Qui était vraiment Amstrong

Armstrong est né au début du XXème siècle dans une famille pauvre de Louisiane. Enfant, il chante dans les rues de la Nouvelle-Orléans dans un petit groupe vocal. Plus tard, ses talents de trompettiste et son charisme feront de lui une figure emblématique du jazz. C’est à cette époque qu’un agent de la NASA le repère et lui propose une tournée sur la Lune. Mais le public n’est pas au rendez-vous et son CDD d’astronaute n’est pas renouvelé. En 1971, il se découvre soudainement une passion pour le vélo. Il change alors totalement de carrière et s’entraîne sans relâche. L’âge venant et conscient qu’il ne pourra plus atteindre un haut niveau professionnel en cyclisme, Armstrong décide de se doper abondamment. Il crée ainsi la surprise en remportant plusieurs fois le Tour de France entre 1999 et 2005, après avoir vaincu un cancer décelé un peu plus tôt. En août 2012, Armstrong connaît de nouveaux démêlés avec les autorités anti-dopage et décède quelques jours plus tard. Malgré sa face cachée, Armstrong est considéré comme un héros. On retiendra de lui ses premiers mots prononcés lorsqu’il contempla la terre depuis la lune, « What a wonderful world », et dont il fit une chanson à succès.

Source: http://www.13lignes.be/

Un été pourri

images?q=tbn:ANd9GcRECcocSapBa6pJsm5mBSrUL7JrMqtB2ERPcTHhL7kj4gjEOBDkehZl5PgL’été promettait d’être beau, apaisé, peace & love. Avec la libération de Michelle Martin, on se voyait déjà se promener à Malonne, près du couvent des sœurs Clarisses qui avaient accueilli la repentie. Il n’était pas exclu, lors d’une balade familiale dans les environs, de la croiser en compagnie de Jean-Denis Lejeune venu lui apporter son soutien dans l’épreuve, de lui demander de ses nouvelles, de celles de ses enfants : « Ce ne doit pas être facile tous les jours, Madame Martin, de vivre parmi tant de haine, les gens sont mauvais, ils ne comprennent pas, ils sont restés au stade infantile, œil-pour-œil-dent-pour-dent, et puis à l’école on ne leur explique pas les modes de libération (in)conditionnelle… «  Puis les journalistes s’en sont mêlés, on les a vus à la télé postés devant le couvent (période creuse pour l’actualité oblige), incitant les estivaliers par leur présence même à les rejoindre pour prostester. Puis on a vu les parents de Julie & Melissa, d’An et Eefje réapparaître, reprendre les armes. Tiens, ils existaient encore, ceux-là, ils ne s’étaient pas terrés dans leur chagrin, rongeant leur frein ad libitum. Tiens, on aurait même dit que le mouvement de population en leur faveur leur faisait plaisir, nourrissait leur cause, abondait dans le sens de leurs revendications rétrogrades, ils allaient presque infléchir le cours de cette justice qui fonctionnait si bien, au taux de récidive minimal… Pour sûr que l’été allait être pourri, qu’on allait connaître des poussées d’exhalaisons pestilentielles, comme des odeurs de caniveau, il faudrait se tenir à l’écart, retenir ses mots, ses maux, parler comme une sommité morale, un gourou du penser juste, un vieux sage de la magistrature…

La fleur en papier doré

images?q=tbn:ANd9GcT0KtQoU9iimbHBghWe9kB6Z2RU3HxIELFT5yk9NmXKvjGXM_atUkpU3Apar Denis Billamboz

C’était un dimanche de mars, un dimanche mouillé et frisquet, comme il y en a souvent en cette saison à Bruxelles, nous allions d’un pas lourd d’une nuit trop courte, la tête encore dans les vapeurs de cette nuit de fête, de retrouvailles annuelles et de bière absorbée sans conscience du lendemain. Doucement la pluie nous poussa vers une taverne accueillante au joli nom de « La fleur en papier doré », repaire des surréalistes à l’époque de Magritte. La carte des bières retint notre attention, elle le méritait bien, même avant que nous consacrions un regard admiratif et nostalgique à ces lieux qui avaient connu tant d’artistes célèbres. La première gorgée de bière dégustée, chacun sortit le livre qu’il souhaitait offrir à son voisin et c’est comme ça, ou ça aurait pu être comme ça, que Virginie me donna le sien, « La nostalgie du carillon » et qu’Eric me remit son premier livre « Penchants retors » car j’avais déjà son dernier, « Les corbeaux brûlés ».

Aujourd’hui, je voudrais parler de ces deux livres car j’ai déjà passé un peu de temps à stigmatiser des livres quelconques trop médiatisés et qu’il m’est plus agréable de dire du bien d’excellents textes bien trop peu connus.

 

Les corbeaux brûlésimages?q=tbn:ANd9GcQ1Np0ypT28c_prpvchNUzHtB2U0q0KppDLOvQvAY38iMmKpFzrIuW95w

Eric Allard (1959 – ….)

 « C’est extra !

C’est extra ! »

Excuse-moi Eric, je n’ai pas pu lire plus de deux textes de ton recueil sans que ce vieux Léo vienne me chatouiller les oreilles.

« Ces mains qui jouent de l’arc-en-ciel

Sur la guitare de la vie »

Comme tes mots qui n’attendent que la musique pour souffler le vent aux oiseaux, verser l’eau des larmes, embraser le feu des sexes et fertiliser la terre des ventres. Mots de tous les éléments réunis dans une ode à la pureté de la nature originelle, à l’innocence d’une Eve enfiévrée par le désir et comblée par le plaisir. « L’écume de mes nuits a l’odeur de tes seins »

« Et cette chair que vient troubler

L’archet de ma chanson »

Mots qui nous conduisent sur les ailes de leurs phrases aux confins de ces nuits dans des aubes liquides quand les corps repus coulent dans la pâle aurore. « Tu bavais des baisers comme des mots que je récoltais sur ma peau pour m’en faire un manteau de phrases. »

« Et dedans comme un matin gris

Une fille qui tangue et qui se tait. »

Textes qui célèbrent les corps païens qui ne sont pas encore corrompus par l’humanité et qui se meuvent dans les humeurs originelles : eau, larme, sang, mouillure, … dans des ambiances diaphanes là où la nuit meurt et où le jour n’est pas encore né, quand « Le jour se liquide »

« Qui ruisselle dans son berceau

Comme un marin qu’on attend plus »

Langue de la chair qui parle avec des mots écrits avec le sang et les larmes. Langue qui manie l’oxymore et le paradoxe, l’allusion et l’illusion, l’à propos et le quiproquo. Langue qui charrie le feu, le plaisir, la chair, dans la nuit et l’aube.

« C’est extra !

C’est extra ! »

« Parfois, il me faut lire d’autres livres que ceux qui sont écrits. »

 

images?q=tbn:ANd9GcRp46JUcQftYGFGKKziO5f6X9i_COPuxpj18xTDxDiKZiaXXyB5LErY24pZLa nostalgie du carillon

Virginie Holaind (1979 – ….)

Quand elle m’a donné ce livre, « Un matin place du Jeu de Balle. Dans le désordre du marché aux puces », la sorcière bleue, la fée rousse, je ne sais plus très bien, je n’ai pas senti toute la magie qu’elle avait brodée sur ces quelques pages. Je n’avais vu que ce petit âne-accordéon que Joachim, Joachim Regout, a dessiné au milieu de la couverture de ce petit livre qui évoque les petits trésors que les dames feuilletaient dans les cours de l’ancien régime.

Et, dans mon fauteuil, quand j’ai ouvert ce petit opuscule, j’ai libéré un air d’accordéon qu’un vieil homme qui ne l’était pas tant que ça, jouait pour faire tomber quelques pièces sur le carré de chiffon qu’il avait étendu à ses pieds, juste quelques pièces qui lui permettraient de vivre encore un peu. Car l’accordéon est magique comme la sorcière, la fée, il fait tomber les pièces sur le carré d’étoffe mais il dévore la mémoire du vieil homme qui oublie d’où il vient, là-bas à l’Est, où c’était mieux, où il existait.

En quelques mots délicatement brodés sur ces quelques pages, la sorcière, la fée, raconte l’exil, la solitude, la nostalgie, la pauvreté mais pas la misère, avec une profonde délicatesse, une grande tendresse sans jamais s’apitoyer inutilement, seulement un peu de mélancolie et de désespoir pour compatir, témoigner, montrer à ceux qui ne veulent pas voir en jetant une petite pièce au pauvre joueur d’accordéon sans même le regarder.

Un bijou de texte qui mêle la prose et les vers en une même poésie, qui jongle avec la forme pour rythmer la lecture comme le vieil homme rythme le souffle de son accordéon. Mais comme mes mots ne savent pas dire ce que je ressens, je laisse la place à la sorcière, la fée, et aux quelques fragments de texte que j’ai choisi presqu’au hasard de ma lecture :

« Juste le silence et les pas qui écrasent le temps.

Son accordéon qui se tait quand chante le carillon.

Il étendra sa couverture rouge et ce bout minuscule où quelques pièces tomberont.

La joie, ça ne parle pas la même langue chez tout le monde.

Il se rappelle à peine d’où il vient. Là-bas, plaines de l’Est…

Il oublie ce qui existe ou a existé

Peut-être viendra aussi le jour où il oubliera qu’il a oublié…

Là-bas il existait. S’il s’en souvient bien. Il existait. »

Art et saveur à l’abbaye de St Denis

Les artistes, les écrivains, les musiciens s’y retrouvent depuis le Moyen-Age188063_510614865631192_1900094910_n.jpg

Au travers de l’organisation « Art et Saveur » du Rotary Club de Soignies, cette tradition se perpétuera cette année encore les 25 et 26 août 2012 !
Animations permanentes (ambiance musicale),
Expositions-vente d’une cinquantaine d’artistes (peintres, sculpteurs, photographes…) professionnels et amateurs, entourant l’artiste invitée, le peintre Ferdinand Pire
Espace-Démonstration des artisans d’art (bijoux, tissus, bois, métal, cé

ramique, pierre…)
Espace-Rencontre d’Ecrivains avec vente et dédicace de leurs oeuvres
Festival BD
Occasions à faire: vieux bouquins et romans de poche
Animations enfants
Marché de produits du terroir
Espace-Saveurs (Produits du terroir)
Bars « Autours de la Brocqueroise » (grange aux Dîmes, Cloître des Convers et ancienne Glacière)
Restauration chaude et froide
 
 
 
 
J’y dédicacerai mes recueils en compagnie de nombreux autres auteurs, notamment Jean-Philippe Querton, Gauther Hiernaux et Dominique Watrin (pour les éditions CIé) et de Marcelle Pâques, Jean Botquin… 

 
vendredi 24 août : vernissage de l’exposition à 18h30, suivi du « Repas des Artistes » (sur réservation))

samedi 25 août : de 10h à 22h, le site entier dédié à « Art et Saveur en Abbaye »

dimanche 26 août : de 10h à 19h, le site entier dédié à « Art et Saveur en Abbaye

 
 
 
 
 
 
 
 
 

« N’importe quel angle d’invisibilité suffisait à sa joie »

images?q=tbn:ANd9GcTwbofDZ7OweYFuCqFqJRia0Eht92_f4qjRBPw9_-9oKJuxamhB_i9sL-uC   Seule, elle dormit de moins en moins. Aussi lisait-elle la nuit. Elle avait demandé à l’hôtel qu’on fît sa chambre en premier. Sitôt après l’arrivée des femmes qui s’occupaient du service, la chambre était faite. Elle quittait l’hôtel dès les premières lueurs de l’aube, entre cinq et six heures. Elle vagabondait en jean gris et en baskets jaunes dans le calme et la fraîcheur, dans les ombres si longues de la fin de la nuit ou du début de l’aube, sortait de la petite ville balnéaire, empruntait les sentiers, flânait dans l’herbe, mouillait ses pieds dans la rosée, dans les vignes, dans les champs d’oliviers, dans les bosquets, cherchait à se perdre, aimait se perdre, parvenait à se perdre. Elle était curieuse de tout ce que pouvait dissimuler un muret ou une palissade. Elle n’avait aucun regret de sa maison de Paris ni, il est vrai, de sa petite domiciliation tout improviste dans les lierres, sur l’Yonne, chez Georges Roehl. Ne serait-ce que sa capuche de ciré jaune, ne serait-ce qu’un angle de mur, ne serait-ce qu’un bout de roche, n’importe quel angle d’invisibilité suffisait à sa joie. Il suffisait de compléter son corps d’une arête ou être sans regard. D’une chambre sans vis-à-vis où se blottir. D’une petite terrasse ou d’un bout de balcon où replier son corps et y épier le jour. Elle trottait dans la lumière naissante. Elle était curieuse des mœurs des gens dans l’aube, des premiers gestes où le ton de la journée se décide, le plafonnier de la cuisine, qui s’allume, le chien auquel on ouvre la porte pour qu’il rentre, les gens qui se vêtaient, qui se passaient un coup de peigne, qui reculaient soudain devant leur miroir pour s’y surprendre. Quand le soleil était là, quand les ruelles et les rues se remplissaient de vie et de hâte, d’odeur de tabac, d’odeur de café au lait , dodeur d’eau de Cologne , elle arrêtait un microtaxi qui la ramenait à l’hôtel en pétaradant et en klaxonnant. Elle prenait un petit déjeuner pantagruélique  dans la salle à manger, sous les grandes arcades blanches couvertes de vigne vierge encore bourgeonnante, qui dépliait par endroits seulement  les feuilles encore coagulées de sève. Elle se reposait devant la piscine toujours plus ou moins fumante de l’eau tiède du volcan.  Devant elle, deux ou trois heures avant les Russes, les Allemands plongeaient déjà en éclaboussant tout. Elle attendait que la piscine fût vide d’Allemagne pour y nager lentement à son tour. Ruisselante elle montait à sa chambre, prenait une douche, se glissait dans son lit, travaillait.

C’est là qu’elle composa le minuscule quatuor dédié à Katherine Philips.

Elle acquit à Naples un ordinateur qu’elle fit installer dans sa chambre et sur lequel elle commandait les partitions et les livres qu’elle souhaitait examiner.

Pascal Quignard, Villa Amalia

Bande-annonce du film de Benoît Jacquot

Quignard parle de son prochain livre, Les désarçonnés (Grasset), 7ème tome de son cycle Dernier royaume, à paraître le 12 septembre 2012

Une interview de Pascal Quignard pour Philosophie Magazine (1 nov. 2009): « La philosophie, c’est du happy end assuré »

http://www.philomag.com/article,entretien,pascal-quignard-la-philosophie-c-est-du-happy-end-assure,1054.php




COMME UN ROMAN-FLEUVE de Daniel CHARNEUX (en librairie ce 20 août)

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Le promeneur de Liège

Tout coule, s’écoule dans la vie de François Lombard, la Meuse, les larmes des riverains inondés, l’écriture tout en méandres, qui retient entre les rivages de la phrase la substance du réel, et la musique : celle des mots, celle des Bob Shots ou de Debussy, celle métaphorique par excellence du temps…

En sept chapitres ayant chacun pour titre le nom d’un pont, François Lombard va revoir sur les six premiers mois de 2011 l’album de son passé, se remémorant quatre-vingts ans de sa vie et de celle de son épouse, circonscrits dans les huit kilomètres de son « grand tour », qu’il parcourt à pied comme un chemin de croix, inlassablement, pour, on peut le penser, au cours de ses réminiscences ne rien laisser passer au temps : grands et petits faits de l’histoire personnelle ou collective. Jusqu’à l’épisode crucial narré tout à la fin en un récit poignant.

Au long de ses promenades en bord de fleuve, Lombard s’arrête volontiers pour prendre un verre, goûter une spécialité locale, raviver à la mode proustienne une saveur ancienne, retrouver, avec par exemple un liégeois, mélange d’orangeade et de grenadine, « le goût sucré de la jeunesse ».

Pendant ce temps, la Meuse rend une après l’autre des fillettes tombées à l’eau, ainsi que fait le temps avec les souvenirs, qu’il s’agit plus souvent d’aller pêcher, de sauver de l’oubli. Ainsi, cette petite sœur vieillie, à peine reconnue quand elle réapparaît derrière les rayonnages d’une librairie… Des faits d’hier rappellent des réalités actuelles. Ainsi, les motifs des grèves de l’hiver 60-61 contre la loi unique paraissent aujourd’hui encore d’une brûlante actualité…

images?q=tbn:ANd9GcTaT6V5NALTWBKyV2sSkl1OZM8E9n8Qk4fSl3Y8nlJCMo1uK2yGFjmboq8L’existence de François Lombard, un « ténor du barreau », apparaît comme une prison, au parcours balisé, avec un moment d’engagement au sens sartrien qui lui coûtera plus cher qu’il n’avait prévu : l’estime de l’être le plus aimé. Un peu à l’instar du marcheur d’Une semaine de vacance (Luc Pire, 2001) qui arpente la Creuse suivant un plan préétabli vers on ne sait quoi, ce promeneur de Liège va vers un dénouement, qui contrairement au premier roman de l’auteur, se dirige vers une révélation annoncée en un suspens habilement entretenu au fil des chapitres. Pour les lecteurs habituels de Charneux, ils relèveront des allusions aux autres romans de l’auteur et noteront que François Lombard était le personnage central d’une nouvelle, Ondine, de Vingt-quatre préludes (Luce Wilquin, 2004) qui illustre un court épisode du présent roman.  

A partir du chapitre trois, François Lombard construit un ouvrage de bois dont on se demande, le nez sur l’objet en train de se fabriquer, ce que c’est. On pense à cet ami de l’épouse, le photographe David Kurek, qui photographiait au plus près des corps, des pores de la peau, en évitant le regard du modèle et qui, tout en travaillant la surface, cherchait paradoxalement la profondeur.

Le roman n’est pas qu’une éloquente variation sur le thème de l’eau (l’eau-reflet, l’eau-miroir aussi), les autres éléments sont convoqués, de manière subtile : le feu, l’air (l’aéronef Pigeon, le plongeur de Ianchelevici, les suicidés de la tour), et la terre (la Légia, cette eau souterraine qui donnera son nom à la Ville) ont aussi leurs déclinaisons verbales. Sans compter les mouvements ascendants et descendants qui rythment le lent déroulement du fleuve. Tentatives vaines mais louables de se libérer de l’attraction terrestre, de la fuite des années, de la fatalité. Sonia Gorski, l’épouse reste à demeure, confinée dans son chagrin, comme arrêtée le 8 juillet 1961, tandis que  son homme, lui, ne cesse de se mouvoir, tournant en rond dans sa ville et dans sa vie, sans quitter de vue le fleuve, son élan vital… Permanence du cercle (shrapnells, boules de billard, billes à jouer), figurant le retour sur soi, la boucle du temps… Jeu entre l’auteur et son personnage qui écrit un récit semblable mais qui n’est pas, ne peut pas être exactement celui qu’on lit…

La phrase est « épaisse, profonde mais pas lourde », souvent de la longueur d’un paragraphe, à l’instar de celle recherchée par Lombard pour son récit de vie afin,  comme on peut le penser à la lecture du dossier de presse, de faire pendant à l’écriture « transparente » d’un Simenon que la critique ne manquera pas, pour aller vite, de mentionner à propos d’un roman sur un notable de province qui franchit des ponts de Liège…  

Par le dispositif romanesque, par la composition musicale, Charneux vise ici l’objectif recherché par Flaubert, le roman parfait dans lequel toutes les vies (la sienne et celle de ses lecteurs) se reconnaîtraient. Au bout du compte, ce livre n’est pas « le petit roman banal, d’un homme et d’une femme, d’un homme et d’une ville, d’un homme et d’un fleuve» tel que le voit Lombard une fois son récit achevé mais un roman souple et sinueux, ample et beau comme un fleuve…

 E.A.

Sur le site des éditions Luce Wilquin:

http://www.wilquin.com/2012/08/comme-un-roman-fleuve-daniel-charneux/

Sur le site de Daniel Charneux:

http://www.gensheureux.be/site/


Faulkner: propos sur l’écriture

images?q=tbn:ANd9GcRbz-FhTnxbyKmN1vZoKyZTmNbTiJMp54EsWduCa8dTnNcyKJ9kst35Xw« En 1957-1958, William Faulkner est invité à l’université de Virginie. Il prononce des conférences, mais surtout rencontre les étudiants lors de multiples séances de questions réponses. Ces entretiens sont traduits chez Gallimard en 1964 (et désormais un gibier de bouquiniste). » François BON

Je dirais que l’écrivain a trois sources : l’imagination, l’observation, l’expérience. Lui-même ne sait pas ce qu’il prendra à chacune et à quel moment, parce que chacune de ces sources ne sont pas elles-mêmes très importantes pour lui. Il peint des êtres humains et emploie ses matériaux en les prenant à ces trois sources comme le charpentier va dans son cabinet de débarras pour y prendre une planche qui doit faire l’affaire pour un coin de sa maison. 

Je pense qu’un écrivain qui a beaucoup de … qui le pousse à s’exprimer, n’a pas le temps de s’occuper du style. 

Je pense que la meilleure façon de lire… non, je ne peux pas dire la meilleure façon, c’est ma façon à moi de lire : je prends le livre et je peux dire, après avoir lu deux ou trois pages, si je désire lire le livre en entier. Si ce n’est pas le cas, je le pose et j’en prends un autre. Je dirai que pour mes livres il faut prendre la même manière et de lire une page ou deux jusqu’à ce que vous en trouviez une qui vous donne envie d’en lire une autre.

Les écrivains… je me demande si un écrivain a jamais une conversation intéressante avec un autre écrivain. Je veux dire par là que l’écrivain, à moins d’avoir épuisé ses idées, est trop occupé à essayer de dire ce que son démon le pousse à dire, avant de mourir, pour avoir le temps de causer boutique avec un autre écrivain, et alors ils parlent de la condition humaine, et cela n’a aucune importance que deux écrivains parlent de la condition humaine ou deux artisans ou deux hommes de loi ou deux médecins. En réalité, un écrivain n’a presque rien de commun avec un autre écrivain. Il… il est simplement poussé par le même démon.

Je suis complètement désordonné. Je n’ai jamais appris à accrocher quelque chose ou à remettre quelque chose là où je l’avais pris. Ainsi je travaille… eh bien, comme dit l’athlète, quand je suis échauffé. Et je n’aime pas travailler, de nature je suis paresseux. Je remets à plus tard tant que je peux, et puis, quand je commence, c’est un divertissement. Je pense que la raison pour laquelle on écrit, c’est parce que c’est un divertissement, que vous aimez ça, c’est votre tasse de thé. C’est pourquoi j’écris jusqu’à ce que je décide de m’arrêter, parce que la seule règle que je suive en écrivant, c’est de laisser ça pendant que je suis encore échauffé, afin de pouvoir recommencer le lendemain. Mais je n’ai jamais eu d’ordre. Certains écrivains ont de l’ordre : ils bâtissent d’abord une intrigue ou un plan, ils prennent des notes, ce qui est une bonne chose et les satisfait, mais pas moi. Je serais complètement perdu. Probablement que si je prenais des notes, je me dirais : eh bien, ça suffit, je n’ai plus besoin de travailler, et je laisserais ça là. Ainsi je remets le travail à plus tard aussi longtemps que je le peux et je fais autant de recherches et prends autant de notes que je peux là-dedans [nota : il montre sa tête], c’est ensuite que je commence à écrire.

Je pense que l’écrivain est trop occupé à essayé de créer des personnages de chair et de sang, qui tiennent debout et projettent une ombre, pour avoir le temps de se rendre compte des symboles qu’il met dans son œuvre ou de ceux que les lecteurs peuvent y découvrir. S’il avait le temps de… c’est-à-dire que si un individu pouvait peindre un personnage authentique, croyable, fait de chair et de sang et en même temps délivrer un message, peut-être le pourrait-il, mais je crois qu’aucun écrivain n’est capable des deux à la fois, je crois qu’il faut qu’il choisisse l’un des deux : ou il délivre un message, ou il essaie de créer des êtres humains de chair et de sang, vivants, souffrants, angoissés.

Je lis Don Quichotte tous les ans. Je lis l’Ancien Testament. Je lis un peu de Dickens tous les ans, et j’ai un Shakespeare de poche que je porte avec moi, Conrad, Moby Dick, Tchékhov, Madame Bovary, quelques romans de Balzac, et presque tous les ans Tolstoï. La plupart des Français du XIXème siècle, je m’en impose la lecture chaque année. J’en compte à peu près cinquante que je lis… j’entre dans ces livres comme on entre dans une pièce pour y trouver de vieux amis, j’ouvre le livre par le milieu et j’en lis quelques pages et je crois que, tous les dix ans, je les ai tous relus.

William Faulkner (1897-1962)

Source: http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article109