DENIS BILLAMBOZ
Je vous propose aujourd’hui deux histoires d’amour bien complexes : une histoire entre un pauvre pêcheur et une riche étrangère dans ma chère Vallée du Doubs et deux adolescents, bien trop jeunes, pour entreprendre une histoire sérieuse surtout quand l’un est un enfant vivant avec sa mère et l’autre une pauvre petite migrante qu’il essaie, avec ses potes, de protéger de la vindicte administrative et policière.
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Entre la source et l’estuaire
Grégoire Domenach
Le Dilettante

Ce roman c’est l’histoire d’une rencontre improbable entre un jeune garçon qui accompagne son père lors du convoyage d’un remorqueur sur les canaux entre un port hollandais, Leeuwarden, et Saint-Jean-de-Losne en Bourgogne où celui-ci espère le revendre avec une bonne plus-value, et vieux pêcheur amoché. Lors d’une escale sur le Doubs, entre Besançon et Montbéliard, le jeune homme descendu à terre pour acheter quelques provisions, rencontre un individu estropié, couvert de cicatrices et de stigmates d’épreuves douloureuses. Intrigué par ce personnage, il questionne les commerçants et les clients rencontrés mais personne ne veut évoquer ce personnage et les événements qui l’ont rendu dans un tel état de délabrement physique. Mais, en revenant vers leur bateau, il le rencontre à nouveau et cette fois il lui propose une partie de pêche au cours de laquelle il lui racontera son histoire.
Son histoire, c’est l’histoire d’un amour passionnel, dévastateur qui s’éteindra, comme dans un drame du plus pur romantisme, dans une tragédie déchirante. Lazare, c’est le surnom donné à cet individu par les habitants du village, fait un jour la connaissance d’un couple d’étrangers, lui riche Allemand, elle Russe d’origine kazakh, récents acquéreurs d’une somptueuse villa dans le voisinage du village. Une grand amitié se noue entre eux, le mari beaucoup plus âgé que son épouse proposant même à Lazare de satisfaire sa femme qu’il ne peut plus honorer après une intervention chirurgicale. Fou amoureux de la belle, Lazare franchit le pas et succombe à sa passion pour la séduisante épouse, un amour fou éclate. L’aventure tourne au drame quand la belle est enceinte des élans de Lazare, Le mari acceptait des étreintes sexuelles sous son contrôle mais refusait une relation amoureuse. Il décide de partir très loin avec son épouse mais les événements se précipitent, les intérêts et les sentiments concordant bien mal. Et quand la belle est retrouvée noyée, les passions se déchaînent, tout semble accuser le pauvre Lazare, beaucoup l’accablent, certains cependant le soutiennent. L’affaire ira devant les juges sans pour autant calmer la fureur populaire qui veut imposer son propre jugement et même sa sentence.
Avec cette histoire l’auteur évoque le rôle de l’argent dans les relations sociales, l’hypocrisie des foules, la vindicte populaire qui se déchaîne quand son intérêt est bafoué, la justice qui n’est jamais réellement rendue même quand un jugement est prononcé. Mais, ce qui semble le plus important pour l’auteur c’est la passion, l’amour charnel, qui devrait unir les êtres sans que ceux qui ne sont pas directement concernés s’en mêlent. La jalousie semble in fine être le moteur de toutes les haines et rancœur qui habitent cette histoire qui ne devrait comporter que de l’amour et du plaisir.
Cette belle histoire d‘amour impossible rappelle de nombreuses tragédies littéraires, elle n’a rien à envier à la plupart d’entre elles. Grégoire Domenach maîtrise son sujet sur le bout des doigts qui parcourent son clavier. Il sait raconter des histoires d’amours passionnelles et romantiques comme il sait vanter les charmes de ce pays pas plat qui est le mien et désormais un peu le sien aussi. Je l’ai senti vibrer quand il évoque cette belle vallée où me conduisent souvent mes balades sur le chemin halage qui longe le Doubs ou son canal latéral. Merci Grégoire d’avoir conduit ma lecture dans cette vallée si charmante qui m’est si chère !
Le livre sur le site de l’éditeur
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Les pas perdus du Paradis
Catherine Deschepper
Dans ce texte à la fois drôle, vif, alerte, truculent, émouvant, touchant, Catherine Deschepper évoque des problèmes graves, préoccupants, dramatiques sans jamais sombrer dans la sinistrose démoralisante, ni l’angoisse d’un futur tragique ou même apocalyptique. La gravité de la situation qu’elle décrit, ne disparait jamais derrière la drôlerie de la situation, au contraire, la cocasserie de cette aventure la rend encore plus réelle, plus concrète, plus sensible …

La mère de Nathan héberge la fille pour la nuit en espérant que celle-ci leur portera conseil. Elle portera surtout conseil à Nathan et Saïma, ils échafaudent un plan audacieux consistant à planquer la jeune fille chez la grand-mère de Nathan, en assurant la logistique de l’opération avec l’aide de leurs trois amis. Ils embarquent Mamynou, la grand-mère excentrique qui commence à perdre un peu la boule, dans cette téméraire aventure. Une folle épopée commence, la grand-mère et la fille font bon ménage, elles deviennent très complices mais les frasques de la grand-mère ne peuvent pas éternellement restées à l’écart des regards extérieurs. Les trois amis doivent élaborer d’autres plans, faire face à de nombreux aléas imprévus et à la virulence de la police et de l’administration peu enclines à laisser des migrants roder dans le pays.
Les quatre amis déploient des trésors d’imagination et de débrouillardise pour que la jeune Erythréenne puisse rester en France où les tourtereaux pourraient poursuivre leur belle histoire d’amour. Leur imagination, leur intelligence, leur maturité forcent l’admiration des adultes qu’ils finissent par rallier à leur cause.
Une belle histoire d’amour, de tolérance et d’amitié, une bonne réflexion sur l’acceptation des migrants et le traitement qui leur est réservé et sur la cohabitation entre les générations, les jeunes pouvant aider les vieux qui pourraient les héberger, les adultes pouvant écouter les jeunes qui, eux aussi, ont quelques idées… Et une histoire drôle et touchante, amusante et émouvante, un récit qui peut faire rire, sourire et mouiller les yeux …