SOMMAIRE
SONGWRITERS
“L’amour, la chanson” par Eric ALLARD
“Trois monstres, actuels” par Bernard FORTIN
OLIVIER ANDU
SÉBASTIEN AYREAULT
PAUL G. DULIEU
“Metaphora” par Alexandre MILLON
DIDIER GALAND
ANDRÉ GAUDITIAUBOIS
“La gare enchantée” par Perlette ADLER
PAUL GUIOT
MARC KEYSER
JACQUES VIESVIL
“Je me souviens des Beatles” par Daniel CHARNEUX
ILLUSTRATIONS de Perlette ADLER
Numéro de JUIN 2006
Nos publications et activités sont possibles grâce à l’aide de Echevinat de la culture de la Ville de Charleroi et du Fonds national de la littérature.

A Dorian et Adrian
« Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson »
Il n’y a pas d’amour heureux, Louis Aragon
« La chanson du dadaïste
Qui avait dada au coeur
Fatiguait trop son moteur
Qui avait dada au coeur »
Chanson dada, Tristan Tzara
L’AMOUR, LA CHANSON
Barbara Carlotti, auteur d’un premier album intitulé Les lys brisés, déclarait récemment: « L’environnement est bon, tout le monde peut trouver sa place », et d’estimer, à juste titre, l’époque exaltante – dans ce domaine du moins de l’expression artistique. Bernard Fortin, dans son article, distingue bien – d’après leur exposition à la lumière – le songwriter, le parolier, l’« écriveur de chanson », de l’écrivain, même si l’un et l’autre peuvent se côtoyer au sein de la même personne. Pour preuve de cette déclaration, les paroliers divers par ailleurs écrivains rassemblés ici avec un texte de chanson (et un « autre » texte) et qui nous offrent de la sorte une compil’ inédite et singulière. On pourra lire aussi deux textes d’auteurs, Daniel Charneux et Alexandre Millon, qui jusqu’ici n’ont pas encore taquiné la muse-chanson. Sans oublier Perlette Adler qui signe un texte et les illustrations.
Consultés sur leur idée de la chanson, les auteurs donnent ici des réponses aussi inspirées qu’originales mais qui peinent, comme qui dirait, à cerner l’objet de leur inclination tant il est difficile à circonscrire, si proche et si lointain, comme tout objet d’amour. L’amour, nous y voilà ! Et si justement on aimait une chanson comme on aime un être humain ? Si la chanson était justement cette entité la plus proche de l’être humain quant à la relation que nous entretenons avec elle ? A y réfléchir…
- une fois séduit, pour on ne sait quelle obscure raison (voir l’aventure d’Olivier Andu avec une chanson de Tina Arena), on ferait tout pour une chanson : des kilomètres, des heures d’attente (de téléchargement), des actes souvent inavouables.
- Dès qu’on l’a capturée dans un quelconque appareil de diffusion, on ne se lasse pas de l’écouter, « en boucle », selon l’expression consacrée. Partout où c’est possible, où c’est permis et où ça l’est moins (c’est Mc Cartney qui déclarait qu’il avait écrit ses meilleures chansons aux toilettes). Si bien qu’on l’a bientôt en tête. Certains se l‘approprient, ils se la chantent avec le souci d’approcher le modèle ou de s’en écarter, sans trop le dénaturer.
- Soudain, sans bien savoir où ni quand, l’envie nous passe de l’écouter, comme si cette chanson était frappée d’interdit, comme si on en était plein, rassasié, qu’on avait percé son secret, ce qui faisait qu’elle nous enchantait, nous ouvrait des horizons intérieurs… maintenant refermés. (Notons ici qu’on n’est pas obligé de vivre en permanence avec une chanson sauf cas de torture rare et que, lorsque cela arrive, cet instrument terrible s’appelle musique d’ambiance.)
- On s’éprend d’une autre, on oublie la précédente.
- Un jour, par hasard, cette chanson nous est remise dans l’oreille. Elle draine avec elle un parfum de souvenir, on l’écoute comme au premier jour, le charme opère à nouveau, le temps perdu nous est rendu avec cette rengaine-madeleine. Comme dit justement Marc Lambron, le présent ne dément pas un amour d’autrefois.
Observons que l’amour fébrile de la chanson et des êtres humains nous tombe dessus environ au même stade de notre évolution affective ; les deux s’interpénétrant parfois : il nous faut un humain pour aimer une chanson ou bien on aime un humain sur l’air d’une chanson. Ainsi le disaient les paroles de cette chanson chantée par Piaf : Je me souviens d’une chanson/ D’une chanson quand on s’aimait/ Elle disait, cette chanson/Des mots d’amour… qui fait écho à cette autre, En souvenir de toi, de Trenet : En souvenir de toi tendrement je fredonne / Cette chanson d’amour dont le refrain si doux/ Nous parlait du Printemps, à présent c’est l’Automne / Je me souviens de toi, je me souviens de nous… Nostalgie de nostalgie, comme disait Murat à Bayon.J’aurais aussi pu citer d’autres titres, parmi lesquels l’emblématique Chanson de Prévert de Gainsbourg, jamais, 15 ans après sa mort, aussi présent qu’aujourd’hui, comme il ressort des préférences de nos invités.
Dans le même ordre d’idée, on pourrait distinguer des catégories dans les amoureux de la chanson : les boulimiques (ceux qui veulent les écouter toutes), les abstinents (conscient qu’ils ne les « auront » pas toutes, ils n’en écoutent aucune), les romantiques (les accros à une seule chanson), les méthodiques (sorte de chasseurs de chansons, ils passent nuit et jour à les p/lister), les dilettantes (ceux qui n’en recherchent aucune mais qui sont toujours prêts à tomber sous leur charme), les moutonniers (ceux qui aiment la chanson qu’aime le plus grand nombre), les pervers (ceux qui aiment les chansons particulières), les bonnes âmes (ceux qui aiment les chansons mal fichues), etc.
Il y a certes ceux qui en plus d’en écouter en font. Ils produisent ces îlots d’espace-temps, ces boules de sons qui captent l’air du temps, nous isolent, le temps de leur écoute, du monde ordinaire, en nous délivrant du quotidien. Ils ont droit à notre gratitude car parfois leur création bouleverse l’ordre des choses, elle remue comme personne sentiments et émotions. Une chanson survient et nous ne sommes plus pareils, notre vie s’égaie ou s’en trouve consolée, éclairée, une allée s’ouvre en nous et le jardin des jours en est transformé.
Longue vie aux songwriters et à leurs chansons!
N.B. Signalons aussi que nous reprenons les textes qui, dans le n° précédent, n’avaient pas été correctement attribués à leur auteur et que Michel Bénard nous dresse le portrait de deux artistes récemment couronnés par le prix Léopold Sédar Senghor, Salvatore Gucciardo et un ami de Remue-Méninges, présent par ailleurs dans ce numéro consacré à la chanson, Jacques Viesvil.
Eric Allard
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BERNARD FORTIN
Songwriters : trois monstres, actuels.
Song writer. Ecriveur de chanson. Ecriveur, comme écrivain ?
Chanson, comme … ? En fait le songwriter n’est pas uniquement l’écriveur de chansons. D’abord il les écrit, à la plume, comme un écrivain. Et puis il les met en musique. Enfin il les chante. C’est à dire qu’il s’expose, physiquement, totalement. Il s’offre au public.
Un songwriter, à part quelques exceptions notables comme Gérard Manset, a la démarche inverse de celle d’un écrivain.
Un écrivain s’enferme, s’isole, pour écrire. Il torture son cerveau, sa mémoire, pour extraire les lignes de vie qu’il fixera sur du papier. Il n’aura alors de cesse que ces lignes soient publiées, mises à la disposition du plus grand nombre. Mais, en dehors de quelques actions de promotion, basiquement il n’ira pas au devant du public pour lui dire, pour lui lire … C’est le public, lorsque, par une mystérieuse alchimie celui-ci aura eu connaissance du trésor, qui finira le boulot, qui ingurgitera les lignes couchées, les intègrera à son propre imaginaire et en fera des milliers d’oeuvres uniques. Chacun la sienne.
Le songwriter aura d’abord eu la démarche de l’écriture. Les lignes sur le papier, comme l’écrivain, mais le rythme, la rime, déja, s’imposent. Puis il aura pris la guitare, le piano et aura mis l’écriture en musique, cette mystérieuse alchimie qui peut ennoblir un texte quelconque ou banaliser un chef d’oeuvre d’écriture. Enfin tout ça pour finalement venir au devant du public, de vous, de moi, pour nous convaincre de la réussite de son oeuvre, et sa prestation là aussi aura de l’importance.
Je vois le cheminement de l’écrivain comme une recherche solitaire, dans l’ombre, quand celle du « songwriter » est forcément publique et exposée à la lumière.
Trois monstres, disai-je. Trois songwriters arrivés à maturité.
Depuis 1987, Jean-Louis Murat, natif du Massif Central et revendiquant haut et fort ses origines, produit régulièrement, avec une prolixité assumée. Il se présente comme un bourreau de travail, qui se doit de créer quelque chose quotidiennement ; chansons, écriture, peinture. Il a la particularité d’avoir produit, outre ses propres chansons, deux CD atypiques dans lesquels il met en musique deux poètes disparus de longue date et dont il redécouvre les oeuvres : Antoinette Deshoulières (poètesse du XVIII ème siècle) et Pierre-Jean de Béranger (poète du XIX ème siècle).
L’individu Murat est un être apparemment entier, pas trop disposé aux compromis, et dont les réactions, notamment au monde et pratiques du Show Bizz (pour faire simple), l’ont fait percevoir comme un original dérangeant. En fait original, certes, c’est un artiste. Dérangeant ? Ca dépend qui !
S’il fallait définir le personnage, il pourrait être un héros Stendahlien !
Les textes de ses chansons sont généralement poétiques, peut être quelquefois limite abscons. L’amour et les femmes tiennent une grande place dans son oeuvre. L’amitié aussi.
« Foule romaine » (dans Le Moujik et sa femme)
Au lac de Côme l’autre Mardi Gras/j’allais faire un tour en cabine
j’allais faire un tour dans le petit bois/tâter l’âme soeur qu’on devine
dans la foule romaine/il y a foule à Rome …
Buongiorno amore v’là la bête humaine/me reconnais-tu
oh quand même/alors le lion qu’en as-tu pensé
ah on aurait tort de se gêner/dans la foule romaine
il y a foule à Rome …
Tes baisers ma mie/tes gestes de reine
tes orgasmes doux/comme on aime
destins d’animaux/et désirs idem
basta on s’en fout/on s’entraîne
dans la foule romaine/il y a foule à Rome …
Dominique A (Ané de son vrai nom) a sorti son premier disque en 1992. Il continue avec une belle régularité depuis. Reconnu, plus que connu, il serait plutôt du genre discret. En fait efficace surtout. S’il fallait situer le personnage, je proposerais « héros positif » de William Boyd, bien dans son époque. Ses textes sont extrêmement précis et ciselés, généralement plutôt de petits scénari qui déroulent des histoires, tristes de préférence. La référence au quotidien est quasi permanente mais la poésie n’est jamais loin.
« Pères » (dans Remué)
Nos pères ont pris sur eux après notre arrivée/Même s’ils s’en défendaient, même s’ils acceptaient
Ils nous ont vu finir à leur place le repas/Certains savaient en rire, d’autres n’y arrivaient pas.
…Leurs femmes nous trimballaient, nous crochetaient le bras/Clignaient des yeux d’amour pour qu’on ne les oublie pas
Comme si c’était possible d’oublier ces yeux là/Ces lèvres au bord du vide qui s’écrasaient sur nous
…Et à tant s’effacer nos pères ont disparu/Et quand on a compris on a regardé la terre
Qui ne recracherait rien, on a regardé nos mères/Qu’on n’avait jamais vues si éloignées de nous
On les a regardées peinant à évoquer/Ces hommes tels qu’ils étaient avant notre arrivée
Avant qu’ils ne s’assoient pour mieux nous reconnaître/Pour bien nous regarder avant de disparaître.
Le troisième larron, Miossec (Christophe de son prénom) est du genre imprévisible, généreux, et tourmenté certainement. S’il fallait une référence littéraire, ce pourrait être certains héros de Jim Harrison, limite asociaux, forts et voués depuis le début au drame. Miossec a sorti cinq disques depuis 1995. Les textes parlent du quotidien, un quotidien toujours plutôt déglingué, bancal. Constat désabusé plus qu’hymne d’espoir, les relations hommes/femmes sont souvent désespérées et sans issue. De l’émotion toujours et une sincérité palpable, chez Miossec :
« Je m’en vais. » (dans 1964)
Je m’en vais bien avant l’heure/Je m’en vais bien avant de te trahir
Je m’en vais avant que l’on ne se laisse aller/Je m’en vais avant que l’on ne puisse en rire
Je m’en vais en gardant toute ton odeur/Je m’en vais en te regardant dormir
Je m’en vais car l’on s’est vu voler/Je m’en vais avant que l’on ne puisse atterrir
Je m’en vais car l’on s’est tant aimé/Je m’en vais avant de te détruire
Je m’en vais pour que tu ne m’oublies jamais/Je m’en vais en te voyant sourire
Je m’en vais en croyant que tout est vrai/Je m’en vais avant de te découvrir
Je m’en vais bien avant de te décevoir/Je m’en vais avant de te trahir
…
Si littérairement parlant, ça n’est pas exceptionnel, ça le devient avec la mélodie et l’interprétation. La chanson …
Et la musique me direz-vous ?
Jean-Louis Murat a enregistré ses derniers disques avec systématiquement le même personnel de base : lui-même à la guitare, un bassiste, un batteur et Camille en chef de choeurs. Cette formation restreinte, loin des productions compliquées avec rajout de cordes ou effets bizarres, lui réussit parfaitement.
Il est mélodiquement riche et semble avoir beaucoup de facilités à composer. On pourra lui reprocher sa manière de chanter, pas toujours entièrement audible (sur des textes compliqués ça peut être frustrant !).
Jean Louis Murat a mis du temps à venir sur scène, enfin plutôt à prendre et donner du plaisir sur scène. Personnalité entière, il a peut être eu du mal à se livrer et s’épanouir. C’est certainement maintenant le cas. Et son entente avec ses deux musiciens est tout à fait évidente.
Dominique A est lui-même guitariste. Il est celui qui ne se contente pas du format dominant. En cela que la basse est une contrebasse, électrifiée, que la batterie est absente mais qu’une grande place est donnée aux claviers/synthé et plus original à deux instrumentistes à vent ou cuivre (trompette, saxos, cor …) qui jouent parfois aussi des percussions. Le son résultant est différent ; sophistiqué et carré. Ce choix d’accompagnement lui confère un ton très particulier, très reconnaissable.
Dominique A sur scène, c’est une révélation. L’homme est plutôt petit, rablé, le crâne chauve, et c’est une boule d’énergie ramassée autour de sa guitare. Sa voix est vraiment à la hauteur de ses enregistrements, pure et parfaitement compréhensible. Ce qui est étonnant, c’est que ses textes si désespérants à l’écoute sur CD prennent une autre dimension, plus humaine, sur scène !
Miossec n’est pas à proprement parler instrumentiste. Son instrument, c’est sa voix. Qu’il a fort belle, un peu rauque mais étonnemment dynamique. Il est celui des trois qui rompt le plus avec le respect des nombres de pieds au fil des vers. Il bouscule, chahute, n’hésite pas à casser la mélodie pour quasiment scander ou même quasiment parler. Pas de carcan avec lui. Le format d’accompagnement est classique, avec peut être des musiciens qu’on sent moins faire corps que chez Murat ou Dominique A.
Miossec étonne lors de son arrivée sur scène. A la voix, on imagine un gaillard costaud, à la Bruce Springsteen, à la Thiéfaine, et on voit un bonhomme plutôt fragile, mais de ce genre de fragilité dont on pressent qu’elle est capable d’aller jusqu’au bout. Curieux mélange de fragilité, de provocation et de volonté d’aimer les autres.
Critiqueur sous le pseudo de Tistou sur http://www.critiqueslibres.com , site sur lequel il est un des animateurs de la section Vos écrits.
Ses chanson préférées : Les Passantes, mis en musique et chanté par Georges Brassens sur un poème de Antoine Pol , The needle and the damage done, de Neil Young, Qu’entends tu de moi que je n’entends pas?, de Jean-Louis Murat.

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OLIVIER ANDU
AROLACEKWA
une bombe ou une recette japonaise de poisson
une sonde ou une galette suédoise au thon
le prénom d’la soeur de l’empereur du Mexique
une barrière une peur un bar ou une barrique
une sorte de vêtement portée seulement en hiver
une porte ne s’ouvrant qu’à l’envers
une manière de faire précisément le contraire
une valise en fer pour ranger nos affaires
de petites bêtes nues terrées au fond de leur trou
ou la principale avenue sortant de Tombouctou
le début du début ou bien le fin du fin
un trésor un salut du celte du latin
la millième position du kamasutra
où l’homme se place en rond les jambes autour des bras
un sous-marin fantôme une mine de manganèse
le quatrième tome du grand livre des Fraises
une pin-up magnifique gonflée à l’hélium
un chippendale stringé ou un petit bonhomme
une gigantesque faille dans toutes les prévisions
une sorte de détail hors de proportion
un moment de répit dans la course énergétique
une pause une station un vide technique
une blonde ou une maquette supersonique d’avion
la tonte d’une prairie ou celle d’un mouton
la maîtresse de x le compagnon de z
la meilleure façon de traduire “ bezet “
L’ELAN
L’élan, noble animal,
ressemble à l’orignal
qui lui-même, voyez-vous,
ressemble au caribou
qu’on distingue, quant à lui,
difficilement du renne
que l’on confond, eh oui,
je l’écris avec peine
souvent avec l’émeu
ce qui est révoltant
car ce fier quadrupède
– je parle de l’émeu –
qu’on dit un peu collant
vu de très près, en fait,
mise à part la démarche
ondulante, chaloupée
pouvant faire rire ceux qui
ne prennent rien au sérieux,
tiendrait plus de la vache
(ce que confirme d’ailleurs
immédiatement celle-ci,
en déclarant à qui l’interviewe
sur le thème “ de qui vous sentez-vous
philosophiquement proche?
– l’émeu bien sûr ! et meuh “)
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Poète multifonctions (un peu comme les robots, sauf qu’il
essaie d’être précisément le contraire…), OLIVIER ANDU présente sur son site un nouveau jeu ( » BUSTER » clin d’oeil à Buster Keaton) et bientôt de nouvelles chansons, entièrement a cappella, chantées par lui ou d’autres (parmi ces autres: Astrid, et sinon, sur le site – www.olivierandu.net – on trouve aussi pas mal de photos, quelques dessins, un journal en ligne, etc.
N.B. On peut commander son coffret de 3cd sur ce même site (ndlr)
1/ Influences. Pas vraiment d’influences ou alors beaucoup trop pour pouvoir les citer mais la seule ligne dans laquelle j’ai l’impression de m’inscrire est celle des vieux bluesmen acoustiques noirs américains
2/ Votre définition de la chanson ? Un moment de bonheur, espérons, pour l’auditeur, un voyage, une découverte ( parfois même de soi-même)
3/ Vos trois chansons préférées ? Les papous (Bourvil), When I lay down and die (Josh White), Bagdad (Tina Arena, et ce n’est pas une blague: j’ai entendu cette chanson par hasard sur TF1 et elle m’a sidéré, je me suis dit que donc c’était une chanteuse populaire qui s’emparait d’un thème politique et les chanteurs politiques, ils sont où?)
4/ Qu’avez-vous été capable de faire pour une chanson ? L’écouter en boucle, plus souvent un album d’ailleurs qu’une chanson (l’album de Jeff Buckley » Grace » par exemple ou, plus jeune, des albums d’Eyeless in Gaza ou une chanson dont j’ai oublié le titre sur un album de Joy Division que j’ai écoutée bien une centaine de fois dans le train de nuit, en revenant d’une excursion scolaire en Italie, vers la quatrième cinquième humanités
5/ Chanter, c’est comme… Chanter, chanter c’est comme chanter, une expérience incomparable et qui n’évoque pour moi qu’un autre mot: »être »

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SÉBASTIEN AYREAULT
L’ORAGE
Mon moineau s’est épris
D’un chien pourri
Au fond du jardin
Un grand soleil blanc lui ouvre les tripes
Et mon moineau picore
Joyeusement
Elle tire ses rideaux
Ouvre grand la fenêtre
Prend une grande bouffée matinale
Et je me réveille
Il fait chaud
Il fait lourd
Le ciel de 6 heures est plein d’orages
Je te tuerai, je te tuerai
Temps
Etre dans les temps
La vie, c’est du rythme
L’electrocardiogramme plat sous entend
Sous entend
Et qui sait ?
Des fois qu’y aurait la grêve des fossoyeurs
Des fois qu’ils s’feraient embarquer en route
Combien la rançon ?
Combien tu donnes ?
ça fait longtemps qu’ils ne transpirent plus l’un contre l’autre Chacun agrippé à son bord désormais
Je veux faire dans l’humanitaire, pense-t-elle
Je veux faire dans l’humanitaire…
L’HISTOIRE DE MES DOIGTS
j’avais 12 ans et elle avait une chatte immense et pleine de poils. c’est comme ça que tout a vraiment commencé. je l’astiquais avec mon petit pouce, le nez à 5 centimètres de sa touffe, et elle gigotait, couinait en tout sens en travers du lit de mes parents. ça me faisait comme des petites étincelles pleines de nerf partout sur le rail. après je me souviens que j’ai chialé un bon coup parce que putain, ça m’avait rejeté loin, très loin cette chose. un peu comme si je m’étais perdu dans le paysage de cette chatte immense et impossible de retrouver mon chemin. le monde, tout rouge, tout dégueu, s’était soudain abattu sur ma petite tronche de blondinet. j’avais joui. joui dans mon froc. joui les yeux plongés dans ses trous. et j’avais beau n’avoir que 12 et elle 17, je suis rentré dans un tel état de colèr et qu’elle a eu vite fait de renfiler son slip et de se tirer. dieu qu’elle était moche. dieu qu’elle puait. et justement, j’en voulais à dieu. à mort. tellement que j’ai décroché le christ de sa croix et je lui ai écrabouillé sa gueule à grands coups de talons. ma mère m’en a pas trop voulu et mon père pensait à aut’chose ce jour-là.
tout de suite après ça, j’ai sorti un cahier, et c’était comme de gerber en mieux. parce que tout ce truc jouissant et saignant dans ma tête, y’a pas, fallait que je l’écrive et que je le gueule au monde, merde, c’était bien plus fort que tout. bien plus fort que tous ces machins qu’on nous apprenaient à l’école, bien plus fort que le vélo. j’ai vite pigé que ma vie entière allait tourner autour de mes doigts. je m’en souviens, ouais, c’était l’été, le soleil me plombait jusqu’au fond des yeux, et assis sur un petit banc vert merdouille, mon cahier sur les genoux, je me suis dit, mec, tes doigts, ça va être kekchose!
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Nouvelliste, auteur et interprète au sein du groupe psyché-rock John Barleycorn, SEBASTIEN AYREAULT additionne et multiplie les petits calins anonymes comme dit l’autre…
Pour découvrir, écouter John Barleycorn : www.u-blog.net/jbarleycorn
Le premier album de John Barleycorn « Entrechocs » est toujours en vente (nous contacter: j.barleycorn@caramail.com)
A paraitre cette année, son premier recueil de nouvelles illustrées (par la dessinatrice Noémie Barsolle): « L’Histoire De Mes Doigts » (pour en savoir plus: sayreault@caramail.com)
1/ Influences. Bashung et Gainsbourg pour la musique. Bertrand Blier et Bukowski pour tout le reste, ou presque.
2/ La chanson. Pourvu qu’elle me décolle de terre… me frappe à l’intérieur…
3/ Chansons préférées. Volontaire (la version avec Noir Désir et Bashung), Wishlist (Pearl Jam), L’Hotel Particulier (Gainsbourg)
4/ Qu’avez-vous été capable de faire pour une chanson?
J’ai joué à souffrir alors que tout allait pour le mieux: la mer, le soleil, et une jolie fille aux seins nus… c’était pas une bonne idée, c’était pas une bonne chanson.
5) Chanter, c’est comme…
Pas faire naturel… mais en mieux…

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PAUL G. DULIEU
LE RETOUR DE L’AVEUGLE
À tâtons à pas menus et gourds
Il avance les yeux dans les platanes
Gauchement précédé de sa canne
Qui scrute l’obscurité du jour
On entend le bruit sec du bâton
Qui picore le trottoir ou qui racle
Les murs pour prévenir les obstacles
Son chemin se conquiert à tâtons
Il reconstruit la rue dans sa sourde mémoire
En effleurant les murs en attouchant les pierres
Les bruits et les odeurs sont autant de repères
Qui s’enchaînent et qui balisent la rue noire
Sa mémoire cherche le long des murs
D’une main infaillible et tremblante
Les saillies fraternelles les angles
Qui surgissent dans son être obscur
Il croise parfois une âme soeur
Dont l’odeur le parfum qui s’épanche
L’invite à rêver d’une nuit blanche
Où les odeurs deviendraient couleurs
La rue autour de lui se confond et s’ébranle
Il y baigne il y sort ses mains comme des griffes
Qui s’accrochent qui déchiffrent les hiéroglyphes
Tout au long des parois tout au long des chambranles
Sur son dos pèse un accordéon
Sur ses yeux pèse la nuit diurne
Il regagne morne et taciturne
De pavé en pavé sa maison
LE MAÎTRE DE MUSIQUE
Michel M. était mon maître de musique. La porte arrière de l’académie donnait sur le parquigne flanqué d’un vieux verger. Le menuisier avait construit une rampe de bois sur l’escalier de trois marches de pierre bleue qui donne accès au bâtiment.
Michel arrivait en Golf. C’était une voiture spécialement aménagée pour lui : pas de pédales, toutes les commandes manuelles. Dès que l’auto était à l’arrêt, il se retournait vers le siège arrière, ouvrait la portière et en éjectait un fauteuil roulant. Il poussait alors la porte du conducteur, en rapprochait le fauteuil qu’il dépliait comme un parapluie et, s’appuyant sur les mains, se faisait basculer du siège de l’auto au fauteuil à roulettes. Il regardait s’il n’avait rien oublié ; tout était là, sur ses genoux, la flûte et les partitions. Alors il souriait, contemplait le ciel et les arbres du jardin, faisait virevolter sa carriole et, les mains puissantes actionnant les roues, il prenait son élan et avalait d’une traite la rampe de bois. Michel déboulait dans le couloir de l’académie, freinait, lisait en passant les avis des valves et poussait la porte de la salle de musique.
Il nous parlait d’astrophysique, de la position des étoiles, de la rotation de la terre et du soleil. Nous l’écoutions jusqu’au point où ses considérations scientifiques nous échappaient. Mais tous ses élèves faisaient mine de comprendre. Il réfléchissait tout haut, comme un géomètre céleste, variait les plans, calculait les angles ; quand il nous voyait abasourdis, il racontait une blague, riait et demandait de lui rappeler quelle partition nous étions en train de travailler.
Il emboîtait les trois éléments de sa flûte, soulevait son buste pour prendre son souffle et sa musique aérienne l’emportait dans un voyage où les fauteuils roulants, les vaches, les fiancés et même la tour Eiffel n’ont plus de poids. Michel M. s’envolait par-dessus les toits comme un musicien de Chagall. Je suivais son mouvement comme je le pouvais, il filait décrocher l’inaccessible étoile.
Un jour de varappe, une chute, un accident médullaire, il s’était retrouvé dans un fauteuil roulant, les jambes de vingt ans comme des membres de flanelle. Alors l’ingénieur astrophysicien avait épousé la musique dont il était amoureux depuis belle lurette. Elle offre à son esprit le grand espace du voyage, l’ascension et la flânerie dans les airs. Vissé à son fauteuil d’infortune, il étonne ses élèves par la légèreté de son chant et la rapidité de son envol.
Quel nigaud a prétendu que la musique est sans utilité pratique ?
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La chanson est pour PAUL DULIEU une compagne, même s’il n’en a fait pas son métier. A écrit et composé des dizaines de chansons. Études de sociologie, de linguistique, puis travail à l’UCL, à l’IAD et aux Nations Unies. Maintenant, journalisme et écriture. Avec Paul Guiot, a réalisé un CD sur des textes de Norge, intitulé « Déjeuner en compagnie de Norge ». « Des textes drôles, touchants, avec lesquels on s’est tout de suite senti en phase. Je crois qu’il faudra qu’on remette ça. »
1/ Inflluences. J’aime surtout les poètes. Les types un peu fous qui savent faire chanter la langue. Brassens, Vian, Nougaro, Souchon, Charlebois… Et puis, il y a les Brésiliens qui mettent en tout de la couleur et aussi de la mélancolie : Chico Buarque de Hollanda, Vinicius, Jorge Ben, et tant d’autres. Je ne sais pas s’ils ont eu vraiment une influence sur les chansons que j’ai composées, mais ils ont ouvert une nouvelle fenêtre par laquelle on peut respirer le parfum de la joie et de la saudade.
2/ La chanson Comment la définir ? C’est une chose difficile parce que c’est léger. On peut définir les choses mathématiques, ce qui relève du système des horloges, mais la chanson relève du système des nuages. Elle vient, elle passe, elle éclaircit le ciel, lui donne un air d’orage ou de mélancolie.
3/ Chansons préférées. J’aime des chansons dont je ne connais même pas le titre, mais je peux immédiatement en chanter la mélodie. Il y a une chanson de la Révolte des Œillets à Lisbonne, des soldats qui chantaient « la morena » et cela vous donne la chair de poule, ces voix viriles, pacifiques, qui disent la fin des guerres et le début d’un ère nouvelle. Il y a aussi une autre chanson dont j’aimerais avoir la référence, et qui me bouleverse. Elle semble venir du fond du Moyen Âge, c’est une chanson de mendiant, on y parle de « la part Dieu », celle que le riche devrait céder au misérable. Parmi les chansons plus connues, je porte très haut « Pauvre Martin » de Brassens, chantée par Barbara, elle dit en deux minutes toute la condition des hommes qui n’ont rien que le travail de la terre.
4/ Pour une chanson, ou pour plusieurs, j’ai été capable de “grivèlerie”. Savez-vous ce que c’est que la grivèlerie ? C’est, par exemple, loger dans un hôtel et partir sans payer sa note. Tout cela à cause de Serge Reggiani. J’étais à Paris depuis cinq jours. Il me restait peu d’argent. Douloureux dilemme ! aller écouter Reggiani qui passait dans je ne sais plus quelle salle, ou payer ma note d’hôtel ? J’ai encore dans la tête les refrains qu’il chantait : « Quand j’aurai du vent dans mon crâne », « Mon petit garçon, mon enfant, mon amour… », ou « La femme qui est dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps ». Le lendemain, à l’heure de partir, j’ai avoué à mon logeur que je n’avais plus un sous. Il m’a demandé si je n’avais rien à laisser en gage. Rien, un pyjama, une brosse à dents… Alors, il s’est exclamé : « C’est de la grivèlerie ! » J’ai appris le mot avec la chose. L’hôtelier a eu l’élégance de ne pas appeler la police. Il a cru en la promesse que je lui faisais. Dix jours plus tard, son compte en banque se trouvait crédité du montant que je devais à ce brave homme.
5/ Chanter c’est comme l’oiseau, se mettre sur une branche, pas toujours la plus haute, et respirer.

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ALEXANDRE MILLON
METAPHORA
Prenons un deux pièces, mettons à Rome, nous disait-il. En hiver, non plutôt en juin. Un joli mois de juin d’une tiédeur agréable. Dans un vieux quartier dédaléen. Un petit balcon inondé par un chèvrefeuille grimpant sur le muret d’une cour intérieure. Une fenêtre entrouverte. Une lumière élégamment tamisée par des rideaux voletants. Un grand lit pour quatre. Une pose lascive. Celle d’une dormeuse moulée sous les plis étudiés d’un drap délicat. Un flirt. Une image de peintre. Une exosmose. Un courant venu de l’intérieur vers l’extérieur. De quoi affoler n’importe quel hétéro-sapien, mais on ne basculera pas ici, dans une sieste où besognerait avec gravité un bestial halètement de rauques. Nous le savons, le jeu des corps réchauffe, mais n’éclaire pas. Non, prenons notre temps, évoquons plutôt une esthétique sincère, un moment suspendu purement visuel.
Un ralenti. Puis un arrêt sur image. Une nouvelle fraîche, un feuillet qui tomberait sous le téléscripteur du sentiment. Un panorama. Un odorama, aussi. Incanto, son parfum à elle. Fragrance de pêche d’abord, et plus en dessous : du floral.
Un réveil en douceur, une douche enveloppante. Puis une ballade dans les ruelles du quartier Farnese juste avant l’agitation nocturne. Plus qu’une simple promenade, un mouvement d’un état d’âme à un autre. Une poétique en marche. Une émotion. Ne dit-on pas metaphora en grec pour transport ?
Sur le bateau mouche qui sillonne le fleuve Tevere, la radio passera, Per me per sempre, une chanson de Ramazzotti :
Io vorrei che migliaia di farfalle
colorassero l’aria intorno a me
poi vorrei vederle tutte quante
come un vestito posarsi su di te
Le dernier soir, échangeons nos regards dans un bar à vin du Campo dei fiori. Les saveurs d’un muscato di Pantelleria, que nous laisserions entrer dans nos veines, tel un murmure familier, un battement d’ailes, avec la même évidence reine, sereine.
Ensuite, profitons de la fraîcheur de la nuit et de nos corps, de cette formulation spatiale qui les englobe, les dépasse et ne les résumera pas. Pour ça, nous n’aurons pas de formules toutes faites, car elles sont à la fois familières et nourries de petits biscuits d’étrangeté.
Surtout, prenons notre temps.
Son site : http://alexandremillon.site.voila.fr/ (Ecouter la Bande-son)
Dernière parution : Sumo sur brin d’herbe, roman, Grand Miroir, Bruxelles, 2006
Ses chansons préférées: What a wonderful world (Louis Amstrong),
Giocco d’azzardo (Paolo Conte), Tango to Evora (Loreena Mc Kenitt par Haris Alexiou)

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DIDIER GALAND
T’AS D’BEAUX CIEUX
A toi qui nous regarde peut-être
De ton nuage par la fenêtre
J’envoie mes pensées amicales
Ça t’changeras des cris, des scandales
Que toutes les bigotes de la terre
T’envoient chaque jour dans leurs prières:
« Y a des voleurs des pédophiles,
Les rues ne sont plus sûres en ville
Y a des tueurs et y a des guerres
On finira tous en poussière
Y a la misère les maladies… »
Et puis les « stars académies »
(R)
Mais t’as d’beaux cieux tu sais, t’as d’beaux cieux
Et la vie c’est plutôt pas mal!
T’as d’beaux cieux tu sais, t’as d’beaux cieux,
Tant de beautés sous les étoiles!
Ça doit te lourder tout c’tintouin
Des gens qui sont content de rien
Qui trouvent toujours de quoi se plaindre
Qui oublient de rire mais pas de geindre:
« Déjà les saisons se détraquent
La pollution passe à l’attaque
Y a plein d’étrangers dans les rues
Les filles s’baladent à moitié nues
Où sont passées les bonnes manières? »
Avec bon-papa dans l’cimetière!
(R)
Pour saper ces sales habitudes
Pour sortir de notre hébétude
J’ai écrit une ptite liste sympa
A écouter quand ça va pas
Cette liste est pas définitive
Tu vas t’la prendre dans les gencives
Alors accroche toi à ton slip
C’est parti et faut pas qu’tu flippes!
Il y a les sourires des enfants
Et puis les baisers des amants
Le soleil qui brille sur la neige
Les chevaux de bois des manèges
Les petites soirées entre amis
Où on r’peint l’monde en plus joli
Y a les musiques qui te transportent
Les gros câlins qui réconfortent
Les oiseaux qui chantent le matin
La douce chaleur d’un bon bain
Des ptits bonheurs y en a des tas
Complète la liste, vas y mon gars!
LA VÉRITABLE COULEUR DU CIEL
J’étire mes membres ankylosés et un long frisson parcourt mon corps.
Le soleil ne s’attardera plus très longtemps, le ciel est déjà en feu.
Le ciel.
Dans ma position je ne vois plus que lui. Et tandis que là haut toutes les nuances du pourpre se déclinent, la vie coule lentement hors de moi.
Maintenant le ciel est jaune, et bleu et vert et lumineux. Des éclairs le transpercent et son sang coule à flot. J’ai des nausées. Le ciel est trop brillant, me donne mal à la tête. J’ai beau fermer les yeux, l’image reste vivante, comme un film défilant sur l’écran de mes paupières. Je croyais que les mourants voyaient défiler devant eux leur vie, pas des cieux délirants.
C’est peut-être les pilules. Les pilules. Des jaunes, des vertes, des bleues… Des sucrées, des salées, des amères… La panoplie complète pour le plus grand plaisir des yeux et des papilles. Un billet pour l’oubli aux allures d’arc-en-ciel.
Avec la nuit le froid est venu. Mais je ne le sens pas. Je me noie dans les couleurs. Je ne vois rien d’autre, je ne ressens rien d’autre. Je suis une couleur. Une tache noire et gluante qui rechigne à rejoindre ses sœurs, qui s’agrippe encore aux brins d’herbe roussies par les caresses brûlantes du soleil.
Comment se fait il que j’aie été si longtemps aveugle ?
Pourquoi faut il toujours perdre quelque chose pour se rendre compte a quel point on y tiens ? Comprenez moi bien, je ne regrette pas, ma décision a été bien mûrie. C’est juste une bouffée de nostalgie qui m’envahit : j’ai vécu ici et maintenant je m’en vais. Rien de plus a en dire, ces mots contiennent tout : j’ai vécu ici et maintenant je m’en vais.
Pas de responsable, aucun fautif.
Ce n’est pas non plus la grisaille de la vie qui a été à l’origine de mon choix. Pas l’uniformité du monde. Pas la routine dans laquelle chacun s’enlise chaque jour. Non, rien de tout ca.
J’ai vécu ici et maintenant je m’en vais.
Des fulgurances chaudes s’insinuent dans la voûte, vrillant mes pupilles dilatées à l’extrême. La palette de nuances qui me surplombe se fait de plus en plus complexe. Un ordre mystérieux semble s’y dessiner, comme une invitation.
Alors, rassemblant mes esprits, je tente dans un ultime effort de m’arracher de moi-même. Et ce n’est pas une souffrance mais une libération.
Lentement je m’élève, subissant au gré de mon ascension une douce transfiguration. J’étais mais maintenant je suis. Consumant les restes de ma carcasse dans une pluie de cendres flamboyantes, je me déploie enfin, avant de me fondre pour l’éternité dans le linceul céleste.
Et le père dit à sa fille :
– Tu vois là, l’espèce de « W » dans cette direction ?
– Oui.
– Et bien c’est la constellation de Cassiopée, et on l’appelle aussi « la chaîne ».
– Et la papa, qu’est ce que c’est ?
Le père un peu étonné répond :
– C’est une étoile filante.
Avant d’ajouter pour lui-même :
– Mais c’est bizarre, celle là semblait monter…
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DIDIER GALAND, 26 ans, habite Malonne (Namur), fait de la musique depuis une dizaine d’année dans diverses formations (Pandémonium, Aldaron, Happy Faces et Camping Sauvach) et en solo et qu’il vit de petits boulots divers. Fait aussi de la jonglerie et des spectacles clownesques et puis un peu de photo et d’écriture Bref il s’amuse bien mais ne ne roule pas sur l’or!
Le premier album autoproduit, intitulé « Petit Monde » de Camping
Sauvach sortira cet été il s’intitule « Petit Monde » et peut-être commandé via le site du groupe www.campingsauvach.com
1/ Influences. J’écoute principalement des groupes pop ou rockanglophones. C’est difficile de dégager vraiment des influences claires, on écoute tous un peu de tout dans des styles assez différents!
Mais en gros on nous met en général dans la même catégorie que des groupes comme Les ogres de barback, Les hurlements de Léo, Debout sur le zinc ou encore Les blérots de ravel. Bref de la chanson française festive.
2/ La chanson. Définir la chanson, voilà un sacré boulot! J’ai l’impression que c’est mieux de ne pas la définir, que ça reste un terrain vague, un espace de liberté dans lequel chacun peux amener ou prendre un peu ce qu’il veut!
3/ Chansons préférées. Faire un podium de chanson c’est vraiment pas évident, chaque jour c’est différent, selon les humeurs et les découvertes du moment. Donc mes 3 chansons préférées de ce 25 avril à 14h35 sont:Le Hollandais roulant de Raspoutitsa, Sunny days de Boston Food Sucks et
Song Of Joy de Nick Cave.
4/ Qu’avez-vous été capable de faire pour une chanson ?
Je pense que je n’ai jamais rien fait de vraiment fou pour une chanson qui vaudrait la peine d’être raconté. Pour une fille oui mais ce n’est pas le sujet
du jour et je ne vais pas m’étendre là dessus.
5/ Chanter c’est comme... aimer, si tu le fais pas à fond, ça vaut pas le coup !

ANDRÉ GAUDITIAUBOIS
FÎYES DU CIÈL
1
Pon d’ nuwéye au clér di bèle,
In leû ki ûle au keûr dèl gnût…
Su l’ ramon… vol’ nut sins brût,
Lès blankès dames, in cotes di dintèle…
Si lèdjîres dins lès luweûrs…
Tout r’ pèrdant leûs tchansons-in keûr,
Cazuwélès mam’zèles,
Èles plan’ nut dins l’bia cièl…
Si gracieûz’ mint su leûs royes,
Tracéyes dins l’ vûde, su leûs voyes…
Sins minme dîre in mot,
Lès féyes nos rind’nut sots…
erfrin
Tchoutèz…
Tchoutèz lès tchantér…
Fûchèz… Èmacralés… Èmacralés…
Tchoutèz…
Tchoutèz lès tchantér…
Fûchèz… Èmacralés… Èmacralés…
2
C’èst l’ plinne leune èt lès-ûlauds,
Lès nutons-èt lès pépéres
Ont sôrtu di leûs nwêrs trôs
Èt vèn’ nut cachî mizére…
Come dès gaviots…
Avou lum’rotes èt grigne-dints…
Is-inmenut bén foute èl brin…
Èt lès ptitès djins du grand bos,
Lès spitants gadlots…
Lès gates d’ oûr èt lès vèrboucs
Cougn’ nut dins l’ tièsse tout plin d’ foukes…
Dès drolès-idéyes… Èt dès vèrzinéyes…
3
Wétèz bén… mès djins, mès bièsses…
Èl majîye fé d’ vènu sot…
Èl gnût s’èva, toudi dins m’tièsse,
Lès blankès dames tchant’ ront co…
(musique: Vincent Loss)
Filles du ciel (traduction française)
1
Point de nuage au clair de lune,
Un loup qui hurle au coeûr de la nuit…
Sur le balai … volent sans bruit,
Les blanches dames, en robes de dentelle…
Si légères dans les lueurs…
Reprennant leurs chansons en choeur,
Fragiles damoiselles,
Elles planent dans le beau ciel…
Si grâcieucement sur leurs sillons,
Tracés dans le vide, sur leur chemin…
Sans même dire un mot,
Les fées nous rendent fous…
(refrain)
Ecoutez…
Ecoutez les chantér…
Soyez… Ensorcelés… Ensorcelés…
Ecoutez…
Ecoutez les chantér…
Soyez… Ensorcelés… Ensorcelés…
2
C’est la pleine lune et les hurlus,
Les lutins et les gnomes
Sont sortis de leurs trous noirs
Et viennent chercher noise…
Comme des gamins…
Avec lanternes et brèche-dents…
Ils aiment bien ficher le bran…
Et les petites gens du grand bois,
Les sautillants chevreaux…
Les chèvres d’or et les hommes-boucs
Clouent dans la tête plein de tocades…
De droles d’idées… Et des lubies…
3
Regardez bien… Mes gens, mes bêtes…
La magie fait devenir fou…
La nuit s’en va, toujours dans la tête,
Les blanches dames chanteront encore…
DANS LES CIEUX
Il me faut sortir du grand sommeil,
L’hiver va finir, le printemps s’éveille…
Je brise mes liens, j’ouvre les portes…
L’eau de mes yeux,
Le vent l’emporte
Dans les cieux…
Les bonshommes de neige ont fondu,
Le ciel est bleu, la terre est verte,
L’espoir est revenu
Quand ma prison s’est ouverte
Sur la nature et sa magie,
Je suis prêt à m’envoler
Sur les ailes de ma folie…
Je plane les yeux fermés… Je plane les yeux fermés…
Je m’en irai vers le soleil…
Je rechercherai des monts, des merveilles
Dans les cieux, les cieux
Dans les cieux… eu eu eu…
Je rêve d’être un oiseau,
Une barque sur les eaux…
Par l’esprit, la pensée,
Je suis déjà parti loin…
Oui, contre vents et marées,
Moi, je veux voir le jour qui point!
Une aurore sans pareil,
Je veux vivre au grand soleil!
Il est temps de partir vers d’autres ports
Sur le navire de mes rêves en or….
Plus de pensées engourdies,
Mon crâne est plein d’énergie
Avec le vent dans le dos
Qui me pousse, qui m’entraîne…
Ma vie n’est plus un cachot,
Libéré de mes chaînes,
Je reprends tout… à zéro… Je reprends tout… à zéro…
Je n’ai plus de liens,
Je cours, je m’enfuis, je n’ai plus de dieu,
Je n’ai peur de rien !
Mon étoile luit dans les cieux…
Je rêve d’être un oiseau,
Une barque sur les eaux…
Ma vie n’est plus un cachot,
Je reprends tout à zéro !
(Musique: Vincent Loss)
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« ANDRE GAUDITIAUBOIS, né le 2 Août 1949 à Dampremy, demeurant 3, rue de Fontenelle à Ham/sur/Heure-Nalinnes, une commune à la con où la maison communale est inaccessible comme l’étoile ou l’île du même nom éponyme au pauvre chaisard non marchant que je suis.
« Powéte walon », c’est à dire pour certains, analphabête en somme. Mais on ne choisit pas, c’est avec le wallon que je mets un peu de beurre sur mes épinards et que je jouis (ouuuu!) d’une certaine notoriété. Merci Wilhelm de passer d’Alfred en William et d’être cette étoile du firmament régional qui me permet de m’épanouir quoique tardivement dans mon art de la parole écrite et ce en wallon. De toute façon, se faire plagier par Bruce Springsteen, n’est-ce pas la consécration… Dans l’immédiat, je m’occupe toujours des chansons de Dunker. Le projet en cours est « Eric Elrosse » (Eric Dubray, Vincent Loss et les autres). Sachez que : »Èl monde n’èst né tout nwêr » et les moutons seront mp3. »
1/ Influences. Trop.(Même Jean-Claude Magnon et René Anderthal)
2/ La chanson. De la poésie à 2 sous sur 2 notes et 1 accord, l’important, c’est qu’au moins un auditeur apprécie le résultat. Après les impôts arrivent ou on continue à bouffer de la vache folle. Certains veulent même devenir belge, c’est pire que les drogues et l’alcool.
3/ Chansons préférées : Laetitia (Gainsbourg), Like a rolling stone (Dylan), She’s like a rainbow (Jagger-Richards).
4/ Qu’avez-vous été capable de faire pour une chanson? Faire un procès à Bruce Springsteen….
5/ Chanter, c’est comme… parler sur de la musique (M.Fugain).

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PERLETTE ADLER
LA GARE ENCHANTÉE
À Julos Beaucarne
– Il y a une gare à Namur maintenant ?
– Il y a toujours eu une gare à Namur.
– Non, la dernière fois que j’y suis passée, c’était des baraquements
Ce sont encore des baraquements. Le soir, tout est désert, sinistre et sombre. Des flèches, des labyrinthes sous des échafaudages, des escaliers en treillis de fer, des passerelles pour l’accès aux quais. On se trompe, on y va par l’ancien souterrain, lugubre. Il y a là une petitte bougie allumée. L’éternel mendiant sur une île de gravat, un trône de vieilles planches. Il compte des pièces de monnaie qu’il relance dans sa jatte en fer blanc. Il doit y regarder à deux fois sous la flamme, pas facile de s’y retrouver en euros. Il chante en comptant, moi je ne pourrais pas. LA P’TIT’ GAYOLE, il chante. « Tu cherches quelque chose ? » il me lance. « Merci, je vais trouver. » Mais je ne déchiffre rien des supposés panneaux indicateurs dans cette obscurité. Le mendiant continue à chanter, façon Julos, les destinations, heures de départ et numéros des voies.
« Me définir ? Je penche vers l’infinition, la plume à la main, pour des mots, des dessins. » P.A.
Ses chansons préférées : Cantate de tous les jours (Giovanna Marini), Retire ta main (Pauline Julien), Dans le sac à main de la pute (Allain Leprest)

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PAUL GUIOT
FEMME HAUT-FOURNEAU (la chanson qui va faire un tabac)
Line est une femme oh oh oh…
Il faut la voir ma Line avec une clope au bec
Comme elle fait la maligne me traitant de blanc-bec
Elle aspire la fumée, moi j’aspire la moquette
Elle remplit le cendrier, je prépare la blanquette
Quand je fais la vaisselle alors qu’elle lit son « Elle »
elle demande que je cesse pour que j’aille en vitesse
au bar-tabac d’en face lui acheter ses Camel
« …et en sortant mon chou n’oublie pas la poubelle. »
Mais…mais… mais…
Quand Line fume, elle fulmine
Il sort de ses jolis naseaux
Toute la fumée d’un haut-fourneau
Line est une femme oh oh oh
Si je lui fais la guerre pour qu’elle cesse de fumer
Elle ne veut qu’allumer le calumet de la paix
Elle est bleue de fumée et moi je suis bleu d’elle
Dans cette pièce enfumée où je repasse mes marcels
Souvent elle dit « Demain je te le jure je m’arrête »
Féminine elle fait mine de ne plus y toucher
Mais que fait ma féline, mais que fait-elle en fait,
Tous les soirs sous la lune, elle s’éclipse et elle fume.
Mais…mais… mais…
Quand Line fume,elle fulmine…
O ma douce Mélusine je n’ai pas besoin de fumer
Ta main sur ma peau, Line, c’est de la cocaïne
C’est toi ma nicotine j’ pourrais plus m’en passer
J’ai déjà essayé, j’y suis pas arrivé.
Oh Line ma mescaline, mon grand amour sans philtre
Allez, sois pas mesquine : je t’en supplie, écrase !
Mais… mais… mais…
Quand Line fume, elle fulmine
Il sort de ses jolis naseaux
Toute la fumée d’un haut-fourneau
Line est une femme haut-fournea
LE FACTEUR FRAPPE TOUJOURS TROIS FOIS
Ce matin, j’étais en train de sculpter un poème figuratif, mon modèle favori était étendu, nu, sur le divan, lorsque bam-bam-bam…
— Tiens, on en veut encore à cette pauvre porte !
J’ouvre, c’est le facteur. Il va parler mais je prends les devants :
— Qui vous a donné le droit de frapper cette porte comme un malade ?
— Mais…
— Écoutez mon petit gars, je ne supporte pas qu’on la touche. Je sais que cette grosse mollassonne se laisse faire. Elle est incapable de sortir de ses gonds sans un bon coup de pied de biche au derrière. C’est pour ça que je prends sa défense. Avec l’Association des Amis du Pied de la Lettre, nous avons créé la Société Protectrice des Portes Frappées qui entend mettre un terme à la maltraitance de toutes les portes à clenches de l’univers.
— Toutes mes excuses, Monsieur. Si j’avais su, j’aurais sonné deux fois.
— Vous ne voyez pas que je n’ai pas de sonnette… Je ne supporte pas les sonneries. Au fait, que voulez-vous ?
— C’est pour un recommandé.
— Ah ! Encore de la pub ! Et que me recommandez-vous ?
— Eh bien, de signer là.
— Non mais quel culot ! Vous frappez ma porte et vous espérez recevoir gratuitement un autographe !
— Non, Monsieur, c’est pour confirmer la réception.
— Mais il n’y a aucune réception ici ! Et de toute façon je ne vous aurais pas invité.
— Je voulais dire la réception de la lettre recommandée.
— Écoutez, mon bonhomme, ça fait 20 ans que je sculpte des poèmes et jusqu’à présent jamais personne n’a osé me recommander d’utiliser une lettre plutôt qu’une autre.
— Monsieur, je crains qu’il y ait un malentendu…
— Bien sûr que j’ai mal entendu. Ne vous moquez pas. Ma surdité précoce est due à mon métier. Ça fait un sacré potin de sculpter un poème, vous savez, et mes tympans trinquent.
— Donc c’est bien vrai, vous sculptez des poèmes ! Et moi qui viens vous embêter avec une lettre recommandée…
— Bah ! Que voulez-vous ? C’est la vie dans l’œuf !
— Vous voulez dire «la mort dans l’âme».
— Euh… Oui… Tout se mélange dans ma tête.
Le facteur ne semble pas vraiment pressé de partir. Il insiste.
— Ça alors, un sculpteur de poèmes ! J’ai toujours rêvé de voir l’atelier d’un sculpteur de poèmes !
— Mais entrez, je vous en prie, venez.
— C’est que euh… J’ai un peu peur de vous déranger.
— Mais qui vous dit que vous me dérangez ? Pour une fois qu’un homme de lettres s’intéresse à mon travail… Allez, ne faites pas l’enfant, entrez, voyez… Là, sur le divan, je vous présente mon modèle favori.
Le modèle adresse un sourire aguicheur au préposé qui le lui renvoie en soulevant d’un poil son couvre-chef.
Je continue la visite guidée en montrant la page de brouillon en chantier, les burins rimeurs, les marteaux à scander, des limes à pieds, un petit compresseur d’inspiration…
— C’est fantastique ! Est-ce que j’oserais vous demander de me montrer comment vous faites ?
« Enfin un admirateur ! » Je m’installe et me mets au boulot. Après quelques secondes de travail, mon public s’exclame :
— Ah bon ! C’est aussi simple que ça !
— Vous trouvez ça simple ! Voulez-vous essayer ?
— Je n’osais pas vous le demander.
— Mais si, allez-y. Tenez, voilà du papier et vous pouvez utiliser mes outils.
Le candidat poète se débarrasse de sa besace, de son képi, tombe la veste, trousse ses manches et prend ma place. Sans être impressionné le moins du monde par le gouffre blanc de la page vierge, il entreprend la sculpture poétique du modèle qui s’épanouit sous ses yeux.
Ma parole ! On dirait qu’il a fait ça toute sa vie ! Le texte se termine déjà.
Il se lève en relisant une dernière fois sa copie.
— Ah ! C’est vraiment le pied de sculpter sur base d’un aussi beau modèle, dit-il en tendant la page au modèle en question.
Le modèle – mon modèle – dévore le poème et s’en émerveille, puis me demande gentiment :
— Dis, tu n’irais pas déposer un peu de courrier chez les voisins ?
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PAUL GUIOT (1962, Ardenne belge) En 1978, son professeur de français et ami René Lejeune lui transmet le virus de l’écriture. – 1984 Licence en philologie romane – 1990. L’emprise du sens, recueil de poèmes. – 1993. Fonde avec quelques amis la revue l’IN…ABLE. 1999. Publication de Candeur mature – En 2000, naissance de la revue Microbe (avec Eric Dejaeger) – Il écrit, compose et interprète ses chansons.- Avec le groupe SACREBLEU, il a mis en musique et interprété quelques poèmes de Norge – Il se produit en concert dans divers centres culturels privés. – Plusieurs recueils de poèmes et textes en prose en préparation.
Un roman, Psychédéclic, est sur le point de paraître aux éditions Manuscrit.com. Il s’agit d’une aventure robocarambolesque où Paul Guiot revisite la S-F avec un humour décapant. Pour obtenir ce roman, contactez l’auteur (paguiot@hotmail.com) ou commandez en ligne sur http://www.manuscrit.com.
1/ À 10 ans j’adorais Il de Gérard Lenorman. A 16 ans j’écoutais en boucle les double rouge et double bleu des Beatles, à 17 David Bowie (Ziggy Stardust), Queen (A Night at the Opera), « Le cœur grenadine » de Voulzy. A 18 ans j’ai écouté Gainsbourg, Vian vers 20 ans. J’adore les chansons jazzy de Gainsbourg, de Vian, la guitare manouche de Paris Combo, de Sanseverino, la bossa nova de Gaetano Veloso, le jazz (Kind of blue de Miles). J’admire J-S Bach, Ravel, .
2/ Une bonne chanson, c’est la fusion parfaite entre un texte, une voix et une mélodie.
3/ Seulement 3 chansons préférées c’est très vache, alors que mille me viennent à l’esprit : bon, au carnage !
1. L’alcool de S. Gainsbourg, à moins que Le serpent qui danse, de Beaudelaire/Gainsbourg (j’hésite…) 2. Bohemian Rhapsody de Queen 3. Le Coeur grenadine ou Belle île en mer de Voulzy/Souchon 3 bis In my secret life de Léonard Cohen
3 tris Samba e amor de Gaetano Veloso
4/ Quand on essaye de faire une chanson à partir d’un poème il est parfois difficile de trouver rapidement la mélodie qui collera au texte. Pour N’attendez pas le bonheur de Norge, j’ai sué sur trois ou quatre versions qui ne résistaient pas à l’usage. Et c’est en chantonnant dans la voiture que j’ai trouvé la mélodie qui figure sur le CD.
5/ Chanter,c’est mettre les voiles… (bof…)

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MARC KEYSER
L’extrême-droite, c’est :
– Les points sur les i
Remplacés par des poings sur la gueule
– Des pianos
Avec ou sans bretelles
Sans cordes ni touches
– Et le ciel rouge
Vampirique
Constamment.
C’est l’incarcération de l’imaginaire
La poésie stagnant dans le crachat
Le folklore qui s’arrête
La culture aux arrêts
Les fées bafouées
Les singes en armure
Les artistes emmurés
C’est Dieu, hors de lui
La peste complice du Sida
Et qui pénètre allégrement
Par vos narines
C’est votre maison sans son toit
Et toi qui n’existe pas
Le pas des bottes
Les frigos vides, les chargeurs pleins
Les panzers dans les plaines de jeu
C’est aussi
L’épanouissement du diable-obscur
Qui est en nous
Les nounous absentes
Les jeunes qui tombent
Les vers grouillants
Dans les regards perdus
C’est de l’huile sur le vert du billard
La crissement des poignées de main
Et la main basse sur le pouvoir
C’est le pouvoir
Dans la main du diable
– C’est de l’intox au quotidien
Le quotidien qui est enfer
– L’injustice qui fait du chemin
C’est morsure de serpent
Serpents dans rêves
Rêves inexistants
Trêves refusées
La liberté sur la roue
La roue qui écrase
La lune dans une cale
Les armes qui jazzent
C’est le gaz qui vous emporte
Les portes qui se ferment
Devant la foule
Les fermes sans vie
La vie dans la boue
La boue dans les yeux
Le funambule qui tombe
Les livres brûlés
Les déserts qui rient
Les fous qu’on libère
Vos pères qu’on emprisonne
Les mères qui pleurent
Les meurtres qui s’opèrent
Les cloches ne sonnent plus
Le savoir-vivre remplacé
Par le savoir-mourir…
Les pommes sont grenades
La grenadine sang
Le sang ne coule plus
Les rangs n’en finissent plus
Le font s’abaisse
Les sourcils froncent
Les sources s’assèchent
Les girouettes sont remplacées
Par des drapeaux de pirate
Le Nord n’est plus
Les morts ne se comptent plus
– C’est le nuit absolue
Le mensonge qui vous dévore
La vérité enfouie
Les fous libérés
C’est la paix assassinée
Picasso qui n’est pas né
La croix gammée
Sur le bout du nez
– C’est Renoir torturé
Mozart étouffé
Miro noyé
Dans un pot de goudron noir
C’est tout
Absolument tout
Ce que ne devrait pas être
Et qui est
Autant que je hais la haine
MANÈGE
Seul dans la nuit
Je me fous de l’orage
Seul sous la pluie
Je cours vers le ciel sans bagage
Avec dans la tête mille naufrages
D’amour et de pain qu’on partage
Où l’espoir n’est plus que moi sans elle
Tu étais si belle
Quand tu lançais au ciel
Ton corsage blanc
Volant entre les peupliers sages
Sur le chemin du halage
Où les péniches
Nous dévoilaient leur flanc
Où moi je te dévorais des yeux
A tout instant
A bout portant…
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Né en 1952, MARC KEYSER après des études musicales au conservatoire de Mons et de Bruxelles, il enseigne l’accordéon et devient l’acccompagnateur de Jofroi, Michel Barbier, Maurane, Lafontaine… Il fait partie de groupes de musique folk et puis des Jules. Participe à de nombreux spectacles, avec Bernard Tirtiaux, Madeleine Fabrice… Il aussi été compositeur pour des pièces de théâtre, l’initiateur des soirées salles de bain. Auteur de plus de 200 chansons. Ses influences : la musique classique, Ferré, Souchon, Kurt Weil et Barbara.
La chanson. Des mots de couleur chanté sur une musique comprenant une ligne mélodique, un rythme, des sons, des images fortes et un interprète nul ou de talent. Savant cocktail entre l’intellect et le coeur, chaque chanson est unique et permet l’expression et l’impression instantanée autant qu’éphémère dans la mémoire du genre humain.
C’est aussi un travail de longue haleine pour des résultats jamais assurés, une recherche constante portée par les quadrimoteurs de la vie, le besoin, l’envie, la soif d’écrire et la folie de l’invention.
Un art à part entière (le 9ème).
Une nécessité de créer, d’inventer, de retenir le beau pour mieux déterminer et éliminer l’inutile afin d’atteindre à l’essentiel (l’essence du ciel… !). On dépose sur le tapis ses forces et émotions d’aujourd’hui, on les accepte ou pas.
C’est aussi le savant équilibre où le bonheur fait figure de malheur déguisé. En un mot, la chanson est essai de traduction et reste à mes yeux : « L’art de la vérité acceptée. »

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JACQUES VIESVIL
INSTITUTEUR
Tu resteras instituteur
Tu blanchiras dans la lumière
Sous ton costume de rêveur
Couleur de lune et de poussière
Tu te feras petit, petit
Parmi les cailloux de la terre
Ta voix se perdra dans le bruit
Des grandes villes, prisonnière.
Tu resteras instituteur
Entre les lignes de tes pages
Ton visage aura la couleur
Du papier en prenant de l’âge
Tu banniras de ta pensée
Tous les mots à soixante-quinze
Les longs discours de fin d’année
Les nominations de province
Tu resteras instituteur
Tu écriras pour les enfants
De temps à autre avec le coeur
De temps en temps avec les dents
Sur les murs, sur les cerfs-volants
Sur les oiseaux, sur les fougères
Sur des moulins à quatre vents
Tu feras le tour de la terre
Tu resteras instituteur
Entre l’église et la commune
Entre la raison et le coeur
Entre le marteau et l’enclume
Au tableau noir de tes espoirs
Ecris, efface et recommence
Il restera dans ta mémoire
Assez de mots pour ton silence
(Musique: Paul Louka)
UNE FEMME
Bâillonnez le soleil.
Dispersez les braises du ciel.
Mettez les nuages en berne.
Ne laissez plus le jour respirer.
Etouffez le chant des oiseaux.
Effacez le bleu de la nuit.
Les dernières étincelles de bruit
Mettez l’obscur tout autour
La barbarie est de retour
Laissez venir jusqu’à nous les pleureuses
Et la terre remplir le trou
Une femme est morte en prison
Une femme qui en savait trop long
Et Dieu lui-même est mort
à ses côtés,
Violenté par les soldats.
Il y a du sang sur les murs
Le sang d’un rêve de liberté
Assassiné.
Inédit de Cri d’amour sur champ de mort (3e édition, à paraître)
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De son vrai nom, Jacques Delporte, JACQUE VIEVIL est né à Charleroi en 1933, poète, parolier, nouvelliste, scénariste. Il a enseigné en qualité d’instituteur, de professeur de français et d’actualités. Il entre en poésie dès l’âge de 15 ans. Il n’en sortira plus. Une passion tout en rigueur qui le mènera, par livres et par chansons, de la poésie au théâtre. Prix Plisnier et Sédar Senghor entre autres.
Son dernier ouvrage : La naissance de l’aube (ill. de S.Gucciardo, Maison de la poésie d’Amay, 2006)
La chanson
A cela vous reconnaîtrez la chanson, elle est fille de l’air. Elle ne se laisse pas emprisonner. Elle a les ailes du souffle. Elle vole de bouche en bouche. Elle papillonne. Elle fait du cœur à cœur. Elle est libertine.
Elle est sœur de la poésie, poésie des champs et de la rue. Elle a ses caprices, ses frivolités, ses tendresses, ses coups de tête. La chanson cligne des yeux dans la lumière. Elle arrondit les lèvres. Elle est robe imprimée de soleil, jambes de femme qui court. Elle est frisson sur la peau du jour. Elle est émotion aux abois. Coup de sang. Coup d’archet. Fanfare au coin de la rue, balcon d’oiseau, chapeau en fête, quelques pas de danse sous la pluie.
Et le chemin se met à chanter. Elle est chanson colère, chanson libertaire, chant révolutionnaire. Elle prend parfois le maquis. Elle se fait résistance. Et révolte. Et nostalgie au temps des cerises…
Ainsi la chanson nous monte aux lèvres en bulles d’émotions issue de la mémoire la plus profonde pour affleurer à la surface du conscient. Elle file un son, une image, une phrase musicale les soirs de tendresse extrême ou de vague-à-l’âme.
« Chanson bonne à mâcher » disait Norge. Et qui voltige, comme les doigts, sur un clavier imaginaire. Chacun a sa note, sa fréquence vibratoire, qui va, qui revient, qui frémit dans l’oreille intérieure. Qui appelle à l’émoi.
Et la mélodie se fait entendre. Elle chante au plus haut de l’écoute du silence. L’oreille s’allonge jusqu’à trouver son point de reliance, son empreinte dans l’infini. Et la note monte en phrases. Rien ne l’arrête que le film qui soudain se brise. Et la mélodie fout le camp… avec les oiseaux… dans un moment d’envolée.
Car la chanson est fille de l’air. Elle naît du souffle et le souffle l’emporte. Dès lors, pas d’analyse.
Si la chanson vous effleure les lèvres, laissez-la fuser, s’organiser en romance, en voix, en piano, en parole perdue et retrouvée par la magie de la poésie.
Et que rien ne vous étonne si elle se fait forme et couleur, à vous tourner la tête au plus haut de l’ivresse…
Chanter
Chanter c’est prendre le souffle d’un plus grand souffle. Se laisser monter vers une autre part de soi, une empreinte oubliée dans la glaise du ciel. Ainsi le son porte la voix !… Chanter c’est s’ouvrir le cœur d’une sonorité ample, c’est mettre le corps à l’unisson de cette résonance. Le chant monte. Il s’enfle. Il occupe l’espace intérieur de sa vibration. Tout le corps se surprend au balancement. Le rythme nous traverse comme le vent traverse l’arbre. Et tout l’espace intérieur entre en harmonie ou en ébullition.
Chanter c’est prendre le pouvoir du dire et du geste. Une énergie colossale se fait échange, aller et retour, montagnes russes, toboggan. Le chant est boomerang.
Chanter, c’est comme prier à voix chaude, dans la rue, quand le soleil est au midi plein, c’est regarder une envolée d’oiseaux monter si haut que l’on en perd le souffle…
Chanter, c’est s’offrir aux jeux du cirque. Etre tour à tour le lion et la victime. C’est s’arracher les lèvres sur une phrase. C’est cravacher l’auditoire, le laisser pantelant mais ravi, sur le parvis du temple, les paumes rouges d’une salve d’applaudissements.
Chanter, c’est faire bataille, c’est faire l’amour sous la proie d’une ciel en feu de mille regards.
Chanter, c’est apprivoiser les étoiles.

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DANIEL CHARNEUX
JE ME SOUVIENS DES BEATLES
1. Je me souviens qu’Éric Allard m’avait demandé quelques « Je me souviens » sur la chanson « sans fraises » mais qu’il a accepté tout de suite l’idée d’un texte sur les Beatles, et que je me suis dit : « Ce ne sera pas sur la chanson sans fraises, mais il sera tout de même question de champs de fraises ».
2. Je me souviens que les « champs de fraises » (Strawberry Fields), c’était le nom d’un orphelinat de Liverpool (où John avait été placé ?), et que la chanson Strawberry Fields forever était couplée à Penny Lane sur le 45 tours.
3. Je me souviens que Penny Lane était une avenue de Liverpool et non une femme devenue vieille comme le prétend la stupide rengaine de Marie Laforêt, Il a neigé sur Yesterday, une bluette qui évoque la séparation des « Fab Four ».
4. Je me souviens que j’ai appris la séparation dans une prairie de mon village, d’un garçon qui s’appelait Philippe – j’ai d’abord cru qu’il me faisait une blague – et que j’en ai pleuré, peut-être.
5. Je me souviens qu’un jour de l’été 1970, je me suis égaré dans les bois au cours d’une promenade solitaire dans les Ardennes, et que mes parents ont pris ma disparition très au sérieux parce que je n’étais pas rentré au camping pour l’heure de la rétrospective que je n’aurais manquée à aucun prix.
6. Je me souviens que mes parents m’avaient offert pour mon quatorzième anniversaire le dernier album enregistré, Abbey Road, et que je l’écoutais longuement dans le noir complet, assis dans l’un des fauteuils en skaï blanc du salon, sur l’électrophone stéréo que mes sœurs avaient reçu, un an plus tôt, en cadeau de communion.
7. Je me souviens que, sur la couverture d’Abbey road, les pieds nus de Paul furent la source de multiples divagations concernant sa mort et son remplacement par un sosie.
8. Je me souviens qu’au printemps 68, au cours d’un voyage scolaire aux Pays-Bas, j’ai dansé sur Hey Jude, dans des vapeurs de genièvre Bols, avec une fille aux seins appétissants qui se prénommait Carmen.
9. Je me souviens que j’ai entendu un jour à la radio, dans la salle de bains bricolée à l’emplacement de la pièce que nous appelions le « fournil », que l’album le plus vendu de l’histoire du rock était Sergent Pepper’s lonely hearts club band.
10. Je me souviens que j’ai commandé Sergent Pepper’s chez le disquaire de Dour, « Techni Disques », et que j’ai découvert trois ans après tout le monde, avec un plaisir encore enfantin, les accessoires joints à l’album – moustaches et galons du Sergent Poivre, notamment – la photo géante sur les pages centrales, les mille détails de la pochette, les textes imprimés sur la quatrième, et la musique…
11. Je me souviens que je préférais With a little help from my friends dans l’interprétation de Joe Cocker à Woodstock plutôt que dans celle des Beatles, mais que je ne voulais pas me l’avouer.
12. Je me souviens que j’essayais de plaquer sur mon piano l’accord final de A day in the life.
13. Je me souviens que le frère d’une amie de mes sœurs, Frédéric D., m’avait prêté le « double blanc » et que je ne le lui ai jamais rendu, sans jamais oser avouer ce forfait à mes amis de l’époque à qui je prétendais qu’il m’avait été offert par ma grand-mère.
14. Je me souviens de l’affiche qui accompagnait le « double blanc », avec d’un côté toutes les paroles (que j’ai rapidement connues pratiquement par cœur) et, de l’autre, une série de photos sur lesquelles je m’usais les yeux.
15. Je me souviens qu’au cours d’un voyage de rhéto à l’ULB, quelques copains et moi sommes revenus au car avec pas mal de retard, légèrement imbibés de bière blonde, en braillant Rocky Racoon (« Now somewhere in the black mountain hills of Dakota there lived a young boy named Rocky Racoon… »)
16. Je me souviens que j’avais commandé en Allemagne le double 45 tours Magical Mystery Tour, un disque méconnu que j’étais le seul à posséder, et dont mon titre préféré était I am the walrus pour ses paroles surréalistes comme « Semolina pilchard / Climbing up the Eiffel tower » ou encore le refrain « I am the eggman / They are the eggmen / I am the walrus / Goo goo goo joob ! »
17. Je me souviens de la toute petite voix de Yoko Ono dans Who has seen the wind, la deuxième face d’Instant Karma, le premier 45 tours solo de John.
18. Je me souviens des « bed-in » de John et Yoko.
19. Je me souviens que je me découvrais des ressemblances alternativement avec John, Paul et Georges (j’ai longtemps eu les cheveux séparés par une raie au milieu), mais jamais avec Ringo, que je trouvais commun.
20. Je me souviens de l’assassinat de John (mais pas du nom de son meurtrier), et de la mort de George.
21. Je me souviens qu’Éric m’avait dit « trois pages A5 maximum », et qu’il ne plaisante pas…
Son site : www.gensheureux.com (voir la Boîte à souvenirs, pour d’autres JMS)
Dernière parution : Norma, roman, Luce Wilquin (2006)
Ses chansons préférées : Avec le temps (Léo Ferré), La Javanaise (Serge Gainsbourg), Amsterdam (Jacques Brel).

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LIENS UTILES
UNE AUTRE CHANSON – Le bimestriel belge de la chanson francophone (depuis 25 ans !)
Le site: http://www.friendship-first.com/uneautrechanson/uneautrechansonindex_fr.htm#index
Adresse : Francis Chenot – 10, rue de l’Industrie – 4540 AMAY
LE DOIGT DANS L’OEIL – Revue culturelle à tendance musicale à consommer sur place ou à télécharger
Le site: www.ledoigtdansloeil.com
CHANSON MAG – Le journal de la chanson francophone. Le site: www.chansonmag.com