2023 – BOURGEONS DE MOTS – PAROLES ET MUSIQUES / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans ma rubrique livre et musique je propose aujourd’hui un livre-disque à l’intention des enfants Ona & les moineaux édité par Le Label dans la forêt. Je crois qu’il est important d’associer les enfants à nos activités pour qu’ils sachent, plus tard, ce que nous leur avons fait découvrir. Ma seconde proposition concerne un projet conduit par deux frères qui accompagnent leur vieil oncle sur le chemin du retour en Espagne après un très long exil. Ce témoignage de voyage se compose d’un livre couvert de graffitis poétiques, d’une vidéo et d’un CD comportant la bande originale de la vidéo. Un bel objet multiculturel à découvrir.

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Ona & les oiseaux

Léo Fuster

Marion Vandenbroucke

Le Label dans la forêt

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Dans ce livre disque, Aurélia Coulaty raconte l’histoire de la petite Ona, tout juste un bébé qui est né depuis peu, écrite par Léo Fuster qui a aussi composé les musiques qui concluent chacune des étapes de la toute nouvelle vie d’Ona. Cet ouvrage se compose d’un CD et d’un album très joliment illustré, par Marion Vandenbroucke, avec des dessins tout en douces courbes coloriés dans des couleurs pastel pour qu’ils s’accordent bien avec la douceur de la musique du CD. Cette histoire et cette musique ont été inspirées par le folklore slave et le chant des oiseaux très présent dans les diverses musiques de ce conte musical.

« Sur le monde, il y a la terre. / Et sur la terre, les arbres / et les choses. // Et puis Ona est arrivée… » Ona n’est qu’un bébé piétinant en gazouillant qui se promène sur ce monde qu’il découvre : la terre, les arbres, Ona est arrivée dans une forêt, une forêt qu’elle traverse avant de découvrir l’eau, les eaux stagnantes. Dans la forêt, elle a connu le silence, la lumière, l’ombre qui provoque la tristesse et le chant des oiseaux.  Elle n’est pas seule, il y a des êtres qui chantent et une quantité de bruits qui font parler la forêt. Ona poursuit son périple dans le temps est dans l’espace. Elle traverse la forêt, elle contourne les étangs, elle a connu le silence du matin, la lumière et les bruits du jour, elle découvre ainsi le cycle du jour qui rythme le temps avec ses musiques et ses lumières. « Ona n’est plus seule, elle veut aller plus loin là-bas… »

L’histoire d’Ona est un très joli conte musical plein de douceur et de tendresse, il n’y aucune violence, la lumière, le chant et la bienveillance des oiseaux, les diverses couleurs du jour, tout est douceur dans le monde d’Ona. Comme un message d’espoir à l’intention des tout petits qui débarquent dans notre monde en folie. Comme pour leur dire qu ce n’est pas avec l‘angoisse et la panique qu’ils pourront vivre dans le monde futur qu’ils devront bâtir.

« Derrière la forêt, / il y a des montagnes. / C’est là-bas qu’Ona veut aller » il faut aller toujours plus loin pour trouver son chemin, réaliser son rêve, accomplir son destin, vivre sa vie …

Le livre-ci sur le site du Label dans la forêt

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Projet DELTA(S)

Patrice & Pierre Soletti

MazetoSquare

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Une famille d’émigrés espagnols ayant fui la dictature franquiste en 1947, se réunit régulièrement pour évoquer les racines, le pays, la famille restée en Catalogne. L’oncle, en fait le grand oncle, Francisco Fito, quatre-vingt-onze ans, raconte comment, avec sa mère, il a quitté l’Espagne pour rejoindre la France, lui le Catalan, ne se reconnaissant nullement dans les valeurs du franquisme. Ils ont dû emprunter les sentiers de montagne à l’abri du regard des carabiniers qui traquaient les fuyards… Et au bout de la table, Pierre prend des notes. Ces notes qu’on lui suggère bientôt de mettre sous la forme d’un livre mémoriel à l’intention de la famille devenue française et de celle restée au pays. Ainsi nait le projet Delta(s) avec un « s » au bout car il s’agit de rejoindre le Delta du Rhône, là où vit encore l’oncle, et le Delta de l’Ebre, là où vit la famille restée en Catalogne.

Ce projet consiste à rejoindre les deux deltas en accompagnant l’oncle Fito dans son pèlerinage de retour au pays plus de soixante-dix ans après son exil. C’est aussi un projet culturel, Patrice a accroché sa guitare à son épaule et Pierre a glissé un carnet et un crayon au fond de sa poche. Ce voyage est une source d’inspiration pour le musicien qui crée des airs musicaux face à la mer, tout en haut des montagnes, partout où le petit convoi passe et fait étape. Pierre, lui, dessine, tel un artiste féru de d’art de rue, tel un Basquiat catalan émigré en France, il met des mots sur les airs de Patrice, sur les récits de l’oncle Fito. Cette musique et les mots mis dessus servent de matière première lors de deux résidence d’artistes où Patrice et Pierre invitent des amis catalans pour mettre au point le Projet DELTA(s) qui se compose de musique, poésie et vidéo et j’ajouterai aussi d’art de la rue.

Le projet se compose donc d’une vidéo qui montre, plus qu’elle ne raconte, le pèlerinage accompli par l’oncle et de ses deux neveux pour relier les deux deltas, pour relier le présent aux passé, pour réunir les deux branches de la fratrie afin de reconstituer l’histoire de la famille dans les méandres de l’histoire espagnole. Cette vidéo est gravée sur un DVD glissé dans un livre comportant tous les textes écrits par Pierre tout au long du voyage, des textes, des fragments de textes, décrivant les paysages, notant les réactions de l’oncle, des petits poèmes de Pierre et des réflexions sur l’histoire de la famille et de l’Espagne en général. « Noter. Noter. Noter. Noter les défilements Les reflets Les rizières le vert Le duvet / Noter. Noter. Noter. Même le soir Noter jusqu’à ce que les yeux rougissent. » Le carnet de Pierre est plus dessiné qu’écrit, chaque page est couverte d’un graffiti dessinant le texte que l’auteur a voulu écrire, c’est à lui seul une œuvre d’art, une œuvre inspirée des arts de la rue. Dans ce livre est aussi ajouté un CD comportant la bande son du spectacle construite avec tous les matériaux rapportés de ce périple entre Camargue et Delta de l’Ebre, des musiques créées par Patrice et ses amis.

Ces supports artistiques écrivent le récit du retour au pays, l’histoire du grand-oncle et de sa famille ancrée dans une forte identité catalane jamais effacée malgré la guerre, les luttes, la faim et la fuite. C’est aussi un témoignage de l’osmose où se fondent la musique, la poésie, les lieux, le voyage, le retour au pays, l’épopée, … , pour recommencer à vivre. Passer la frontière qui ne sépare que les hommes. « Passé la frontière tout est tellement différent que tout est pareil ». Le texte graphique de Pierre évoque des thèmes récurrents : « Nous décochons des flèches, vers le ciel », la vaineté de la guerre ? », Le « matricule 11047 », peut-être celui d’un soldat ou d’un captif pendant la guerre, la grand-mère image de la terre abandonnée et retrouvée…Et surtout cette belle image, celle de l’oncle arrivant dans sa maison natale : « L’oncle ouvre sa maison comme son cœur. La générosité au bout de chaque doigt ».

« Ce qui est important c’est ce que tu fais M.A.I.N.T.E.N.A.N.T disait mon grand-père qui rêvait de publier un livre qui faisait résonner les touches M.E.C.A.N.O.G.R.A.P.H.I.Q.U.E.S dans toutes les pièces de l’appartement pour moi, la Guerre d’Espagne était une machine à écrire / chaque salves de mots frappés sur la feuille était une salve de mitraillette contre toutes les dictatures / enfant je savais qu’il tapait sa guerre d’Espagne & et ses poèmes mêlés. » Dans sa préface Sergi Pey écrit : « Les artistes catalans qui ont ouvert pour nous ce livre sont les descendants d’une histoire que le monde a toujours voulu effacer. Celle de la liberté, et des barricades de la révolution espagnole, jamais terminée et jamais vaincue. »

Ce voyage initiatique et artistique, c’est un hommage à la famille éclatée mais réunie, au pays catalan qui a toujours résisté au fascisme, au fil qui réunit de part et d’autre des Pyrénées les Catalans de France et d’Espagne, aux arts qui se fondent ensemble pour unifier les hommes dans une même dynamique…

Je convergerai longtemps en mémoire le sublime regard bleu comme le ciel Catalogne de Francesco Fito quand il redécouvre son pays.

Projet DELTA(S) sur le site de MazetoSquare

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2023 – BOURGEONS DE MOTS – ESSAIS : VIVRE, GAGNER, MANGER / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

En général, je lis peu d’essais mais dernièrement j’ai eu l’opportunité de lire les trois suivants : L’Art du triomphe qui explique comment mobiliser ses ressources pour faire face aux aléas de la vie, La Société du peloton, dans lequel un champion cycliste démontre comment fonctionne la micro-société des coureurs pendant une course et un essai plus savoureux vantant toutes Les Vertus du vin. Des lectures qui devraient vous permettre d’améliorer sensiblement vos conditions de vie.

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L’art du triomphe

Luis de Miranda, Jean-Sébastien Hongre

Les Editions de l’Opportun

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 « Comment atteindre la plus haute version de soi-même tout en s’engageant dans l’aventure du monde ? » Pour répondre à cette question Luis de Miranda et Jean-Sébastien Hongre ont rassemblé dans un genre d’abécédaire les cinquante valeurs qui leur semblent fondamentales pour affirmer sa personnalité, se réaliser, s’imposer aux autres et faire en sorte d’avoir une vie riche pour soi et utile pour les autres.

« Ce livre est un voyage au long cours que nous vous proposons autour de ces idées-forces et valeurs dont parions qu’elles ont toujours leur rôle à jouer dans notre histoire personnelle et dans l’avenir du monde. »

Il se présente donc comme un abécédaire de ce que les auteurs appellent des valeurs-sûres : chevaleresque, générosité, liberté, récompense, vie, …, ils en regroupent ainsi cinquante et, à chacune d’elle, ils associent, un personnage emblématique qui, à travers sa vie, peut illustrer la valeur-sûre qui lui est affectée. Nous retrouvons ainsi parmi ces personnages plus ou moins connus, plus ou moins célèbres, des artistes, des hommes d’état, des héros mythologiques, des héros populaires, des scientifiques, des conquérants, des résistants qui ont pu vivre un jour dans leur vie un instant qui puisse servir à l’illustration d’une valeur-sûre. Ainsi « foi » est associée à Nelson Mandela, « France » à Léopold Senghor, … Chacun des cinquante articles commence par une petite introduction présentant la vision philosophique des auteurs à propos du sujet évoqué. Suit ensuite, une évocation historique de la vie du personnage associé au terme présenté et enfin le chapitre se clôt sur un éclairage philosophique du thème étudié. J’ai l’impression que, d’après sa biographie, Jean-Sébastien Hongre s’est chargé des parties historiques et que Luis de Miranda, étant lui-même philosophe, s’est plutôt consacré à l’aspect philosophie de chaque chapitre.

« Nous vous avons proposé dans ce livre, non pas seulement de remettre les pendules à zéro, mais d’arrêter un temps de regarder les pendules, d’arrêter de compter, de compartimenter, pour vous reconnecter à votre possible intérieur… »

Cet essai sur le développement personnel s’élève contre la société du chiffre, des statistiques, des courbes, des moyennes, de l’uniformité, de la standardisation de tout ce qui nivelle la société, trop souvent par le bas, pour redonner de la valeur aux qualités individuelles que chacun peut exacerber au plus profond de lui et en faire profiter l’ensemble de l’humanité. C’est aussi une alerte adressée à ceux qui croient trop innocemment à la virtualisation de la société et au déclin du génie littéraire, artistique et culturel. Le monde n’est pas que quantité, il est aussi qualité ; il n’est pas que groupe ou foule qu’on manipule, il est aussi individu qui pense et peut créer et innover.

« Nous ne voulons pas croire au déclin de l’humain malgré les signes qui semblent parfois en attester ni nous abandonner aux tentations technologistes, réductionnistes ou fataliste. »

Ce livre est d’une grande richesse, les analyses sociales, philosophiques, économiques, historiques, psychologiques (psychologie comportementale), culturelles qu’il propose sont la source de profondes réflexions dont le lecteur peut tirer de nombreux enseignements pour déterminer les objectifs de sa vie et la façon de les atteindre et, aussi, de déterminer le rôle qu’il peut jouer dans l’organisation sociale. Un véritable concentré de réflexion personnelle et sociale.

Le livre sur le site de l’éditeur

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La société du peloton

Guillaume Martin

Mon Poche

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Guillaume Martin est un champion cycliste, leader de la formation Cofidis, dont la renommée n’a, hélas pour lui, pas encore atteint le niveau de son talent. Il n’est pas seulement un sportif professionnel de haut niveau, il est aussi un intellectuel titulaire d’un master de philosophie. Il a mené, parallèlement à sa formation sportive et au début de sa carrière professionnelle, des études universitaires de philosophie qui l’ont conduit à s’interroger sur le fonctionnement de la société et sur le comportement des individus. Dans cet essai philosophique dans lequel il réfléchit aux problème sociétaux actuels en prenant pour exemple le comportement des cycliste dans un peloton pendant une course.

Il découpe ainsi son texte comme le parcours d’une course cycliste : l’avant-course : le préalable à toute action, l’échauffement : le lancement d’une nouvelle action, le départ : le placement pour prendre le bon wagon dans toute démarche, le milieu de l’étape : la période longue et tranquille pendant laquelle tout le monde suit le troupeau, le final : le moment souvent très court ou tout va se jouer et, pour terminer, comme dans tout bonne opération, le débriefing pour constater ce qui a bien marché et ce qui n’a pas fonctionné. A travers l’observation de ces différentes phases d’une course, ou de n’importe quelle autre action, Guillaume explique le comportement des humains, individuellement ou collectivement.

Mais, avant de rentrer dans la description des comportements, il précise comment il perçoit la société d’aujourd’hui. Il décrit une société qui traverse trois crises majeures : une crise du modèle démocratique, une crise sanitaire et une crise climatique, trois crises qui engendrent différents effets comme les migrations humaines qui affectent la quasi-totalité de la planète. La réflexion de Guillaume s’articule autour du comportement et de la considération de l’humain dans un monde, en perpétuelle évolution, de plus en plus dominé par la science et la technologie. L’humain de plus en plus seul face à la domination des machines doit se comporter collectivement pour avoir une chance de réussir, seul il est condamné d’avance comme un coureur isolé à l’avant, seul devant un peloton lancé à ses trousses.

Cette nécessité de se comporter collectivement est en totale contradiction avec une autre nécessité qui commande de redonner sa place à l’individu pour ne pas concéder tout le pouvoir à des machines gérées par des algorithmes. L’enjeu de notre future société consistera donc à redonner toute sa place à l’humain à condition qu’il accepte de se comporter collectivement dans certaines circonstances qui restent, bien évidemment, à définir. C’est ce point d’équilibre qu’il conviendra de définir pour que l’humanité ne sombre pas et reste un groupe homogène où le pouvoir n’est pas confisqué par des machines ou ceux qui ont concentré l’essentiel des richesses dans leurs mains.

Guillaume conduit aussi une réflexion sur le comportement de l’individu qui par nature est animé par le désir de gagner, d’être le premier, le meilleur mais qui doit souvent s’allier avec des plus forts pour atteindre un objectif qui lui permettra d’exister dans le groupe, comme un gregario dans un peloton. Pour assurer ses besoins élémentaires, l’homme a souvent besoin de s’allier avec d’autres pour y parvenir. Comme les animaux et même certaines plantes qui vivent en société pour réussir chacun son objectif. L’enjeu est donc de « concilier le singulier et l’universel », l’individu et le groupe, l’un et le tout ! « Nul ne peut l’emporter sans coéquipiers, le coureur n’existe même plus sans un peloton pour justifier son existence. »

Les courses sont souvent longues et monotones, Guillaume participe à de nombreux jours de course, il dispose ainsi d’un temps important pour observer le comportement de ses camarades, seuls ou en groupe, et des champions qui planent souvent au-dessus du peloton. Ces observations ont nourri ses réflexions sur le fonctionnement de la société en général : étudier un microcosme social pour en tirer des projections concernant le macrocosme humain.

Le livre sur le site de l’éditeur

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Les vertus du vin

Jean-Pierre Rifler

Editions Favre

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En Comté, quand j’étais môme, nos parents disaient : « Le vin d’Arbois, plus on en boit, plus on va droit ! », c’était une maxime très répandue que tout le monde connaissait . La médecine, la science, l’école, …, nous ont bien vite rappelé à une autre réalité moins réjouissante, nous avons vite compris que le vin n’était pas seulement un doux breuvage et une légère euphorie mais aussi un produit très toxique pour notre organisme. J’avoue cependant que j’ai toujours pris un réel plaisir à déguster un bon vin, sans toujours mesurer, et que j’ai souvent fait la fête en exagérant un peu mes consommations mais c’était un autre temps, maintenant je suis trop âgé pour supporter un quelconque excès. Le titre et le thème de ce livre m’ont donc fortement attiré.

Désormais, je bois toujours mon verre comme un gourmand, encore plus que comme un gourmet, me tenant au principe évoqué dans son serment par l’Archevêque de Cologne que j’avais trouvé sur la table d’une taverne arboisienne quand je festoyais en cette charmante cité. Le texte en question disait : « Que celui qui contient une pinte boive une pinte, que celui qui contient deux pintes boive deux pintes,  que celui, qui comme moi, contient trois pintes boive trois pintes… » (Ma mémoire ne garantit pas l’exactitude mot à mot de ce texte mais seulement son intention).

Le Docteur Rifler inscrit son propos en réaction à ceux de tous les « dictateurs de l’hygiénisme », il veut nous faire comprendre que le vin, notamment le rouge, n’est pas un poison mais au contraire, consommé avec modération, un produit positif pour notre santé. Pour cela, il a proposé une démonstration très scientifique qui commence par la protection cardiovasculaire apportée par les vins rouges et une explication, un peu ardue pour moi, démontrant l’action de certains composants du vin pour la neutralisation des radicaux libres et la défense antioxydante. Pour conclure, cet aspect biologique, chimique, biochimique et médical, le Docteur Rifler rappelle ce que fut le vin dans l’histoire et comment il a été considéré et utilisé par les religions, croyances diverses et la médecine depuis la nuit des temps.

Comme je viens du monde rural, j’ai été plus à l’aise dans l’étude de la vigne et du vin, de tout ce qui se passe depuis la vigne jusqu’à la mise en bouteille où le produit devient consommable. Le Docteur a fait une analyse très fine et très poussée de tous les composants du vin et de tout ce qu’ils apportent à notre organisme. La liste des bienfaits du vin pour la bonne santé humaine est longue mais les bienfaits ne sont pas seuls, ils sont accompagnés de nombreux méfaits qu’il faut prendre en considération et que Rifler analyse avec précision, à commencer par l’alcool. Il apparait donc à la suite de toutes les analyses proposées et au très grand nombre d’études citées que le vin peut entrer dans les meilleurs régimes comme le régime méditerranéen ou le régime crétois, par exemple, à la condition d’y entrer avec toute la modération nécessaire. Rifler a tenu aussi à expliquer le plus clairement possible, dans la mesure des études disponibles, l’action du vin sur certaines pathologies, notamment celles qui inquiètent le plus les populations : le cancer, les maladies neurodégénératives, …

Après la lecture de ce livre, j’ai bu en toute quiétude un petit verre d’un excellent vin des Côtes du Rhône, suivant le sain principe énoncé par l’auteur : « Buvons peu mais buvons mieux pour vivre vieux » car le vin « bu avec trop de passion c’est un poison, bu avec raison c’est une potion ! ».

Le livre sur le site de l’éditeur

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2023 – BOURGEONS DE MOTS : ÉDITER AUTREMENT / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Récemment j’ai découvert deux maisons d‘édition qui publient des textes différemment. VINAIGRETTE publie des documents sur une seule feuille pliée comme un origami, décorée et ensuite recouverte d’un poème. Je trouve ça très charmant et particulièrement délicat à offrir, surtout quand le poème est bien joli. L’ÂNE QUI BUTINE elle, publie des petits carnets en nombre limité, trente-trois exemplaires, entièrement fabriqués à la main. Une autre façon de faire circuler les beaux textes.

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Des bouts de tout

Laure Samama

Vinaigrette #16

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Vinaigrette est une revue d’une seule page qui associe judicieusement de la poésie moléculaire et une photographie. L’opus 16 a été confié à Laure Samama qui a rédigé le texte du poème et la photographie qui est glissée à l’intérieur de celle-ci comme une illustration complémentaire au texte.

Pour faire un numéro de Vinaigrette, il suffit de prendre une feuille d’un joli papier assez épais mais pas trop rigide tout de même pour pouvoir être plié, d’y imprimer le décor du texte et des mentions obligatoires avant d’en faire un savant pliage que je ne saurais personnellement pas reproduire, comme une sorte d’origami. On obtient ainsi une petite brochure d’u format d’environ 15×11 cm où il ne reste plus qu’à imprimer le texte du poème choisi pour le numéro en question. Pour l’opus 16, c’est Laure Samama qui écrit le texte du poème « Des bouts de tout ».

« Des bouts de tout », j’ai eu l’impression que c’est un poème construit avec des bouts de poèmes ou des petits poèmes pour écrire une histoire. Le premier campe le décor : « le néant, le vide, le blanc, l’éblouissement ». Dans ce néant, les éléments se déchaînent : « Le vent de la lande, le lichen du lac, la terre de bruyère / me dévore de leurs spores ». Les éléments déchaînés l’emportent comme un amant fougueux qui la laisserait dégoutante de tous ses fluides. « Et je goutte, je goutte, j’engoutte, dégoute, / ça prend le jour et l’eau par tous les trous ». Le lecteur, convaincu qu’il est en train de lire une belle scène d’amour dans un joli poème érotique, se laisse surprendre par la chute que je ne dévoilerai pas mais qui, à coup sûr, le surprendra.

Laure fait preuve d’une réelle maîtrise de la poésie, sa plume court comme le vent sur la lande, elle use de la répétition des mots et de l’usage de mots semblables dans de belles assonances qui donnent encore plus de caractère à son texte. J’ai reçu cette petite revue comme un faire-part annonçant la naissance d’un talent, comme la promesse de la publication d’autres recueils plus fournis dans un avenir proche.

La revue Vinaigrette sur Facebook

Le site de Laure Samama

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Noctambulation

Olivier Duculot

L’âne qui butine

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La maison d’édition L’Ane qui butine a sollicité Olivier Duculot pour écrire un texte dans sa collection Troglodyte consacrée à des opuscules qui « relate(nt) une expérience musicale hors du commun ». Ces textes, très courts, sont édités sur des petits carnets, format paysage, en 33 exemplaires, reliure main, couture à la japonaise.

Pour cette expérience musicale, Olivier Duculot aurait aimé évoquer le fabuleux concerto pour violon de Tchaïkovski mais l’expérience la plus marquante revenue à sa mémoire est un déambulation nocturne qu’il a vécue avec son pote Serge lors du Rallye de Monte-Carlo 2020. Olivier a ainsi choisi de traiter le thème musical en évoquant l’ironie de la situation.

Ils avaient très bien préparé leur journée sur le bord de la route que les bolides devaient emprunter, ils avaient décidé de coucher sur place dans leur petite voiture, engoncés dans des sacs de couchage, pour être sûrs d’être présents au bon moment. Ils espéraient dormir assez bien et assez longtemps pour pouvoir profiter du spectacle offert par les voitures multicolores soumises à la puissance de leur moteur et à la virtuosité de leur pilote. C’aurait pu être un souvenir merveilleux mais, Serge, l’ami de l’auteur, ronflait comme un v6 dans la petite voiture rendant tout sommeil impossible pour son camarade de noctambulation…

Je ne connaissais pas cette maison d’édition belgo-française, je l’ai découverte avec ce texte et avec plaisir. Le propos introductif qui suit est très éloquent est montre bien tout l’humour qui se cache sous les mâchoires de cet âne butineur. «  L’Âne qui butine papillonne d’une écriture minutieusement stricte à un débordement verbal, d’une histoire de Q à un récit de dame-π π, en passant par un conte boréal… d’une logorrhée amoureuse à une parole boueuse, du lexique à mi-mots à l’enfance à pleins maux, de l’humour de cour à la friction d’amour ». Dans son texte joliment tourné, Olivier a bien suivi le chemin plein d‘humour et d’espièglerie tracé par cet âne et moi j’ai butiné son texte lentement pour déguster avec gourmandise tout son nectar.

L’ouvrage sur le site de L’Âne qui butine

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2023 – BOURGEONS DE MOTS : VIES DE FEMMES / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans cette chronique, je vous présente deux textes évoquant des vies de femmes confrontées à bien des difficultés mais qui trouvent dans la solidarité entre elles la force et le moyen d’affronter les épreuves qu’elles rencontrent. Nicole DENNIS-BENN raconte le très difficile exil des Jamaïcaines séduites par le mirage américain et qui perdent très rapidement leurs dernières illusions. Dans son livre, Alessandra RIGGIO, elle, se fond dans le peuple des femmes, souvent seules, qui sont confrontées à toutes les épreuves de la vie notamment à l’éducation des enfants sans le recours possible à un mari.

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Si le soleil se dérobe

Nicole Dennis-Benn

L’Aube

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A Pennyfield dans un des quartiers parmi les plus pauvres de Kingston, Patsy travaille comme secrétaire pour élever sa fille en lui donnant la meilleure instruction possible et subvenir au besoin de sa mère qui a tout plaqué pour se consacrer à la religion. Ses revenus ne suffisant plus à payer une bonne « lékol » à Tru, elle décide de rejoindre celle qui fut plus que son amie, à New York où elle espère renouer leur relation et gagner de l’argent pour faire vivre dignement sa famille. Elle finit par obtenir un visa et, après avoir confié Tru à son père marié à une autre femme avec laquelle il a déjà trois autres enfants, elle s’envole vers un autre monde, une autres destinée, un futur qu’elle espère doré…

Nicole Dennis-Benn raconte deux histoires parallèles : celle de Patsy partie seule à New York pour retrouver son amour et y gagner de l’argent pour les siens, et celle de Tru enfant abandonnée par sa mère et accueillie au sein d’une famille qu’elle ne connait que très peu. Rien ne se passe comme prévu, Patsy retrouve son amie mariée avec un homme riche et ambitieux qui refuse que sa femme fréquente une exilée sans papier. Elle cherche un travail parmi les petits boulots épuisants et très mal payés réservés aux immigrés illégaux et se résigne à mener une petite vie sans intérêt loin des siens avec lesquels elle a dû rompre faute d’argent suffisant à leur envoyer. Désespérée, elle vit misérablement jusqu’à ce qu’elle rencontre une autre femme comme elle avec laquelle elle retrouve un peu d’espoir et de joie de vivre.

Pendant ce temps Tru grandit difficilement dans sa nouvelle famille, elle refuse sa belle-mère qui voudrait jouer le rôle de mère par substitution, ses demi-frères surtout le dernier qui est jaloux de sa relation avec leur père. Elle est brillante à l’école et sur le terrain de foot où elle joue régulièrement avec ses potes. Elle se sent plus proche d’eux que des filles de sa classe. Elle en veut très fort à sa mère qui lui a promis de revenir et de lui envoyer des cadeaux mais ne donne aucun signe de vie.

Ce roman, c’est l’histoire des noirs Jamaïcains des quartiers pauvres de la grande ville qui rêvent de s’envoler vers l’Amérique ou la Grande-Bretagne qu’ils idéalisent à travers les images qu’ils voient sur les écrans de télévision. C’est aussi l’histoire de leur désillusion quand ils échouent en terre d’exil d’où ils ne peuvent plus partir sous peine de rentrer au pays couverts de honte. C’est aussi l’histoire du peuple noir de la Jamaïque spolié de tout, privé de tout ce qui leur permettrait de conserver leur dignité et, de plus, soumis au racisme. C’est également une grand fresque des quartiers pauvres de Kingston et des quartiers de New-York peuplés par les immigrés sans papier.

Ce livre c’est aussi une peinture de la société jamaïcaine gangrénée par la corruption et les trafics en tout genre où les arbres généalogiques comportent de nombreuses branches qui s’entrelacent plus ou moins anarchiquement rendant les filiations plutôt incertaines. C’est également un roman d’amour parfois impossible, parfois difficile, parfois inespéré mais presque toujours homosexuel entre les femmes qui se débattent pour survivre malgré le machisme des mâles, l’obscurantisme religieux, la pauvreté et l’exploitation… et trouver un peu de tendresse dans leur misère.

Une fresque sociale d’un des peuples qui n’a pas d’autres choix que de prendre la route, la mer ou les airs pour fuir un pays qu’ils aiment mais où ils ne peuvent plus vivre, pour rejoindre un autre où, hélas, ils n’auront que très peu de chance de vivre mieux.

Le livre sur le site de l’éditeur

Les ouvrages de Nicole Denis-Benn, traduits par Benoîte Dauvergne, aux Editions de L’Aube

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Petites histoires « hasardeuses »

Gourmandises philosophiques et écologiques

Alessandra Riggio

Le Lys bleu

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J’ai lu ce petit roman comme une métaphore mythologique évoquant la rencontre entre Mireille/Chthonos, la déesse/bohémienne qui cultive son jardin, mange ses légumes, voyage à vélo et consomme le moins possible et Sandrine/Ouranos, déesse des airs qui danse avec légèreté et voyage pour produire son spectacle au cours des routes. Mireille appartient au peuple chthonien qui cultive la terre pour se nourrir et adore les dieux de la fertilité. Elle affirme : « J’aime la nature et ma véritable passion est de jardiner quand l’envie m’en prend, dans l’instantanéité de ce qui se présente. » Sandrine appartient au peuple ouranien qui, guidée par les dieux du ciel, suit son troupeau vers les meilleurs pâturages, en l’occurrence les foules qui paient pour assister à son spectacle.

Mireille la chthonienne et Sandrine l’ouranienne se rencontrent lors d’une fête au village autour de la même idéologie qui prône la nécessité de défendre la planète très menacée par la surconsommation humaine. Elles livrent un véritable plaidoyer écologique pour mobiliser tous ceux qui n’ont pas encore compris que la planète est en danger et qui ont oublié que l’essentiel était dans les détails et non pas dans l’accumulation de biens souvent inutiles.

Sandrine élève seule ses deux enfants Benjamin, enfant lune sombre et perturbé, et Marie, fille soleil éclatante et sereine, qui se lance dans des acrobaties fort maitrisées pour atteindre la perfection dans ses exercices gymniques. Elle vit la vie d’une mère de l’une des nombreuses familles monoparentales qui, aujourd’hui, composent la société : elle doit gagner sa vie seule, élever deux enfants fort différents en attente de choses tout aussi différentes. Mais la magie de l’amour filial et de l’affection familiale rendra peut-être possible un avenir meilleur pour chacun. Et, quand la famille vit dans l’harmonie et la sérénité, elle peut déteindre sur la société et transmettre son bien être à celles et ceux qui l’entourent

L’auteure semble se fondre dans ce peuple de filles, où seuls Benjamin et le jardinier représentent la gent masculine, qui plaide pour une société nouvelle où le respect de la planète serait une évidence, la culture un droit et une nécessité pour tous, l’égalité entre les sexes pas seulement un droit mais un fait réel. Elle met en scène cette idéologie dans des saynètes construites à partir des rencontres entre les divers protagonistes de cette petite histoire : Mireille et Camille, Mireille, Camille et Keanu, Sandrine et Keanu, etc… Ces rencontres mises bout à bout constituent la trame de ce roman et reproduisent l’idéologie de l’auteure.

Je laisserai ma conclusion à Eric Allard, le préfacier éclairé : « Avec ses « petites histoires hasardeuses », elle apporte de la matière et des idées, des fables et de la poésie pour écrire le nouveau grand récit mobilisateur d’espoir et de volonté appelé à transformer note manière de penser et de faire pour cohabiter en bonne intelligence sur une planète mieux portante et plus durable. »

Le livre sur le site de l’éditeur

Une interview d’Alessandra Riggio par Pascal Demeure au sujet de son livre

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2023 – BOURGEONS DE MOTS : APHORISMES LUS AU COIN DU FEU / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

CACTUS INEBRANLABLE Editions publie régulièrement des P’tits Cactus, ces recueils d’aphorismes qui connaissent désormais une belle notoriété, la collection a ainsi dépassé les cents unités. Je vous propose ci-dessous les trois recueils que j’ai lus au début de l’hiver, ils ont été écrits par des aphoristes chevronnés : Ivan O. GODFROID, Patrick HENIN-MIRIS et MIRLI. Celui attribué à Ivan O. Godefroid est une œuvre tout à fait à part, ce recueil comporte pas moins de cinq mille aphorismes réunis par son auteur, une vraie performance éditoriale. Un recueil à laisser sur le coin du bureau pour s’y reporter en cas de besoin ou d’ennui.

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Réflexions sans miroir

5000 aphorismes

Ivan O. Godfroid

Cactus Inébranlable Editions

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Après l’intégrale des aphorismes d’Achille Chavée composée par Jean-Philippe Querton lui-même, Belgique, terre d’aphorismes – Anthologie subjective, rédigée par Michel Delhalle, Le cabinet Lambda, 5014 citations à siroter, croquer, injecter ou infuser, proposé par Paul Lambda, Les aphorismes complets de Louis Scutenaire rassemblés, eux aussi, par Jean-Philippe Querton, Cactus Inébranlable Editions publie une nouvelle anthologie, un recueil de cinq mille aphorismes d’Ivan O. Godefroid, qu’il a mis en forme avec la participation, cette fois-ci aussi, du grand spécialiste en la matière, Jean-Philippe Querton, le maître de la littérature ultra courte.

Ivan O. Godfroid, psychiatre dans un hôpital de Charleroi, s’applique depuis dix ans à rédiger des aphorismes, il en a ainsi réuni cinq mille qu’il a compilés dans les dix parties du présent recueil. Dans un avant-propos, il définit ce qu’il considère être un aphorisme, « … l’aphorisme n’est pas une phrase comme les autres. / Enfant le plus spirituel de la maxime et du proverbe, l’aphorisme sera cette clef qui nous conduira, …, du pur spectacle de notre monde à l’élaboration d’une théorie originale de la vie, de la conscience et de la condition d’être humain ». Après avoir lu presque la totalité de la production aphoristique des éditions Cactus Inébranlable, je considère cette présentation de l’aphorisme comme celle qui aurait pu inspirer la quasi-totalité des auteurs que j’ai lue. Elle me sied particulièrement.

Malgré mon profond désir, je ne peux pas lire tout ce recueil, j’ai beaucoup d’autres textes qui attendent sur le coin de mon bureau impatients d’être découverts par de nombreux lecteurs. J’ai donc choisi de laisser cet énorme recueil sur un autre coin de mon bureau et d’y jeter un coup d’œil de temps à autre afin de m’imprégner de l’esprit du maître, de fouiner un peu au creux de ses pages pour y dénicher quelques pépites que je pourrais vous dévoiler pour vous inviter , vous aussi, à faire comme moi : à utiliser cet ouvrage comme on utilise une encyclopédie, pour trouver ce que l’on cherche à un moment précis, pour se détendre, rire un bon coup ou même seulement sourire… L’exercice est particulièrement jouissif, je crains de devenir addict !

J’ai choisi de prélever un aphorisme dans chacune des dix parties du recueil en suivant l’ordre établi par l’auteur pour respecter la progression de sa réflexion. J’espère ainsi ne pas trahir son raisonnement et ne pas altérer la théorie qu’il propose. « Débuté comme le carnet de route d’un « psychiatre littéraire », cet ouvrage se termine en introduction à la physiosophie une réflexion sur l’existence qui reconnait l’importance équivalente du corps et de l’esprit ». Cet ouvrage n’est donc pas seulement un recueil d’aphorismes mais aussi une introduction à une réflexion philosophique plus générale sur la vie et son sens.

Suivant donc l’ordre choisi par l’auteur, j’ai déniché un aphorisme dans chaque partie du recueil :

« Sur l’échiquier des passions, le fou ne prend jamais la reine ».

« Je nomme « omégalyse » le processus d’abêtissement mondialisé que j’observe, véritable déculturation épidémique des sociétés ».

« L’aphorisme est un alcool sans part des anges ».

« Les chats de gouttière affectionnent-ils les chiens assis ? ».

« Mon charme opère sans anesthésie ».

« Tout ce qu’il y a de précieux dans le cœur d’un androïde est le métal dont il est fait ».

« Ebloui par le soleil de la passion, il arrive que l’on trébuche sur les aspérités de l’amour quotidien ».

« Il faut parfois emprunter un chemin pour réaliser que l’autre était le bon ».

« La langue de bois est-elle de l’essence dont on taille les pipes ? ».

« Il faut descendre du cheval de la révolution avant d’en être désarçonné ».

Ce recueil est complété par un glossaire très personnel de l’auteur, un index des noms propres et des thèmes cités dans cet opus, et une table des matières, il sera peut-être un jour sur les rayons des bibliothèques universitaires !?

Le livre sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable

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Avalanche de silences

Patrick Henin – Miris

Cactus Inébranlable Editions

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Comme il l’écrit, peut-être au sujet de ce recueil, « Dans ce livre les mots rient et semblent heureux d’être entre eux », c’est un véritable plaisir de lire un livre où les mots se sentent bien. Des mots qui composent des aphorismes comme l’auteur, ou l’éditeur, je ne sais…, le précise dans un propos introductif : « Un aphorisme donne à penser. Et il arrive même que parfois il puisse provoquer tout un recueil ». Alors, c’est peut-être ainsi que ce recueil est né, un recueil où « L’aphorisme est un jeu de pensées, pas de mot ».

Patrick n’est pas un inconnu pour moi, pas plus qu’un petit nouveau chez Cactus inébranlable éditions, ce recueil est le troisième que je lis dans la collection P’tits cactus et je dois ajouter à ceux-ci un autre opus publié dans la collection Microcactus. C’est donc un auteur chevronné qui connait bien les formes courtes et percutantes, que je commence à bien connaître.

Un jeu de pensées où l’auteur exprime sa vision du monde tel qu’il lui a été révélé dès sa naissance. « Viens mon petit, maintenant je t’emmène au cirque, m’avait dit ma mère en sortant de la maternité ». Ce cirque, c’est le monde qu’il a découvert où il grandi et où il dû gagner sa croûte. « Voilà qui est cohérent, on nous donne la vie, et après il faut la gagner chaque mois ». Ce monde où il éprouve beaucoup de déceptions. « Le monde est partagé entre les cons des uns et les cons des autres ».

Après avoir évoqué le monde, il parle un peu de ceux qui l’occupent, de la vie, de la mort, de l’amour et de beaucoup d’autres choses encore. « L’amour est comme une orange, chaque quartier a la saveur et la couleur de l’orange entière, mais ce n’est pas l’orange entière ». Dans ses réflexions, propositions, constatations et autres pensées, j’ai trouvé quelques idées que je partagerais volontiers avec lui. « J’atteins l’âge où il neige des flocons enflammés sur mes souvenirs d’enfance ». Là, je ne peux pas le cacher, je suis arrivé à cet âge où la mémoire n’est plus une valeur très sûre. Je partage volontiers aussi sa façon de considérer la lecture, « Ce n’est pas tant ce qu’on écrit qui est important, c’est ce que les autres lisent ». Donc Patrick ne m’en voudra pas si ce commentaire est plus l’expression de ce j’ai lu et pas forcément de ce que lui a écrit.

La profondeur de sa pensée et la finesse d’esprit de ses aphorismes m’ont séduit, comme celui-ci par exemple : « Ce joli mot en est réduit à vendre ses lettres à la sauvette ». Patrick est inquiet de l’usage qu’il peut être fait de ses aphorismes. « Je m’inquiète souvent du sort de mes aphorismes quand ils tombent dans certains cerveaux » ; qu’il se rassure ils ne sont pas tombés dans une mauvaise cervelle. Ils ont trouvé une plume bienveillante qui saura les saluer comme ils le mérite.

Le recueil sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable

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A l’ouest, gentil à l’ouest

Mirli

Cactus Inébranlable Editions

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Mirli, je le connais un peu, ce recueil d’aphorismes c’est le troisième de lui que je lis, son éditeur pense qu’il pourrait-être le dernier volet d’une trilogie comprenant aussi « Qui mène me suive » et « Hapax-2000, l’odyssée de l’extase », les deux autres recueils que j’ai lus. « Ce troisième titre est une réconciliation aérienne de ses deux grands frères », c’est encore l’éditeur qui le dit. L’auteur, lui il voit dans le titre de son ouvrage, une allusion à une célèbre petite comptine que nous avons chanté au moins quelques dizaines de fois dans notre enfance : « Alouette, gentille alouette », « à l’ouest, gentil à l’ouest », « je te plumerai tes vers, et ta plume dans la raie / … ».

Cet opus comporte, bien évidemment, des aphorismes mais aussi des micros-nouvelles, des micros-récits, des micros-textes dont certains m’ont fait penser à ceux de la célèbre revue « L’os à moelle » de Pierre Dac » et surtout des portraits de musiciens dont le nom et l’image ont été détournés. On découvre ainsi : « Wolfgang Amameduse Mozart » avec une méduse sur le crâne, « Erik Sapie » avec un long bec, « Frédéric Cholapin » avec les oreilles adéquates et d’autres encore tout aussi farfelus. Mirli serait-il l’inventeur de l’aphorismes en images ?

Entre les images, il y a des textes, « Ouvrez ouvrez l’adage aux oiseaux (regardez les libérer les mots) », des mots qui peuvent eux aussi évoquer la musique très présente dans ce recueil. Et, les mots s‘envolent, tout droit sortis de la féconde imagination de Mirli : « Il lui tend un monocle en disant : « je t’offre un verre ? », l’œil s’exclame : « C’est le plus beau jour de ma vue ! ». Un aphorisme à double effet.

Et d’autres suivent en un vol gracieux :

« Club échangiste. Les hommes et femmes présents parlaient météo, parlaient covid, parlaient travail. Monsieur Dermul dut se rendre à l’évidence : ici, on n’échangerait que des banalités ! »

« Dans une secte de kangourous, est-ce que le grand gourou s’en met plein la poche ? ». Très bonne question !

« Comme disait Shakespeare à un comédien déconfit : « On ne fait pas d’Hamlet sans casser du jeu » ! ».

« Ce sont deux flocons qui décident de faire un binôme de neige ».

Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent l’étendue de la culture et la vivacité de l’esprit de Mirli. Il a aussi une imagination très féconde, de la gentillesse et de la générosité à offrir à profusion. Il le laisse penser lui-même : « En temps normal, je n’écrirais rien, mais comme tu me lis, je veux bien faire une exception ». Merci l’ami, c’est sympa !

Le recueil sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable

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2023 – BOURGEONS DE MOTS : LES CLASSIQUES DE L’AUBE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans leurs différentes collections, les Editions de l’Aube éditent régulièrement des textes extraits de l’œuvre des grands maîtres de la littérature. Ainsi, à l’occasion de la Fête des pères, elles ont édité un recueil de textes comportant des oeuvres d’une dizaine d’auteurs français et russes allant de Diderot à Jules Renard. Plus récemment, à l’occasion de Noël, elles ont édité un recueil illustré comportant des œuvres d’Erckmann-Chatrian, Gaston Leroux et Maurice Leblanc et pour commencer la nouvelle année en beauté, elles viennent d’éditer quelques nouvelles de Katherine Mansfield. Un bien joli programme de lecture.

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L’amour d’un père

Collectif

L’Aube

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Après avoir édité en 2020, à l’occasion de la Fête des mères, un recueil de textes en leur hommage, la collection Mikros classique des éditions de L’Aube, a choisi, cette année, d’honorer les pères pour leur fête à tous en éditant un recueil de douze textes sélectionnés et mis en pages par Julie Maillard. Julie a choisi des textes écrits par des grands auteurs classiques presque tous nés vers le milieu du XIX° siècle. Des textes allant de Guy de Maupassant à … Guy de Maupassant puisque c’est lui qui introduit et clôt le recueil. Alors, je dirais plutôt de Denis Diderot le plus âgé à Jules Renard le plus jeune en passant par Hugo, Verlaine, Allais, Tolstoï, Mirbeau, Tchekhov, Level et Coppée.

Ces textes sont des textes courts ou des extraits de pièces, de poèmes ou de textes plus longs, graves ou légers, romantiques ou épiques. La plupart comporte une réelle empathie des pères pour leurs descendants ou vice versa. Ils démontrent tous que les liens filiaux sont toujours très forts même quand ils ne sont pas d’amour mais de haine ou sans affection.

J’ai été particulièrement ému à la lecture de ce petit poème de Victor Hugo adressé à sa fille Adèle, il est mon concitoyen et j’ai, moi aussi, une petite Adèle dans mon arbre généalogique :

« Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche,

Comme un petit Jésus assoupi dans sa crèche

Ton pur sommeil était si calme et si charmant

Que tu n’entendais pas l’oiseau chanter dans l’ombre ;

Moi, pensif, j’aspirais toute la douceur d’ombre

                Du mystérieux firmament

Et j’écoutais voler su ta tête les anges ;

Et je te regardais dormir ; et sur tes langes

J’effeuillais des jasmins et des œillets sans bruit ;

Et je priais, veillant sur tes paupières closes ;

Et mes yeux se mouillaient de pleurs, songeant aux choses

                Qui nous attendent dans la nuit… »

Le livre sur le site de l’éditeur

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Histoires de Noël pour frissonner au coin du feu

Erkmann- Chatrian, Gaston Leroux, Maurice Leblanc

Pascal Lemaître (illustrateur)

L’Aube

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Dans la collection Les Illustrés des Editions de l’Aube, Julie Maillard a réuni quatre auteurs classiques pour proposer trois histoires de Noël destinées à faire frissonner les lecteurs au coin de l’âtre qui a retrouvé un certain intérêt depuis la crise de l’énergie. Elle a aussi recruté un dessinateur, Pascal Lemaître, qui a abondamment illustré ce recueil de textes noirs, environ un dessin toutes les trois pages.

Le premier texte, le plus important du recueil, est un récit du célèbre duo Erkmann-Chatrian qui raconte l’histoire d’un musicien de la Forêt noire qui se rend à Heidelberg à l’occasion d’une fête au cours de laquelle il espère gagner un peu d’argent en jouant de son instrument de musique. Mais, les événements ne se déroulent pas comme il l’avait prévu avec son compère, un compagnon de route les incite à retourner chez eux car de nombreuses arrestations ont été perpétrées à Heidelberg. Les deux musiciens passent outre à cette alerte et arrivent à la ville où ils sombrent sans rien comprendre au centre d’une histoire rocambolesque qui fera peut-être frissonner les lecteurs et les surprendra sûrement par son dénouement. Un texte comme les deux compères écrivains en ont écrits des quantités avec bonheur.

Les deux autres récits sont beaucoup plus courts mais tout aussi passionnants, l’un de Gaston Leroux, l’auteur du Mystère de la chambre jaune, raconte l’histoire bien noire du Noël du petit Vincent-Vincent à qui les parents voulaient offrir un Noël magnifique malgré leur manque de moyens. L’autre de Maurice Leblanc, le père littéraire d’Arsène Lupin, qui, lui, raconte une histoire encore plus noire, l’histoire de deux mères qui ne savent pas lequel des deux fils, elles en ont chacune un, est décédé dans un accident de voiture. Une histoire bien tragique et fort angoissante.

Je ne sais si ces histoires feront frissonner les lecteurs mais ce fut pour moi un réel bonheur de redécouvrir cette belle langue écrite par des auteurs talentueux, un véritable bain de nostalgie qui m’a ramené dans mes lectures de jeunesse et dans les Noëls que nous passions au coin du feu dans les campagnes de ma lointaine enfance.

Et n’oublions pas tous les dessins de Pascal Lemaître qui font vivre ces histoires et animent le recueil pour en faire un véritable « beau livre ».

Le livre sur le site de l’éditeur

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Révélations et autres nouvelles

Katherine Mansfield

L’Aube

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Pour la collection Mikros classique des Editions de l’Aube, Julie Maillard a sélectionné cinq nouvelles parues dans le recueil Félicité publié par Katherine Mansfield en 1929 : « Félicité », le récit d’un diner entre quelques amis invités par une bourgeoise londonienne avec tous les non-dits et les faux-semblants qui permettent de sauver les apparences ; « Psychologie », déçue par une visite qui sent la rupture, une bourgeoise anglaise se venge sur une vieille dame pleine de bonnes intentions ; « La petite institutrice » ; le long périple d’une petite anglaise qui se rend à Munich partageant son compartiment avec un  vieil homme qui se révèle être séducteur acharné ; « Révélations », Une bourgeoise contrariée se rend chez son coiffeur habituel qui n’est pas aussi enjoué qu’à l’accoutumé et pour cause…, « L’évasion », une femme qui subit toujours les retards de son mari mais ne s’en formalise pas autant qu’elle le pourrait….

Katherine Mansfield est une grande nouvelliste, elle a dominé le genre au début du XX° siècle. Avec son écriture d’une grande délicatesse et son style limpide, elle peint dans ce recueil un portrait sans concession de la bourgeoisie anglaise de l’époque. Ces nouvelles m’ont rappelé une très ancienne lecture de « La Garden party », j’y ai retrouvé cette même atmosphère, cette même envie de paraître, de cacher, de ne pas dire, de faire croire pour briller encore plus. Une sorte d’hypocrisie qui aurait affecté la bourgeoisie anglaise du début du XX° siècle, surtout les femmes dans ce recueil.

La finesse des sentiments décrits par Katherine Mansfield se nichent aux creux des petits riens, ces petits riens qui, en les agglutinant, constituent le socle de la vie, ces petits riens où le diable n’est pas le seul à se cacher, il y a aussi Eros en embuscade et même parfois Thanatos. Les nouvelles de Katherine sont pleines de couleurs qui donnent de la vie au texte mais surtout aux sentiments qu’elle dépeint avec beaucoup de finesse et, je dirais, même une certaine dose de perfidie.

Quel bonheur de relire ces textes du siècle dernier écrits par de grands auteurs, ces maîtres la langue qui semble désormais définitivement oubliée ! Merci à l’éditeur de nous les proposer dans cette si belle collection.

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2023 – FLOCONS DE MOTS : LES ARCANES DE L’AMOUR / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans les trois romans que j’ai réunis dans cette chronique, les auteurs racontent des histoires d’amour bien tortueuses, comme la plupart des histoires d’amour dans les livres, Carine-Laure DESGUIN dans un dialogue entre deux femmes évoquent un adultère resté secret pendant très longtemps, Jean-Pierre BALFROID raconte lui aussi un adultère dont le prix sera bien lourd à supporter pour les protagonistes et leur entourage et Albert DUCLOZ, lui, d’appuiera sur un fait réel pour décrire l’amour qui a réuni un officier allemand et une infirmière française pendant la seconde guerre mondiale. L’amour est un sujet inépuisable pour les auteurs.

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Mises à nu

Carine-Laure Desguin

Jacques Flament Editions

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Carine-Laure est un peu comme le couteau suisse des lettres, elle est capable d’écrire sur de très nombreux sujets et dans toutes les formes littéraires, ou presque, j’ai déjà lu de nombreux textes de sa plume dans des genres très divers. En la circonstance, elle aborde le dialogue, un genre littéraire qu’elle a déjà testé en écrivant une pièce de théâtre : « Le Transfert ». « Mises à nu » pourrait donc être mis en scène et présenté sur scène. Ce texte est un dialogue, dans un huis clos, entre deux personnages seuls : une veuve et l’ex maîtresse de son feu mari.

Marielle, l’infirmière qui prodiguait des soins à Monsieur Libert avant qu’il décède rencontre encore son épouse à laquelle elle doit faire des piqûres pour soigner une névralgie, pseudo-névralgie apparemment, et le jour où elle pratique l’ultime injection de ce traitement, Madame Libert souhaite avoir une discussion sérieuse avec son infirmière. Elle lui demande, de but en blanc, si elle a eu une liaison amoureuse avec son mari. Marielle tente d’esquiver la question mais elle doit reconnaître que cette relation a bien existé, elle ne souhaite faire aucun mal à la veuve en s’étendant sur les détails de cette aventure. Mais la veuve, femme très possessive, très matérialiste, très imbue de sa personne et surtout très fière d’avoir décroché la gros lot en épousant son patron, ne l’entend pas de cette oreille, elle veut tout savoir. C’est elle la veuve, l’épouse légitime, l’héritière, elle doit tout savoir quitte à en crever !

Le dialogue s’éternise, les détails deviennent de plus en plus cruels, de plus en plus sordides, de plus en plus humiliants, … , mais la veuve, dans une sorte de délire masochiste, veut en savoir toujours plus sur sa mésaventure et le batifolage des deux tourtereaux.

Ce texte est une véritable autopsie d’une tromperie parfaitement maîtrisée par les deux amoureux au grand dam de l’épouse légitime restée dans la totale ignorance de sa mésaventure. Carine-Laure expose avec une grande précision la mécanique de l’adultère : comment naît une aventure illégitime, comment les deux amoureux restent bien cachés, comment les deux amants s’attachent l’un à l’autre et comment la pauvre cocue se pavane devant ses amies sans savoir qu’elle porte une belle paire de cornes.

Ce texte est aussi une réflexion sur le couple, il n’est nullement une institution figée mais une union vivante, il évolue en fonction des époques de la vie, des activités professionnelles, des rencontres et de bien d’autres paramètres encore, il est donc nécessaire de veiller à sa bonne évolution et de faire en sorte qu’il s’adapte aux conditions de vie des deux époux. Et peut-être, au moins pour certains, que le couple n’est destiné pas à subsister jusqu’à ce l’un des deux conjoints décède. Ce n’est peut-être qu’une tranche de vie, aussi belle soit-elle, … ?

Et, attention quand la maîtresse devient légitime, elle devient souvent la nouvelle cocue sous le regard narquois d’une nouvelle maîtresse !

Le livre sur le site des Editions Jacques Flament

Le blog de Carine-Laure DESGUIN

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Ces étoiles dans la nuit

Jean-Pierre Balfroid

M.E.O.

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Après « Le Choix de Mia », son précédent roman publié chez le même éditeur, Jean-Pierre Balfroid propose dans ce roman une nouvelle version du rude combat dans lequel s ‘affrontent Eros et Thanatos. Dans un petit village de l’Ardenne, au cœur d’un triangle ayant pour sommets Charleville, Sedan et Bouillon, Ruffin un fier bûcheron épouse Flore l’institutrice. Ils vivent un grand amour dans ce petit village où tout le monde se connaît, s’entraide, médit, s’aime ou se déteste. Le village prend de l’ampleur, un lotissement se développe à côté du vieux village, le village bleu aux toits d’ardoise voit émerger un village rouge aux toits de tuiles. Ce nouveau village attire une nouvelle population composée principalement de riches Bruxellois en manque d’espace et d’air pur.

C’est ainsi que Cyril et Shirley s’installent dans ce nouveau village avec leurs enfants jumeaux, ils sympathisent vite avec Ruffin qui leur vend du bois de chauffage. Mais Flore supporte mal cette promiscuité car elle n’arrive pas à avoir l’enfant qu’ils désirent tellement, la vue de ceux de Cyril et Shirley la désespère encore plus. S’ennuyant un peu dans cette campagne isolée, Shirley séduit Ruffin et tombe bien tôt enceinte ne sachant lequel de son mari ou de son amant est le père de l’enfant qu’elle porte. Flore est de plus en plus désespérée, elle plonge dans la dépression.

Ruffin est victime d’un grave accident qui le laisse défiguré et affaibli, il n’est plus le fier bûcheron. Flore le soigne avec beaucoup de dévotion pendant que Shirley élève, sous son nez, un troisième enfant, Adeline, la petite fille qu’elle a mise au monde sans connaître le père. Flore sombre de plus en plus dans la dépression, Ruffin qui se rétablit lentement, lui propose de passer quelques jours chez des amis en Auvergne où elle trouve la mort dans un accident de voiture.

Et le sort s’acharne encore sur ces deux familles Adeline est victime d’une maladie rare qui demande des soins très importants et très onéreux. Elle lutte avec un courage exemplaire et beaucoup de résilience, elle parvient à vivre après une greffe du rein et, plus tard, et malgré une cécité complète. Sa volonté et sa ténacité lui permettent de suivre de brillantes études malgré ses handicaps. Elle noue une très forte amitié avec Ruffin qui l’accompagne dans sa découverte du monde obscur où elle trouvera quand même le chemin de l’amour.

Mais malgré l’intervention d’Eros, Thanatos continuera à sévir sur ces deux familles comme si le péché de chair devait être puni de la plus cruelle des sanctions. Ce livre juxtapose les plus douloureuses épreuves de la vie et les plus belles luttes que ceux qui souffrent peuvent mener contre la maladie, c’est une véritable leçon de courage, de volonté mais aussi de résilience pour accepter la douleur, le handicap et même la mort quand il n’y a plus rien à espérer.

Jean-Pierre Balfroid se faufile dans les arcanes des familles et des populations villageoises pour les faire vivre dans la joie, l’amour, la souffrance et la mort. Les plus belles âmes et les cœurs les plus tendres y côtoient les langues de vipères, les caractères ombrageux, les êtres les plus vicieux, le plus jaloux et le plus envieux… Le monde comme il est partout !

Le livre sur le site des Editions M.E.O.

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La promesse de Lucile

Albert Ducloz

Editions de Borée

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Fille de diplomate, Lucile s’engage dans le conflit de la Grande Guerre comme infirmière, elle soigne les soldats blessés provenant du front. Un jour, les brancardiers amènent par erreur un soldat allemand très gravement blessé et le place avec les morts et les mourants. Lucile constate qu’il vit toujours et convainc le médecin de service de le soigner. Peu à peu le blessé reprend vie et forme, Lucile le cache dans la tente des morts jusqu’au jour où l’hôpital de campagne doit-être évacué. Le jeune soldat et la belle infirmière devenus amoureux doivent se séparer, lui s’enfuit vers on pays, elle est démobilisée.

Animée du toujours très fort désir de porter secours aux autres, Lucile s’implique dans le soutien au jeunes femmes guéries de la tuberculose qui se retrouvent seules sans emploi, livrées à elles-mêmes et souvent aux proxénètes. Grâce au soutien d’un capitaine qu’elle a soigné pendant la guerre, elle obtient le droit d’occuper l’ancien hôtel de ses parents à proximité de Valence. Elle y installe quatorze filles qui travailleront toutes, sauf une, dans les ateliers de chaussures, sous-traitants pour les usines de Romans. Elle doit aussi secourir six autres filles, quatre juives en fuite et deux filles soupçonnées de sabotage dans leur usine de bottes pour la Wehrmacht. Ces dernières sont placées dans des fermes à la campagne sur le chemin du Vercors emprunté par ceux qui fuient le STO et gagnent le maquis.

Lors de l’occupation de la zone libre, un escadron de transmission s’installe dans l’ancien hôtel désormais dirigé par Lucile qui à sa grande surprise et son tout aussi grand plaisir reconnait, sous l’uniforme de l’Hauptmann commandant cet escadron, son cher Ludwig, l’amoureux allemand qu’elle a soigné, quitté par obligation et recherché vainement pendant vingt ans. La flamme est toujours aussi brûlante entre les deux amoureux qui deviennent vite amants en toute discrétion pour ne pas éveiller les soupçons de la hiérarchie allemande et des membres de la résistance…

Mais, la guerre à ses règles et ses cruelles obligation : Lucile et Ludwig essaient de rester distants tout en s’aimant à la folie. Pourtant, leur destin bascule le jour où un ami de Lucile est fait prisonnier. Ludwig ne veut pas trahir son pays mais il doit choisir entre son amour et son combat. Après le débarquement en Provence, la guerre s’installe avec toute sa cruauté dans la région de Valence et les deux amoureux sont de plus en plus impliqués dans les péripéties violentes, souvent mortelles, de cette guerre encore plus sale que les précédentes. Entre la résistance et l’occupant, l’espace est très mince et la petite troupe de Lucile doit s’y faufiler pour survivre. Mais la guerre l’entraîne dans des combats qu’elle ne souhaitait pas vraiment même si l’implication dans la résistance est pour certaines et certains un véritable engagement humain et patriotique.

Ce livre, c’est une belle histoire d’amour impossible où les protagonistes doivent se faufiler entre les arcanes de l’Histoire pour ne pas être séparés et vivre l’amour qu’ils avaient créé dès 1918. Mais c’est aussi une évocation de ce que furent les Français pendant et après la guerre : de vrais résistants trop peu nombreux et un peu suicidaires mais, plus souvent hélas, des êtres veules et profiteurs avant de devenir les rois de l’épuration pour faire oublier leurs actions bien peu glorieuses en se rangeant, une nouvelle fois, du côté des vainqueurs.

Cette fiction est inspirée de faits réels qui montrent bien que ceux qui ont été dits « justes » n’étaient pas forcément dans les élites mais bien souvent dans un petit peuple où le courage, la volonté, la dignité et même le sacrifice sont des valeurs cardinales. Ils étaient la vraie France et des défenseurs de l’humanité.

Le livre sur le site de l’éditeur

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2023 – FLOCONS DE MOTS : PHILIPPE REMY-WILKIN EN NOIRES ET BLANCHE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

J’adresse cette chronique, en forme de clin d’œil, à Philippe REMY-WILKIN dont j’ai lu les deux derniers ouvrages très récemment et, comme l’un s’intitule Les Sœurs noires et l’autre La Dame blanche, je me suis autorisé ce titre en noires et blanche. Un roman publié chez Weyrich et une nouvelle éditée dans la nouvelle collection Crépuscule des Editions Lamiroy, il y a de l’action, de la tension et du suspens dans tous les deux.

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Les sœurs noires

Philippe Remy-Wilkin

Weyrich

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Avec ce roman Philippe nous entraîne au cœur de Tournai, une ville qu’il semble particulièrement aimer, pour raconter l’histoire d’une jeune fille, Siham, qui possède tous les dons et talents : la beauté, l’intelligence, la générosité et les meilleures aptitudes au combat notamment dans la pratique du krav maga l’art martial le plus violent utilisé dans les commandos et sections spéciales de divers services secrets dont le Mossad. Pour raconter cette histoire, Philippe utilise un procédé littéraire particulier, son texte se décompose en deux sortes de chapitres qu’il propose alternativement : des chapitres qui racontent le déroulement de l’enquête et des chapitres qui, parallèlement, évoquent ce qui s’est passé réellement quelques semaines ou quelques jours avant.

Cette enquête concerne la disparition de Siham, une élève de l’athénée Bara dirigé par Cathy, elle est menée par Raphaël, un auteur de polars, sollicité par cette dernière qui est convaincue que la police fait fausse route, Siham n’est pas partie pour le djihad en Syrie, elle demande à Raphaël de trouver le vrai motif de sa disparition. Celui-ci se met à la tâche, avec l’aide de ses trois amis et Jacques, l’ex-directeur de l’athénée, il explore toutes les pistes possibles : un contact douteux avec un « ami » sur un réseau social, son frère et sa sœur très contrariés par le comportement de Siham vis-à-vis de leur famille et religion, les responsables d’une organisation proposant des séjours pour les célibataires mâles, un amoureux et une amie éconduits, les migrants syriens cachés en bordure de la ville, … Toutes ses pistes se mêlent, s’emmêlent, se contredisent, se recoupent…, avec son équipe de choc, Raphaël avance doucement mais sûrement vers le dénouement d’une enquête bien complexe qui met en évidence les nombreux problèmes actuels de notre société.

Ce texte est un bel exercice d’élaboration d’une enquête digne d’un meilleur polar et un bon exercice d’écriture, Philippe excelle dans cet art, son style est efficace, rapide, moderne, il donne du rythme à son récit et à son enquête. Il utilise de nombreux mots rares et n’hésitent pas à en créer de nouveaux pour rester au plus proche des scènes et situations qu’il décrit. C’est aussi une belle visite documentée, touristique et historique de Tournai, une ville qui semble chère à son cœur.

Mais ce roman n’est-il pas avant tout un prétexte pour évoquer les problèmes qui perturbent actuellement le bon fonctionnement de notre société ? Dans cette histoire, on rencontre des migrants ayant fui la Syrie qui se cachent pour ne pas être enfermés ailleurs encore, des islamistes extrémistes, des musulmans parfaitement intégrés, des mouvements d’extrême droite, des policiers corrompus, des internautes déjantés, des psychopathes dangereux… toute une population de gens déstabilisés qui désorganise la société et créée le danger partout.

Pour rendre cette histoire moins austère, plus crédible, moins violente, plus empathique, Philippe introduit de nombreuses citations et références littéraires, cinématographiques, musicales surtout avec la présence constante des chansons de Juliette Armanet. Son érudition, ses connaissances, son savoir éclairent ce livre d’allusions géographiques, historiques, scientifiques, sociologiques et même religieuses … Une balade au cœur de Tournai, un détour au creux de la société belge du début du XXI° siècle, un regard sur une jeunesse en plein questionnement, c‘est aussi un peu tout ça ce livre.

Le roman sur le site de vente en ligne des Editions Weyrich

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La Dame blanche

Philippe Remy-Wilkin

Lamiroy

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Philippe Remy-Wilkin passe du noir au blanc après avoir publié un roman noir, « Sœurs noires », il propose chez Lamiroy, dans la collection Crépuscule, une histoire toute aussi noire intitulée cette fois « La Dame blanche ». La collection Crépuscule et la version noire de la collection Opuscule des Editions Lamiroy, des nouvelles d’un petit format d’une cinquantaine de pages écrites chaque semaine par un nouvel auteur .

Cette dernière nouvelle raconte la vengeance d’une fille sauvagement brûlée pendant la dernière guerre mondiale dans la région de Malmedy à la frontière belgo-allemande où les germanophiles et les belgophilies cohabitent particulièrement mal au moment où Hitler veut rattacher cette région belge à son Reich. Après la guerre, les stigmates des combats et des différends culturels et politiques sont encore à vif. Par une nuit, dans la vallée de la Warche, Walter Schmald, notaire, ancien résistant belge, emmène Josef Braggard à la rencontre de son frère Paul qu’il n’a pas vu depuis l’invasion allemande. Josef fait partie des « Malgré nous », ceux qui ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht parce qu’ils appartenaient aux minorités allemandes. Paul, lui, a pu échapper à la conscription et se réfugier aux Pays-Bas pendant que son frère combattait sur le front de l’Est.

Josef a été dupé, ils sont rejoints dans un bois où ils ont fait halte, par deux membres des forces collaboratrices belges ralliées à Hitler. Le notaire et les deux collabos ainsi réunis le neutralisent et exigent qu’il révèle où est caché le trésor que son grand père aurait caché quand il s’enrichissait en pratiquant la contrebande aux confins de l’Allemagne, la Belgique et la Hollande. Ce trésor n’a jamais existé, sa sœur l’a imaginé pour épater la fille du notaire. Josef est sauvé par l’intervention d’une voix de femme qui hurle et par un voile blanc qui se déplace dans les ruines d’un château voisin, les crapules prennent peur, l’allusion a une vieille légende locale les effraie…

Cette nouvelle évoque les règlements de compte, les purges aveugles, les éliminations opportunes pour certains, …, toutes les exactions commises trop souvent par ceux qui ont attendu le dernier moment pour être sûrs de rejoindre le bon camp, celui des vainqueurs. Il pose aussi le problème des territoires frontaliers ballotés entre deux nations toujours concurrentes dont les populations sont les premières victimes de tous les conflits les opposant.

La marge est parfois si mince entre les bourreaux et leurs victimes que Josef s’interroge, après son passage sur le front de l’Est dont il s’est évadé miraculeusement : « il y a déjà eu tant et tant de malheurs dans notre communauté…. L’heure de la réconciliation est-elle venue ? ». Cette histoire entre mythologie et fantastique mais tellement réelle apporte les premiers éléments de réponse à cette brûlante question.

La nouvelle sur le site des Editions Lamiroy

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Philippe REMY-WILKIN sur Objectif Plumes

Le blog de Philippe REMY-WILKIN

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2023 – FLOCONS DE MOTS : MES POEMES DE L’HIVER / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Je lis de plus en plus de poésie, je propose donc, ci-dessous, une chronique construite avec des recueils de poésie d’une grande qualité proposés par des éditeurs très exigeants : un recueil de Claude LUEZIOR, mon voisin et ami suisse, dont Traversées a publié un très beau recueil en forme de beau livre, un autre de Sophie BRASSART édité par Tarmac et enfin un troisième de Serge DELAIVE, édité par Le Chat polaire. Trois recueils qui enchanteront tous les amateurs de poésie.

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Sur les franges de l’essentiel suivi de Ecritures

Claude Luezior

Traversées

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Avant d’évoquer ce que j’ai trouvé dans ce recueil je voudrais déjà parler de l’objet livre : un magnifique ouvrage au format portrait, presque carré, orné de la photographie d’une magnifique peinture de Jean-Pierre Moulin. Le papier utilisé pour la couverture comme pour les pages intérieures est de très belle qualité, l’impression et la mise en page sont très soignées, c’est presque un objet collector. Ce livre comme l’indique le titre comporte deux textes : un recueil de poésie en partie en prose et en partie en vers et un autre texte en forme d’essai sur l’écriture, l’art d’écrire, la raison, d’écrire, la manière d’écrire, tout ce qui apporte une motivation à l’écrivain et développe son talent potentiel.

Claude Luezior, je l’ai découvert il y a peu à travers la lecture de son P’tit Cactus, Emeutes, publié aux Cactus inébranlable éditions, un recueil d’aphorismes qui met bien valeur sa profonde culture et son art de jongler avec les mots. Dans le présent recueil, le texte poétique se décompose en deux parties : des poèmes en vers très courts écrits en caractères d’imprimerie et des textes en poésie en prose présentés en italique. La partie en prose semble servir à exposer l’esprit de ce qui suit en vers, comme si ces textes en prose introduisaient un nouveau chapitre, un nouveau thème, une partie d’un tout évoquant l’écriture, son histoire, l’art d’écrire, la finalité de l’écriture, la nécessité de l’écriture, … Tout ce que l’écriture apporte à la vie et tout ce qui rattache l’homme à l’écriture.

L’écriture c’est aussi un message que Claude lance avec force : « On me rebat les oreilles avec les robots et l’intelligence artificielle. / A quand les vraies oreilles pour entendre les cris des affamés ? … » Claude en raconte l’histoire à travers sa poésie pour que les hommes comprennent le rôle qu’elle joue dans leur vie depuis l’origine de l’humanité, depuis que les hommes préhistoriques ont laissé des messages sur les parois des grottes. « Les dessins des cavernes ou ceux des pyramides ont survécu durant des millénaires, les volumes et codex, quelques siècles. Alors que les électrons de nos ordinateurs ne seront peut-être plus lisibles dans une vingtaine d’années. » Certains supports ne sont déjà plus lisibles aujourd’hui faute de matériel adapté pour les lire et certains langages informatiques sont déjà oubliés.

Ecrire est un art que la machine n’apprendra jamais, « Le langage du poète est tellement confidentiel qu’aucune notice « Secret », qu’aucun tampon « Défense » ne sera nécessaire ». Seule l’écriture manuelle peut conserver l’humanité nécessaire à la vie. Et peut-être que les poètes deviendront, dans un avenir incertain, les vedettes des années à venir. « Qui sait ? Robots et ordinateurs en convulseront d’envie. / je ne suis d’ailleurs pas sûr que les artisans de la plume d’oie en seront aise. »

Cet art d’écrire, Claude le possède à l’excellence, il l’expose dans ce texte où, comme il y a le fin du fin dans tout ce que nous pouvons évoquer, il y a de la poésie dans la poésie. J’ai pris cet exemple qui m’a particulièrement épaté : « A main feutrée, je profusionne des caresses que je dénoue au gré de tes courbes. » Son vocabulaire est d’une grande richesse : choix des mots exacts, les mieux adaptés au texte et à son sens, les plus éloquents, les plus précis mais aussi ceux qui coulent, sonnent le mieux dans la musique et le rythme du texte.

Ainsi, le texte de Claude est d’un parfait esthétisme, il est enchanteur est pourtant il comporte une dose d’amertume en évoquant le temps qui passe provoquant la déchéance physique. « Pour le salut / de leur corps // à l’abandon / sous mes yeux / dans mes mains // ce corps igné par l’insupportable / magie / coup de fouet / du dire // … » Un certain agacement aussi devant l’humanité qui perd de plus en plus la sienne. « Mais pourquoi donc Dieu a-t-il légué à l’Homme sa folie inventive ? ».  Ce texte a une dimension testamentaire, Claude, comme moi, a déjà vécu une partie conséquente de sa vie, il s’interroge sur ce qu’il est, ce qu’il a fait, ce que les hommes ont fait et feront encore, Pourquoi vivre ? Il questionne dans un poème, « Vivre ? »,  dont je ne cite qu’une partie : « Fleurir / … // rugir / … // courir / … // , souffrir / face aux décrépitudes qui sonnent la charge dans mes viscères / … » Le corps faiblit, l’écriture accueille l’inquiétude, l’angoisse, la vision de la fin qui se profile de moins en moins loin. L’écriture et la vie se fondent dans une même fusion pour transmettre un message de vigilance, d’attention et d’espoir aussi aux générations futures. « … / pour que survive / en manière d’essentiel / nous avons calligraphié / sur l’épiderme de nos chairs / écrouelles, cicatrices / et spasmes insensés / que l’on appelle poésie »

Et la poésie sera toujours la vie comme sous la plume de Claude.

Le livre sur le site de Traversées

Claude LUEZIOR sur Les Belles Phrases

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L’être à l’enfant

Sophie Brassart

Tarmac

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La lecture de ce recueil m’a permis de découvrir cette poétesse que je ne connaissais pas auparavant, j’étais tout de même fort confiant car je n’ai eu que de bonnes expériences avec Tarmac qui déniche et publie toujours des auteurs de grande qualité. Dans ce présent recueil, Sophie Brassart propose, sur chacune des pages, deux strophes de quatre vers qui constituent à eux deux un petit poème : une image, une impression, une sensation, un ressenti :

« Te voici, dans le jardin, / en éveil sur la balançoire, / avec ton visage renvoyant / jusqu’au coin // le plus dégagé du ciel / les derniers sillons du potager / L’odeur de l’ombre, comme on aime sentir sa gloire »

Sophie fait chanter les mots en les tamisant, les triant, les sélectionnant avec la plus grande rigueur pour qu’ils rendent ces images, ces impressions, ces sensations, ces ressentis, plus vrais que nature, au-delà de la matérialité de nos vies, dans l’espace réservé aux poètes. Sous la caresse de ses mots, elle esquisse un monde dépassant les contraintes quotidiennes, pénétrant les cœurs et les âmes.

« Tes deux mains / retenues par l’ombre / cherchent un ciel nouveau / Quand les fleurs des pruniers tombent ] »

Elle évoque les hommes et les femmes, les êtres – comme pourrait l’évoquer le titre dégenré du recueil, si être est accepté au mode nominatif -, les enfants, la nature et les animaux qui l’habitent, à travers les couleurs, les formes, les musiques qu’elle dessine ou compose pour esquisser le monde qu’elle semble appeler de tout son talent. Elle peint les émotions comme elle peint la vie, l’amour la mort.

« A contre-jour, / chaque façade s’est alourdie / autant que les bêtes / à l’approche de la mort »

Sophie est aussi peintre, son talent pictural est très visible dans ses textes très visuels où les mots sont souvent comme des touches de couleur qui font vivre les images et les personnages qu’elle pose sur ses pages.

« Laisse l’image, le mot, jusqu’au nom du bonheur / s’évanouir, comme ce vent nourri / de pierres qui écrase la pluie sur / le cheval de trait »

Le mot et l’image sont caresses dans le monde de Sophie, elle les choisit comme le marqueteur sélectionne ses bois pour obtenir les meilleures impressions, et les assemble le plus justement faisant même appel, parfois, à des formules de style comme ce zeugma : « des verres et du vent » si justement placé.

Les caresses de Sophie sont faites de mots mis en vers…

Le recueil sur le site des Editions Tarmac

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Lacunaires

Serge Delaive

Le Chat polaire

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C’est le septième opus édité par Le Chat polaire que je lis et, avant de l’ouvrir,  j’ai éprouvé un petit frisson comme avant d’ouvrir chacun des précédents car ils m’ont tous enchanté en m’emmenant dans des mondes différents, nouveaux souvent, sur les ailes de vers inventifs, émouvants, … Les auteurs sélectionnés par Le Chat polaire sont toujours créatifs, originaux, …,  et Serge Delaive ne faillit pas à cette tradition qui semble s’installer chez cet éditeur comme une ligne éditoriale.

Ce dernier recueil se décompose en quatre parties introduites chacune par une superbe photo prise par l’auteur lui-même, la première intitulée, Inadvertances, évoque les nombreux séjours effectués par l’auteur dans un charmant coin du Frioul en Italie.

« Barcis Frioul neuf bars / trois cents habitants / allé de bar en bar pas plus loin / … », voilà un village où j’aimerais passer mes vacances et où, Serge, apparemment a passé lui aussi de bons moments mais pas que dans les bars d’après ses vers.

La deuxième partie du recueil, la plus longue, les pansements les rêves, évoque la vie, le monde qui nous entoure, avec parfois une certaine nostalgie comme dans le poème qui énumère nombre de dernières fois – « … / la dernière voix une dernière fois / puis survire parmi les disparus / … » -, un brin de mélancolie, des failles, une interrogation sur ce que serait vraiment l’existence et une série de petites choses, d’événements, d’anecdotes, des petits riens qui font la vie et le monde. « Parler de rien de la poussière / de la lumière ultime silence / … » . « Je me souviens de cette fissure / apparue entre nous et nous / sous des formes non cicatricielles »

La troisième partie, En direction de mu (lettre grecque), est plus courte mais peut-être encore plus profonde, elle s’adresse à l’âme, au cœur, aux tripes, évoquant l’espoir né de la nuit, les amours de l’aube, la vie écrite avec le sang, la vie envolée, la femme qui donne la vie, « … / elle l’une t’a porté en elle / elle l’autre t’a accepté en elle / … ». Le recueil referme ses vers sur une dernière partie aux accents nihilistes, « Et ne plus rien écrire » . « Je n’écrirai plus / raison pour laquelle j’écris / malgré tout à foison / ces lignes depuis le champ des ruines / … ».

Ces textes m’ont enthousiasmé, ils m’ont porté sur la vague de l’angoisse de notre présent même s’ils ne sont pas toujours très iréniques, s’ils distribuent plus de crainte que d’espoir…Serge trie ses mots avec attention, il les tamise, les sasse, les blute, pour ne conserver que ceux qui sont indispensables pour le texte, ceux qui construisent les images qu’il met en vers pour dire son inquiétude et son angoisse. Sa démarche littéraire, les images qu’il crée, nourrissent mon intérêt pour ses poèmes allégés, dépoussiérés et pourtant si éloquents :

« Le monde est rempli / de morts qui n’ont plus soif / de morts absents de la mort / … »

« Ainsi ce serait donc ça vivre ? / surgir de la mort pour y retourner / surnager sur la réalité du vide / … »

« Et de l’espoir né au matin / d’une nuit qui n’a pas voulu de nous / ne demeurent qu’os blanchis / … »

Et pour conclure ce commentaire, je retiendrai ce ver qui pourrait résumer ce recueil : « La chute est le mouvement qui domine l’univers »

Le recueil sur le site des Editions Le Chat polaire

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2023 – FLOCONS DE MOTS : COMMENT LUTTER CONTRE LE MAL / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans son roman, Serge Peker raconte comment un médecin devant subir une intervention chirurgicale évoque avec son voisin de lit la différence entre la médecine et la comédie. Martine Rouhart a mené elle une lutte beaucoup plus concrète quand elle a dû affronter le cancer qui l’avait atteinte. Un double regard sur la lutte contre la maladie entre théorie scientifique et combat personnel doublé d’une forte résilience.

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Un pas de deux

Serge Peker

M.E.O.

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Un médecin approchant de la retraite doit subir une petite intervention chirurgicale, il est hospitalisé dans la même chambre qu’un comédien. La vieille de l’opération, ne pouvant dormir ni l’un ni l’autre, le comédien interroge le médecin sur sa vie telle qu’il l’a racontée dans le cahier intime qu’il a découvert dans ses effets. S’engage alors un long dialogue qui dure toute la nuit ; en fait ce dialogue est presque un monologue, le comédien n’intervient que pour relancer le propos, le réorienter, ou pour formuler une remarque destinée à mettre en évidence la différence entre le pragmatisme de la médecine et la fiction interprétée dans la comédie. Il en résulte une confrontation entre l’art et la science, entre la concrétude de la pratique médicale et la virtualité de la fiction littéraire. Cette confrontation n’est jamais affrontement mais plutôt complémentarité, l’une ne primant jamais sur l’autre mais démontrant plutôt l’autre face de l’autre. Et, parfois même le virtuel parait plus concret que le réel tel que nous le connaissons.

Ainsi, le médecin raconte sa vie, sa famille, son enfance, sa scolarité, son choix professionnel, ses copains, le dispensaire, son cabinet, sa patientèle, ses engagements, la souffrance, la mort, tout ce qui constitue la vie d’un médecin mais aussi les cas particuliers qu’il a connus, les êtres qui l’ont étonné, agacé, sidéré, dérangé, … C’est une page d’histoire qui se découvre à travers la vie du médecin : les intrigues dans le milieu hospitalier, la recherche d’un emploi avec le recours au piston, l’engagement politique au moment des fameux « Evénements de mai 1968 », le déferlement des plus démunis qui sont les plus fragiles et les plus mal soignés, vers les pays les mieux nantis, la folie urbanistique, le mépris de la planète, la malnutrition. Tous ces problèmes bousculent d’une façon ou d’une autre la vie du médecin dans sa pratique, dans ses engagements et même dans son intimité familiale.

Serge Peker étant lui-même médecin, il connait parfaitement le sujet et il est particulièrement crédible quand il dénonce la destruction de la médecine publique, la déficience de la prise en charge des plus démunis, la désertification médicale. A travers ce texte, c’est la nostalgie de la médecine de ville, ou de campagne, telle que nous l’avons connue qu’il exprime en filigrane à son récit. Comme une forme de déshumanisation de la médecine actuelle plus soucieuse de statistiques, de courbes, de moyennes que de rapports humains avec les patients les plus en souffrance. Il évoque aussi la rentabilisation des établissements hospitaliers qui ne peuvent plus remplir leurs diverses missions faute de personnels et de moyens nécessaires. Le fondateur du serment d’Hippocrate semble de plus en plus submergé par la déferlante des lois et règlements dont nos institutions ne sont pas avares.

Comment ne pas relier ce texte, même si ce n’est qu’un fiction romancée, à l’actualité médicale dont les médias relaient, chaque jour depuis plusieurs mois l’acuité de la situation.

Le livre sur le site de vente en ligne des Editions M.E.O.

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Les ailes battantes

Martine Rouhart

M.E.O.

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J’ai connu Martine dans les vers d’un recueil de poésie avec lequel elle peint « un monde où seules la musique et la lumière éclaireraient le vol des oiseaux, des oiseaux comme des colombes de la paix, des oiseaux pour égayer un monde qui serait trop calme dans la seule lumière du silence … ». Jamais après cette lecture irénique, je n’aurais cru qu’elle avait traversé une bien pénible épreuve, qu’elle avait dû batailler ferme contre un mal implacable. Il a fallu que je lise le récit qu’elle a écrit dès 2009 mais qu’elle vient seulement de publier grâce à l’intervention de Philippe Remy-Wilkin, préfacier de cette édition, pour apprendre le long combat qu’elle a su verbaliser pour mieux le vivre et peut-être aussi pour le gagner.

Elle aurait pu écrire cette lutte comme elle écrit ses poèmes, elle l’a mis en forme dans des textes courts qu’elle a rassemblés pour en faire un récit biographique, peut-être l’évocation de la partie la plus importante de sa vie. Quand elle parle du mal dont elle est affectée et qu’elle doit combattre, elle a beaucoup de mal à le nommer, il faut attendre de nombreuses pages avant de se convaincre qu’elle a bien été atteinte d’un « cancer », ce mal terrible qu’on redoute tellement que la médecine l’évoque quand on consulte. Ce cancer qui semble tellement l’inquiéter, elle apprend à l’apprivoiser pour mieux l’accepter et surtout mieux le combattre. « La maladie, il faut bien l’accepter. Mais si je peux y voir certains jours une chance, un moyen de m’enrichir, de me rapprocher des autres, de me dépasser… ».

« Des angoisses dans la tête / épaisses comme la nuit, / une sensation de vide qui me tire vers le bas, / la vie qui s’échappe trop vite / tel du sable dans mes doigts ». La poésie est aussi une arme pour dire le mal et ensuite le défier. Martine est une maitresse en la matière. Le combat et surtout Montaigne vers qui elle revient sans cesse lui ont appris la résilience, cette arme qui permet d’accepter pour mieux se défendre. Mais le combat, c’est aussi les autres et tout ce qu’ils peuvent apporter, même si in fine on se retrouve seul au moment crucial où la vie peut basculer, Martine le dit clairement : « Je suis convaincue que l’écoute et le partage, la générosité et la gratitude peuvent alléger nos fardeaux. / Il n’empêche, il reste la solitude de l’impartageable ».

Avec la musique de Bach, son autre fidèle compagnon de douleur, elle a découvert dans les pensées de Montaigne des raisons de croire en la guérison et d’espérer voir un jour le bout du tunnel même s’il faut régulièrement repasser un angoissant examen et vivre avec une certaine crainte au ventre. Elle croit comme le philosophe l’a écrit que : « Les maux (aussi) ont leur vie et leurs bornes, leurs maladies et leur santé ».

Martine nous offre un texte plein de délicatesse, de courage et de résilience pour lutter en espérant vaincre un mal qu’on ne nomme encore qu’avec une grand inquiétude dans la voix et une grosse boule dans le ventre. Sa lecture pourrait être un début d’espoir pour ceux qui sont hélas atteints de ce mal implacable qu’il faut, comme Martine, toujours espérer vaincre.

Le livre sur le site de vente en ligne des Editions M.E.O.

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Le site des Editions M.E.O.

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