bercé mon adolescence, avec Muriel Catala mais surtout les tout jeunes Adjani, Spiesser, Huster, Huppert, Weber ; M. Klein (76) du… Britannique Joseph Losey (KRISZTINA : oui, il faut voir ce film glaçant, qui pose un regard particulier et sidérant sur la Shoah, avec à la clé, selon moi, le meilleur rôle de Delon, absolument juste) ; La nuit américaine (73) de François Truffaut.

DANIEL :
Le boucher, débonnaire et inquiétant ! Mais j’ajouterais des succès mérités comme Dupont Lajoie d’Yves Boisset (75), quand France rime avec rance, et deux magnifiques Claude Sautet où Romy Schneider est parfaite et Piccoli magistral : Les choses de la vie (70, où Piccoli est si attachant) et Max et les ferrailleurs(71, où il campe un inspecteur blafard et obsessionnel, acharné à la perte de petits délinquants sans envergure). Aussi, Le plein de super d’Alain Cavalier (76), une balade improbable, un chef-d’œuvre méconnu. Enfin, deux cinéastes oubliés qui ont leur univers : Joël Séria décrivant la France profonde dans Charlie et ses deux nénettes (73) et Les galettes de Pont-Aven (75), après avoir fait scandale avec le sulfureux Ne nous délivrez pas du mal (70) ; Jean-Daniel Pollet avec L’amour c’est gai, l’amour, c’est triste (71), une perle rare, et L’acrobate (75), un cinéma flâneur qui musarde dans le vieux Paris (avec l’irrésistible Claude Melki et ses allures de Buster Keaton).
PHIL :
Ah, la troublante Jeanne Goupil dans les Galettes !
KRISZTINA :
Puisque nous en sommes aux comédies sulfureuses, le film symbole des 70ies en France : Les valseuses (74), de Bertrand Blier, pour son audace, sa spontanéité, sa volubilité. Avec Jeanne Moreau en ex-prisonnière, une toute jeune Miou-Miou blasée, le premier rôle d’Huppert et bien sûr, complices, Depardieu et Dewaere. Un film à la fois divertissant, libéré et critique, intéressant sociologiquement (comme on en faisait à cette époque-là !). Un Polanski produit par des Français : le glauque et obsédant Le locataire/The Tenant (76) dans lequel Roman joue lui-même un locataire schizophrène, et prouve une maîtrise du jeu égale à celle manifestée dans la réalisation.
ALAIN :
Les débuts du grand Bertrand Tavernier (L’horloger de Saint Paul, en 74, et surtout son chef d’œuvre, Que la fête commence, en 75, avec Noiret, Rochefort et la sublime Christine Pascal), de Jean-Jacques Annaud (La victoire en chantant, en 76) et de Bertrand Blier (le culotté Les valseuses, avec un trio qui crève l’écran, Miou-Miou, Depardieu, Dewaere). Lequel Dewaere livrera sa plus extraordinaire prestation dans Série noire d’Alain Corneau, en 79. Il faut ajouter un très bon de Broca (Le magnifique, en 73, avec Belmondo) et deux excellents Mocky (Un linceul n’a pas de poches, en 74, et L’ibis rouge, en 75, dernier rôle sauf erreur de Michel Simon).
NAUSICAA :
Deux actrices françaises iconiques font leurs grands débuts dans les années 1970 : Isabelle Adjani et Isabelle Huppert. Si leur filmographie atteindra des sommets par la suite, on peut déjà pointer un grand rôle dans un grand film pour chacune d’elles dans les années 1970 : L’histoire d’Adèle H de François Truffaut pour Adjani (75) et Violette Nozière de Claude Chabrol pour Huppert (78).
En cinéma français toujours, je mentionnerais aussi L’important, c’est d’aimer d’Andrzej Zulawski (75), le loufoque, onirique et drôle Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel (72), Peau d’âne de Jacques Demy (70), et Daguerréotypes, un émouvant documentaire d’Agnès Varda sur la rue Daguerre à Paris (75). Sans être totalement convaincue par ses films toujours déroutants, je mentionne aussi Marguerite Duras, parce que cette décennie est particulièrement cruciale dans sa filmographie : India Song(75) et Son nom de Venise dans Calcutta désert (76), Nathalie Granger (72), Le camion (77).
En 1976 sort par ailleurs L’empire des sens, une co-production franco-japonaise signée Nagisa Oshima, magistrale déclinaison du couple Eros-Thanatos.
. En Grande-Bretagne.
Sacré Graal ! (Terry Gilliam et Terry Jones, 75), les Monty Python à leur sommet ; Le messager (71) de Joseph Losey.

ALAIN :
Les Anglais renversent la table avec les Monty Python : Vie de Brian, en 79, et Sacré Graal !
DANIEL :
Je retiendrais le formidable duel Laurence Olivier/Michael Caine dans Le limier/Sleuth, de Joseph L. Mankiewicz (72) et l’atmosphère surannée des bains publics londoniens dans Deep End de J. Skolimowski (70).
Enfin une tornade dévastatrice, horrible et grandiose, Ken Russell, qui sort coup sur coup Music Lovers(70, sur Tchaïkovski) et Les diables(71, sur l’affaire des possédées de Loudun) : quel souffle vénéneux !
PHIL :
Comment ai-je pu oublier Le limier ?
. En Allemagne.
Le mariage de Maria Braun (78, Fassbinder), un film raffiné, mon préféré du génie allemand trop tôt décédé.

NAUSICAA :
Du même Fassbinder, Les larmes amères de Petra von Kant(72), qui a connu un remake (malheureux) signé François Ozon. Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog (72).
. En Belgique.
ALAIN :
Les années 70 marquent l’entrée en fanfare du cinéma belge francophone. Avec Chantal Akerman, évidemment : Jeanne Dielman, en 75, sacré meilleur film de tous les temps par Sight and Sound ; Les rendez-vous d’Anna, en 78, que je préfère. Mais aussi Harry Kumel (Les lèvres rouges, en 71), André Delvaux (Belle, en 73, et Femme entre chien et loup, en 79) et l’éblouissant Tarzoon de Picha et Szulsinger, en 75.

ADOLPHE :
Rendez-vous à Bray (André Delvaux, 1971). « Un film rare », disait Mag Bodard sa productrice. De fait, une vibrante adaptation d’une nouvelle de Julien Gracq, au service d’une œuvre profondément personnelle, voire autobiographique. Delvaux transpose le « je » du texte en un pianiste accompagnateur de films muets, comme il le fut lui-même, à qui il donne comme nom « Julien », et il fait de l’ami évoqué un compositeur, dit « Jacques », qui dédie à son ami un nocturne. La composition du film, selon l’aveu du cinéaste, est calquée sur la structure du rondo : des souvenirs quasi proustiens de la Belle Epoque comme couplets et l’attente au présent, en la journée du 28 décembre 1917, comme refrain. Car Jacques a donné rendez-vous à Bray à Julien, accueilli là par une servante-maîtresse, et il ne vient pas. On entendra le nocturne durant la scène d’amour de Julien et de cette femme énigmatique, dite « Elle », l’éternel féminin (Anna Karina). Jacques, pilote de guerre, a-t-il été abattu en plein ciel, ou a-t-il voulu que son ami Julien fût initié à l’amour et joue alors sa musique avec encore plus d’art ?
Delvaux obtint le Prix du film musical à Paris. Une rare réussite de film d’un cinéaste-musicien. Superbe. Lyrique. Sur le thème du disparu, comme ceux partis sans retour par Nuit et Brouillard, et qui hantent la mémoire de la génération de l’après-guerre. Un film-métaphore de son temps. Du pur Delvaux. Son chant intérieur.

. En Espagne
NAUSICAA :
Cria cuervos (Carlos Saura, 76)

PHIL :
Ah, la chanson de Jeannette ! J’étais amoureux de la chanteuse !
Du côté du World Cinema
Pixote (Babenco, Brésil, 71).

NAUSICAA :
Dodes’kaden (Akira Kurosawa, Japon, 70).
Who Knows ?
DANIEL :
Les années 70 sont le prolongement naturel des années 60 : même soif de liberté et d’exploration. Le grand public cultive une vraie curiosité cinématographique. Une attitude qui changera dans les années 80.
ALAIN :
Années 70, un âge d’or pour les cinéphiles ! Tous les carcans des décennies précédentes étaient balayés et un souffle nouveau soufflait sur le cinéma (et sur la société occidentale). Quelle décennie d’un cinéma brillant et éminemment politique dans ces années de fin de la sanglante guerre du Vietnam.
PHIL :
Je perçois aussi une anticipation des années 80. Nos accentuations différentes ont peut-être à voir avec des focalisations sur le début et la fin de la décennie ? Avec le recul, un film que j’ai adoré adolescent, La guerre des étoiles/Star Wars (77), malgré ses qualités, me semble annoncer/symboliser déjà le basculement du Grand Cinéma, adulte au sens les plus noble du terme, vers la prolifération de Blockbusters destinés à un public très jeune… par l’âge ou la maturité cinéphilique. Evidemment, toute décennie a généré des films de tout acabit mais une érosion du bon goût, une tyrannie démagogique menant à attirer le plus large public possible, à ne plus viser qu’en termes de rentabilité à court terme se manifestent, et ce dans tous les domaines de la société. Il n’est qu’à observer la désespérante plongée des télévisions vers la médiocrité et l’abandon des missions citoyennes. Hors niches, il n’est plus guère question d’éveiller mais de distraire et de satisfaire.
Krisztina Kovacs, Nausicaa Dewez, Alain Berenboom, Adolphe Nysenholc, Daniel Mangano et Philippe Remy-Wilkin.
= = = = =
Plan du feuilleton Vers une cinéthèque idéale
Nous nous limitons ici aux articles initiaux des différents dossiers. Ceux-ci renvoient à de nombreux autres articles.
Présentation du projet (introduction, équipe, plan) :
Préhistoire du cinéma :
Années 1910 :
Années 1920 :
Années 1930 :
Années 1940 :
Années 1950 :
Années 1960 :
Feuilleton complémentaire d’Adolphe NYSENHOLC sur le premier top 12, en 1958 :
Top 100 en cours
(1) Le voyage dans la lune (Georges Méliès, France, 1902).
(2) Le vol du grand rapide (Edwin S. Porter, E.U., 1903).
(3) Naissance d’une nation (D.W. Griffith, Etats-Unis, 1915).
(4) Intolérance (D.W. Griffiths, Etats-Unis, 1916).
(5) Le cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, Allemagne, 1920).
(6) Le cuirassé Potemkine (Serguei Eisenstein, Russie, 1925).
(7) Le journal d’une jeune fille perdue (G.W. Pabst, Autriche, 1929).
(8) L’aurore (Murnau, Allemagne/EU, 1927).
(9) Docteur Mabuse, le joueur (Fritz Lang, Allemagne, 1922).
(10) Le Kid (Charlie Chaplin, GB/EU, 1921).
(11) Le vent (Victor Sjöström, Suède/EU, 1928).
(12) La passion de Jeanne d’Arc (Carl Theodor Dreyer, Danemark, 1928).
(13) Napoléon (Abel Gance, France, 1927).
(14) Le mécano de la General (Buster Keaton, EU, 1927).
(15) Autant en emporte le vent (Victor Fleming, EU, 1939).
(16) Les Hauts-de-Hurlevent (W. Wyler, EU, 1939).
(17) Le testament du docteur Mabuse (F. Lang, Allemagne, 1933).
(18) Une femme disparaît (A. Hitchcock, GB, 1938).
(19) King Kong (Merian C. Cooper et E. Schoedsack, EU, 1933).
(20) L’impossible monsieur Bébé (H. Hawks, EU, 1938).
(21) La chevauchée fantastique (John Ford, EU, 1939).
(22) New York-Miami (Frank Capra, EU, 1934).
(23) La grande illusion (Jean Renoir, France, 1937).
(24) Ninotchka (Lubitsch, EU, 1939).
(25) Casablanca (Michael Curtiz, EU, 1942).
(26) Le ciel peut attendre (Ernst Lubitsch, EU, 1943).
(27) Citizen Kane (Orson Welles, EU, 1941).
(28) Les enfants du paradis (Marcel Carné, France, 1945).
(29) Les enchaînés (Alfred Hitchcock, EU, 1946).
(30) Le trésor de la Sierra Madre (John Huston, EU, 1948).
(31) Indiscretions (George Cukor, EU, 1940).
(32) La vie est belle (Frank Capra, EU, 1946).
(33) Le dictateur (Charlie Chaplin, EU, 1940).
(34) Le troisième homme (Carol Reed, GB, 1949).
(35) La mort aux trousses (Alfred Hitchcock, GB/EU, 1959).
(36) Le pont de la rivière Kwaï (David Lean, GB/EU, 1957).
(37) Madame de… (Max Ophuls, France/Allemagne, 1953).
(38) La nuit du chasseur (Charles Laughton, EU/GB, 1955).
(39) Sur les quais (Elia Kazan, EU, 1954).
(40) Certains l’aiment chaud (Billy Wilder, EU, 1959).
(41) L’intendant Sansho (Kenji Mizoguchi, Japon, 1954).
(42) Rashomon (Akira Kurosawa, Japon, 1950).
(43) Chantons sous la pluie (Gene Kelly/Stanley Donen, EU, 1952).
(44) Les fraises sauvages (Bergman, Suède, 57).
(45) La dolce Vita (Federico Fellini, Italie, 60).
(46) Lawrence d’Arabie (David Lean, GB/EU, 62).
(47) Les damnés (Luchino Visconti, Italie, 69).
(48) 2001, l’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, GB/EU, 68).
(49) La grande vadrouille (Gérard Oury, France, 66).
(50) Psychose (Alfred Hitchcock, GB/EU, 60).
(51) The Party (Blake Edwards, EU, 68).
(52) L’avventura (Antonioni, Italie, 60).
(53) Le fanfaron (Dino Risi, Italie, 62).
(54) Easy Rider (Denis Hopper, EU, 69).
(55) Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, EU, 78).
(56) Le Parrain II (Francis Ford Coppola, EU, 74).
(57) 1900 (Bernardo Bertolucci, Italie, 76).
(58) Sonate d’automne (Ingmar Bergman, Suède, 78).
(59) Délivrance (John Boorman, EU, 72).
(60) Vol au-dessus d’un nid de coucous (Milos Forman, EU/Tchécoslovaquie, 75).
(61) Family Life (Ken Loach, GB, 71).
(62) Duel (Steven Spielberg, EU, 71).
(63) Im Lauf der Zeit (Wim Wenders, Allemagne, 76).
(64) Taxi Driver (Martin Scorsese, EU, 76).
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