UN LIVRE DE POEMES ADMIRABLE. LE GESTE ORDINAIRE. MAXIME COTON EVOQUE SON PERE.

Par Philippe LEUCKX

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Je ne devrais pas le préciser, mais je n’ose le cacher : je suis fier d’avoir été l’un des premiers à parler de Maxime Coton, quand il publia son premier livre, « La biographie de Morgane Eldà », au Tétras Lyre en 2004. Il n’avait que dix-huit ans. Je suis fier de lire, sept ans après un deuxième livre, plus copieux, 48 poèmes, qui tous, tournent autour de la figure du père, comme on « tourne » tout autour d’un sujet capital. Les mots ne veulent rien dire ou tout dire : LE GESTE ORDINAIRE est aussi un film « tourné » par le jeune Maxime Coton, vingt-cinq ans aujourd’hui; il y est question de PERE, de CAPITAL, au sens marxiste, de GESTES, au sens ouvrier du geste agi, porté dans une usine…

La poésie sociale, vraiment sociale est rare; pour qu’elle porte, elle ne supporte aucun apprêt, aucun cliché, aucun poncif : si elle veut atteindre sa cible, – un lecteur adulte, pris au vif, au coeur – , elle doit signer sa pureté, éveiller l’âme autant que l’esprit. C’EST LE CAS ICI. Insigne poésie, aussi pure qu’un poème des « Ceneri di Gramsci », aussi net qu’une élégie de Penna (je pense à une « ardente solitude », dans laquelle Maxime C. se reconnaîtrait sans ambages).

LEGESTEORDINAIRE.jpgDire l’autre, surtout quand il s’agit de son père, quand celui-ci tient toute sa vie dans les mains, celles du travail, celles données depuis longtemps à l’usine. DIRE. C’est la grande question du livre : tenir un langage qui soit apte à DIRE ce qu’il n’est pas aisé de FORMULER : la distance de classe (encore un thème pasolinien du social); la différence née au sein d’une famille par l’interstice du social modifié (on n’est pas loin de l’Ernaux de « La Place » ni de l’univers tragique de Mauvignier quand il peint la femme de peu dans « Apprendre à finir ». Mais foin des références littéraires, je ne veux surtout pas ferrer le travail de Maxime dans une suite qui serait moindre. Au contraire, l’urgence de langage élève son livre au niveau des quatre références de premier plan que je viens de citer. En effet, l’aisance du vers relaie celle du coeur qui doute, se cherche, vrille de joie ou d’angoisse, ou cherche ses repères (sans jeu de mot!).

C’est un fils qui trouve les lieux du père. Un anti-oedipe. Un anti-facilité d’usage. C’est un fils qui écrit son père – lui qui n’écrit qu’à l’usage de ses mains.

Je ne voudrais pas peser de mes mots critiques comme une chape à la légèreté de langue sur un fond de gravité, qui honore l’homme, qui lève le poète à choisir les plus beaux mots (pas de joliesse certes, les mots du coeur qui comprend, qui erre, qui décrit l’aire usinière, qui analyse sans pesanteur sociologique, rien que par ses MOTS).

Le fils-poète « ne peu(t) voir ce que tes mains / Ecrivent » (p.7). Plus loin, dans l’éprouvante avancée (un travelling du corps-coeur) : « te voilà, avec la brutalité d’un répartiteur/…d’une cage » (p.35).

« Que dit le prolétaire?/ …Pourquoi ce silence? / Pourquoi dans l’usine tant de bruits? » (p.57)

« Un homme…Un corps…Une voix/ Tue » p. 53 (au terrible double sens d’une langue NUE, TERRIBLE, UNE…)

J’aime assez ces « gravats de souffle », comme l’image minière, minérale, trapue d’un ouvrier en son socle.

Rien de banal, ni d’ordinaire dans cette approche millimétrée de l’HUMAIN. Le geste, pour ordinaire, a acquis l’instant de MIRACLE. Oui, le fils a sauvé du néant la pose de main, le rivet, l’acier froid sur la chair, le « souffle » (le mot revient comme une caresse virile), la distance du je au tu, quand dire je peut assassiner le vrai. Ici le « je » est garant d’humble vérité, acquise de haute lutte (contre les préjugés, contre les façades à percere, contre les noeuds…).

Le poème-stylet : quel honneur et quel devoir! Il y a du romain dans cet aveu et/ou cette déclaration de principe esthétique, non, d’humaine condition. Quoiqu’il faille mesurer à quel point le poème est substance, dans saforme même, dense, elliptique mais jamais étroite ou anonyme ou blanche – comme on le dit de certaines écritures.

Et quelle lucide traversée! Maxime C. reconnaît ses faiblesses, ses tentations de conjoindre, de rappeler à soi des assurances ou des soulagements. Il sait qu’écrire ouvre failles et splendeurs.

Une page sans doute, parmi toutes, résume les potentialités du poème-manifeste-coeur : la page 41, qui nous donne :

« TU arraches, sèmes ailleurs. Sûr d’où tu viens,/

tu te tais. Jusqu’à oublier. Mais avant tout, c’est/

toi qui disparais. D’où tu viens est en friche :/

tu sèmes ailleurs. Fais confiance au vent./

… N’oublie pas. Ne t’oublie pas.

On écrit, sans doute, pour arracher à l’oubli les expériences vitales, fondamentales, uniques, vraies.

Le poète Coton EST DANS LE VRAI et cela nous émeut. Au plus loin.

Avec des illustrations de LAURENCE LEONARD, Ed. esperluète, 64p., 2011, 14 euros.

A commander ici (éditions Esperluète):

http://www.esperluete.be/Le-geste-ordinaire/Le-geste-ordinaire.php