La FABRIQUE DES MÉTIERS : 166. TRADUCTEUR DE TRACT

L’Observatoire de la Vie Sociale qui fonctionne sur fonds malpropres (faute de subsides régionaux) a identifié la source du marasme actuel avec les dysfonctionnements que l’on sait : (as)saisonnement de la poésie, écrivains voyageurs (au bilan carbone explosé), socialisme sous pression des lobbies, faillite du système de santé et des services publics, pollution industrielle, état de l’a(gri)culture, cinéma parlant dominé par une masculinité toxique…

L’Observatoire a mis un nom sur le mal originel : les tracts des Années 70.

Les tracts de légende sont rédigés dans une langue revendicative, vernaculaire, datant d’incultes révoltes sociales de la fin des sixties-début des seventies n’ayant donné qu’une vaine récolte, en renforçant les inégalités et les pouvoirs qu’elles étaient censé combattre.

Les prédateurs et autres monstres de domination masculine ont renforcé leur emprise, pestant sur l’écriture inclusive et les défenseurs des minorités.

Les holdings financiers et leurs pions sur l’échelon politique ont ravagé la planète et fait passer les lanceurs d’alerte écologique pour des doux rêveurs ou de dangereux hurluberlus menaçant la liberté d’éructer en paix du gaz carbonique. L’insulte au genre humain a gagné sur la saine critique du mécanisme capitaliste.

Ladite époque fut celle où la parole s’est libérée en proportion de la production de marchandises et de spiritueux, où la vocifération prédominait sur la réflexion, où le gros rire l’emportait sur la satire fine.  

Nombre d’espèces animalières et végétales ont disparu. Seuls les artistes et écrivants ont perduré, et se sont multipliés, de telle sorte qu’ils sont devenus la principale espèce du genre humain dépensant du papier, juste devant les fabricants de confettis et les illustrateurs de livres jeunesse.

Aujourd’hui les faiseurs de tracts indigestes ont trépassé ou bien terminent leur vie en posant des selfies d’eux-m’aiment sur les réseaux sociaux basés sur la pictogrammation des émotions, plus barbus que chevelus, plus blanc froissé que noir corbeau, plus contestés que contestataires, mais sont restés fidèles à la blanche poudre sacrée plus qu’au sacrement des alliances de teintures.

S’il n’est pas le descendant du fabricant de tract, le traducteur de dépliant propagantiste ne jure que par le circuit court et le moteur hybride même si tout doucement ses maîtres à ne pas penser politique lui permettent de douter du bien-fondé de l’énergie tyrolienne, du silence pesant sur la moteur électrique et du poème photovoltaïque, tirant sa lumière des écrans de l’iPhone plus que des ténèbres de l’âme.
Pour ces raisons ultimes, il est le plus ancré dans son temps pour traduire bénéfiquement dans la langue du jour les tracts rédigés dans un esprit révolu contre des entités opprimante mal définie par l’antique fabricant de folders factieux.

Dès le Gloubi-boulga éclairci, le lecteur du tract déconstruit pourra se déplacer en trottinette électrique, en vélo d’appartement à roulettes à mobilité quantique, jusqu’au lieu de la manifestation pour faire entendre ses mots d’ordre doux tout en défilant silencieusement dans les allées du pouvoir démocratique et consumériste pour ne pas changer d’un iota un état de choses resté intact, faute de tracts jamais formulés poétiquement.

LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 165. DYNAMISEUR DE CARRIÈRE

Certaines carrières se meuvent au ralenti quand elles ne sont pas à l’arrêt. Comme en grève.

Elles n’explosent jamais et font le désespoir de celles et ceux qui, à défaut de s’asseoir dans le fauteuil du patron ou le canapé de la DRH, se verraient mieux en chômeurs de longue durée émargeant au CPAS local.
Le dynamiseur de carrière remédie éclatement à cet état de fait défaillant et fait le salarié, peinant à la tâche, se morfondant sur son sort, parvenir à un poste, sinon de prestige, lui permettant du moins de regarder enfin de haut ses collègues restés sur le carreau à continuer de lécher le vernis de mocassin cuir (avec mors et semelle crantée) de ses supérieurs si ce n’est pas l’extrémité de leurs organes reproducteurs d’illégalité sociale.

Une bonne langue pallie une carrière en suspens ou en dents de requin-scie en activant les fonctions salivaires. C’est souvent la mèche qui produira la flamme attendue et fera décoller l’avion à création de la réussite professionnelle.

Le dynamiseur de carrière revitalise les qualités intrinsèques du salarié en rehaussant son taux vibratoire. Dans ce but, il veillera à un bon entretien de l’appendice lingual comme de l’orifice anal de son client. Il dispensera des éléments de maintien, des cours de diction et des rudiments de comédie. Pour plus d’efficacité, il délivrera des conseils en communication d’entreprise propres à approcher les décideurs et à se rendre indispensable. Il les aidera à dépasser des pudeurs personnelles, un sentiment d’infériorité, à se débarrasser d’un excédent d’éthique et apprendra les techniques de mise en valeur des puissants locaux tout en leurs laissant croire qu’ils ont avantage à vous compter dans leur entourage. 

Le dynamisage ayant eu lieu, le client devra se méfier de ses anciens condisciples ou amis de longue dette, de ces sans-grades qui proposent leur impureté en carafe, cherchent à se rendre indispensable ou à accompagner votre ascension aquatique désormais sans limite de profondeur jusqu’au sommet de la cascade.

Le dynamiseur de carrière agit aussi dans le domaine artistique ou littéraire (quel écrivain ne gribouille pas ?, quel peintre ne scribouille pas ?) pour booster un début de carrière adipeux. Il vous indiquera les lieux et personnes à rencontrer, comment devenir un de leurs proches. Il vous donnera des recettes pour, avec un minimum de talent dans le secteur occupé ou pas l’ombre d’un, briguer des postes importants et enlever un maximum de publications ou d’expositions en peu de temps voire quelques prix soldés. Il vous indiquera comment capitaliser sur votre succès naissant de façon à devenir un intouchable du secteur, s’indignant volontiers et rageusement en cas de réserve sur son oeuvre, sur la pureté de son parcours et le fond huileux de sa pensée, flatté sans façon par celles et ceux qui trop lucides sur ses capacités minérales n’ont pas pris en compte, ces con(ne)s, ses ressorts de malignité dans le domaine aquatique.

Bref, le dynamiseur de carrière vous conduira à la source d’où vous rêvez de partir, dans un bouillonnement d’onde qui vous ravira d’autant qu’elle vous conduira à l’embouchure rêvée, celle qui donne sur la mer de la notoriété, d’où, que vous créiez de l’emploi ou des oeuvres précaires, vous pourrez vous croire insubmersibles jusqu’au jour de la crémation qui succède au réchauffement de carrière.

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 164. RETRAITEUR DE MATIERE ONIRIQUE

Pour une narration brute

Selon une récente étude de l’Observatoire de la Narrativité, un quidam qui dort produit dix fois plus de matière narrative qu’un auteur de fiction ordinaire. De plus, la substance en question provient d’un fonds plus puissant, non inféodé aux poncifs de la littérature commune et au mimétisme ambiant, loin du caméléon et du singe – comme le fait observer Jean Dubuffet dans sa définition de l’Art Brut – que l’auteur du tout-venant qui recycle ce qu’il a lu ou imite poussivement la manière de ses maitres à dépenser de l’énergie fictionnelle en pure perte.

Afin de contenter leurs éditeur, leur conjoint ou leur ego, l’auteur de fiction ordinaire est tenu à un rythme de publication de plus en plus effréné qui épuise son stock nécessairement limité de créativité (l’auteur de fiction est un homme et une femme comme les nôtres).

Ensuite, n’est-il pas amené, en aggravant indûment son empreinte carbone et en mettant plus en péril l’avenir de la planète que sa postérité littéraire (du moins, le croit-il) à porter ses ouvrages, puis à les promouvoir sur les lieux-maudits de sa région : rond-point sans rayonnement, centre de déclassement, repair-café, magasin de vente en sac, centre de retraitement atonique… selon un parcours d’anartiste sans foi ni aloi recommencé.    

Bref, malgré sa bonne volonté et un souci d’en découdre avec un passé de poète toujours en devenir, l’auteur de fiction ordinaire se fatigue et épuise sa réserve d’histoires neuves, d’interviews au coin du peu, de fables indistinctes et de contes sans comte et de fables sans fée quand il n’en est pas réduit à transformer ses vers manqués en aphorismes acceptables.

Cependant, la matière onirique pure, inimaginable pour un créateur moyen, prélevée à la source neuronale sur le cerveau du dormeur de longue nuit ou de réveil subit, ne se prête pas à une consommation directe par le lecteur habitué à de la prose convenue, des récits dits de vie (qui récidivent), du psychodrame, de l’émoi pleurnichard derrière une âme guerrière, de la consolation au kilo de vers, de la philo de bar-tabac, du thriller financier, du polar pâtissier ou de la bluesette se haussant sur le toi et moi du monde sentimental ; bref, de l’autofiction plus autocentrée que fictionnelle.

Tandis que le rêveur côtoie, à des années-lumière de la planète littéraire, les sommets de l’art cosmique dans l’obscurité de sa nuit sans qu’ils n’atteignent jamais la pointe du jour.

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 163. POLICE DANCER

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Et si, pour remettre de l’ordre dans un monde de hors-la-loi, on le faisait avec grâce, tact et technique. Dans les ronds-points embouteillés, à l’entrée des parkings encombrés, à la sortie des sens interdits, sur les lieux de débauche et de trafic en tout genre, sur les lieux de conflits humoristiques où de vils plaisantins lâchent des vannes assassines (loin des seigneurs de guerre au propos courtois et aux manières de gentleman), posons des police dancers ayant suivi un stage de pole dance avec un éphèbe de la barre verticale, à qui on donnerait le demi-dieu du ballet classique sans précaution.
De plus, la barre verticale accoutumera le fauteur de trouble, le renégat, le terroriste verbal avec la barre horizontale, à peau nue exempte de toute obliquité.

Il lui suffira devant le juge au velu torse, à la bombée poitrine, aux avenants tatouages et aux piercings de sein attachants sous la toge d’opérer de son œil transformiste une rotation de nonante degrés tout en gardant sous la pâle paupière la persistance rétinienne de l’athlète du droit légal au large jeu de jambes et aux souples poignets.

Autrement dit, le police dancer accorde des gestes de ballerine à la force de ses abdominaux sans compter son magistral grand écart, sa science du gripping, son maillot moulant et son déhanché de superhéros du code de la brousse et de l’amande salée.

Si le police dancer s’assimile pour certains esprits chagrins à un super zéro à fanfreluches, une créature de Marvel reluisante de kitsch et de kirsch, rassurons-les en précisant qu’il sait, en cas de nécessité, faire bel usage de sa matraque et de ses menottes.  

Si depuis le berceau tu aspires à une carrière de redresseur de tort au coeur d’or fin avec une sensibilité de corps de garde, ce nouveau métier est pour toi !

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 162. VIDEUR DE CALENDRIER

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Les calendriers qui débordent de dates pourries, de durées passées, de délais dépassés, d’heures indues, de secondes rances, c’est pas beau et ça fleure les temps mauvais.

Il faut faire le ménage, débarrasser le plan cher de ce qui relève les coûts, laisser les éphémérides fleurir.

Pour organiser la vie écologique, socialiste, libérale, l’almanach maya et l’agenda littéraire des auteurs pressés, le temps est compté, éventé en jours, mois et publications périodiques.

À la longue, les taches de temps maculent les plages d’éternité. Il faut passer le Karcher, rendre aux grèves leurs blancheur première, leur innocence de sablier.

Il ne manquerait plus que ça qu’on revienne, par réaction propre, au calendrier julien voire romain, avec des barbares aux montres molles aux frontières, prêts à franchir la ligne blanche pour venir piétiner nos horloges, saccager nos pendules, tordre le cou aux coucous et autres passereaux de mauvais augure. 

Pour des agendas nickel, un mémento étal, un planning vide, des ères libres et des prévisions claires, surveillons le niveau de minutes périmées, de moments gommés, de mois en aire et en ôse, de mégots d’âges, de débris de clepsydre… de nos calendriers sensibles pour éviter une surcharge chronophage et des dépassements d’échéance sans nombre !

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 161. VENGEUR DE TOITURE

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Les toitures sont la proie des rafales de vent sans morale. On les retrouve dans un triste état, leur couverture envolée, parfois violentée, la charpente en charpie, les Velux luxés.


C’est désolant à voir, une maison sans couvre-chef, avec leurs chambres aux lits défaits et aux jouets, sex-toys, livres de chevet de Schmitt & Pancol, étalés sur les tapis, qui hurlent leur désespoir d’être lus avec une gueule de toile et de bois phénoménale.

Combien de psychothérapeutes et de psychopompes ne sont pas sollicités après ces coups du sort, combien de couvreurs dézingués mis sous haute pression alors que leurs carnets de commande sont pleins depuis des décennies.

Combien de conjoints de psychothérapeutes et d’amants de couvreurs dézingués, désorientés, en manque de la plus élémentaire attention ne s’envoient pas en l’air avec un charpentier-couvreur ou, pire, avec avec un écrivain aviateur, un franc-maçon volant, un plombier zingueur tuyauté, un dentiste roumain amateur de belles lèvres plus que de cou gracile.

Alors qu’une solution simple existe, celle qui depuis la nuit des temples : la vengeance. Celle de Monte-Cristo et des films de rap & reggae.

Le vengeur de toiture agit sans scrupules et avec méthode. Il se rend sur le lieu de villégiature des vents incriminés et les dézingue, les dynamite, les fait passer de tempête à trépas, sans autre forme de process. Aucun zéphyr ne résiste à sa razzia, pas plus un sec sirocco qu’un mistral galant, et il règne ensuite sur la planète un calme éternel d’après déluge. Il règne un tel silence qu’on entend couler l’arche de Noé.

Même si les nuages s’amoncellent et finissent par tomber sur les contrées inondables, provoquant son lot d’envolées, aucun type de vent n’attentera plus à nos chers toitures qui perdureront, fleuriront dans le bas du ciel, pour les millénaires brûlants à venir.

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 160. PLANTEUR D’ARBITRE

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Hors compétition, sans arbitre, les terrains de sport, les champs de course, les courts de tennis, les rings et les tatamis sont comme dépeuplés, sans foi ni loi, la proie de supporters haineux et hargneux qui ne pensent qu’à en découdre, au nom d’une croyance en une équipe et de la haine envers les autres.

Ils n’hésitent pas à se lancer des pierres, des hordes de terroristes, des F-16 hors-service, des bombes meurtrières d’enfants et de civils ne pensant qu’à regarder, en paix, sur leur antenne satellite, un paquet d’émissions de Cyril Hanouna sur l’arbitrage de débat, suivre une interview de Frédéric Lenoir sur le sacre du sport par un Augustin Trapenard en maillot de l’équipe de France de foot ou une conférence en ligne de Michel Onfray sur le bien-être dans les gradins de la philosophie.

Sans arbitre, le monde du sport étouffe, la libre circulation des champions et de leurs aficionados est mise en péril. Les uns comme les autres risquent de se mettre sur la gueule et d’en ressortir éborgnés, amputés d’un organe accessoire ou d’une idée maîtresse, plus décérébrés qu’avant, incapables de jouir de la grande nature et de participer au chœur des lamentations sur les réseaux sociaux.

Le planteur d’arbitre reboise l’espace compétitif d’instances régulatrices, il redonne du souffle, de l’énergie et une éthique que récompenseront, heureusement, des cartons verts. Il régule les comportements, il contrôle les dérives, frappant les dos dociles, flagellant les faces hagardes, serrant, insensément, le nœud de la bêtise jusqu’à réjouir les imbéciles.

Notons que le planteur d’arbitre n’a pas vocation à semer l’arbitre, à courir plus vite que lui, car l’arbitre, s’il n’a pas la pointe de vitesse d’Usain Bolt, possède sur la durée une endurance qui lui permet de se précipiter au-devant de toutes les attentes.

NON, le planteur d’arbitre essaime à son rythme le terreau fertile pour faire advenir une population de juges de touche, de démineurs, de démêleur de mêlées… sur tous les espaces voués à des guerres fratricides de communautés animées d’un esprit de corps, sans âme. Et ainsi faire souffler un vent de liberté et de pratiques pacifiques, empruntes d’un esprit aussi clean que zen, autant léger qu’évanescent entre les branches étriquées de son cerveau d’homme (ou de femme) de maintien de l’ordre établi.

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 159. MULTIPLICATEUR DE FRONTS

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Le front est l’interface entre la lumière et les ondes alpha du cerveau.

Chaque face dispose d’un seul front, c’est peu.
C’est peu en regard de la demande du cerveau en oléagineux et en fines particules.

Un seul front ne peut subvenir aux besoins en bonheur simple du cerveau moyen.

On a calculé que deux fronts font plus de bien qu’une séance de yoga vinyasa journalière et que cinq fronts procurent autant de sérotonine que cent écoutes à la suite du concerto pour piano n°2 en do mineur de Rachmaninov (par Sviatoslav Richter)

Par une opération que seuls l’Oulipien goncourisé et les pataphysiciens patentés peuvent comprendre, le multiplicateur de fronts, qui a fait l’école vétérinaire, multiplie à l’envi les fronts réverberants sur la face commune.

L’opération diminue chez l’heureux propriétaire de la face à fronts les risques de conflits personnels et l’assure d’une aura qui éclipse en luminosité celle que dispenserait, c’est dire, la vue de Patrick Bruel et Benjamin Castaldi réunis dans une même pièce (d’Eric-Emmanuel Schmitt).

Paré de ses différents fronts, assuré de réagir à toute attaque d’éco-anxiété et tout accès de solastologie, le propriétaire de tant de fronts n’a plus de prise de tête et peut se passer de soins spirituels. Ne réfléchissant plus (l’intelligence), il va franc battant, l’esprit guerrier, au-devant des communautés à risque, les francs borains fanfarons (et leur avant-garde politique) comme l’harmonie du vingt-septième bataillon de djihadistes amateurs de musique céleste (un brin tapageuse).   

Comme on le lit ici, le multiplicateur de fronts évite (à ce qu’il se murmure) les concerts de lamentations, la littérature de réconfort et les besoins en consolation, énergivores à souhait. Et, par conséquent, il prolonge de quelques heures précieuses la longévité de l’humaine condition, pacifiste et fraternelle, il va sans rire.

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 158. NETTOYEUR DE L’ESPÈCE

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L’espère est sale ou, pour le moins, malpropre. C’est pourquoi elle est menacée de passer au Kärcher. Sans aller jusqu’à cette extrémité qui pourrait user son cuir, l’infiltrer de liquide dans les parties intimes qui réclament autre dose, il suffit de passer au crible d’une brosse dure un réseau social pour constater la crasse ambiante, voire scanner son entourage, spatial, professionnel, littéraire ou celui du voisin qui, par définition et reflet infect, est aussi le nôtre. [émoticône pleurnichard]

L’espèce va mal et, même si elle vouée à disparaître sous peu, il faudra la laisser clean avant le dernier cramage. Ce serait dommage de n’être pas net pour l’ultime flambée et laisser de la sorte une mauvaise impression aux espèces d’insectes et de bactéries appelées (sur leur portable?) à nous survivre. [émoji désabusé]

On ne voudrait pas que, dans les livres d’histoire futurs des espèces d’animaux ou de végétaux les plus résistants, on lise que l’espèce est partie avec des escarres de plusieurs hectares et des mauvaises ordures. [émoji crade]

Reprenons-nous en main et lavons-nous de tous nos mots tous les jours avec l’eau pure à disposition des sources littéraires et les produits d’entretien des voies urinaires l (Vu l’était de la couche de zozone, on n’est plus à zaza près.) [émoticône olé olé]

Utilisons à bon escient et essence toutes les ressources naturelles à notre disposition !

Balayons, épous(sett)ons-nous les uns et les autres de la surface de la Terre et prenons-y du plaisir, de jouissance, même s’il y a de l’abus de negresco, de la domination d’un plectre sur une corde de guitare, du moindre consentement, des aigris et des nazes. [smiley woke]

Peu importe, on sera nickel si c’est notre génération qui part en vrille en premier. Sinon, on aura transmis à nos descendants ce sens du propre sur soi, entre les jambes et des dessous de bras ! [émoji éprouvé]

La réputation de l’espèce est à ce pli.

En attendant, épinglons nos éventails intelligents à l’entrée de nos demeures pour favoriser les courants d’air malins ! [smiley décoiffant]

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 157. ESCAMOTEUR D’ÉMOTICÔNE

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Cachez ces émoticônes que les métiers du livre méprisent, que les imprimeurs abhorrent, que les emails n’admettent qu’à titre d’émojis (sur des pages à blagues), que les claviers traditionnels snobent, que les auteurs (r)éprouvés dénigrent du haut de leur maîtrise des gros mots et de leur langue de viscères !

Dissimulez les émojis dispensateurs d’émotion, de rire, d’outrance émotionnelle, bornés, grimaçants, colorés comme des masques de Kabuki, des écritures antiques qui jamais ne rivaliseront avec les richesses d’expression verbale, la finesse d’analyse de nos Proust et Sagan, ayant été incapables, eux, de s’exprimer en pictogrammes.

Refoulez-les de nos inconscients propres de toutes marques ancestrales. Ce sont nous les dispensateurs du bon goût sensoriels, les penseurs du prêt à penser et poétiser selon les caractères alphanumériques.

Voilez ces signes obscènes que je ne saurais exhiber en guise de ma foi aux icônes, aux signes consacrés !

L’escamoteur d’émoticônes masque l’emoji décrié, le gif atroce, le smiley honni ; il l’efface, il l’écrase, il lui pisse au trait ; il le dissimule aux regards tentés, fascinés. Il ne l’abolit pas, il ne l’enterre pas, non, car le figuratif ressuscitera d’entre les lettres communes après trois jours ou trois millénaires d’exhumation.

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