Le dernier poète Beat?
Michaël Londot a une œuvre riche de près de cent cinquante livres publiés sous toutes ses latitudes et sous différents pseudos.
Cet inédit, qui en annonce d’autres, car Jacques Pasterger a entrepris avec sa veuve depuis sa mort survenue il y a dix ans de rassembler tous ses écrits disséminés. Le recueil comprend des textes écrits sur trente ans qui reflète bien sa biographie (tour à tour détective, marin, mécano, vagabond, gardien de sécurité…). Proche de la Beat Generation, il a entretenu une longue correspondance avec Ginsberg. À dix-sept ans, il part pour les States où il est bientôt arrêté pour détention de stupéfiants dans une voiture volée, il migre alors en Australie où il vivra trente ans avant de finir sa vie près de Bordeaux avec une femme de quarante-deux ans sa cadette.
Gobe-bouches et La poésie en morceaux, son manifeste de poésie grunge, publié en 91, ont marqué de jeunes écrivains. Pasterger écrit dans sa préface : « Michaël Londot est le plus méconnu des poètes de sa génération, une partie importante et hétéroclite de son oeuvre reste encore à découvrir. »
Je travaille à
la côte cassée
Je gagne ma
flotte
&
j’es
père
encore une
mer
calme
&
ravagée
Marre
des marins
d’eau douche
Je suis sale
&
seul
comme la tanche
au sec
&
je mens
merde
*
malgré la pluie, le clodo
dort il rêve
d’une pièce d’or
où
dormir
debout
Michaël Londot dans les années 80 en Australie
Ma vie je t’en
fish tick
track polka
nageoires sachant
nager
pataugeoire
& flaque de moue
Je te regarde
dans les cieux
En avant
le mousse tique
tacle le temps qu’il fait
je plonge
& ronge la
rive
pusqu’au porc
groin groin
grognon
fait le chic
oiseau
du large
& en travers
*
L’ange
descend
du ciel
à minuit
avec son riot gun
son burger
& ses ailes en biseau
& son androgynie
de comptoir
Je prie pour qu’
il
te
prenne
en traître
ou à
la régulière
avant de
te liquider
dans le mojito
la gnôle de prune
ou
le diesel
à 100 cents
le flacon
Derrière l’apparent bric-à-brac de ses compositions, son cut-up orgasmisé, et l’auto dérision d’écorché vif que ses textes trimballent, se cache une blessure d’exister et un dégoût des conventions littéraires et sociales qui creusent la langue juqu’à l’os, la malmènent et la réduisent à quia. On retrouve cette volonté, commune à d’autres du même courant, de verticaliser, parfois à outrance, le poème en réduisant le vers au rang d’une particule verbale « comme si le texte faisait plonger la prose » (J. Pasterger)… Le poème fait jouer les fragments métaphorisés, il déforme le monde des apparences comme autant de prismes. Tel un éclat de ciel dans une flaque d’eau sale, d’une note mineure dans une gamme majeure, le poème, « ce leurre de son et de sens qui nous piège dans ses envies d’écrire comme d’exister », rend alors compte du monde dans ses moindres détails.
Éric Allard
À paraître le 15 avril
Pages: 160
Prix: 15 €
ISBN: 169-10-200-0060-1
Collection Poésie