Une grande chaîne de maisons d’édition va franchiser ses boutiques sur tout le territoire.
L’annonce a fait en ce printemps des poètes blafard l’effet d’un spray anti-allergènes puissant. Malgré l’émoi suscité dans le secteur de la grande distribution littéraire et chez le personnel déjà mis sous pression depuis plusieurs mois, le CIO de l’entreprise a déclaré que la décision du CA était sans appel.
Les points de vente franchisés seront repris par des lecteurs indépendants et des critiques littéraire sans journaux fixes. Les attaché(e)s de presse seront pris(e)s en charge par une cellule de reconversion qui les dirigera vers la communication politique ou le secteur du prêt-à-lire.
La ministre de la Culture a pris acte de la décision et exprimé de vifs regrets à l’attention des membres du personnel et des consommateurs de livres à qualité réduite.
Seul espoir dans cette débâcle éditoriale, pour les syndicats des travailleurs du texte, Nora C. Clar, la présidente (qui officie sous pseudo) de l’Association des Poètes nationaux a déclaré qu’elle mettrait le point à l’ordre du jour de la réunion bisannuelle.
Conséquence de cette franchisation qui touche un secteur déjà fragilisé par la pandémie, la guerre en Ukraine et une vague de complotisme sans précédent, des milliers d’auteur(e)s devront se contenter de leurs publications sur le net ou en autopublication avec le risque de se faire railler voire caillasser par les dernier(e)s écrivain(e)s encore publié(e)s, lors de salons du livre sacrificiels.
Des manifestations auront lieu dans la capitale régionale du livre pendant toute la durée de la prochaine Foire pour alerter le milieu littéraire, dans le but de provoquer un sursaut de nos élu(e)s sur cette question culturelle sensible qui, sinon, risque, à terme, de mettre tout un secteur sur la faille et même dans le trou.
est née en 1974 au cœur de la Transylvanie (en Roumanie), vit actuellement en Suède.
Elle a une licence et un master en langue et littérature roumaines et françaises, obtenu en Roumanie et des cours de spécialisation en littérature francophone canadienne contemporaine, en langue suédoise et en traduction littéraire, réalisés à l’Université de Stockholm. Elle a également obtenu, à la même Université, un diplôme de Superviseur pour des étudiants en pédagogie.
En ce qui concerne sa vie professionnelle, Stȃnișoara exerce, à présent, un métier didactique au niveau des langues et civilisation suédoises, françaises et roumaines, en même temps qu’elle fait des travaux de critique littéraire, linguistique et pédagogique.
Son plaisir de travailler avec les langues a éveillé en elle le désir de se lancer dans le monde de la traduction littéraire. Elle a récemment commencé un master en théorie de la traduction, à l’Université de Stockholm. Parmi les écrivains les plus consacrés, sur lesquels Stȃnișoara s’est déjà appuyée, en tant que traductrice, il y en a les suivants : Bernard Friot, Astrid Lindgren, Matei Vișniec, Sonia Elvireanu et Marian Drăghici.
Les Belles Phrases participent, pour la deuxième année consécutive, à l’opération Lisez-vous le belge ?
En connexion, cette fois, avec l’émission littéraire de Guy Stuckens Les rencontres littéraires de Radio Air libre.
La campagne de cette troisième édition court du 1er au 30 novembre 2022. Elle est organisée par le PILEn, nos contacts y étant Flore Debaty (chargée de mission) et Nicolas Baudoin (chargé de programmation).
Rappel des objectifs de l’opération :
« (…) célébrer la diversité du livre francophone de Belgique (…) faire (re)découvrir au grand public, toutes générations confondues, un panel varié de genres littéraires : du roman à la poésie, de l’essai à la bande dessinée, des albums jeunesse au théâtre ».
Charles BERTIN, Journal d’un crime
Il s’agit d’un roman, réédité dans la collection patrimoniale ESPACE NORD en avril 2022, aux IMPRESSIONS NOUVELLES, à Bruxelles. Il compte 237 pages, y compris 61 pages complémentaires (postface de Laurence Pieropan, éléments biographiques, choix bibliographique).
Premier contact avec le texte
Avouons-le ! Il y a chez beaucoup de lecteurs et lectrices une réticence à aborder la littérature patrimoniale. Le terme « patrimoine » renvoie à « musée », « temps jadis », « monde disparu ». Soit à une mise à distance. Comme si l’œuvre était censée parler à la tête mais ne pouvait plus toucher le cœur, l’âme. Or, et il faut le crier à gorge déployée, le vrai patrimoine possède une dimension atemporelle. Et, moyennant parfois un réglage de la mire de lecture, un sas de mise en rythme (cas des Rodenbach, De Coster ou Lemonnier), on accède à des textes puissants, intenses, l’or des temps, un plaisir maximalisé. Dans le cas présent, il n’est même pas question une seule seconde d’adaptation. Le roman saisit d’entrée par sa modernité, sa fluidité :
« Quand le timbre de la porte d’entrée retentit ce matin à sept heures, je sus qu’Elio était mort.
Je croisai Fernand dans l’escalier. Il me tendit une convocation : un certain commissaire Parodi m’invitait à me rendre d’urgence à la Préfecture. »
Ces premières lignes plongent dans l’intrigue sans fioriture. Un décès, la police, une connexion entre le narrateur et le disparu, l’infiltration immédiate d’un suspense, d’une tension. Les premières pages sont du même acabit et dressent sobrement la dynamique qui va soutenir le récit policier :
« C’était ma carte de visite, la carte que j’avais donnée à Elio. Elle était délavée et presque illisible, comme si elle avait séjourné dans l’eau. »
Le pitch
Un homme, Elio, la trentaine, s’est noyé dans la Seine à Paris. Or, peu avant son apparent suicide, il avait été sauvé par Saint-Pons, le narrateur, un homme vieillissant et malade, un ancien avocat vivant très confortablement mais de manière solitaire depuis la mort de son épouse. Qu’avait confié le premier au second ?
Si une peine de cœur semble avoir précipité le drame (Elio avait déjà essayé de se suicider en s’asphyxiant), l’autopsie révèle qu’il avait mangé « un repas léger » une demi-heure avant son trépas. Songe-t-on à s’alimenter avant d’en finir ? Et puis n’avait-il pas promis à Saint Pons de ne plus attenter à sa vie ? Ce dernier ne s’était-il pas engagé à retrouver sa Lucie adorée disparue ? Et ne lui avait-il pas fixé un rendez-vous ?
Qui était Elio ? Qui est Saint-Pons ? Pourquoi le narrateur s’intéresse-t-il tant à un décédé à peine croisé ? Pourquoi en vient-il à investiguer sur sa vie, jusqu’à visiter son domicile, discuter avec sa logeuse ou son meilleur ami, poursuivre la quête de Lucie ? Pourquoi en vient-il à tenir un journal ?
Un texte percutant
Si la narration est fluide, aisée, arcboutée à une intrigue mystérieuse, un suspense, des allures de page turner, l’écriture n’en est pas moins inventive, conjuguant efficacité et plaisirs discrets :
« (…) j’ai brisé le miroir à coups de brosse. Les morceaux ne sont pas tombés. Une grande étoile irrégulière s’est formée, et j’ai contemplé un spectacle fascinant : mon visage divisé par le hasard… Depuis huit jours, ma vie est pareille à ce reflet : dans ses fragments disjoints, que rien ne rassemble plus, je me vois encore, mais je ne me reconnais pas. »
La sobriété mais l’originalité, la discrétion mais l’intensité :
« Tout le poids de la nuit s’appuie contre la fenêtre. (…) j’entre doucement dans la paix sans visage de ma première soirée d’homme libre. »
Tout est réussi. Du moindre mot à l’orchestration générale. Et émerge un rappel : Charles Bertin a d’abord brillé comme dramaturge (son Don Juan date de 1947, avant un Christophe Colomb, d’autres pièces, des adaptations des plus grands auteurs). Ce qui se manifeste indubitablement, depuis la composition générale (en trois parties qui ont des allures d’actes, avec changement de décor et d’épisode/étape) jusqu’à la qualité des dialogues :
Docteur, que feriez-vous si vous vous aperceviez que vous vous êtes trompé pendant toute votre vie ?
Marchand me regarda avec un intérêt nouveau.
Je comprends, dit-il.
Il se tut.
Vous ne m’avez pas répondu.
Votre question est mal posée. A quel âge de ma vie placez-vous cette découverte ?
Disons : « A mon âge… »
Marchand enleva ses lunettes et se mit à en polir soigneusement les verres avec son mouchoir.
Alors, la réponse est simple. Je continuerais à vivre comme si je ne m’étais pas trompé. »
Le journal d’un crime ?
Dès le départ, le narrateur, Saint-Pons, ressent la nécessité d’écrire, de relater l’ensemble des faits, des impressions et réflexions dans un cahier intime. Un acte signifiant qui fonctionne à plusieurs niveaux. D’une part, il permet de pénétrer dans les affres de Saint-Pons sans s’étonner de la qualité de la phrase (l’ancien avocat a jadis rêvé d’être écrivain), en collant au plus près d’interrogations existentielles émouvantes. D’autre part, le lecteur se mue en enquêteur agitant son tamis comme un chercheur d’or pour attraper les indices distillés par le principal protagoniste du dossier policier. Surtout, la relation par un esprit tourmenté diffuse une ère du soupçon qui insécurise délicieusement le lecteur, lui offre une rencontre avec une modernité littéraire qui explose le genre policier, le transcende. Enfin, il y a encore une mise en abyme de l’acte d’écriture, de son essence. Car ce qui est écrit semble exister davantage ou mieux que ce qui est simplement vécu, écrire peut être cet acte fondamental qui consiste à guetter et tenter d’appréhender le sens.
Si la tonicité névrosée du texte renvoie à des auteurs contemporains du meilleur acabit (Rossano Rosi, Carino Bucciarelli), on notera que ceux-ci continuent d’explorer une fissure tectonique née dans la foulée des traumatismes guerriers du XXe siècle (une sorte de trou noir absorbant Dieu, une vision de l’humanité), déployée alors par des Moravia, des Camus et des Sartre. C’est ce que Bertin et Saint-Pons nous assènent au plus proche : comment nous arrimer à des rails, conférer un sens à nos trajectoires, ne pas perdre cette adéquation ludique de l’enfance (ou du chat chassant la mouche) ? Car, n’en doutons pas, en cherchant Elio, sa vérité, c’est la sienne que l’ancien avocat poursuit, la vie sans doute, la vraie, dont il est retranché, qu’il aperçoit à travers l’amour du disparu pour son épouse. Est-ce sa survie qu’il traque alors qu’il se voit pourtant moribond ?
Mais d’autres thèmes se faufilent, tragiques, perforants. Quel est le poids d’une vie et peut-elle s’effacer si rapidement ? N’est-il pas de notre devoir (citoyens ou écrivains) d’offrir du relief aux êtres qui nous entourent ? Ces humains si souvent en souffrance. Certains parce qu’ils n’ont pas les moyens (talent, mental) de leurs ambitions et demeurent des « artistes sans art », comme il était joliment dit dans un film de Jules Dassin :
« Je crois que mon malheur fut de nourrir les rêves d’un homme exceptionnel en possédant le caractère et les talents d’un homme ordinaire. »
D’autres, parce que la distorsion gangrène leur vie privée. Ainsi, Saint-Pons et Elio n’ont-ils pas échoué tous deux face à la réaction, prolongeant la passivité mythifiée par un Perceval muet devant le passage du saint Graal ? Ils n’ont pas pu quitter, l’un la femme qui le condamnait à la routine, l’autre celle qui l’avait trompé. Ils n’ont pu ni agir ni dire, exprimer. Et la frustration de les anéantir ?
Plus subtil. Saint-Pons ne découvre-t-il pas aussi dans Lucie une sorte de double ? Elle a osé s’enfuir du domicile, ce qu’il a failli accomplir mais auquel il a renoncé. Dans ce cas, Elio peut-il être un double de la femme, Antoinette, qu’il n’a pas quittée ? Qui serait sa némésis. Les duos, les doubles, les effets miroir seront légion, jusqu’au duo final magistral formé par l’ancien avocat et… son avocat, Gassincourt.
Un cran plus loin. Et si Elio était une matérialisation de la mort à laquelle un Saint-Pons fort diminué, malade, songe chaque jour ? Une manière de la rencontrer, de la refouler, de la précipiter ? Ou encore… un outil eschatologique permettant d’interroger la Providence divine, son arbitraire, son existence ?
In fine… Elio est-il mort pour avoir renoncé et Saint-Pons a-t-il tué pour marquer une emprise nouvelle sur le réel ? Jusqu’où le grand bourgeois a-t-il été ou ira-t-il, confronté à l’irruption du fait inattendu, de la vie donc ? Jusqu’au crime, à son invention ? Enlever une vie peut-il faire entrer dans la vie ? Ou alors la force d’un récit peut-elle incurver un destin, réinventer un homme ?
Ma conclusion
Journal d’un crime est une perle absolue, à savourer, jusqu’à la dernière ligne, comme le menu Découverte d’une table gastronomique. Les plaisirs du roman populaire et de la littérature la plus élevée y excitent les papilles. Et, l’air de ne pas y toucher, on se retrouve soudain confronté aux angoisses existentielles et aux responsabilités de notre condition humaine.
« Comment être au monde ? » nous uppercutte Charles Bertin. Dans un récit captivant et poignant, qui a ressuscité des interrogations adolescentes, surgies au détour des pages de La Chute (Camus) ou des Séquestrés d’Altona (Sartre).
Un texte important, mise en abyme d’une trajectoire ?
Les indices abondent. Charles Bertin écrit une première version en 1952 puis une deuxième en 1954, une troisième et définitive en 1959. Le roman paraît une première fois chez Albin Michel, à Paris, en 1961. Il est réédité plusieurs fois, par Jacques Antoine en 1983, par Labor en 2002, par Les Impressions nouvelles en 2022. Le texte sera lu à la R.T.B. en 1968 (et, ensuite, sur une vingtaine de radios francophones) puis adapté pour le théâtre, créé aux Midis du Rideau de Bruxelles en 1982.
Pour en savoir davantage sur l’auteur…
Charles Bertin (1919-2002) a été l’un de nos auteurs majeurs, poète, dramaturge, romancier (Les jardins du désert), essayiste et critique littéraire (deux années au Soir), édité par les plus grandes maisons françaises (Albin Michel, Flammarion, Actes Sud), la plus prestigieuse enseigne suisse (L’Âge d’homme) ou plusieurs parmi les plus remarquables de notre royaume (Jacques Antoine, Labor, Les Eperonniers, La Renaissance du Livre). Son récit La petite dame en son jardin de Bruges a été son plus grand succès public.
Laurence Pieropan (coordination), Le monde de Charles Bertin, Bruxelles, AML éditions, 2013.
Pour en savoir davantage sur la collection…
Propriété de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Espace Nord est gérée par les Impressions nouvelles. Elle publie des textes de notre patrimoine, devenus introuvables, mais aussi des textes édités récemment, qui lui paraissent mériter une mise en exergue :
Rendez-vous au micro de Guy Stuckens, en compagnie de Jean-Pierre Legrand, dans l’émission Les rencontres littéraires de Radio Air librepour une évocation de l’opération Lisez-vous le belge ? et de cinq sorties belges de son catalogue.
Voici un recueil si mince – huit pages de textes. Et pourtant, quelle force, quelle intensité, quelle fulgurance dans ces quelques phrases qui disent à l’aune du titre « Faut-il que tout meure pour que rien ne s’achève? » (éd. L’Ane qui butine, coll. troglodyte) qu’il y a détresse à vivre.
David nous a habitués à user d’une langue personnelle qui crie, qui détrousse les banalités, qui soit l’expression d’un corps, d’une âme qui souffrent.
Le grand poète qu’il est, et qui n’est pas toujours reconnu à sa juste place, sait trouver le terrain miné des mots pour dire sa vérité.
Toute la terminologie de ce petit livre résonne de douleur : hébétude, impossible, éreintant, enfermement, vide etc.
Une hypersensibilité maîtrisée nous vaut des fulgurances comme ces « flèches jaunes » qui strient la peau.
Pour avoir tout lu de lui, je peux dire qu’on tient ici une singulière écriture d’un soi détesté, honni (« la vie étreint si mal »), disgracié.
Le silence souvent convoqué laisse encore dans les marges tant d’autres souffrances.
« L’enfance remonte à la surface » et le puits des mots est indéchiffrable.
David BESSCHOPS, Faut-il que tout meure pour que rien ne s’achève ?, L’Âne qui butine, coll. « Troglodyte », 2022, 11 €
Voici un recueil qui tombe à pic pour nous redonner du cœur au ventre dans une période où les raisons d’espérer se font rares !
Si, de plus, le recueil de Parme Ceriset résonne avec la guerre qui se tient aux portes de l’Europe, pour ne parler que de celle-là, il se fait l’écho aussi d’autres combats, qu’on est conduit à mener contre les forces du mal, l’enfer du quotidien, enfin, tout ce qui tend à diminuer notre capacité d’agir, de penser, de ressentir. Comme dans son recueil paru chez Bleu d’encre, Femme d’eau et d’étoile, Parme Ceriset redonne des vers de noblesse au lyrisme, un lyrisme éclairé, pourrait-on dire, de la noirceur du monde.
C’est au centre des ténèbres, au cœur des flammes, un regard porté vers la lumière ; au plus fort des décombres, la promesse d’une reconstruction, l’espoir d’un renouveau. L’amour passionné pour un prochain y contribue, la danse n’étant jamais aussi ardente qu’avec un partenaire fait de chair et de sang, sur lequel s’appuyer pour entretenir le mouvement.
« Les bombes se déploient
et les amants s’embrasent. »
…
« Elle veut […]
cueillir le parfum de l’aurore
à même la peau de l’amant »
Sur ces thèmes, Ceriset donne des vers forts, de belles envolées qui emportent l’adhésion du lecteur.
« Et ces semeurs de peurs
aux quatre coins du jour… […]
que savent-ils des oiseaux
qui très paisiblement
chantent éternellement
à l’abri des bourreaux ? »
C’est une poésie de l’élan qui déploie les ailes de l’imaginaire quitte à les brûler.
« Et elle déploie ses ailes
de phénix qui renaît,
qui renaît de l’horreur
qui avait tout détruit »
C’est une poésie de couleurs vives, où le rubis contraste avec la nuit, où le blanc des névés pousse sur le noir des ténèbres, par la force du vouloir, par la ferveur du verbe.
C’est aussi une poésie vorace, cannibale, du moins, dévorante où on « boit l’air des cieux », où on mange les étoiles… L’ardeur de vivre est à ce prix.
C’est une poésie qui marche, danse, vole… « par-dessus les tombes ». Une poésie qui ne fait pas dans la demi-mesure, tend vers les grands espaces et dépasse l’éphémère de nos vies éphémères, de nos ordinaires actions, vers les très longues durées, « célèbre l’amour », chante « l’homme immémorial », « à la vie, éternellement ».
Dans « ce flot de la vie / s’échappant de ses veines », la poétesse « sait qu’elle est née guerrière de l’espoir », pour convaincre le soleil de combattre à ses côtés en souvenir « du temps où il était amoureux d’elle ».
Un numéro des Chants de Jane marqué par une espérance folle, frondeuse, victorieuse !
Parme Ceriset, Danse ardente, Les Chants de Jane, 2022, 28 p., 5€.
Claude DONNAY, dans sa petite mais brillante maison d’édition, BLEU d’ENCRE, sélectionne toujours d’excellents recueils de poésie qu’il édite dans des supports toujours très sobres mais aussi très élégants. J’ai réuni dans cette chronique deux auteurs, Marcelle PÂQUES et Daniel CHARNEUX, que je connais bien et que j’apprécie tout autant avec un autre auteur que j’ai découvert à l’occasion de cette lecture, Dominique OTTAVI. Avec Claude, le charme opère à chaque fois, les auteurs sont brillants et l’éditeur est pointilleux, c’est donc un plaisir de vous offrir ces trois commentaires réunis dans une seule et même chronique
A bas bruit
Daniel Charneux
Bleu d’encre
Daniel Charneux, je l’ai croisé sur un site de littérature bien connu, un des tout premiers à s’installer sur la Toile, c’est ainsi que j’ai pu le rencontrer, deux fois, à Bruxelles à l’occasion de la Foire du livre. Ce fut un réel plaisir de découvrirl’homme et son œuvre, depuis j’ai eu la chance de lire plusieurs de ses livres : Maman Jeanne, A propos de Pre, Pierre Hubermont, écrivain prolétarien, de l’ascension à la chute (écrit avec deux co-auteurs)… Mais, c’est la première fois que je le lis dans de la poésie où il n’a, selon mes sources, publié jusqu’alors qu’un recueil de haïkus.
Dans chacun de ses livres Daniel raconte l’histoire de personnes qui l’ont particulièrement marqué : la mère dans Maman Jeanne, Steve Prefontaine, un champion de la course à pied qu’il pratique lui aussi mais à un autre niveau, et l’écrivain maudit et oublié, Pierre Hubermont, dont il a essayé de comprendre la dérive extrémiste. Dans ce recueil de poésie, Il évoque aussi les gens qui ont peuplé son enfance et sa jeunesse, qui ont contribué à construire l’homme qu’il est devenu alors qu’il n’était qu’un gamin rêvant d’aventures : « Il aimait les westerns / les bagarres dans les saloons, les carabines à canon scié / les attaques de diligences / Rio Bravo / Fort Alamo / Règlement de comptes à OK Corral… ». Tout comme moi !
Le frère absent occupe aussi une place importante : « … / un frère de sang « à la vie à la mort » / un frère de lait ou un frère lai / un frère trois-points / un frère d’armes ou un faux frères / … ». Les femmes sont elles aussi présentes dans ce temps de la construction : « Il regardait avec curiosité / les dames qui entraient à l’église / et qui allaient s’asseoir à gauche / parmi d’autres dames / dans un enclos à elles réservés // D’elles émanait un grand mystère / à peine dévoilé quand montant à l’échelle/ une fille un peu grande laissait flotter ses jupes ». Mais il y a aussi des fous-rires, des voyages dans les rêves, les chansons, les livres, …, dans un monde réel ou imaginaire. Un monde souvent indéfini « vers la vraie vie / ou vers le rêve », « Il s’est longtemps demandé / si l’extase était réelle ou non », « Elle lui avait donné rendez-vous place de l’étoile / elle n’avait pas précisé laquelle », … » . L’indécision mise en vers.
La poésie de Daniel est fluide comme un ru serpentant dans une nature hospitalière, propre à accueillir les aventures d’un enfant rêveur, les désirs d’un adolescent en plein éveil, les promenades réconfortantes d’un adulte à la recherche d’un peu de calme et de sérénité. Elle est construite avec un vocabulaire riche empli de mots doux et soyeux qui confèrent à ses poèmes une quiétude et une fraîcheur en parfaite harmonie avec le monde qu’il décrit.
Ce recueil me parle particulièrement car j’ai grandi dans un milieu semblable bien que fort éloigné de celui de Daniel. Un véritable bain nostalgique dans mon enfance et mon adolescence.
Voilà un nouveau recueil de Marcelle avec, comme toujours derrière les mots, son sourire, sa fraicheur, sa bonne humeur, comme l’écrit Eric Allard, l’excellent préfacier, « Marcelle Pâques cultive l’art de la joie » même si parfois elle la trouve un peu acide :
« Parlons-en de la vie ! / Elle se la joue indignée / Assise genoux serrés / Comme une vieille fille aigrie ».
Elle reste un beau rêve porteur d’illusions… peut-être ? :
« La vie / Une illusion ? / Je rêve d’une oasis / Qui ne serait pas un mirage ».
Mais la vie est fugace, éphémère, provisoire, polymorphe :
« La vie / Insaisissable / Aux multiples visages / Construit sur le rivage / De beaux châteaux de sable ».
Chez Marcelle, la vie c’est la communion avec la nature et ceux qui la peuplent, ce sont aussi les errances, les déambulations, les évasions, les balades au hasard des chemins et des sentiers de son coin de Belgique ou d’ailleurs :
« Après la pluie… / Le pépiement des oiseaux / Un concert de carillons / Soignies se balance / … »
« Baguenauder / Sortir du cadre / Bouleverser / L’ordre des choses / Importantes / Dans quel sens ? ».
L’évasion c’est aussi le voyage en Espagne, en Provence ou ailleurs encore :
« Voyage / La forêt et l’âme / recèlent une clairière / une source où s’abreuver / Le chant du monde / se révèle / au cœur attentif ».
Le voyage est aussi une déambulation dans le temps : deux fois en avril et une fois en décembre avec le cœur en hiver.
Ces textes légers, plutôt iréniques même s’ils contiennent une pointe d’inquiétude à peine dissimulée, sont placés entre un incipit de Rilke et un dernier poème de Cendrars gages de l’excellence des références littéraires de Marcelle. Sans oublier les jolies illustrations de Catherine Hannecart qu’elle présente comme sa belle-fille.
Et pour conclure, je citerai ces deux vers de Blaise Cendrars comme une pensée du jour et même une philosophie de vie :
« Sauf ce rire que nous aimons / Il faut savoir être bête et content ». Alors rions même si certains nous trouvent bêtes, nous, nous resterons contents d’avoir lu ce joli recueil plein d’optimisme réconfortant dans la lourdeur de l’ambiance qui règne actuellement dans notre monde.
Dominique Ottavi introduit ce recueil par une stance à Rio di Maria, autre poète venu du Sud, disparu il y a tout juste deux ans. Je ne l’ai pas connu mais notre passion pour la littérature nous a conduit souvent sur les mêmes pages de la Toile où nous nous sommes régulièrement croisés. Il était de Sicile, il a vécu à Liège. Comme le dit Dominique dans son long poème :
« … / Nous venions du Sud / Avec nos pastels / Nos 4L / … ».
Lui, Dominique, il a échu à Bruxelles,
« Bruxelles, Bruxelles / Bruxelles si je t’oublie / Bruxelles à tire d’ailes / Bruxelles mon éternelle / … »
Bruxelles dont il s’est épris, Bruxelles et sa vie nocturne, Bruxelles capitale de la jeunesse européenne en liesse, Bruxelles chanté par moult écrivains belges ou immigrés dont l’auteur en cite de nombreux. Bruxelles qu’il chante comme le port d’attache des longs voyages qu’il a entrepris.
« … / Bruxelles ce port / qui cherche encore sa mère / … »
Kerouac a écrit sa route sur un long rouleau de papier, Homère a conté en un long poème la périlleuse Odyssée maritime d’Ulysse, le voyage a été le prétexte à de très nombreux textes. Dominique Ottavi a lui écrit sa vie en un long, long, long poème composé de courts, courts, très courts vers qui dévalent les pages comme un train avale ses rails, pour dire le long périple qu’elle fut. Un périple mouvementé, enchanté, plein de musique et de chansons, qui l’a toujours ramené à Bruxelles son Ithaque à lui. Il me semble que Dominique est lui aussi un chanteur et qu’il a peut-être connu la vie des saltimbanques gagnant quelque argent en chantant aux terrasses des cafés ou ailleurs encore.
« … / Bac passé / Le début des vagabondages / Routes en tout genre, / Gagnant ta vie chantant aux terrasses / … »
Et chaque voyage le ramène à Bruxelles où il trouvera toujours une bière à partager avec des amis.
« … / La bière est dans le verre / Le ver est dans le fruit / Et la vie est à nous / … »
Sans jamais oublié qu’il vient d’ailleurs, qu’il a une histoire qui l’a conduit dans cette ville.
« Bruxelles / Venir au monde / Il s’agit d’une histoire / Ancienne / Dont je n’ai jamais consommé / L’oubli / … »
Pour conclure cette balade, en forme de ballade poétique, je voudrais laisser mon dernier à mot à cet autre poète qui a lui aussi aimé Bruxelles avec telle ferveur qu’il l’a magnifiquement chantée :
« C’était au temps où Bruxelles rêvait / C’était au temps du cinéma muet / C’était au temps où Bruxelles chantait / C’était au temps où Bruxelles bruxellait ».
Dominique et Jacques, deux grands poètes voyageurs qui ont, un jour ou l’autre, jeté l’ancre à Bruxelles après avoir parcouru, les routes, les mers, les villes et les villages, …, toujours en écrivant des poèmes pleins de couleurs, d’amour et d’amitié, rythmés comme le voyage d’un train qui parcourt les grandes prairies. Des poèmes qu’ils chantaient à chaque étape.
« … / Je vais-je vais / Sans me laisser distraire / Par les mendiants / Ni par les routes / Tous les pays toutes les rivières / Toutes les montagnes / Et toutes les villes / … »
Philippe REMY-WILKIN (par Pablo Garrigos Cucarella)
Coup de projo sur le monde des Lettres belges
sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…
A l’affiche :
une biographie (Benoît Mouchart), un essai venu de Flandre (David Van Reybrouck), cinq romans (Nathalie Skowronek, Olivier Hecquet, Patrizio Fiorelli, Bernard Antoine, Alex Pasquier), une commémoration en discours (Académie RLLFB), un recueil de poésies (Arnaud Delcorte) ; les maisons d’édition Les impressions nouvelles, Ker, Murmure des soirs, F. Deville, Académie royale, Névrosée, L’arbre à paroles, Actes Sud et Grasset.
J’entorse ! Auteur français ! Mais qui se donne à notre belgitude comme peu. J’avais déjà évoqué le merveilleux Emile Bravo, dont la reprise de Spirou, fait rarissime, est au niveau du modèle (Franquin), quoiqu’en rivalisant bien autrement. Mouchart, lui, nous a offert des livres sur des monuments de la BD belge : Greg, Hergé et Jacobs (en compagnie de François Rivière, réédité augmenté tout récemment, encore aux Impressions nouvelles de… Benoît Peeters, cet autre Français acquis à Bruxelles, la BD belge, notre microcosme).
Très bon livre dès le titre, des allures de mise en abyme : on va évoquer une personnalité qui, a priori, révulse et attire, un homme condamné comme collaborateur après la Deuxième Guerre mondiale mais auquel on devrait, selon diverses rumeurs, une grande partie de nos plaisirs d’enfance, un fragment de l’étoffe dont notre imaginaire belge est tissé. Un traître et un enchanteur ?
Le livre va étudier très précisément l’itinéraire de l’artiste, de son enfance dans les Marolles à sa carrière internationale comme scénariste et metteur en scène de romans-photos. Edifiant, si je puis dire, passionnant, émouvant, obligeant à méditer sur la responsabilité, le sens de la vie et de la réussite, etc. De qui parle-t-on ? D’un homme qui a voulu toute sa vie se définir et réussir comme peintre. Qui a été critique aussi, féroce. Journaliste dans Le soir volé (par les Allemands), etc. On parler surtout d’un homme qui serait à l’origine des aventures de Blake et Mortimer (…et le modèle physique de ce dernier !), qui aurait écrit ou participé (un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout ?) aux scénarios de ceux-ci, aux récits de Tintin, de Corentin, d’Hassan et Kaddour, etc. Qui aurait été le 5e mousquetaire des débuts de l’hebdomadaire Tintin, celui qui inspirait les 4 autres (Laudy, Jacobs, Hergé, Cuvelier). Un fantôme des planches belges, somme toute.
Son itinéraire pose des questions qui renvoient à l’essence de nos vies. Peut-on mener sa barque sans se préoccuper de ce qui se passe autour de nous ? Quel poids (et quelle sanction) attribuer à une faute ponctuelle (un article, UN SEUL, où il incrimine des résistants) provoquée par un contexte particulier ? Peut-on se tromper sur le sens de notre vie, ne pas percevoir où est notre réussite majeure (lui, il change l’histoire de la BD belge, intervient dans la création de nos mythes, mais méprise cet art mineur à ses yeux) et chercher la gloire dans un métier où l’on montre des limites (son talent est entravé, en peinture, par une incapacité à prendre en compte la modernité et la réflexion sur l’art) ? Son cas, bouleversant, renvoie à mille autres : Diana Rigg incarne de manière légendaire la plus grande héroïne de l’histoire de la télé mais elle snobe Emma Peele pour le théâtre et le cinéma avant de mesurer qu’elle a été le grand rôle de sa carrière ; Gainsbourg aurait voulu être peintre et méprise, relativement, la chanson ; Jacobs voulait être chanteur lyrique et devient le monument de la BD réaliste de l’Âge d’or ; Voltaire ne jure que par son théâtre et son épopée, il sera immortalisé par ses contes ; etc.
En filigrane aussi, toute l’ambiguïté d’Hergé, tantôt d’une générosité et d’une loyauté admirables, tantôt si rigide ou naïf. Les ombres de la ligne claire !
Avant de plonger dans le livre, abordons un projet global, celui de la fondatrice des éditions Névrosée, Sara Dombret, de sa directrice de collection Anna Menese. Il s’agit de donner une nouvelle lisibilité à des autrices (le premier élan, d’où le nom de la maison, « Névrosée », pied-de-nez teinté d’autodérision dégainé en réponse à un certain machisme), des auteurs belges de talent abandonnés par les trompettes de l’Histoire. Un objectif positif, un acte de résistance éthique et citoyen, osons les grands mots, qui renvoie à des évidences amères : le peu de cas fait de nos talents créatifs par nos autorités publiques, l’oubli qui nous guette tous et toutes. Il n’est qu’à songer à tous ces noms, ces bustes croisés dans les galeries des académies…
On notera d’ailleurs avec regret que Sara Dombret ignore les efforts de notre plateforme Les belles phrases. Ou ceux d’un éditeur comme Samsa, d’une revue comme Que faire ?, etc., ce qui renvoie à l’immense difficulté du faire-savoir, à la nécessité de synergies.
Il ne suffit pas d’être animé par de belles idées, encore faut-il bien accoucher. Pari tenu ! Le livre est un très bel objet, dès sa couverture. Un Spilliaert en incrustation. Le restaurant, un tableau de 1904. Spilliaert ! Une passion flamande (ses peintures transcendent le premier regard porté sur 5 de mes livres) partagée avec plusieurs auteurs (Kate Millie, Evelyne Wilwerth, Claude Donnay, etc.) ou éditeurs (Gérard Adam, Christian Lutz) belges francophones. Spilliaert et la Spilliaerthuis au cœur de la narration de mon dernier micro-roman (Encres littorales, chez Lamiroy, 2021). Un très bel objet, du début à la fin, jusqu’à la quatrième de couverture, en passant par une mise en page soignée, un suivi éditorial impeccable.
Alex Pasquier
Né en 1888, cet avocat a écrit divers essais et romans, sans doute avec un certain succès : certains ont été réédités (celui que nous tenons en mains est sorti en 1930 aux éditions de La Gaule puis en 1941 chez Labor, en 1943 chez L’étoile) ; il a accédé à la présidence de l’AEB, l’association des écrivains belges de langue française. « Gloria fugit. » Pasquier, après sa mort, a glissé dans les limbes de l’histoire littéraire, seulement maintenu à la surface ténue du souvenir par l’existence d’un prix littéraire décerné par ladite société d’auteurs. Jusqu’à ce que…
Le secrétaire de l’AEB, Frédéric Vinclair, ayant eu un jour la bonne idée d’inventorier, trier les archives de l’association, a mis la main sur des trésors escamotés, documents, manuscrits. Notamment dudit Pasquier. Et Vinclair d’ouvrir le sillon d’une résurrection via une première publication (Le cerveau électrique), commentée, que nous avions applaudie dans cette mini-revue en 2020 :
Névrosée a tendu la plume ou le clavier à Frédéric Vinclair, qui se fend de 5 pages de présentation et de mise en contexte.
Le roman s’écarte de la production habituelle de Pasquier, délaissant les thématiques plus sociétales (le milieu estudiantin de la capitale, l’enfance fauchée par le malheur, la Première Guerre mondiale, etc.) pour une odyssée plus psychologique, individuelle. Sans doute faut-il percevoir un second degré, une ironie en filigrane du récit : à peine l’auteur a-t-il asséné (via son protagoniste) sa répulsion à l’encontre des romanciers jouant aux apprentis-psychologues qu’il délivre dans la foulée « exploration psychologique » et « description des sentiments », des allures de fragments d’un traité sur la conjugalité. Avec succès.
Le pitch
Vinclair, dans sa préface, nous livre une merveille de concision et d’intensité fluide :
« Depuis sept ans, dom Maxence Marvillac s’est cloîtré à l’abbaye d’Aubemont. Il s’est fait moine, après avoir mené une vie de compositeur qui ne lui promettait que succès. Il cache un lourd secret : sa conscience écartelée par le remords brûlant d’une passion amoureuse interdite et d’une rivalité fatale. »
Les années « de calme et de recueillement » dans un « enclos feutré » s’évaporent suite à un coup de tonnerre : la montagne, du Chamonix, a rendu le corps d’un disparu de ses amis. On croyait la mort accidentelle mais « sur le cadavre, des stigmates » dirigent à présent vers un meurtre, un autre ami, le grand ami de ses années de guerre, Fortier, est accusé. Or Marvillac en sait long sur le contexte qui a préludé au drame. Et il est appelé à témoigner.
La matière du livre
La structure est singulière pour un récit si ancien. Ou, plutôt, elle rappelle à quel point l’innovation, l’audace sont de tout temps, débutant bien avant le radicalisme du Nouveau roman, des siècles en arrière même, sans doute des millénaires. Pasquier, en l’occurrence, découpe son roman en trois parties fort distinctes, qui épousent des tonalités, des instances narratives, des rythmes différents. La première, très poétique, nous faufile de plain-pied dans un lieu hors du temps et de l’espace, Aubemont :
« D’argent noir dans le ciel rouge montent les tours du monastère ; de précision dans les flots des collines, de ferveur dans l’indifférence des solitudes. »
Il y a là comme le choc entre l’Idéal et le Matériel, représenté par l’irruption de l’actualité dans l’atemporalité : il existe un autre monde, de chair et d’os, de conflits, de passions, où un crime a eu lieu. La deuxième partie, la plus longue – le roman proprement dit, pourrait-on dire, enchâssé entre prologue et épilogue déguisés en parties -, nous projette dans le passé, avant le drame, tenue comme un journal de bord par un Marvillac qui s’appelle dorénavant (et s’appelait donc dans la vie réelle) « André ». Ses aventures en diverses villégiatures (Bretagne, Alpes), avec un groupe de camarades, nous plongent dans nos souvenirs de vacances, de voyages, quand tout est possible. Jusqu’au meilleur, jusqu’au pire. Mais ne déflorons pas le suspense. Quant à la troisième partie, elle apporte une conclusion et des réponses tout en se glissant astucieusement dans un allusif relatif.
L’écriture, très travaillée, balance sans cesse entre le suranné et la modernité, exigeant un certain lâcher-prise pour un plaisir maximal. Je suis souvent conquis, par la percussion, l’inventivité, la petite musique dégagée :
« Wagons-lits… Mystère d’acajou et de cuivre, repos balancé, cadences, cadences, multipliées à en perdre l’imagination… »
A d’autres instants, je suis agacé par un excès sensitif, qui me fait penser aux décorations de Noël, à la surcharge festive :
« Le cri rugueux d’un sifflet précède le train qui racle le quai de son souffle chaud. »
Souvent, j’oscille, songeant que chaque lecteur gourmet place son curseur de satiété à un point d’acmé différent :
« (…) sa présence, comme d’invisibles mains, parcourait mon âme ainsi qu’une lyre et arrachait des accords exquis aux cordes de mon cœur. »
La distorsion se prolonge dans les contenus. On peut retenir les tableaux lyriques de décors hors du temps ou d’une jumellité d’âmes, une aspiration à la Beauté et à la Bonté donc, un élan romantique. Ou, a contrario, se focaliser sur l’idée que la civilisation n’est qu’un vernis qui se désagrège bien aisément, sombrer alors dans un réalisme assez sombre. Ou, encore, demeurer en surplomb, accroché à la manière si contemporaine ou vivace dont Pasquier interroge le livre en train de s’écrire, interpelle son lecteur.
En conclusion…
Si le texte n’est pas parfait, manquant peut-être de sobriété à droite ou de densité à gauche pour atteindre à la sublimité des Villiers, et autres Mérimée, ces experts de la nouvelle ou du court roman qui l’ont précédé, admettons qu’il en rappelle la fragrance et propulse des appétits, ce qui le situe bien au-dessus de la moyenne des publications contemporaines.
Véronique Verbruggen, la quarantaine, éditrice renommée, idéaliste et dynamique, est retrouvée morte le long d’un sentier montagnard, dans les Cévennes. Suicide, accident, crime ? Le sillon policier est rapidement évacué, pas de fausse piste en vue, les enjeux sont à mille coudées. L’écriture annonce la couleur. Dès les premières lignes :
« A la fin de l’article on ne savait pas à quoi s’en tenir. Il était beaucoup question d’amour. Véronique Verbruggen était pleurée mais on ne comprenait pas. Qui aimait qui, qui était aimé de qui. »
L’écriture, fluide et sobre, n’est pas mise au service d’une narration romanesque (au sens où on l’entend dans un roman policier ou historique, un thriller, etc.), elle est la matière première, distillant une musique originale, douce et tonique à la fois, qui rapporte certes une vie, des vies et des événements mais qui, surtout, creuse une interrogation identitaire, en intercalant une distance : l’instance narrative est perçue, on ne vit pas les faits de plain-pied. J’avais relu récemment un livre de Marguerite Duras, Moderato cantabile, et il y a quelque de chose de cette littérarité pure, de ce recul hors récit chez l’autrice. Si la restitution m’apparaît en général une tare rédhibitoire chez de nombreux romanciers, un mécanisme qui les englue dans le poussif, rien de tout cela ici, la distance n’est pas faiblesse mais pratique artistique bien maîtrisée. On lit pour une écriture, l’exploration d’une âme ou d’un choral de personnages, de relations. Mais un double suspense, ou un suspense étagé, se faufile. En filigrane, un mystère relève d’un rapport prégnant à une peinture aux allures de mise en abyme. A l’avant-plan, de manière structurelle, il y a le discours d’hommage programmé par le mari, Daniel, pour son épouse tant chérie. Celui-ci aura-t-il vraiment lieu ? Sera-t-il conforme aux aspirations de départ ? Et en présence de qui se déroulera-t-il ? Car, entre le décès et les funérailles, une vie cachée se révèle, une double vie. D’où une série d’interrogations sur le couple, l’adéquation, la faute, la réalisation ? Qui, in fine, pourra le mieux revendiquer cette femme partagée entre un métier, une fille, un mari et un amant (Titus) ? Quelle position adoptera Mina, la fille unique, la vingtaine, au terme de son enquête, de sa quête ?
Une « Princesse de Clèves contemporaine », comme le dit la 4e de couverture ? Il y a de cela et le roman a davantage parlé à mon esprit qu’à mon cœur ou mes tripes.
Yves NAMUR, Nadine VANWELKENHUYZEN, Hélène CARRERE D’ENCAUSSE, David BONGARD, Danielle BAJOMEE, Jean Claude BOLOGNE et S.A.R. Laurent DE BELGIQUE, Centenaire de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 1920-2020, Textes des discours prononcés lors de la séance solennelle du 16 octobre 2021, Académie royale de langue et de littérature françaises, 2022, 81 pages.
Une très belle surprise et un « Coup de cœur du Carnet » !
Coup de cœur ! Pour ce petit essai qui n’en est pas vraiment un, en ce sens que le très médiatique (et inaccessible !) David Van Reybrouck a légitimé un nouveau genre, hybride, mélange d’essai (il réalise des recherches d’historien en bibliothèque, explores archives et ouvrages de référence), de littérature pure (ce qu’il narre est véritablement écrit, comme un journal de bord, un récit de vie) et d’investigations journalistiques (l’auteur va sur le terrain, rencontre des témoins, se balade sur les lieux, juxtapose les tableaux et les perceptions). Un mélange risqué a priori, à l’heure des étiquettes et des tiroirs, mais qui a rencontré un immense et très mérité succès, populaire et critique, avec son Congo, une brique retraçant toute l’épopée belge en Afrique mais plus encore une histoire du pays, une mise en évidence du futur qui s’esquisse, etc. Oserai-je confesser mon admiration pour cet auteur, l’un des très rares à s’engager dans la construction citoyenne et donc pleinement digne du statut d’intellectuel ? Oserai-je avouer ma synergie avec sa démarche, ayant osé naguère un Christophe Colomb alternant lui aussi les genres et les niveaux ?
Zinc !
Comme dans le cas de Congo, le thème rencontre des aspirations citoyennes, mettant en lumière des pans méconnus de notre histoire. Mais on passe de Goliath (Congo) à Lilliput : il est ici question d’un fragment minuscule de notre territoire, accoudé à la plus petite composante de la nation belge, sa communauté germanophone.
En racontant l’histoire d’Emil Rixen, un homme mort l’année de sa naissance (en 1971), qui aura « eu non seulement onze enfants, mais aussi cinq nationalités et deux identités différentes », Van Reybrouck choisit de raconter l’histoire du Tout via l’une de ses parties. Ou d’utiliser une matière concrète, charnelle, pour brosser, par ricochet, un tableau complet hors abstractions universitaires, hors aridité de l’étude, etc. Le Tout ? L’épopée singulière d’un mini-Etat à peine plus grand que le Vatican ou Monaco, Moresnet-Neutre, qui aura vécu près de cent ans, de 1816 à 1914, à côté du Tripoint, cet endroit symbolique où se touchent aujourd’hui l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique.
Zinc !
Pourquoi ce titre, pourquoi cette page historique surréaliste ?
Van Reybrouck nous ramène brièvement dans l’Antiquité, quand Pline l’Ancien, un scientifique romain, évoquait les qualités du laiton, un alliage métallique produit à partir de cuivre et de « cadmia », une pierre légère exploitée en Asie mais aussi quelque part en Germanie. Bond en 1526 : le célèbre alchimiste Paracelse redécouvre la « cadmia », parle d’un nouveau métal, aux propriétés avantageuses (il ne rouille pas) et le nomme « Zink » d’après la forme pointue de ses cristaux (en écho aux termes germaniques « Zahn » (dent), « Zacke » (pointe), « Zinne » (créneau) ou « Zinken » (pic).
Or donc… ce métal est exploité depuis des siècles à proximité de Maastricht et d’Aix-la-Chapelle, là où un village sera un jour belge et s’appellera « La Calamine » (« Kalamijn » en néerlandais ; « Kelmis » en allemand), d’après le mot « cadmia », son zinc donc, qui inspire aussi le nom d’une fleur unique au monde, la pensée calaminaire. Le gisement y est si riche (l’un des plus riches au monde) qu’il suscite des conflits à l’époque des ducs de Bourgogne, se voit nationaliser par Napoléon, etc. Et provoque la naissance du micro-Etat (un triangle de 3 km de long) quand le Congrès de Vienne, après Waterloo, n’arrive pas à départager Allemagne et Pays-Bas (puis Belgique, après 1830).
Laissons le suspense aux lecteurs de David Van Reybrouck, quant aux aventures de Moresnet-Neutre ou à celles de la famille Rixen. Mais glissons quelques ingrédients pour mettre en appétit : l’espéranto, qui croit trouver dans Moresnet-Neutre un écrin idéal d’affirmation ; l’utopie sociale (maisons ouvrières, école gratuite, impôts faibles, etc.) ; la survenue depuis divers pays de femmes en difficultés (dont la mère d’Emil, mise enceinte par un patron à Düsseldorf puis chassée) mais, tout autant, de malfrats aimantés par l’absence de juridiction, l’apparition d’un casino, la présence de soixante cafés et de distilleries, de souterrains permettant divers trafics entre les Etats voisins ; les tiraillements identitaires qui vont faire cohabiter Belges, Hollandais, Allemands et Neutres (descendants des habitants d’origine) mais provoquer des situations dramatiques lors des deux guerres mondiales, etc.
NB.
. Le livre est d’abord paru à Amsterdam, ce qui renvoie à un phénomène méconnu en Fédération Wallonie-Bruxelles : la mainmise de la Hollande sur le domaine littéraire flamand. A Bruxelles ou Namur, on se plaint de Paris mais…
. Philippe Noble, le traducteur, est aussi le directeur de la collection, dévolue aux Lettres néerlandaises. On applaudira l’initiative tout en se remémorant qu’Actes Sud est cette grande maison créée à Arles par un Belge d’origine, Hubert Nyssen, qui voulait décentraliser l’édition française, fuir l’omnipotence parisienne.
Et pour (vraiment) terminer…
…selon mon habitude, loin de toute analyse, dans le plaisir pur de la perception…
La dédicace (« A un amour particulier ») interpelle. Comme la présence de deux préfaces. Dans la première, Nathaniel Molamba met en exergue la composition graphique du recueil, dont ma sélection ne pourra rendre compte :
« (…) ses espaces blancs et ses marges tiennent du lieu imaginé où se déploient d’autres possibles »
Dans la deuxième, le poète Pierre Schroven évoque la matière intrinsèque de l’ouvrage :
« Sensible au monde qui l’entoure, Arnaud Delcorte décrit ici les états d’un corps plongé dans le tourbillon insensé des sens et nous invite à communier pleinement. »
Dans cette courte chronique, j’ai réuni deux recueils de textes courts, des textes contemporains, des textes qui évoquent plus qu’ils ne disent.
Un texte de Marc-Emile THINEZ édité chez Louise Bottu Editions qui décrit un être à travers ce qu’il pense être la somme de ceux à qui il ressemble, de ceux qui l’ont construit, de ceux dont il apprécie les œuvres.
L’autre texte, édité dans les Microcactusdes Cactus Inébranlable Editions, est un recueil d’Yves ARAUXO qui rassemble des fragments érotiques mais, plus encore, sensuels.
J’aurai été ceux que je suis
Marc-Emile Thinez
Louis Bottu
Il semblerait qu’avec ce recueil, Marc-Emile Thinez veuille que ses amis et connaissances se souviennent de ce qui il a été et qu’il n’a été que ceux qu’il est au moment où il écrit ces lignes, ceux qui ont constitué son être, son savoir, sa passion, ses ambitions, ses réalisations, ses liaisons, ses amours et peut-être mais aussi ses illusions et désillusions. Ceux qu’il a été, ce sont les cinquante héros qui l’ont marqué à jamais et qu’il met en scène dans ce recueil : quarante-quatre héros de romans, cinq de films et un d’un tableau, Le Cri de Munch. Cette liste ressemble à un testament littéraire énumérant tous ceux à qui l’auteur doit une part de son être et de son œuvre. Le contenu de la liste ne peut que conforter cette proposition, on n’y trouve que des œuvres majeures ayant connu plus ou moins de succès mais ayant à coup sûr franchi le cap de la postérité. A titre d’exemple, on trouve dans cette liste : des grands auteurs littéraires : Fernando Pessoa, Louis-Ferdinand Céline, Mario Vargas Llosa, Mikhaïl Boulgakov, Italo Calvino, …, des personnages de films : Pierrot le fou, Lemmy Caution, … et Le Cri de Munch.
A travers cette liste, Marc-Emile montre son étonnante culture littéraire avec la place qu’elle laisse aux autres arts mais plus encore la qualité de son jugement et la diversité de ses goûts. Il semblerait que ce n’est jamais le genre ou le succès de l’œuvre qui prime mais bien plutôt sa qualité littéraire, son impact émotionnel et les stigmates qu’elle laisse dans l’âme, le cœur et l’esprit du lecteur ou du spectateur.
Pour bien faire comprendre ce « testament », Marc-Emile présente sur chacune des cinquante pages de ce recueil un texte très court qui évoque chacune des œuvres à laquelle il pense devoir ce qu’il est devenu. Il indique ensuite le nom du personnage de cette œuvre qui a laissé en lui une part de ce qu’il est et restera à jamais. Le lecteur peut ensuite se reporter à la table des matières pour savoir de quelle œuvre est issu ce personnage, qui en est l’auteur et quel en est l’éditeur en ce qui concerne les ouvrages littéraires.
Ce recueil est ainsi une sorte de petite bible, un guide, un répertoire de l’essentiel de la culture pour qui ne sait comment constituer son bagage culturel.
Ce nouveau Microcactus, joliment introduit par un dessin de Félicien Rops, est composé de quatre-vingt-dix neufs fragments érotiques.Ces fragments, de deux ou trois lignes à une page complète du petit format de ce recueil, sont parfois des jolis aphorismes, des pertinentes réflexions, des allusions affriolantes, des propos suggestifs et même des petites nouvelles pleines de sensualité, des portraits ou tableaux très expressifs. Personnellement, j’ai trouvé ces petits textes plus sensuels qu’érotiques. Ce qui est certain, c’est qu’ils ne sont jamais pornographiques ni graveleux et encore moins obscènes. Ils sont juste grivois, licencieux, croustillants et toujours littéraires.
J’ai aimé l’allusion suggestive et la délicieuse délicatesse de la chute de ce joli portrait :
« J’apporte un grand soin au choix des fromages. Résolument, je préfère les pâtes dures : j’adore quand la fromagère doit peser de tout son poids sur son couteau à double manche pour découper une roue où la lame pénètre lentement. Et son petit soupir quand c’est fini… »
J’ai été amusé par le regard licencieux de ce client :
« Chaque manipulation de jambon faisait apparaître, par l’échancrure du col de son lainage, l’épaule dodue de ma bouchère. »
Ce fragment m’a particulièrement fait rire :
« Maniant l’humour comme un principe de précaution, ma dentiste (qui est plutôt ronde, courte sur patte et fort âgée) me demande si je n’ai pas croisé un pangolin sur le chemin de son cabinet. Je la regarde et reste courtoisement silencieux. »
J’ai trouvé celui-ci bien troussé :
« Toute cette beauté masquée… il y en a tant qu’elle ne peut que masquer autre chose ».
Et, celui-là particulièrement d’actualité :
« Les infos sont sexy en ces temps de pandémie : tous les soirs, la présentatrice du JT retire son masque en direct après avoir reçu un invité sur le plateau ».
J’abonde fermement à tout ce que celui-ci évoque :
« Une femme drôle n’a pas à ses soucier de son physique : elle manie une arme plus efficace que la beauté. »
Et le petit dernier pose une question qui, sous sa légèreté, suggère beaucoup :
« Quand la morale puritaine aura triomphé, sera-t-il encore permis de regarder dans le décolleté du monde ? »
Ceci n’est qu’un maigre échantillon, il y a encore, dans ce recueil, plus de quatre-vingt-dix autres fragments dont un certain nombre évoque la femme dans le milieu aquatique comme un fœtus dans son océan amniotique. Un fantasme bien connu des créateurs publicitaires. Je voulais aussi souligner la culture littéraire de l’auteur qui cite de nombreux auteurs plus ou moins reconnus, j’ai même vu un moineau de Lesbie traverser une page en me rappelant un texte étudié à l’université.
Sylvain Brunard serait resté un professeur de français célibataire sans histoire, « vieux garçon en puissance », s’il n’avait pas accepté de reprendre la présidence d’une ASBL consacrée à l’apprentissage du français sur le plan international. Après une action généreuse en faveur de professeurs haïtiens, la banque persuade le nouveau président de clôturer les comptes de l’association...
Quelques semaines plus tard, le fisc lui réclame une somme de cinq cents euros pour n’avoir pas rentré de déclaration fiscale. La perceptrice s’appelle Georgette Martens et Sylvain va d’abord la prendre en grippe avant d’éprouver pour elle des sentiments contrastés.
À Line, sa femme de ménage, que Sylvain emploie pour des travaux domestiques, il se confie de ses démêlés allant grandissant avec le SPF Finances. Line vit avec un Cubain qui pratique à l’occasion des rites traditionnels d’envoûtement et qui a par ailleurs quelques fréquentations peu recommandables.
Ainsi va se nouer, en parallèle de l’imbroglio administratif, une enquête pour retrouver un nommé Tibi, un Rom qu’on soupçonne de l’agression d’une femme d’origine vietnamienne…
Le récit bien mené, aux dialogues efficaces, nous familiarise avec les différents personnages que Sylvain Brunard entraîne, suite à son imagination débordante, dans ses histoires, dans le milieu interlope où se telescopent des communautés d’origine étrangère dans un esprit de convivialité propre à la capitale de l’Europe.
Après Une Histoire belge, paru il y a deux ans chez le même éditeur,Robert MASSART qui a été professeur de français et de didactique du français, nous donne un nouveau roman à la fois drôle et tendre propre à réjouir de bout en bout le lecteur.
La déclaration, Robert Massart, Ed. M.E.O., 2022, 184 p., 18 €.