Fraise
Le mot fraise
À lui seul
Crée une île rouge
Avec tes lèvres
Pour unique radeau
Cheminer sur l’eau
Abattre la pirate
Qui est en toi
Pour gagner ta bouche
Hisser le drapeau blanc
D’un baiser
Lent comme un abordage
Manger
Tu veux me manger
Tu ne dis pas quand
Ni dans quel restaurant
Je vais te faire grossir
J’ai beaucoup de calories
Et la viande trop blanche
A force de manque de soleil
J’ai de la graisse
Et je manque de grâce
Sinon dans mes rêves
Mes désirs de ballerine
Enfouis dans mes cerfs-volants
Aurai-je le temps de goûter tes lèvres
Je risque de passer bien vite
De ton palais à ton œsophage
Tu veux me manger
Mais as-tu faim vraiment
Ou c’est pour passer le temps
Allez, je m’habitue à l’idée
De m’étaler dans ton assiette
A côté d’une belle serviette
D’une table bien rangée
Et j’imagine – tu es si délicate –
D’un portrait de moi en pied
Tu veux me manger
Tu ne dis pas quand
J’attends tes dents !
Les solidarités monstrueuses
On a dû te dire
Que la solidarité est sérieuse
Entre gens de bonne compagnie
Quand tu es entrée
Dans la chambre aux plaisirs
Un sourire au bord des lèvres
Quel bonheur de lire Sade
Entre les jambes d’une bayadère
Sans savoir rien de son trépas !
On a dû te dire
Que la solidarité est monstrueuse
Entre gens de mauvaise compagnie
Quand tu es sortie
De la chambre aux horreurs
Un filet de sang au bord des lèvres
Mais on va dans la vie
Sans apprendre ce genre de choses
Qu’aucune école n’en saigne
Si bien que la mort vous cueille
Toujours au seuil de l’innocence
Avec des rêves à peine ouverts