L’ÉCHIQUIER de JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT (Minuit) / Une lecture d’ÉRIC ALLARD

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En mars 2020, quand l’état de la pandémie de Covid conduit les autorités à instaurer un confinement de la population, Jean-Philippe Toussaint a déjà commencé la traduction du Joueur d’échecs de Stefan Zweig, un écrivain aimé de son père, et qu’il renommera Echecs, de façon à imprimer sa marque car c’est le titre de son premier roman – paru en format numérique en 2012 (avec une préface de Laurent Demoulin). Le confinement remet en cause ses projets en cours et le conduit à écrire un livre différent de ses précédents.

Entre le livre de mémoires, un essai sur le jeu d’échecs et la traduction, c’est à une tentative d’autobiographie à laquelle s’est frotté avec bonheur Jean Philippe Toussaint avec L’Echiquier, composé d’autant de chapitres que le damier compte de cases, soixante-quatre. À la différence des cases, qui occupent un espace et une forme semblables, les chapitres du livre sont d’inégales longueur et bondissent d’une époque à l’autre de l’existence de l’auteur, figurant le déplacement en L du cavalier qui a toujours fasciné Toussaint. S’il se sert de la polygraphie du cavalier d’Euler, algorithme employé par Perec pour la composition de La vie mode d’emploi, Jean-Philippe Toussaint le fait pour se déplacer dans le temps.

L’écrivain utilise l’échiquier comme un plan, un espace où la « géographie de la mémoire » planque ses lieux car « les lieux, écrit-il, beaucoup mieux que les dates […] laissent le passé faire soudain irruption dans le présent pour nous permettre de retrouver un instant, intacte et inchangée, l’essence même de ce qui est à jamais disparu ». Il substitue donc une ligne du temps à la trajectoire du cavalier, qu’il va briser à la faveur de ses sauts temporels.

En relisant quarante ans plus tard Roi, Dame, Valet d’un de ses écrivains préférés, Nabokov, l’auteur découvre qu’il n’est pas tant le relecteur du livre que le relecteur de lui-même. Il cherche à « établir un pont temporel  immatériel entre le présent de [sa] lecture et ce temps disparu » où, par ailleurs, il écrivait, à Médéa, La Salle de bain.

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Le livre rapporte sa relation avec son père, journaliste, rédacteur en chef du journal Le Soir. Il s’articule autour du jeu d’échecs et de la littérature qui ont toujours eu, pour le père comme pour le fils « partie liée » tout autant qu’ils ont été, du moins, pour Jean-Philippe, des refuges, des abris mentaux « pour résister au le monde »… Si le père se réjouit de la trajectoire littéraire prise par son fils, tout laisse à penser qu’il ne permet pas qu’il le batte aux échecs, comme s’il voulait demeurer le maître dans cette discipline et c’est dans ce cadre fixé par le père que l’auteur va comme roquer sa passion pour les échecs avec son goût pour la littérature.

En bon joueur d’échecs, Toussaint se défend de tout dire, de dévoiler son je, sa stratégie, ménageant ses coups à l’avance, sans s’éloigner du sujet, pour ramener de précieux souvenirs des abysses de la mémoire et gagner la partie contre l’oubli. Il le fait avec la fausse désinvolture et la pudeur amusée qui caractérisent sa manière depuis bientôt quarante ans. Dans ces pages, il semble rendre hommage à la façon de Modiano quand il narre son périple parisien, le pensionnat ou ses amitiés masculines, en répétant, par exemple, les nom et prénom des protagonistes : Frédéric Lehrer, Robert Catteau, Gilles Andruet…

Au mitan du livre, Toussaint nous livre une « phrase-problème d’échecs » de Zweig après avoir relaté un problème d’écriture pour un de ses livres (La Vérité sur Marie). Il concerne une phrase à écrire à partir de cinq mots se situant sur son « échiquier mental  » et il fournit la solution qu’il a fini par trouver. Par là, Toussaint nous rappelle que l’écrivain, qui se distinguerait de l’écrivant, du raconteur d’histoire des romans as usual (selon la formule de Sophie Divry), est avant tout, comme le signale Barthes dans Le Plaisir du texte, un « pense-phrase ». 

Un livre qui ravira les fidèles de l’écrivain et permettra aux autres de découvrir un univers, un ton propre qui a essaimé dans le champ littéraire de même que le parcours d’un homme de qualité qui a su faire des aléas de sa vie la matière d’une oeuvre romanesque.

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Afin d’illustrer un dossier que j’avais consacré à l’écrivain en 1989 dans le cadre d’une revue, j’avais choisi quatre cases d’un minuscule plateau pour illustrer une citation, tirée de L’Appareil photo : « C’était quatre photos en noir et blanc, mon visage (…) »

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Jean-Philippe Toussaint, L’échiquier, Minuit, 256 p., 20 €.

Stefan Zweig, Echecs, traduit de l’allemand, par Jean-Philippe Toussaint, Minuit, 128 p., 14 €.

Entretien de Jean-Philippe Toussaint avec Sylvain Arrestier pour La Librairie Mollat

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MON JEUNE GRAND-PÈRE de PHILIPPE ANNOCQUE (Ed. Lunatique) / Une lecture de NATHALIE DELHAYE

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Philippe Annocque retranscrit dans cet ouvrage les cartes postales qu’envoyait son jeune grand-père, âgé d’une vingtaine d’années, à ses parents, alors qu’il était prisonnier en Allemagne. Discrètement, comme en filigrane, il commente ce travail très difficile. Les cartes ont cent ans, elles sont pour la plupart écrites au crayon papier, presque effacées, on devine l’effort de lecture qu’il doit fournir, l’écriture est petite. De plus, la censure passait par là parfois, et ajoutait des nuances violettes pour rendre illisibles certains passages. Il ajoute de ci, de là, un complément d’information à l’intention du lecteur, avec pudeur, l’invitant à découvrir avec lui chaque autre carte.

Nous suivons Edmond, tout jeune, officier de son état, ce qui lui permet de bénéficier d’une captivité plus correcte que celle des soldats. Il peut écrire, mais sous contrôle, bien sûr, recevoir des lettres, et des colis (fouillés) pour améliorer l’ordinaire.

Il écrit beaucoup à ses parents, qui le lui rendent bien, son père lui répond promptement, sa mère régulièrement, d’autres membres de la famille y vont de leur petit courrier de temps en temps, tant et si bien qu’Edmond reçoit souvent des nouvelles et des vivres, du cuir, des chaussettes ou autres.

J’ai trouvé très touchante la façon dont ses parents se plient en quatre pour lui. A la moindre demande, ils lui envoient ce dont il a besoin. Son père, lui-même officier, devait connaître ce genre de situation, et a sûrement pensé que leur présence maximum par ces envois en nombre devait apaiser son malheureux fils. D’ailleurs ce dernier signale quand il ne reçoit plus de courrier ou de colis, la distribution n’est pas toujours régulière et les contrôles retardent les opérations. Alors on sent le ton monter, le jeune homme s’impatiente.

L’auteur voit défiler sous ses yeux la vie de son jeune grand-père, une vie monotone qu’il essaie d’égayer avec quelques occupations, comme la lecture, le travail manuel, le jeu, le raccommodage de ses effets personnels. Au détour de ces lignes, le petit-fils découvre des prénoms, des noms, des personnages, des lieux dont il ignorait l’existence. Un travail d’énigmes s’ajoute à la retranscription, quelques souvenirs d’enfance remontent à la surface, parfois les noms lui font écho, créant un certain bouleversement, le souvenir d’une photo, d’un objet, d’une image.

Un ouvrage de grande valeur pour son auteur, et un beau partage avec le lecteur de cette intimité, de ces secrets, de ces détails qui remontent de bien loin, lors de la Grande Guerre, qu’on connaît par l’Histoire avec un grand H, mais dont on découvre ici une tranche de vie pleine d’émotion.

Le livre sur le site des Editions Lunatique

Hublots, le blog de Philippe Annocque

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VIENS, JE T’EMMÈNE ! de IOSCASTA HUPPEN avec des illustrations de JUSTINE GURY (Partis Pour) / Une lecture d’ÉRIC ALLARD

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Belle idée que ce voyage aux quatre coins du monde sous l’angle d’acrostiches classés par ordre alphabétique, suivant la première lettre du mot décliné en poème ! Un ouvrage écrit et composé par Iocasta Huppen avec de merveilleux dessins de Justine Gury qui fourmillent d’imagination et de couleurs.

Cet heureux livre nous dit que le but de tout voyage, c’est le langage, que chaque lieu ou objet trouve à se définir, à se chanter avec les lettres d’un alphabet ou l’autre. Que l’écriture est capitale, comme il est écrit à l’entrée Écriture. Le langage, lit-on aussi à cette entrée, est ce qui permet d’améliorer sa nature.

À Lapis-lazuli, on lit qu’à conjuguer les bleus « il y a de quoi faire tout un ciel ».

À Masque, on est conduit à « multiplier ses identités » pour « s’emparer du pouvoir de l’esprit » et prolonger sans fin notre vie. Pour tenir à distance l’hydre, à Léviathan il est recommandé d’augmenter notre dose d’ego.

Célébration de la vie, de ce qui la déploie, des espoirs à entretenir, des libertés à saisir sans prêter le flanc aux oppressions, tentatives d’étouffement de notre moi.

Côté écriture, les poèmes jouent sur deux contraintes, non seulement celle relative à l’acrostiche, mais pour chaque lettre-titre, c’est un pays, une contrée du globe qui est narrée, illustrée.

D’Abeille à Zone, ce périple au pays des poèmes-mots nous entraîne donc en de nombreuses contrées de la Terre. On part de la Nouvelle-Zélande pour aboutir au Portugal, en passant par la Martinique, la Russie, la Suisse, le Japon, le Népal, l’Australie, la Turquie…

Sur le plan des illustrations, la contrainte est aussi multiple car il s’est agi pour Justine Gury de figurer la forme de la lettre de même que le ou les mots poétisé(s).

On apprend aussi beaucoup, à la faveur des notes de bas de pages, sur des lieux-dits ou l’étymologie de certains mots.

Il ressort de l’ensemble une attention au monde et à l’histoire, à la vie qui ne peut être contrainte, réfrénée pour qu’elle puisse se déployer dans des espaces de liberté.

Ainsi, « aucun arbre de la plage Bellevue [au Danemark] / N’a réussi à garder / Toute une vie un cerf-volant », lit-on à l’entrée Cerf-volant. Si la narratrice de Chenille, en sauve une « bien belle » du chemin, elle la « laisse tranquille sur une feuille » pour lui permettre de « poursuivre sa vie ». 

Si le filet mesure le large en poissons, il les « prive de liberté », la hache, elle, donne des coups aux arbres « habitués à [les] recevoir ».

Á Huppe, l’autrice relève spirituellement, qu’il manque une lettre pour que son nom de famille apparaisse. À Iasi, la ville de son enfance, Iocasta Huppen observe « un tilleul plusieurs fois centenaire » qui est aussi l’ « arbre du poète national roumain, Mihai Eminescu ».

Un livre riche de 216 acrostiches et 26 dessins au service d’un projet éditorial ambitieux qui ravira les adultes autant que les grands enfants !

Un livre à offrir, certainement.

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TROIS ACROSTICHES extrait du livre

If

If et houx étaient de

Fort bons amis

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Métamorphose

M’as-tu entendue ? M’as-tu aperçue ?

Eloge au nouveau jour je faisais.,

Tue-tête à ta fenêtre je chantais.

Avant-hier dans le parc, je

Mendigotais du pain.

Oh, homme à la vie fade,

Regarderas-tu un jour

Pour voir vraiment ?

Homme à la vie ennuyeuse,

Oh, comme je te plains !

Si tu savais comme

Elle est belle ma vie d’oiseau.

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Nombril

Notre positivité réside là,

Oh, tellement proche !

Monde tendre du ventre,

Berceau des émotions,

Réceptacle des tendresses.

Il y a là un deuxième soi,

Libre et timide à la fois.

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Iocasta HUPPEN, Viens, je t’emmène !, illustrations de Justine GURY, Ed. Partis pour, 2023, 125 p., 25 €.

Quatre pages du livre, à découvrir sur le site de Justine Gury

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Le livre sur le site des Editions PARTIS POUR

Le site de Iocasta HUPPEN

Le site de Justine GURY

Les podcasts de Iocasta HUPPEN autour du Haïku

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS – 160. PLANTEUR D’ARBITRE

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Hors compétition, sans arbitre, les terrains de sport, les champs de course, les courts de tennis, les rings et les tatamis sont comme dépeuplés, sans foi ni loi, la proie de supporters haineux et hargneux qui ne pensent qu’à en découdre, au nom d’une croyance en une équipe et de la haine envers les autres.

Ils n’hésitent pas à se lancer des pierres, des hordes de terroristes, des F-16 hors-service, des bombes meurtrières d’enfants et de civils ne pensant qu’à regarder, en paix, sur leur antenne satellite, un paquet d’émissions de Cyril Hanouna sur l’arbitrage de débat, suivre une interview de Frédéric Lenoir sur le sacre du sport par un Augustin Trapenard en maillot de l’équipe de France de foot ou une conférence en ligne de Michel Onfray sur le bien-être dans les gradins de la philosophie.

Sans arbitre, le monde du sport étouffe, la libre circulation des champions et de leurs aficionados est mise en péril. Les uns comme les autres risquent de se mettre sur la gueule et d’en ressortir éborgnés, amputés d’un organe accessoire ou d’une idée maîtresse, plus décérébrés qu’avant, incapables de jouir de la grande nature et de participer au chœur des lamentations sur les réseaux sociaux.

Le planteur d’arbitre reboise l’espace compétitif d’instances régulatrices, il redonne du souffle, de l’énergie et une éthique que récompenseront, heureusement, des cartons verts. Il régule les comportements, il contrôle les dérives, frappant les dos dociles, flagellant les faces hagardes, serrant, insensément, le nœud de la bêtise jusqu’à réjouir les imbéciles.

Notons que le planteur d’arbitre n’a pas vocation à semer l’arbitre, à courir plus vite que lui, car l’arbitre, s’il n’a pas la pointe de vitesse d’Usain Bolt, possède sur la durée une endurance qui lui permet de se précipiter au-devant de toutes les attentes.

NON, le planteur d’arbitre essaime à son rythme le terreau fertile pour faire advenir une population de juges de touche, de démineurs, de démêleur de mêlées… sur tous les espaces voués à des guerres fratricides de communautés animées d’un esprit de corps, sans âme. Et ainsi faire souffler un vent de liberté et de pratiques pacifiques, empruntes d’un esprit aussi clean que zen, autant léger qu’évanescent entre les branches étriquées de son cerveau d’homme (ou de femme) de maintien de l’ordre établi.

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2023 – SOUVENIRS DE LECTURES ESTIVALES : MALTRAITANCE ET RÉSILIENCE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans cette chronique, j’ai intégré deux lectures qui évoquent le sort réservé à deux jeunes africaines. L’une est agressée, violentée, violée, elle doit suivre un long chemin pour se reconstruire physiquement, psychologiquement et même sexuellement, pour cela elle doit puiser au fond de son être pour trouver la résilience nécessaire à sa survie. Dans le second ouvrage, l’auteure, une jeune femme ghanéenne émigrée au Etats-Unis, raconte le sort d’une jeune fille mariée de force avec un homme qui a déjà une femme dans sa vie et le combat qu’elle mène pour devenir l’épouse légitime de son mari.

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La chair déchirée d’une petite griotte noire

Pascal Vrebos

M.E.O.

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Pour écrire ce texte qu’il présente comme un roman même s’il est écrit tantôt en prose tantôt en vers, Pascal Vrebos s‘est inspiré d’un fait réel, le viol horrible – tout viol est horrible mais celui-là l’est particulièrement car il a été d’une violence et d’une sauvagerie extrême – subi par une jeune Congolaise venue en Europe pour poursuivre ses études. Dans son « avant-lire », Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix, écrit : « Dans cette œuvre forte et poétique au langage dru et flambant, Mariama nous fait vivre la douleur du corps, la dévastation de l’esprit, mais aussi la reconstruction réussie d’un carnage. »

Pascal Vrebos confie sa plume à Mariama afin qu’elle raconte cette terrible histoire, elle est venue en Europe pour suivre les études ce que son père n’a jamais eu le loisir de faire malgré un très fort désir. Elle prévient les lecteurs, le récit est d’une rare violence. « J’ai trempé ma plume dans mon sang. » Elle raconte d’abord son enfance en Afrique où son grand-père était le griot du village, il l’avait prévenue : « Méfie-toi des Blancs, même les bons Blancs, les maîtres faut s’en méfier, surtout vous, les femmes, ne jamais croire ce qu’ils disent après avoir bu ! » Ces mots, il les rapporte souvent, chaque fois qu’il sent sa petite-fille en danger…

Elle interroge les hommes, les bouscule jusque dans leur bonne conscience trop confortable. Même si « Personne ne comprend. / Surtout les hommes. … », elle veut raconter l’horreur. Et, elle raconte comment un soir, elle se promène le long d’un parc quand soudain ils sont là, elle ne sait pas combien mais ils sont nombreux et elle devient la proie de cette horde, de ces prédateurs, de ces loups affamés de sexe. Et, ils l’ont déchirée, broyée, poignardée, trouée, écartelée, ligotée, elle n’était plus que « …viande hachée déchirée défoncée émiettée pulvérisée… ». Cette histoire, elle la raconte parallèlement à une histoire rapportée par son grand-père qui évoque l’histoire d’un chef qui cherche une nouvelle femme qui sera, elle, trahie par la première épouse remplie de jalousie.

Dans une avalanche de qualificatifs, elle essaie de décrire ce qu’il est resté de son corps après cette foudroyante agression. Et, après l’agression, il y a les séquelles nombreuses, douloureuses, stigmatisantes, déstabilisantes, traumatisantes, … Et, il y a la reconstruction impossible mais possible tout de même car il n’y a pas que des loups, il y aussi des anges, ils veillent sur elle avec patience et persévérance pour l’aider à se reconstruire pour qu’elle redevienne une vraie femme capable d’aimer.

Ce texte est court mais d’une puissance incroyable, c’est une avalanche de mots, une énumération de mots, pour dire la douleur et les blessures, la stigmatisation, le racisme et les violences faites aux femmes. C’est un plaidoyer bouleversant contre tous ceux qui commettent de tels actes, ne les voient pas, ne les condamnent pas, font semblant de ne pas voir… Juste pour donner une idée du texte, je voudrais citer ce passage : « En moi plus de trous / plus rien senti / plus de viande / plus rien / plus rien senti / crucifiée / ont recommencé / plus rien senti / plus rien entendu / plus rien vu / crucifiée / morte / oui morte / ont cru que j’étais morte / … »

Ce livre, c’est un cri de rage, de douleur, d’impuissance, de révolte… mais c’est aussi un acte de résilience et d’espoir car il n’y a pas que des loups en notre monde, il a y aussi des anges.

L’ouvrage sur sur le site des Editions M.E.O.

Gérard Adam, l’éditeur, parle du livre de Pascal Vrebos en compagnie de Willy Lefèvre

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Sa seule épouse

Peace Adzo Medie

L’Aube

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Afi raconte comment s’est déroulé à Ho, petite bourgade à l’est du Ghana, son mariage par procuration avec Elikem, Eli, son cousin dont la famille a fait fortune dans différentes affaires. Elle n’a jamais vu celui qui devient son mari, elle a cédé à la pression de sa mère, veuve peu fortunée, et de sa tante qui fait travailler cette dernière, sa sœur en fait. La tante veut marier sa nièce avec son fils car il vit avec une femme libérienne qui n’accepte pas du tout les coutumes locales et surtout pas la tutelle familiale de sa très rigide belle-mère. C’est une femme libre qui a ses propres affaires.

Le frère d’Eli accompagne Afi à Accra où elle loge dans un appartement de luxe dans une résidence de grand standing, Elle dispose de tout le confort et même du luxe qu’elle souhaitait mais elle ne voit toujours pas son mari. Elle le découvre enfin à l’occasion d’une visite éclair et en tombe amoureuse. Pressée par sa mère et sa tante, elle demande à son mari de quitter sa maîtresse et de vivre avec elle comme il devrait le faire. Eli tergiverse sans cesse jusqu’à ce qu’Afi le découvre avec sa superbe maîtresse. Elle décide alors de le quitter malgré les fortes pressions familiales.

Elle a complété sa formation de styliste et ouvre un magasin avec l’appui de son mari, ses affaires marchent bien, elle veut être libre et vivre par ses propres moyens avec l’enfant qu’elle a eu avec Afi qui a lui une fillette avec sa maitresse. Elle ne veut pas vivre dans une prison dorée avec l’argent de son mari. Elle a compris qu’Ali en aimait une autre et qu’il ne la quitterait jamais comme, elle, ne partagerait jamais son mari avec une autre.

Dans ce roman, Peace Adzo Medie met en scène la condition de la femme africaine propriété de son mari qu’elle doit souvent partager mais aussi la condition de toutes les femmes qui souvent doivent se battre avec opiniâtretés pour pouvoir faire ce qu’elles ont envie de faire, aimer ceux qu’elles ont choisi d’aimer et entreprendre et réaliser ce qui les passionne et peut les faire vivre sans quémander quoi que ce soit à quiconque.

Ce roman met aussi en lumière certaines des tares qui gangrènent l’Afrique encore plus que d’autres continents : la corruption, l’affairisme, les magouilles de toute sorte, les prises d’intérêts illégales, les ententes frauduleuses, les passe-droits abusifs, … toutes les combines qui permettent à certains de constituer des fortunes colossales pour trafiquer avec les hommes d’affaires internationaux à la recherche, tel des rapaces, de toutes les proies qu’ils peuvent dévorer.

L’auteure provoque ainsi la rencontre de deux mondes, celui des affairistes locaux enrichis avec la bénédiction des Européens, Soviétiques, Chinois, Arabes, ou autres encore. Les premiers ne cherchant qu’à copier ceux qui les ont aidés à construire leur fortune sans penser réellement à développer le pays qui les a vu naître et voit grandir leurs enfants. De nombreuses femmes africaines ont désormais compris qu’elles devaient s’investir elle-même dans leur travail, créer leurs propres affaires et rompre le lien de dépendance avec les grandes fortunes locales ou étrangères. La femme pourrait bien être l’avenir de l’Afrique !

Le livre sur le site des Editions de L’Aube

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CAMILLE LEMONNIER par JEAN-FRANÇOIS FOULON

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Camille Lemonnier (1844-1913) est un écrivain belge, fils d’un avocat wallon et d’une mère flamande (laquelle est décédée quand il avait deux ans, et c’est sa grand-mère qui s’occupera de lui). Il fit des études secondaires assez médiocres à Bruxelles, mais ne suivra pas les cours de la faculté des Lettres, où son père l’avait inscrit, préférant se consacrer à la critique artistique. Dans ce domaine, il défend clairement l’art réaliste contre l’académisme, ce qui revient en fait à donner à l’artiste la liberté de s’exprimer et de décrire la réalité telle qu’elle est, même s’il faut se dresser contre les institutions en place. Il se fait qu’il se trouve à Sedan en 1870 (avec le peintre Félicien Rops, qui était son cousin) au moment de la défaite de Napoléon III. Les troupes françaises sont écrasées et il y a des morts partout. Impressionné par ce qu’il a vu, Lemonnier va écrire un roman qui s’intitule initialement Sedan et qui ne sera réédité plus tard en France qu’à la condition d’en changer le titre, honneur national oblige. Le livre deviendra donc « Les Charniers » et influencera la rédaction de La Débâcle d’Émile Zola. Immédiatement remarqué dans les milieux naturalistes, Lemonnier commence à être connu, tant en France qu’en Belgique, mais il ne devient vraiment célèbre qu’à la publication de « Un mâle » en 1881. Le titre est déjà tout un programme et se veut provocateur. Un scandale éclate aussitôt, la société bien-pensante de l’époque appréciant peu cette description d’un amour rustique.

Que raconte ce livre ? C’est l’histoire d’un braconnier un peu sauvage qui n’a fait que parcourir les bois depuis son enfance, jusqu’au jour où il tombe amoureux d’une femme issue d’une famille paysanne huppée et respectable. Son amour, forcément, est sauvage et violent, bestial même, mais tellement sincère que la belle fermière ne reste pas indifférente. Elle finit par avoir une liaison charnelle avec ce mâle vigoureux, mais après un certain temps, quelque peu lassée, elle cherche à rompre, ce que ne peut accepter notre braconnier. Au moment où il cherche à revoir une dernière fois cette femme qu’il aime à la folie, il est abattu par les gendarmes, qui le recherchaient par ailleurs. L’amour finit donc en drame. Le thème traité (l’amour bestial), le fait que le héros principal appartienne aux classes populaires, le style très direct, qui s’attache à décrire la réalité quotidienne, font de ce livre un des exemples typiques du roman naturaliste. Dès lors, il n’est pas étonnant que Zola ait accueilli sa sortie avec enthousiasme. Ici, on est bien loin des envolées lyriques des romantiques (songeons pourtant que Lamartine était mort depuis douze ans seulement et que le vieil Hugo vivait encore). Qu’on en juge par l’extrait qui suit ou par celui proposé en fin d’article.

Ses bras l’étreignaient alors à la briser. Il avait des élans d’amour sauvage. Les baisers qu’il lui donnait étaient douloureux comme des morsures. Il ouvrait sa bouche sur sa chair, les mâchoires secouées d’un tremblement. Et il lui répétait à satiété qu’il mourrait si jamais elle cassait de l’aimer. 

Bref, le scandale est tel, à la sortie du livre, que les jeunes écrivains du moment (ceux qui écrivent dans la revue « La Jeune Belgique » et qui admirent Zola, Daudet et les Goncourt) organisent un banquet pour soutenir Lemonnier face aux attaques virulentes de la critique traditionaliste et surtout des journalistes catholiques.

Ceci dit, il conviendrait de nuancer, car si « Un mâle » est bien un roman naturaliste, comme on vient de le voir, le récit très réaliste laisse souvent la place à des évocations lyriques de la nature et plus particulièrement de la forêt. Cette dernière peut donc faire l’objet d’une double lecture. D’un côté elle représente le monde sauvage et brut dans lequel vit ce braconnier mal dégrossi et de l’autre elle renvoie à un monde idyllique, que la société des hommes n’a pas contaminé. Chacun peut venir y faire un retour aux sources et en ce sens cette forêt « primitive » peut être vue comme un utérus symbolique et une sorte de refuge maternel.

Dans « Happe-chair », l’écrivain aborde le thème de la vie ouvrière dans les grandes usines sidérurgiques. L’action se passe au « Pays noir » et Lemonnier a même vécu plusieurs semaines à Marcinelle et à Couillet pour étudier de près la misère et le manque de perspective des ouvriers. On y raconte la dépravation progressive de l’héroïne, Clarinette Huriaux, et parallèlement la montée inexorable de la violence sociale. On retrouve aussi le mythe éternel du Feu (feu du désir, mais aussi feu incandescent des laminoirs) qui sert de toile de fond à l’évolution du couple de Clarinette et de son mari Jacques (de la tendresse au désespoir pour l’un et à la débauche pour l’autre) et il se termine, comme dans « Germinal » de Zola, par une grève. On pourrait d’ailleurs croire que Lemonnier a imité l’illustre écrivain français, mais il n’en est rien car il précise lui-même dans sa dédicace que « Happe-Chair » a été composé avant.

Ce n’est pas pour rien que Lemonnier a été qualifié de « Zola belge », ce qu’il est assurément, même si cette appellation l’a toujours dérangé. En fait, aimant les néologismes comme les archaïsmes, il ne se voit pas vraiment comme un naturaliste, si ce n’est par les milieux décrits et le côté «animal » et rugueux de ses personnages. Il définit d’ailleurs lui-même son style comme ceci : « il s’agit de frapper l’imagination par la couleur et les images. » Il ne faut donc pas seulement imiter le réel, mais plutôt rechercher une certaine spontanéité. D’ailleurs, dans d’autres romans (« Le Possédé », « La Fin des bourgeois », « L’Homme en amour »), on pourrait dire que Lemonnier se rapproche davantage du courant « décadent » (style un peu précieux, thème de la femme fatale, perversion)

Dans « L’hallali », Lemonnier revient au monde campagnard en nous décrivant la lente décadence d’une vieille famille noble de propriétaires terriens. Les Quevauquant chassaient et géraient leurs terres depuis toujours, mais suite à des pertes financières (les temps ont changé) le fils se résoudra à devenir paysan, tandis que son père, dont la devise est «Plus oultre», veut continuer à vivre obstinément et orgueilleusement comme il l’a toujours fait. Il en mourra.

Plus tard, Lemonnier recevra le Prix quinquennal de littérature pour son ouvrage « La Belgique » (illustré de gravures dessinées). Il publie encore « La Vie belge » et une biographie, « Une vie d’écrivain ». Dans ces livres, on trouve un hommage à la Belgique et des témoignages intéressants sur la vitalité de sa littérature. Il tente aussi d’y définir la « culture belge »

C’est dans sa maison d’Ixelles que se trouve aujourd’hui le siège de l’Association des écrivains belges de langue française. Y sont exposées, grâce à l’initiative de Marie, la fille de Camille, les collections du Musée Camille Lemonnier.

Notons encore que Lemonnier, bien que Bruxellois, est également considéré comme un écrivain régionaliste wallon. Il est vrai qu’il a vécu partiellement dans le vieux prieuré de Burnot (le long de la Meuse, entre Namur et Dinant, près de Godinne). De cet endroit il dira : «« Je connus, pour la première fois, la joie passionnée de me sentir en communion avec la terre. Je pus ainsi réaliser, jusqu’à un certain point, mon rêve d’une existence un peu sauvage, songeant, lisant, écrivant, chassant, visitant les humbles, les doux et les violents, regardant filtrer dans l’âme des élémentaires les vertus rudes et simples des paysages ». Ensuite, il a à la fois décrit la campagne wallonne (« Un Mâle ») et ses industries (« Happe-chair »). Marcel Thiry disait de lui : « Un tel auteur s’est naturalisé Wallon par l’inspiration qu’il a choisi de servir. »

Tant critique d’art qu’écrivain, Lemonnier est certainement une figure marquante de l’histoire culturelle de la Belgique (Rodenbach lui décerna même le titre de « Maréchal des lettres belges »).

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Un Mâle (extrait)

Les cabaretiers s’étaient approvisionnés de bières. Des pains d’épice par tas garnissaient la vitrine des épiciers. Toute l’après-midi de la veille, les fours avaient brûlé pour la cuisson des tartes. Devant les portes, le pavé balayé reluisait. Des rideaux frais, relevés par un nœud de couleur, découpaient leur blancheur sur le noir des vitres. Un tapage de ménagères achevant à grands coups de balai la toilette des chambres, traînait dans l’air. Puis dix heures firent sonner les cloches de la grand’messe. Alors, les brosses et les seaux furent rencognés, les bras rouges enfilèrent les manches des robes, et la gaieté commença.

Des hommes montraient sur le seuil des cabarets leurs faces détendues par une naissante ivresse. Ceux-là étaient en train depuis la sortie de la messe basse. Une odeur de lampées montait de leurs blouses. Quand des groupes passaient sur le chemin, ils cognaient au carreau et les appelaient pour trinquer avec eux. Cela faisait petit à petit des assemblées.

La chaleur étant grande, on se tenait à la porte, debout devant les tables. On se parlait nez à nez, l’un en face de l’autre, avec des gestes amples. Des affaires se traitaient. La finesse, aiguisée par le genièvre, mettait aux prises les marchands de grains et les marchands de bestiaux, arrivés du matin. On se secouait les mains ; des démonstrations d’amitié rendaient les yeux tendres ; et la bienveillance augmentant, on se régalait de tournées réciproques.

Des verres vides encombraient par files inégales les tables poissées d’écume. Quelquefois un mouvement brusque d’un buveur faisait bouger les verres, qui s’entre-choquaient avec un cliquetis. Ce bruit des verres se mêlait à la rumeur des conversations, celles-ci formant un grand bourdonnement sourd comme la roue du moulin dans le bief et par moments des éclats de voix partaient, brefs et colères.

Happe-chair (extrait)

Jacques, tout ce jour-là, s’était montré taciturne et sombre. L’idée de la grève le consternait : c’était un mal plus grand que les autres, le pain coupé au ras des bouches, les échéances protestées, le meuble vendu à l’encan, un gouffre de misère où la moitié du Culot allait sombrer. Sa droiture naturelle l’inclinant à conjecturer que des motifs graves avaient seuls pu déterminer la mesure prise par l’administration, il ne voulait pas s’engager à la légère dans une aventure funeste pour tout le monde. À ceux qui lui avaient demandé s’il était pour le travail ou le chômage, il avait répondu en hochant la tête : il ne savait pas encore, il avait besoin de réfléchir avant de prendre un parti. Et tout en abattant ses charges comme à l’ordinaire, sa tête avait travaillé à l’égal de ses bras; il avait ratiociné, pesé le pour et le contre, finalement conclu que, dût-il en pâtir dans l’estime des camarades, il ne se mettrait en grève que s’il lui était prouvé que l’usine aurait pu s’empêcher de faire la diminution des salaires.

Clarinette, elle, dans son éternelle sottise, jubilait. L’idée d’un détraquement social, d’un désordre qui allait mettre aux prises le maître et l’ouvrier remuait en elle un fond trouble d’anarchiste. Toute petite, elle avait entendu parler de scènes de saccage et de violence qui quelquefois avaient bouleversé le Borinage; des villages avaient été ensanglantés par des collisions entre la troupe et les mineurs; on avait tout brisé dans les charbonnages; et elle se rappelait Lerminia, son père, disant avec un geste farouche que, s’il avait été là, il aurait visé à la tête les officiers assez rosses pour faire tirer sur le peuple.

Quand, l’après-midi, elle avait vu processionner par les rues les premières bandes, toute sa rancune hargneuse contre l’autorité, les choses établies, la bourgeoisie riche, maîtresse des destinées du petit monde, s’était réveillée. Elle s’était mise sur le pas de sa porte, avait agité un mouchoir pour les saluer au passage; et on l’avait acclamée; la colonne s’était partagée en deux tronçons, l’un qui était venu s’abattre aux «Fanfares», l’autre qui était entré chez Patraque.

— Hé!Clarinette, avait demandé l’un des meneurs en trinquant avec elle, c’est i qu’on peut compter d’sus Huriaux?

— Vô v’lez rire… Y f’ra c’ qu’on voudra… C’est moé qui vô l’dis.

Elle aurait voulu qu’on allât en masse à Happe-Chair, qu’on défonçât les grilles, qu’on éteignît les hauts fourneaux ; et comme une claque battait des mains en riant, elle se monta, déclara qu’il eût fallu pendre à la plus haute des cheminées Poncelet et les ingénieurs, tous des canailles! Alors la chambrée détala, en chantant sur un air demeuré en vogue depuis la chute du dernier ministère :

À bas Poncelet! À bas l’ grigou!

Faut le pendre la corde au cou!

On notera dans cet extrait que Lemonnier est sensible aux descriptions et qu’il veut s’assurer que son lecteur a bien compris son propos. C’est pourquoi il répète souvent deux fois la même idée (« taciturne et sombre », « il avait ratiociné, pesé le pour et le contre… », « L’idée d’un détraquement social, d’un désordre qui allait mettre aux prises le maître et l’ouvrier »). Le but est bien de signifier au mieux la réalité.

On notera aussi que Jacques, le mari de Clarinette, est tout le contraire de son épouse. Il est réfléchi (« il ne voulait pas s’engager à la légère ») et ne jette pas directement la pierre au patronat, estimant que ce dernier avait peut-être de bonnes raisons d’agir comme il l’a fait (« Sa droiture naturelle l’inclinant à conjecturer que des motifs graves avaient seuls pu déterminer la mesure prise par l’administration. ») Il est donc avant tout raisonnable et instruit, alors que Clarinette réagit instinctivement et sans réfléchir. Pour elle, la grève qui s’annonce est une fête où elle peut parader (elle se met devant sa porte et se fait applaudir). En fait, elle vise moins à modifier le système économique en place (trouver un rapport équitable dans les relations entre le patronat et le monde ouvrier) qu’à s’en prendre à des individus particuliers. D’ailleurs, là où elle regarde vers le passé, calquant sa réaction présente sur celle de son père autrefois (faut-il y voir une preuve de l’hérédité qui conditionnerait le monde ouvrier ?), Jacques pèse les conséquences futures de la grève, en bien comme en mal. 

En fait, par ce dualisme (Marinette et son mari) Lemonnier nous montre bien où il se situe politiquement. Il imagine un monde un peu idéal où des ouvriers raisonnables et des patrons compréhensifs parviendraient à trouver un accord pour le plus grand profit de tous. On pourrait dire que Jacques ressemble un peu au héros du Germinal de Zola, qui lui aussi est réfléchi, qui ne se lance pas dans une grève sur un coup de tête, mais qui tente de la mener jusqu’au bout une fois qu’il l’a estimée nécessaire. S’il existe donc une sorte de déterminisme dans les milieux populaires qui pousserait les ouvriers à se complaire bêtement dans leur situation, en gérant mal leur vie, il y aurait moyen aussi de monter les échelons de la société et d’améliorer sa condition (alors que Clarinette quittera Jacques et abandonnera sa fille à cause de son goût pour la luxure et le sexe, celui-ci deviendra contremaître).

Pour terminer, notons que les dialogues en patois tranchent nettement avec le style noble de l’auteur et servent à mieux faire « sentir » le milieu ouvrier qui est décrit dans le roman.

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Trois livres de Camille LEMONNIER dans la collection Espace Nord

À lire aussi sur Les Belles Phrases : Camille LEMONNIER et ses romans Un mâle et Happe-chair, par Jean-Pierre LEGRAND & Philippe REMY-WILKIN

IL S’ENFERME DANS UN CAISSON POUR ÉCHAPPER À L’EMPRISE D’UN HOMME POLITIQUE

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C’est revêtu d’un scaphandre de son grand-père que Frédéric Houellebecq est descendu ce jeudi matin dans un abri sous-marin.

Frédéric Houellebecq (un nom d’emprunt afin de conserver son anonymat) a choisi de se réfugier dans un caisson anti-onde plongé dans le fond du canal au bout de son jardin, un lieu sordide qui fait régulièrement les frais de visites des touristes du monde entier organisées dans le cadre d’un regrettable safari urbain.

Si Frédéric est en est arrivé là, c’est afin d’éviter la communication omniprésente d’un homme politique de sa région qui s’immisce jusque dans son cadre privé et dont il ne peut plus se prémunir des effets sur son psychisme fragile par les moyens ordinaires.

L’homme politique en question, par ailleurs sympathique, fait publier en permanence, par son équipe de com, des vidéos promotionnelles, il apparaît sur les photos prises à l’occasion de manifestations publiques, à l’instar du Zelig de Woody Allen et il vient de faire paraître un livre appelé à lui assurer une présence surmultipliée durant les prochains mois dans les médias, d’autant que la période électorale approche et qu’il sera enfin élu et en mesure d’occuper de plus hautes fonctions à l’échelon régional ou national voire à la tête de son parti si la tête actuelle devient premier Ministre.

Frédéric H. est suivi par une équipe de santé mentale qui, après avoir examiné toutes les possibilités thérapeutiques, s’est résolue pour son bien-être à cette solution extrême.
Des voix dans l’équipe médicale s’élèvent en sourdine (mais on les a entendues) pour dire que l’homme atteint nerveusement pourraient là aussi être rattrapé par les ondes néfastes.

Une calamité pire que les punaises de lit et le mélanchonisme agressif !

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LA FABRIQUE DES MÉTIERS : 159. MULTIPLICATEUR DE FRONTS

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Le front est l’interface entre la lumière et les ondes alpha du cerveau.

Chaque face dispose d’un seul front, c’est peu.
C’est peu en regard de la demande du cerveau en oléagineux et en fines particules.

Un seul front ne peut subvenir aux besoins en bonheur simple du cerveau moyen.

On a calculé que deux fronts font plus de bien qu’une séance de yoga vinyasa journalière et que cinq fronts procurent autant de sérotonine que cent écoutes à la suite du concerto pour piano n°2 en do mineur de Rachmaninov (par Sviatoslav Richter)

Par une opération que seuls l’Oulipien goncourisé et les pataphysiciens patentés peuvent comprendre, le multiplicateur de fronts, qui a fait l’école vétérinaire, multiplie à l’envi les fronts réverberants sur la face commune.

L’opération diminue chez l’heureux propriétaire de la face à fronts les risques de conflits personnels et l’assure d’une aura qui éclipse en luminosité celle que dispenserait, c’est dire, la vue de Patrick Bruel et Benjamin Castaldi réunis dans une même pièce (d’Eric-Emmanuel Schmitt).

Paré de ses différents fronts, assuré de réagir à toute attaque d’éco-anxiété et tout accès de solastologie, le propriétaire de tant de fronts n’a plus de prise de tête et peut se passer de soins spirituels. Ne réfléchissant plus (l’intelligence), il va franc battant, l’esprit guerrier, au-devant des communautés à risque, les francs borains fanfarons (et leur avant-garde politique) comme l’harmonie du vingt-septième bataillon de djihadistes amateurs de musique céleste (un brin tapageuse).   

Comme on le lit ici, le multiplicateur de fronts évite (à ce qu’il se murmure) les concerts de lamentations, la littérature de réconfort et les besoins en consolation, énergivores à souhait. Et, par conséquent, il prolonge de quelques heures précieuses la longévité de l’humaine condition, pacifiste et fraternelle, il va sans rire.

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2023 – SOUVENIRS DE LECTURES : DES MOTS ET DES IMAGES / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans cette rubrique, j’ai regroupé des lectures que j’ai faites au printemps et en été 2023 et quelques autres encore. Dans cette première chronique, j’ai ainsi réuni des livres illustrés dans lesquels les images ont au moins autant de poids que les mots. On y trouve ainsi : Un témoignage de Claude POULET en photos et commentaire sur son hiver passé dans les Montagnes Rocheuses, un livre de Marie HEUZE-BERN illustré par Rita MENZ et une bande dessinée proposée par mon ami Claude BOUVERET et son dessinateur Damien ROUSSEL sur sa très chère ville de Salins-les-Bains.

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Chroniques du Wyoming

Claude Poulet

Editions de Borée

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Claude Poulet est un photographe professionnel connu et reconnu, il collabore à de nombreux magazines, journaux et revues prestigieux comme Géo, Paris Match, le Figaro Magazine, VSD, Sterne et d’autres encore. Il a parcouru le monde pour dénicher les meilleures photos qui font la renommée de ces médias où le « choc des photos » et souvent plus important que « le poids des mots ». Il a édité de nombreux livres et participé à de nombreux tournages pour la télévision et le cinéma en diverses qualités. Depuis une quinzaine d’années ile partage son temps entre la France et l’Ouest Américain dont il devenu un spécialiste. Et, c’est ainsi qu’il a décidé de passer une année complète seul dans les montagnes du Wyoming dans une petite « cabin », à 2 000 m d’altitude,  avec pour seuls compagnons ses quatre mustangs, des chevaux qui résistent aussi bien au froid, à la neige et au blizzard qu’aux longs efforts sur des pistes caillouteuses sans être ferrés.

Un ami propriétaire d’un immense ranch près de Dubois, lui a prêté cette « cabin » où il s’est installé en juin pour commencer son séjour dans les meilleures conditions. Il raconte celui-ci dans un livre en forme d’éphémérides où chaque mois constitue un chapitre. Sa principale occupation consiste donc à dénicher les meilleures photos pour illustrer son livre et, ensuite, à assurer ses conditions de séjour, il lui faut notamment anticiper la période hivernale particulièrement froide dans cette contrée aux pieds des sommets le plus élevés du Wyoming. Chaque mois, il regroupe une trentaine de photographies qu’il accompagne d’un texte explicite pour situer la photo dans le temps, l’espace et le monde dans lequel il séjourne. Avec ses photos et ses mots, il montre les paysages somptueux, la flore et la faune, du plus petits insectes jusqu’au grizzli qui hante les abords de son logis, ses conditions de vie : logement, nourriture, …

Quelques amis, quelques touristes de passage, des journalistes et des reporters en mission pour un tournage, comme Thierry Lhermitte qui a accepté d’endosser le rôle de préfacier de cet ouvrage, viennent rompre la monotonie de son séjour. C’est à chaque fois un grand plaisir et l’occasion de faire de nouvelles photos. Le lecteur de ce livre se mue vite en spectateur ébahi et enthousiasmé par ces magnifiques paysages et par la flore et la faune qui l’habitent. C’est une véritable invitation à partir à la découverte de ces régions restées si longtemps désertes que l’homme blanc n’a découvertes qu’au XVIII° siècle. Le monde primitif existe encore mais pour combien de temps, Claude Poulet est inquiet la température monte aussi dans les grandes montagnes de l’ouest américain. Alors, avant que la faune déserte ses régions, sellez vite votre cheval et partez dans la montagne au pays des wapitis, des loups, des ours noirs ou bruns, des antilopes, des mustangs et de bien d’autres espèces encore qui nous fourniront le prétexte à de magnifiques photos.

Ce livre est un excellent avant-goût d’une telle expédition ou à défaut, comme pour moi, un très bon ersatz.

Le livre sur le site de l’éditeur

Le site de Claude Poulet

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Rendez-vous à Biarritz

Dessin : Rita Menz

Texte : Mary Heuze-Bern

Louise Bottu éditions

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Ce texte, je l’ai déjà lu et commenté en 2016 dans une édition publiée par le même éditeur. Aujourd’hui, il sort dans une nouvelle version sous la forme d’un bande dessinée. Je ne reviendrai pas sur ce texte qui est identique dans les deux versions, j’ajouterai seulement que dans ce livre graphique la dessinatrice convoque les œuvres d’une trentaine d’artistes, principalement des peintres : Duchamp, Turner, Magritte, Bacon, Dali, Courbet… Le dessin de Rita Menz est très moderne, à dominantes noires avec quelques éclairs de couleurs chatoyantes pour le rehausser. Le texte est rédigé dans une grosse écriture ronde, à mon sens très féminine, qui occupe très bien l’espace qui lui est réservé en empiétant même parfois sur le dessin. L’illustratrice a aussi inséré dans ce livre quelques créations graphiques du meilleur effet. Le graphisme, les couleurs et l’écriture proposés par Rita Menz confèrent au livre un caractère sombre, agité, un peu brouillon, éclectique qui pourrait évoquer le désir de plonger le lecteur dans le chaos, dans une certaine confusion…

J’ai reproduit ci-dessous mon texte original :

« « Trente-trois ans basculent dans l’étroit F3, il en a vu d’autres : le noir mord sur le blanc, le blanc sur les couleurs et les preuves se chevauchent, piquées au vif et à ce pan de mur que les 60 watts du palier ravivent. » Dans ce langage très original, inventif, créatif où ce qui qualifie les personnages, les lieux et les choses, est seul exprimé pour soutenir l’action et orienter la lecture, j’ai vu comme une bande annonce, la bande annonce d’un roman qui serait un polar car tous les ingrédients de ce genre littéraire sont évoqués sans que l’intrigue ne soit jamais dévoilée.

Ce très court texte est mis en scène comme la bande annonce d’un film, policier en l’occurrence, on reçoit des images chocs en plein visage, des flashs fulgurants, du bruit, des bruitages plutôt, un peu de musique même. Tout est écrit comme pour annoncer ce qui serait dans un autre texte plus long, plus explicite, plus abouti. Les gestes, les actions, priment sur les personnages qui restent très fugitifs, chaque chose, ou personnage, est juste esquissée à travers ses attributs. Un texte choc, imagé, coloré, dynamique, pour créer une ambiance, pour générer des sensations, pour suggérer des impressions.

Comme dans une bande annonce, on ne connait pas réellement le problème, on sait seulement qu’il se passe quelque chose de violent, de mystérieux, qu’il faut que quelqu’un intervienne à Biarritz (s) pour rétablir l’ordre qui apparait bien chamboulé. On ne connait pas l’intrigue, on sait seulement qu’il y en a une et qu’elle est violente, on a envie d’en savoir plus et on lirait volontiers le polar qui raconte cette histoire mystérieuse qui se déroule à Biarritz ou à Biarrisse, aux confins de l’Espagne le « z » et le « s » peuvent se confondre pour celui qui n’est pas autochtone. On sait que « La basket lui en colle une… » mais on ne sait pas qui est derrière la basket et qui ramasse la beigne.

Un livre étonnant, un livre qui m’a enchanté et j’y ai même vu sprinter le fameux Dédé Darrigade qui, à notre grand bonheur, raflait régulièrement les étapes de plaine du Tour de France quand j’étais môme. Je me souviens même qu’il avait été champion du monde en Hollande en devançant, au sprint, toujours, un certains Howenaers, si ma mémoire ne me lâche pas. »

Le livre sur le site de l’éditeur

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Salins-les Bains – Une histoire qui ne manque pas de sel

Claude Bouveret (Texte)

Damien Roussel (Dessin)

Salins pays du livre

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Comme de nombreuses petites cités de caractère et de charme qui agrémentent le territoire français, Salins-les Bains, petite ville du Jura, a connu le déclin à partir du milieu du XX° siècle après avoir vécu son âge d’or en d’autres temps. L’association Salins pays du livre qui œuvre pour la valorisation du livre et la défense du patrimoine local, a décidé de publier l’histoire de la cité sous forme d’une bande dessinée. Claude Bouveret, Salinois d’origine, passionné par sa ville et son passé, diplômé d’histoire, s’est attelé à la tâche. Il a construit le texte que Damien Roussel, un dessinateur reconnu et expérimenté, a illustré d’une cinquantaine de planches. Pour construire leur scénario, les deux compères ont choisi de mettre en scène une équipe de télévision en reconnaissance à Salins pour préparer une émission tournée dans la cité. Les deux membres de cette équipe sont accueillis par des personnages actuels actifs dans la ville qui les conduisent à la rencontre de personnages historiques qui eux leur racontent la ville de Salins depuis ses origines vers la fin du V° millénaire avant Jésus-Christ.

Ils rencontrent ainsi des historiens, des archéologues, et bien évidemment des religieux : Saint Anatoile, le saint patron de la cité, Saint Claude personnage éminent en Franche-Comté, Hugues de Salins le grand archevêque de Besançon au XI° siècle. Salins est une ville qui possède la particularité de posséder des sources salines que des cochons auraient détectées pour se régaler de leurs eaux salées. Ils seraient ainsi les créateurs de la ville : légende, histoire, un peu des deux certainement. Ce qui est sûr c’est que Salins est devenue au moyen-âge classique une cité très prospère qui attiraient, les marchands, les ordres religieux et les seigneurs voisins qui se disputaient les puits à sel.

Après l’âge d’or du sel qui a couru jusqu’à la fin de la domination impériale, les calamités se sont accumulées et la ville connut alors les malheurs et les outrages des guerres et des épidémies. La foi de ses citoyens fut alors le dernier rempart contre ses calamités. A l’époque industrielle, Salins connut une nouvelle ère de postérité grâce à ses salines, ses scieries, sa faïencerie et sa saumure qui descendait jusqu’à la Saline royale d’Arc-et-Senans. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que les usines locales ont décliné et ont, pour la plupart, disparu. Le thermalisme développé sur les eaux salées à quelque peu comblé les pertes d’emplois et de ressources financières mais n’a pas suffi à endiguer le déclin de la cité.

Aujourd’hui, les acteurs locaux ont entrepris un vaste chantier, dont fait partie l’édition de cette BD, ils veulent redonner une meilleure image de la ville, faire découvrir son riche passé fondé sur le sel mais aussi sur quelques personnages éminents nés dans la cité comme Guigonne de Salins, la fondatrice avec son mari des fameux Hospices de Beaune, Victor Considérant disciple de Charles Fourier, …, et d’autres comme Gustave Courbet et Louis Pasteur, …, qui y sont passés et y ont laissé une trace indélébile. Salins a été une cité qui a rayonné bien au-delà du Jura et de la Franche-Comté, l’or blanc lui a conféré richesse et prestige qui peuvent servir aujourd’hui pour un nouveau développement de la ville.

Petite anecdote révélatrice du dynamise salinois, c’est dans cette cité qu’a été fondée la première caisse du Crédit Agricole, la gigantesque banque que tous connaissent aujourd’hui. Preuve que la ville peut encore déborder de sa vallée et rayonné partout en France et même ailleurs. L’auteur a mis tout son cœur et tout son savoir pour rédiger les textes de cette BD, sa ville il la connait dans ses moindres recoins, à travers toutes les époques qu’elle a vécues, à travers tous le personnages importants qu’elle a enfantés ou vus passer mais surtout il l’aime passionnément. A un tel point qu’il a insufflé sa passion à son collègue dessinateur qui par son trait épuré et ses couleurs pastel lui a bien rendu son amour de la cité. Gageons que tous ceux qui liront cette BD se précipiteront à Salins-les-Bains pour un parcours découverte sur les traces de Bouveret et Roussel.

Le site de Damien Roussel

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LA NUIT OBSCURE DE MARIE de GIULIANO LADOLFI, traduit en roumain par SONIA ELVIREANU (Ed. Ars Longa) / Une lecture de CLAUDE LUEZIOR

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Vaste et douloureuse prière, comme celle que l’on voit dans le geste et le regard d’une descente de croix ou d’une pietà. Les propos du préfacier Giulio Greco illustrent parfaitement le texte : sentiment de perte, d’impuissance, de douleur et de désespoir chez Marie au pied de la croix, en une période d’aridité spirituelle tragique. Des questions assaillent l’âme tourmentée… En cette nuit obscure de la Mère, Giuliano Ladolfi dépeint la crise de la civilisation occidentale. Et le postfacier Ivan Fedeli de reprendre les aspects de ce monologue intérieur immensément humain d’une Marie dramatiquement jetée dans le monde d’avant la résurrection.

Dans un premier élan, souvenirs émus d’un temps ancien :

Les bergers sont venus

avec des yeux pétillants d’émerveillement

Une lumière les a conduits à la cabane.

en chantant « Gloire aux cieux ! »

Qui était cet Enfant

sorti de mon ventre ?

Dans l’extase ils osaient le toucher.

À la fin de la Vie, cette nuit où le mal semble avoir englouti le bien, où l’obscur a tissé des voiles sur les pans de toute lumière, où le doute englue l’espoir, où Marie aimerait se substituer à son fils : dois-je monter sur la croix ?

Ce poème déchirant de Giuliano Ladolfi, écrivain et fin lettré italophone, élégamment traduit par l’autrice et professeure Sonia Elvireanu dont on connait les fibres spirituelles, nous fait penser aux affres et aux doutes qu’endure notre monde à l’heure actuelle : guerres entre peuples frères, massacres et bombes illuminant de leurs sombres lueurs la chair de femmes, d’hommes et d’enfant déchiquetés ou ensevelis sous les gravas au Proche-Orient, Soudan à l’abandon, Ukraine martyrisée, Yémen, terre de la reine de Saba, dévastée. La liste n’est malheureusement pas exhaustive ! Ne sommes-nous pas, telle Marie, infiniment fragiles au pied de cette croix immense dont nous ne percevons parfois, trop souvent, que l’ombre tragique ?

Et Ladolfi de conclure son recueil :

Les yeux maintenant desséchés

ne voient rien d’autre qu’un rocher

sur un sol où

cette graine a été enterrée

qui devait

unir le temps à l’éternité.

Aridité et force du propos que souligne la très belle œuvre de couverture par Oleg Supereco. Il est bon de voir et de sentir, au-delà des frontières, cette collaboration artistique franco-italo-roumaine. L’espérance chrétienne viendra sans doute plus tard, avec la vacuité du tombeau. Un peu plus tard, et pour l’éternité.

Claude Luezior

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La nuit obscure de Marie / Noaptea întunecată a Mariei de Giuliano Ladolfi, édition bilingue en français et en roumain, traduction de Sonia Elvireanu, préface de Giulio Greco, postface d’Ivan Fedeli, couverture d’Oleg Supereco, 131 p., Ed. Ars Longa, Romania, 2023

Le livre sur le site des Editions Ars Longa

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