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2023 – LUS EN FIN D’ANNÉE : VOISINS POÈTES / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Je profite de cette chronique pour saluer une auteure belge, Monique THOMASSETTIE, et un auteur suisse, Claude LUEZIOR, deux très belles plumes qui proposent d’excellents poèmes. A travers eux, et leurs écrits, je voudrais rendre hommage à tous les auteurs suisses, trop peu nombreux, et belges, beaucoup plus nombreux, que j’ai l’occasion et le plaisir de lire.

Sauvée

Monique Thomassettie

Monéveil

Grande poétesse, auteure à la plume très affutée, Monique Thomassettie sait tout faire dans le monde du livre ainsi a-t-elle éditée elle-même ce recueil dont elle a réalisé la mise en page, les illustrations, la couverture et tout ce qui est nécessaire à sa publication avant de le confier à un imprimeur.

Ce texte est un recueil de poésie composé de poèmes répartis en quatre chapitres correspondant chacun à une « époque » de la vie de l’auteure, époque étant entendu comme étape dans la réflexion qu’elle mène sur elle-même, sur la vie qu’elle a plus subie que voulue, sur ce qu’elle voudrait devenir. Un texte mémoriel, thérapeutique, déjà testamentaire … Ce texte commence par un appel d’un lieu où elle semble avoir connu une certaine paix. « De Ta voix de montagne / Tu me rappelles, / en mes plaines / mes horizons qui de plus en plus / encerclent / uniformément // … »

Elle se souvient, elle voudrait oublier, la dépression, « Moult causes à ma dépression. / Anciennes, récentes, présentes. / Causes d’ordres différents, / mais dont le point commun / est la négation de ma personne … » Les failles de l’enfance qui l’ont conduite à cette dépression, la discordance qui sonnait entre le père et la mère. « Elle en allemand, / lui en français. ». L’entente ne pouvait pas être très cordiale, les enfants ont subi jusqu’à l’humiliation, jusqu’à être traités de « Boches » parce que les garçons avaient été enrôlés de force dans la Wehrmacht comme les « Malgré nous alsaciens et lorrains ».

Mais comment faire comprendre aux autres l’origine, le sens de cette dépression ? L’écriture peut paraître insuffisante « Je crains les critiques ou recenseurs / qui ignorent mon cheminement / … », et pourtant la lecture des auteurs favoris est d’un grand secours pour oublier cette dépression si prégnante. « Pour la troisième fois de ma vie, / me voici savourant Marcel Proust ! / Comment mieux me guérir / qu’en retrouvant le Temps /… »

La religion est autre un refuge souvent évoqué à travers Dieu lui-même mais aussi à travers les saints, comme Saint François d’Assise et ses moineaux, ou des événements bibliques, « Mon cœur enflammait le buisson. / Et le buisson s’est tu / … ». La religion, l’art, la littérature, la poésie sont les piliers de ce texte que l’auteure voudrait rédempteur, elle a la volonté de sortir de cette dépression envahissante, « À la force de mon poignet qui écrit, / remonter ma pente dépressive. / … ».

Sortir de la spirale de la dépression et donner aux autres pour qu’ils puissent eux aussi sortir de leur ornière ou tout simplement ne pas s’y enfoncer. « Oui, j’abreuve, nourris. / En mes œuvres, beaucoup se ressourcent » Elle boucle la boucle de son désespoir en répondant à l’appel de la montagne où elle se réfugie, là où « L’Espace allège mon fardeau. / Et j’avais déjà espacé / les vers centrés de mes derniers poèmes. / Dès que je me suis sentie / s a u v é e »

Ce livre, l’auteure le définit elle-même : « Livre de mes résurrections / Ainsi peut se titrer / mon œuvre entier. / Tant un fil de résilience / unit mes écrits et tableaux … » Mémoire, souvenirs, résilience, rédemptions et partage, tel pourrait-être le testament que Monique livre dans ce texte éblouissant, d’une force, d’une puissance évocatrice transcendantes.

Monique THOMASSETTIE sur le site des Editions M.E.O.

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Au démêloir des heures

Claude Luezior

Librairie-galerie Racine

Claude Luezior est mon voisin helvète, il a longtemps pratiqué la médecine dans les plus grands établissements dont certains américains, avant de s’adonner à l’écriture. Je l’ai découvert à l’occasion de la publication d’un recueil d’aphorismes, « Emeutes – Vol au-dessus d’un nid de pavés », dans la collection Les P’tits cactus de Cactus inébranlable éditions et de l’édition d’un superbe recueil de poésie, « Sur les franges de l’essentiel », par les Editions Traversées. Aujourd’hui, je le retrouve avec un nouveau recueil de poésie qui entraine le lecteur dans un autre monde, un monde onirique qu’il annonce dans premier poème liminaire en questionnant le lecteur sur le rôle du poète : « La mouvance du poète est-elle de mettre des mots sur l’indicible, de tailler avec le burin de son verbe un magma en jachère ? »

Dans des poèmes construits avec des vers très courts, deux ou trois mots, parfois un seul, rarement plus, il évoque le rêve, le rêve source d’une autre façon de vivre, d’autres angoisses, d’un autre espoir aussi … « … / Le rêve / distille / cette jumelle / qui somnole / en cet autre moi / de tous les impossibles » Soignant, il a connu la souffrance de ses patients avant de la connaitre lui-même. Il sait les nuits remplies de cauchemars : « en meutes carnassières / des cauchemars inassouvis / sans cesse à la maraude / traquent mes chairs » Il a vu les somnambules déambuler hagards dans les couloirs : « « … // quelque part / là, ici, ailleurs / et partout à la fois / rôde le somnambule ». Et certains ont même connu le délire : « … // le voilà / qui transgresse / et célèbre / une fête des fous / frappe-t-il au carreau ? / est-il feu-follet / loup garou / habité par l’esprit / on peut-être satyre / troussant / de lueurs de lune ? // …» Avant que l’aube salvatrice annonce une nouvelle journée de vie avec tous les espoirs qu’elle comporte : « encore poisseuse / de ses miels / presque translucide / en la nurserie / de l’aube qui s’éveille // … » ; « Déjà s’éloigne / tout là-bas /le totem de la nuit / clouté de planètes / et d’étoiles malingres / … » Une aube qui ne laisse aucun temps au rêve qui ne serait que perte de temps : « pas le temps ! // même de rêver / temps perdu / …. // même de penser en rêvant / n’est-ce perte de temps ? / … »

Dans ses vers, Claude cherche ce nouvel espoir, cette façon de vivre encore, de vivre en écrivant des vers nourris de belles assonances et allitérations, musicaux, fluides, et joliment rythmés. Et si la vocation du poète était de mettre des mots d’espoir sur les plaies de ceux qui souffrent ?

Le site de l’éditeur

Le site de Claude LUEZIOR

LES MILLE ET UNE NUITS / Un article de JEAN-FRANÇOIS FOULON

On connaît l’histoire de Shéhérazade, dans Les Mille et Une Nuits (recueil anonyme de contes populaires en langue arabe d’origine persane, indienne et arabe). Deux rois qui étaient frères régnaient avec sagesse, l’un sur le royaume de l’Est, l’autre sur celui de l’Ouest. Le premier découvre que son épouse le trompe. Il la tue ainsi que son amant, un simple esclave. Il raconte ensuite à son frère ce qui lui est arrivé. Celui-ci veut vérifier si les femmes sont vraiment infidèles. Il fait croire qu’il s’en va à la chasse, se cache derrière une fenêtre, et voit sa femme en train de le tromper en compagnie de plusieurs esclaves. Le lendemain, il la fait exécuter. Puis il décide que chaque soir il se mariera avec une jeune fille vierge, passera la nuit avec elle et la fera exécuter au matin. C’était, selon lui, le seul moyen de ne plus être trompé.

Trois ans se passèrent ainsi et il n’y avait plus beaucoup de jeunes filles à marier dans le pays. C’est alors que la fille du vizir, Shéhérazade, se porta volontaire pour épouser le souverain, avec la ferme intention de sauver ses semblables des griffes du roi. Après son mariage, le soir venu, elle raconte une histoire palpitante au sultan sans la terminer. Son époux désire alors tellement connaître la suite qu’il lui laisse la vie sauve pour une journée de plus. Et c’est ainsi que chaque nuit, Shéhérazade finit l’histoire de la veille et en commence une nouvelle. Cela dura pendant mille et une nuits, au bout desquelles le sultan décida de garder Shéhérazade auprès de lui pour toujours.

Ce thème de la jeunesse sacrifiée par la volonté d’un tyran, on le retrouve dans le mythe grec du minotaure. Athènes devait livrer tous les neuf ans (ou chaque année selon Virgile), sept jeunes garçons et sept jeunes filles au roi de Crète, où ils étaient dévorés par le minotaure. Seul Thésée (un homme donc et non une femme) parviendra par la force à tuer le minotaure et à s’échapper du labyrinthe où celui-ci était enfermé. Mais s’il parvient à sortir, c’est grâce à la ruse d’Ariane, la fille du roi de Crète (qui était amoureuse de lui et à qui il avait promis le mariage). Elle lui avait donné une bobine de fil afin qu’il la déroulât dans le labyrinthe et pût retrouver son chemin.

Dans les deux cas, on a donc une jeunesse sacrifiée depuis des années et un héros (Thésée) ou une héroïne (Shéhérazade) qui parviennent à mettre un terme à la situation. Thésée, par sa force virile. Shéhérazade, en racontant des histoires (importance de la culture et de la littérature). Dans les deux cas, on a un contexte érotique (Ariane est amoureuse de Thésée et le roi des Mille et Une Nuits épouse une jeune vierge chaque soir pour coucher avec elle). On notera que chaque fois c’est grâce à l’intelligence d’une femme que l’issue est favorable (le fil qu’Ariane confie à Thésée pour qu’il puisse retrouver son chemin dans le labyrinthe et la ruse de Shéhérazade qui laisse l’histoire racontée inachevée à la fin de chaque nuit). Mais si la pauvre Ariane est finalement abandonnée par Thésée sur une île (en quoi elle est bien mal récompensée de l’amour qu’elle lui avait donné), Shéhérazade, elle, finit par épouser le roi.

Ce qui est fascinant dans les Mille et Une Nuits, c’est l’importance des histoires, lesquelles sont parfois racontées dans une sorte de mise en abyme ou d’effet miroir. Après un premier niveau (ce que raconte Shéhérazade) en vient un second : le héros de l’histoire racontée va à son tour commencer un récit. On a donc une histoire dans l’histoire. Par exemple, Shéhérazade raconte qu’un marchand a commis un délit et a été arrêté par un roi, qui veut le mettre à mort. Pour s’en sortir, il raconte une histoire pour captiver le roi (sa situation est donc semblable à celle de Shéhérazade). Parfois, plusieurs personnes sont arrêtées en même temps et seul celui qui racontera l’histoire la plus passionnante sera gracié. Ou bien, un roi a perdu son frère (premier niveau). Pour le distraire, son vizir lui raconte un conte (deuxième niveau), dans lequel le héros est amené lui aussi à raconter quelque chose (troisième niveau). On a donc une mise en abyme fascinante, avec des récits dans le récit, enchâssés les uns dans les autres.

Quels sont les thèmes traités ? Parfois on est en pleine magie (avec des djinns, des génies, qui transportent les héros dans l’espace et le temps ou au contraire qui déplacent des villes d’un endroit à un autre), mais le plus souvent il s’agit de marchands qui voyagent pour vendre leur produits (des étoffes ou des épices) et à qui il arrive différentes aventures. De nombreuses fables animalières sont également présentes (certaines sans doute inspirées d’Esope). Certains récits s’apparentent davantage aux chansons de geste occidentales. Par exemple, de nombreuses pages sont consacrées à la lutte des musulmans contre le roi chrétien de Constantinople. A partir de la réalité historique, les récits racontent des batailles imaginaires à la gloire des cavaliers arabes. Comme dans notre Chanson de Roland (mais le point de vue est inversé), il n’est pas rare de voir un cavalier fendu de haut en bas (cheval compris) par le sabre d’un fier soldat musulman. A côté de ces faits guerriers, le narrateur brode sur les amours du calife, de ses frères et de ses vizirs. Véritable épopée à la gloire de l’islam, ces pages dépassent les faits guerriers pour nous faire entrer dans la psychologie des personnages en nous narrant leurs joies et leurs peines. Il y a des enfants perdus et retrouvés bien plus tard, des frères et sœurs séparés, mais qui une fois adultes réintégreront leur condition princière, des histoires d’inceste involontaire, quand une sœur s’éprend d’un roi qui est en fait son frère, etc.

Les Mille et Une Nuits sont un éloge à la littérature, puisque c’est par les histoires racontées que Shéhérazade sauve sa vie. C’est dire l’importance accordée aux récits de fiction.  Ceux-ci obligent l’homme à ne pas se centrer sur lui-même, mais à dépasser le cercle du moi pour entrer dans le domaine d’une liberté absolue.  On notera que le roi, qui se méfiait des femmes depuis qu’il avait été trompé par sa propre épouse, est de nouveau trompé par Shéhérazade, puisque cette dernière, par sa ruse de raconter des récits captivants, parvient à déjouer son esprit sanguinaire de vengeance.

Il ne faut pas perdre de vue que les Mille et Une Nuits ont été considérées comme marginales dans la littérature arabe. Elles ne relevaient pas des belles-lettres et de la littérature raffinée ou hermétique, mais appartenaient plutôt à un registre populaire et initialement oral. Ces contes furent ensuite diffusés en Europe, profitant de la mode de l’orientalisme, à partir de la traduction d’Antoine Galland (1646 – 1715). Celui-ci a donc compilé des textes qui ne remplissaient aucun des critères classiques de la littérature arabe (un style noble, un auteur précis, une forme fixe, une absence de dialectes locaux). On peut penser que sans lui, cette littérature n’aurait pas survécu. Galland a même intégré aux Mille et Une Nuits des récits qui ne figuraient pas dans les manuscrits originaux, comme « Les Aventures de Sinbad », « Aladin » et « Ali Baba » On a donc pu dire de lui qu’il est le seul traducteur de l’histoire « à avoir traduit et donné corps à un texte qui n’existait pas encore officiellement ».

Dans les années 1960, puis entièrement refondue dans les années 1980, est apparue une nouvelle traduction, celle de René R. Khawam (né en 1917 à Alep en Syrie – mort à Paris en 2004). Celui-ci se fonde sur une douzaine de manuscrits anciens. Les aventures d’Aladin, de Sinbad et d’Ali-Baba n’apparaissent donc pas dans son édition puisqu’elles avaient été incorporées par Galland. Il les publie dans des volumes distincts. Par ailleurs, dans sa traduction des Mille et Une Nuits, il développe les descriptions érotiques que Galland avait éludées (pour plaire à la cour de Louis XIV).

Enfin, en 1991, pour la Bibliothèque de La Pléiade, André Miquel (1929 – 2022) et Jamel Eddine Bencheikh (1930 – 2005), publient une nouvelle traduction, qui se veut intégrale et exacte car fondée sur l’édition de Boulaq, du nom de la ville égyptienne où le texte a été imprimé pour la première fois en 1835.

C’est cette édition de La Pléiade que je suis occupé à lire pour mon plus grand plaisir.

LA MERVEILLE D’ÊTRE LÀ de PIERRE SCHROVEN (L’Arbre à paroles) / Une lecture de PHILIPPE LEUCKX

Pour célébrer le monde, le poète use d’un dispositif syntaxique où abondent les participes présents, les conjonctives et les relatives sous toutes les formes (où, que, qui, ce qui, dont) :

« Que faire de ce moi

Assis devant la fenêtre

Sinon multiplier les voies de respiration

Accorder une place à ce corps

Qui me fait savoir chaque jour

que je ne manque de rien

Que je n’ai plus de temps à perdre

Et que c’est le moment de me sentir vivant »

(p. 27)

Dans la tentative de cerner « qui je suis à cette minute/ où la lumière me ramène à un autre que moi », l’auteur décline ses amours : « J’aime tout/ Même cette fleur qui me parle de sa jeunesse/ Cet oiseau qui fait vibrer avec lui ce qui l’entoure/ Cette lune qui me suit des yeux/ Pour me dire que je suis un plus que moi-même/ Que ce n’est pas la peine de courir/ Et qu’une joie brûle d’un feu sacré » (p. 51).

L’esthétique du « train qui raccroche les wagons incessamment » alourdit les thèmes d’un livre qui se voudrait léger.

Certes, l’auteur peut discourir (comme en prose), poser des thèmes (intéressants), tenter de nous les rendre familiers.

Mais cela suffit-il ?

Pierre Schroven, La merveille d’être là, L’Arbre à paroles, 2024, 72p., 13 euros.

Le recueil sur le site de la Maison de la Poésie d’Amay

Pierre SCHROVEN sur le site des Editeurs Singuliers

2023 – LUS EN FIN D’ANNÉE : POEMES EN COULEUR / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans cette chronique j’ai réuni deux recueils de poésie qui évoquent la couleur, le bleu, notamment la couleur chère à Claude DONNNAY qui gère les Editions Bleu d’Encre, et qui écrit lui aussi de la belle poésie éditée ici par Le Chat polaire qui a adopté le bleu Donnay pour l’intitulé de son recueil. Et un autre recueil de Barbara BIGOT-FRIEDEN qui utilise, elle aussi, le bleu, pour peindre ses poèmes mais pas que…

La femme bleue

Claude Donnay

Le Chat polaire

Quand deux éditeurs particulièrement exigeants se rencontrent, que font-ils ? Ils doivent sans doute se raconter des histoires en vers. En l’occurrence quand Claude Donnay, éditeur chez Bleu d’encre, croise la route de Marie Tafforeau, éditrice chez Le chat polaire, il lui raconte une histoire de femme bleue qu’elle apprécie et qu’elle décide d’imprimer. Ainsi aurait pu naître ce très joli recueil dont je ne connais absolument pas l’histoire mais que j’ai lu et beaucoup aimé. Claude y raconte le destin d’une femme bleue résidant dans un pays ensoleillé très lointain qu’un pauvre ténébreux attend avec impatience dans des terre beaucoup moins chaudes. « Deux terres. Deux êtres. / L’un debout dans le gris, l’autre baignant dans le bleu. / Entre eux une fracture de ciel et de mer. / Un gouffre où rampent des rêves en fusion » Peut-être que cette femme n’existe que dans l’imagination du pauvre exilé ? Ou dans celle du poète ?

Alors, suivons le Ténébreux et le poète dans leur quête de la Femme bleue « … // Il est le Ténébreux, le Veuf, l’inconsolé. // Il rêve à la femme aux ailes blessées, prête à traverser / l’Atlantique pour nourrir ses petits » Claude a déjà écrit un roman dans lequel il évoque la douleur de la migration, du départ vers un ailleurs inconnu. Il semble être particulièrement sensible à la douleur de ceux qui partent parce qu’ils ne peuvent pas rester. La Femme bleue est tout aussi déterminée que le Ténébreux, elle est animée de la même foi : « Elle veut (re)naître plus bleue que sa robe. / Et que le ténébreux l’emporte dans ses turbulences », « Personne ne remarquera qu’elle remplit l’assiette de l’absent »

Claude a su choisir les mots pour dire le gris pays du Ténébreux, ce pays qui n’est pas le sien, comme il a su choisir les mots tout en couleur pour faire briller le pays de la Femme bleue. Des mots pleins de délicate sensualité et d’un érotisme empli d’amour et de douceur, loin de la vulgarité et de la trivialité, proche de la pureté sentimentale qui semble relier ces deux êtres. Les poèmes de Claude sont à l’image de ceux de la femme bleue : « Personne ne peut comprendre les poèmes / qu’elle enfante dans la douleur pour les confier au vent / … »

Ces peuples du vent n’ont pas accès aux réseaux sociaux, ils sont épargnés des calamités qu’ils diffusent à foison, mais ils ont les mots, les vers, la poésie, …, l’amour et la foi en eux : « Non elle n’est pas idiote. Elle sait dans son cœur, elle sait entre ses cuisses. Les paroles naissent de son ventre. Elle les écrira demain dans son cahier d’écolière… » Leurs sentiments n’ont rien de virtuel, ils sont bien réels et elle sait que demain sera un autre jour et que le Ténébreux reviendra ce dont l’auteur n’a jamais douté !

« Le désespoir n’existe, se dit-elle que si l’on refuse de croire aux possibles. »

Le recueil sur le site du Chat polaire

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Peins mon âme Bleu jaune sable

Barbara Bigot-Frieden

Le Chat polaire

Avec ce recueil, j’ai découvert Barbara Bigot-Frieden que je n’avais encore jamais lue, elle propose dans cet opus brillamment illustré par Héloïse Schreer, des poèmes courts, souvent de quelques vers, seulement composés eux-mêmes de quelques mots très soigneusement choisis pour leur son, de manière à proposer parfois de belles rimes d’autres fois de jolies assonances (Je marche à l’amble / je valse à l’angle / de vos bras) qui rythment doucement le texte. Pour donner de la couleur et un supplément d’âme à ce recueil, Héloïse a choisi les couleurs évoquées par Barbara en y ajoutant seulement un peu de rouge comme pour déposer un peu de vie entre le bleu du ciel et le jaune du sable. Une façon de créer un monde pour y accueillir les mots et les émotions de Barbara.

Dans cet opus, Barbara se livre à un travail formel très rigoureux, chaque mot est pesé, évalué, chaque vers est comme écouté pour en bien choisir le son et le rythme. Mais, à la lecture de ces vers j’ai trouvé une autre approche de ce recueil, je l’ai lu comme une histoire d’amour douloureuse masquée dans le creux des poèmes, comme des phrases en filigrane. J’ai lu l’amour : « … / je suis ta terre / tu es mon soc / moi le reste / toi le soc », le déclin de cet amour : « mes souvenirs sont les autres / je n’ai pas d’hôtes à aimer / … » De ce déclin nait une véritable hantise : « l’homme éfriche / un cœur des plus tristes / moi ça me fiche / un de ces froids /soudain la trouille /d’être comme lui / le même trou / dans la poitrine / qui s’agrandit » Et la hantise annonce la chute qu’elle ne peut éviter : « vos lèvres labiles naissent / des loques de silence / je ne suis pas solide en solitaire / et ne serai jamais moi / qu’un trop-perçu / … » Et comme toutes les belles histoires d’amour, celle-ci s’achève dans la tristesse et l’impossibilité : « deux amours particuliers / quand l’un / est le deuil de l’autre / on dit bien / pas un / pour racheter l’autre / … » Voilà donc la belle histoire d’amour que j’ai dénichée au creux des vers de Barbara.

Cette histoire est écrite avec beaucoup d’élégance et c’est un tour de force littéraire qu’accomplit Barbara car elle utilise souvent un langage très populaire sans que cela nuise le moins du monde à la finesse et à l’élégance de son texte. Avec quelques mots, elle dessine une image très expressive, décoche une flèche acérée, évoque une émotion sensuelle, suggère une réflexion possible, … Elle travaille le vers comme une artisan d’art travaille sa matière.

Le recueil sur le site du Chat Polaire

ÊTRE ET NE PAS ÊTRE de LOUIS MATHOUX (Les Chants de Jane, Grenier Jane Tony) / Une lecture de CHRISTOPHE PINEAU-THIERRY

C’est une quête. Celle de O qui cherche à Être. L’Autre va l’accompagner dans la réalisation de son souhait.

Avec son écriture, sur un mode surréaliste, Louis Mathoux nous prend par la main et le cœur pour nous emmener sur un chemin d’épreuves initiatiques à la recherche de ce Graal.

Si tu veux Être, déclara l’Autre, tu dois rompre avec ce qui te vide de ta propre substance, pille tes appétits profonds, et par là, te dépeuple de toi-même.

Il est question ici de dépassement, de transformation, de rédemption… Suivre un chemin de croix pour accéder enfin à soi, dans la complétude de l’autre, la Femme, au centre de tout et source de tout.

Pour Être, commanda l’Autre, tu dois souffrir !

(…)

Jusqu’à quel point ? demanda-t-il.

Jusqu’à ce que tu aies dépassé la toute- douleur du Christ sur sa croix, répondit l’Autre.

Un recueil inspiré, à la manière d’un conte philosophique et spirituel.

Christophe Pineau-Thierry

Louis Mathoux, Être et ne pas être, Grenier Jane Tony, coll. Les Chants de Jane #38, 36 pages, 5 €.

Le recueil sur le site du Grenier Jane Tony

SIGNE / Jeanne CHAMPEL GRENIER

SIGNE

Il arrive parfois

au plus absent des jours

qu’un ange

ou quelque amour de ce genre

déroule une échelle de lumière

dans un rai de poussière

L’esprit s’y agrippe

et l’âme s’y désaltère

sans savoir si la source

est en haut ou en bas

La question ne se pose pas

l’échelle des valeurs, oui

avec le pépiement des enfants

le temps d’un cerisier moussant de neige

et très vite croulant de fruits,

puis elle disparaît dans l’espace…

Histoire de retrouver

son rite d’oscillation obligatoire

fait de ténèbres et de lumières

d’ailes d’oiseaux gonflées de printemps

éternellement éphémères

afin qu’on ne s’y habitue pas

Ainsi fut-il, fugitive offrande, cet arc en ciel du soir

immensément radieux, ostentatoire même

en arrière fond du parking d’une surface marchande

peuplée de familles du samedi soir aux chariots pleins

soudain immobiles tournées vers l’inouïe lumière,

tous, bras droit en l’air muni d’un portable

pour capter la beauté céleste, irréelle

émouvante, gratuite et renouvelée de l’univers

Jeanne CHAMPEL GRENIER

GRAND COMME de BARBARA AUZOU (Unicité) / La lecture de CLAUDE LUEZIOR

Mentionnons tout d’abord la superbe préface d’Ile Eniger qui se moule dans le dire de l’autrice. La poésie de Barbara Auzou jumelle la grâce fragile d’un papillon et l’état d’être du visionnaire. On avance dans sa maison de mots en ami privilégié ébloui par sa limpidité accomplie qu’elle confie (…)

            La poétesse cultive avec maîtrise les mises à la ligne qui font office de ponctuation en cette prose poétique où s’épanouissent les silences.

            et moi je suis une crieuse d’herbes

            je cultive mon âge et ma déraison

            dans un rire frais

            découpé dans les clairières

            de l’enfance

            La fluidité de la forme révèle (dans le sens photographique du terme) un monde intérieur en prise directe avec la nature, fait d’amour, de sensualité innée envers les êtres et les choses, d’introspection et de bienveillance.

            Pas de facilité ni de mièvrerie, cependant. Des termes forts (vent indocile, espace de feu, âme déchaussée…) soulignent la phrase, sans agressivité inutile ni veulerie.

            Découverte constante ou inconstante d’un absolu sur les crêtes du doute, ce qui est précisément propre à la recherche, tant dans le domaine scientifique que celui du Verbe ; fréquentes surprises au coin de la ligne, sentiments et sensations contradictoires à l’extrême limite de l’âme.

            tu vois j’ai fait de mon mieux

            avec le grand chien de la nuit

            que je devinais encore

            tout tremblant d’enfance

            mais la lumière sans fenêtres

            qui caresse la confiance

            qui ouvre des aurores

            d’églantines extraites des plus hautes futaies

            c’était toi  

            Mine de rien, Auzou égraine les rebondissements du propos comme une dessinatrice étonnerait sans cesse avec ses esquisses, sa vision d’un monde onirique, ses nuages imbriqués dans des morceaux de soleil. Images à profusions qui paraissent nées avec une aisance étonnante sous une plume apparemment complice avec le toi tant aimé et, me semble-t-il, le lecteur lui-même.

Sensation d’être hypnotisé… La poétesse serait-elle vouivre, nymphe visionnaire ou enchanteresse ?

Claude LUEZIOR

Barbara AUZOU, Grand comme, préface de Ile ENIGER, dessin de couverture de Francine HAMELIN, éditions Unicité, collection Le metteur en signe, 105 pages, 1er trim. 2024, ISBN : 978-2-38638-021-1

Le livre sur le site des Editions Unicité

Lire dit-elle, le blog de Barbara AUZOU

2023 – LUS EN FIN D’ANNÉE : LES AVENTURES DE BASILE / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Je connais mieux Gérard LEYZIEUX comme poète, j’ai beaucoup apprécié les recueils que j’ai lus mais dans cette chronique je voudrais évoquer le romancier à travers deux romans qu’il a consacrés au même héros : Basile. Dans le premier, il évoque le cheminement difficile d’un enfant né avec quelques handicaps et dans le second, après avoir vaincu quelques obstacles, les doutes et les nouveaux écueils qu’il doit vaincre.

Basile le bienheureux

Gérard Leyzieux

Editions Stellamaris

Il s’appelle Basile par un pur hasard calendaire, son père a déclaré sa naissance en même temps que le décès de sa fille, la mère de l’enfant morte en couches, sans avoir pensé à un prénom, il a choisi celui du saint du jour. Et c’est ainsi que le pauvre Basile, né avec une jambe plus courte que l’autre, est devenu le souffre-douleur des cours d’écoles où il est devenu Babar ou autrement encore selon l’imagination de ses persécuteurs. Devenu adulte Basile a trouvé un petit emploi à la mairie, il s’occupe de la gestion du camping de Soulac, un petite ville de la pointe de Grave. Il vit modestement mais il est heureux car il a deux passions qui l’occupent beaucoup : sa collection de carte postales avec laquelle il parcourt le monde et ses expéditions dans la campagne et les forêts environnantes qu’il connaît mieux encore que le fond de ses poches. C’est un amoureux de la faune et de la flore, un défenseur de l’écologie, un grand ennemi des chasseurs.

Il a tout pour être heureux, il ne lui manque qu’une présence féminine auprès de lui mais il n’y songe même pas, résigné à son sort d’handicapé célibataire. Et pourtant, un jour, une pensionnaire du camping se rapproche de lui, elle vient du continent, l’autre rive de la Gironde, elle n’est pas jolie, jolie, mais elle est avenante, agréable et surtout, comme lui, amoureuse de la nature et de ses habitants sauf les humains trop souvent chasseurs, menteurs, flagorneurs, peu respectueux de la nature et pleins d’autres défauts encore. Ils essaient de mener une petite vie à deux, la vie de deux blessés de la société, peu gâtés pas la vie, de deux amoureux de la nature et des animaux qu’ils cherchent à protéger de leur mieux.

Une lumière illumine cette vie pleine d’amour quand Basile commence à écrire sa vie dans des livres que sa copine édite. Un couple fort se forme autour de ce projet ambitieux soutenu par leurs parents et amis. Dans ses livres, Basile raconte sa vie et surtout son combat contre tous ceux qui ne respectent pas la nature et les animaux qui l’habitent. Ces livre connaissent un succès d’estime qui va grandissant, ils sont porteurs d’un message ou plutôt de messages, les mêmes que ceux que Gérard Leyzieux distille dans son texte.

Il y prône une vison écologique du monde, le respecte de la nature, la défense des animaux mais aussi l’intégrité de ceux qui ont pour mission de gérer le pays, la fraternité et la solidarité avec tous les bannis de la terre, tous ceux qui souffrent, tous ceux qui sont méprisés, …, tous les gamins harcelés dans les cours d’école ou violentés dans leur famille, tous les émigrés et migrants obligés de quitter leur terre natale pour chercher un coin de terre pour vivre modestement mais dignement.

Ce texte a certes, une dimension politique, sociale, écologique mais aussi un autre aspect plus humain à travers la résilience de ces deux êtres peu chanceux à leur naissance, peu choyés dans leur enfance, qui ont su nouer un grand amour autour de leur volonté de partage, de solidarité, d’amitié et de respect pour l’environnement en général. Le handicap, la violence, le mépris, … , n’empêcheront jamais un grand amour de renverser des montagnes même si elles ne sont que des dunes de sable médocaines.

Le roman sur le site de l’éditeur

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Basile n’est pas heureux

Gérard Leyzieux

Editions Stellamaris

Près de Soulac, Basile un jeune homme handicapé, harcelé quand il était écolier, parvient à trouver le bonheur lors de ses longues promenades en forêt. Une jeune fille venue de l’autre côté de la Gironde, le Continent comme on dit en Médoc, complète ce bonheur. Mais la fameuse covid vient perturber la vie qu’ils avaient construite autour de leur petite Pauline. Basile n’accepte pas tout le surplus d’information déversé par les réseaux dits sociaux, les multiples chaînes du câble et la presse écrite plus ou moins spécialisée.

Dans un premier opus, Gérard Leyzieux avait raconté comment Basile avec sa jeune épouse avait pu surmonter son handicap et se créer une vie heureuse. J’avais conclu mon commentaire par ces quelques lignes qui résument bien ce premier opus. : « Ce texte a certes, une dimension politique, sociale, écologique mais aussi un autre aspect plus humain à travers la résilience de ces deux êtres peu chanceux à leur naissance, peu choyés dans leur enfance, qui ont su nouer un grand amour autour de leur volonté de partage, de solidarité, d’amitié et de respect pour l’environnement en général. Le handicap, la violence, le mépris, … , n’empêcheront jamais un grand amour de renverser des montagnes même si elles ne sont que des dunes médocaines. »

Dans ce second opus, Gérard Leyzieux raconte comment Basile a perdu le moral et s’est laissé emporter par le déferlement médiatique qui a accompagné la pandémie. Il décrit le malaise psychique et moral qui perturbe Basile : il ne comprend l’action du gouvernement incapable à juguler l’épidémie, la recherche systématique de coupables pour rassurer la populace en émoi, la montée des insatisfaction, le déferlement des toutes les théories en… isme qui inondent les médias comme le complotisme, et toutes les théories fumeuses soutenues par les nouveaux gourous du XXI° siècle. . Il se révolte violemment contre les théories de Trump, de Poutine et de leurs semblables à la tête d’autres gouvernements. Il n’accepte pas la marchandisation du monde où seuls comptent le rendement et la productivité.

Il n’accepte pas plus son incapacité à formuler sa révolte dans des écrits que son épouse pourrait éditer dans la petite maison qu’elle a créée. Devant son désarroi Christelle, lui propose d’apprendre, d’apprendre encore pour bien comprendre les informations déversées à flot sur la société confinée qui comme lui n’arrive plus à faire le tri entre ce qui est possible et ce qui n’est que vaste fumisterie destinée à encore plus embrouiller les populations déjà bien perturbées. Ce texte c’est un véritable pamphlet stigmatisant les pouvoirs incapables de lutter efficacement contre la pandémie, l’influence des nouveaux médias, le rôle nocif des nouveaux gourous, les nouvelles théories : véganisme, wokisme, dégenrement, …, destinée à embrouiller les citoyens pour les rendre encore plus asservis aux puissants qui détiennent la plus grande partie des richesses mondiales qu’ils soient financeurs de Trump, suppôts de Poutine, de Xi ou d’autres oligarques et chefs d’état autoritaires.

Gérard Leyzieux a écrit ce livre avant la guerre d’Ukraine et l’histoire semble bien vouloir lui donner raison. Espérons que, comme Basile, les foules trouvent dans le savoir un moyen de lutter contre les inégalités, les injustices, les abus de pouvoir, les appropriations scandaleuses, les marchandisations abusives et toutes les malversations et corruptions qui gangrènent le monde.

Le livre sur le site de l’éditeur

2023 – LUS EN FIN D’ANNEE : FILLES FATALES / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Dans ces deux recueils de nouvelles édités par les Editions de l’Aube, une bien belle brochette d’auteurs a été convoquée (Andersen, Vivien, Arène, Tynaire, Maupassant pour le premier et E. A. Poe, H. G. Wells, J. Lorrain, J. Rosny aîné pour le second) pour évoquer des filles qui ont été fatales à ceux qui ont voulu les séduire ou simplement les approcher.

Les filles de l’écume

Hans Christian Andersen, Renée Vivien, Paul Arène, Marcelle Tynaire, Guy de Maupassant

L’AUBE

Dans ce recueil, Julie Maillard a réuni des auteurs de contes ou autres extraits qui écrivent des histoires de sirènes. Evidemment, elle a commencé cet ouvrage avec le très célèbre conte d’Andersen, « La petite sirène » que je n’avais encore jamais lu. Si par hasard je l’ai lu dans mon enfance, je ne m’en souviens pas, donc merci à Julie de m’avoir donné l’occasion de lire ce chef-d’œuvre de la littérature enfantine. Tout le monde se souvient de l’histoire de cette petite sirène tombée amoureuse d’un beau prince sans pouvoir lui dire qu’elle était celle qui lui avait sauvé la vie. Une autre a profité de son mutisme pour épouser le prince charmant mais, afin que l’histoire ne soit pas trop triste, Andersen a trouvé une petite compensation pour la petite sirène.

Le deuxième texte est de Renée Vivien qui est beaucoup plus connue sous son nom de plume : Sapho. Elle propose dans ce recueil un extrait « Du vert et du violet » dans lequel elle évoque l’amour saphique de la petite Ioné pour les belles sirènes qui finalement l’emportent au fond des flots.

Paul Arènes, le poète provençal, propose, lui, un extrait de « Les Ogresses » dans lequel un petit mousse raconte comment les membres d’un équipage se sont entretués en voulant chacun séduire deux belles sirènes prises dans leurs filets.

Le quatrième texte est de la plume de Marcelle Tynaire, l’une des fondatrices du prix littéraire « Vie heureuse » qui est devenu le « Prix Fémina ». Elle propose un extrait de « Figures de la nuit », l’histoire d’une machination machiavélique fomentée par un nobliau breton ayant, apparemment, rallié la cause de la Révolution. Dans ce récit, la sirène n’est qu’une statue celée au mur d’un château où elle sert de cache à un curé fuyant les sans-culotte accrochés à ses basques.

Le dernier texte est l’œuvre de Guy de Maupassant, un extrait de « la Petite Roque » qui raconte comment une jeune et belle anglaise l’a envoûté un soir d’orage où il était avec la famille de la belle prisonnier des flots à marée haute. Mirage d’un soir, amour éphémère, la fraîche jeune fille l’a séduit sans le vouloir comme une sirène séduit les marins dans les contes.

Cinq textes qui entretiennent le mythe des sirènes qui séduisent les hommes, au prix de leur vie, même les plus intrépides, qu’elles soient fictives, mythologiques, statufiées et même réelles mais assimilées aux belles des abîmes maritimes. Et, combien il est agréable de relire la belle langue française dans les lignes d’auteurs de cette qualité. Merci à Julie Maillard de nous proposer régulièrement de si belles lectures dans la collection Mikros classique des Editions de l’Aube.

Le livre sur le site des Editions de L’aube

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La jeune vampire et autres histoires

Edgar Allan Poe, H.G. Wells, Jean Lorrain, J.-H. Rosny aîné

L’Aube

Dans la collection Mikros classique des Editions de l’Aube, Julie Maillard a regroupé quatre textes de quatre auteurs venus d’horizons différents pour proposer un recueil de nouvelles autour de celle écrite par J.-H. Rosny aîné, La jeune vampire, qui occupe, à elle seule, près de la moitié de cet ouvrage. Autour de l’auteur belge, elle a rassemblé un Américain, Edgar Allan Poe, un Anglais, H.G. Wells, et un Français Jean Lorrain pour parler des femmes fatales, des femmes mythiques, des femmes qui séduisent les hommes pour mieux les anéantir.

Julie Maillard a choisi dans l’œuvre de Poe, une nouvelle intitulée : Bérénice du nom de l’héroïne éponyme de cette nouvelle. Elle est aussi pétillante que son cousin est mélancolique et maladif, et pourtant celui-ci l’aime à la folie surtout pour ses dents qui les fascinent. Mais, Bérénice est affectée d’épilepsie et sombre bientôt sous les coups de la maladie. Le narrateur ne peut pas se résoudre à ne plus voir les dents de Bérénice qui et tente une manœuvre désespérée pour sauver son trésor. Ce texte est la traduction de Charles Baudelaire.

Chez Wells, Julie, a trouvé une nouvelle dans laquelle une orchidée symbolise une jeune fille très séduisante. Elle est vénéneuse mais le collectionneur veut absolument l’ajouter à sa collection. Mal lui en a pris, la belle est farouche et sa réaction est fatale.

La nouvelle de Lorrain est habitée de vampires, des êtres mythologiques, qu’une magnifique dresseuse utilise pour construire un étonnant spectacle avant de les enfermer dans une cage bien fermée car ses individus sont extrêmement dangereux. Séduite par la dresseuse, le narrateur dort dans sa roulotte avec la cage des vampires qui mystérieusement s’évadent non sans l’avoir détroussé avant de disparaître. Vengeance ?

La nouvelle éponyme de Rosny aîné est elle aussi une histoire de vampire, celle d’Evelyn Grovedale, qu’un jeune gentlemen veut séduire. Il parvient à ses fins mais la belle ne veut pas vire avec lui car elle sait qu’elle doit se nourrir de sang pour survivre. Ils trouvent un compromis leur permettant de vivre leur amour et même d’avoir un enfant qui pourrait, hélas, être lui aussi un vampire comme sa mère.

Ces quatre nouvelles appartiennent au mouvement initié par Wells qui est peut-être à l’origine de la science-fiction moderne. Elles sont fortement marquées par le scientisme de fin du XIX° siècle, on pourrait même les rapprocher du « pari illusionniste » illustré par Villiers de l’Isle-Adam et son Eve future et Georges Rodenbach et son héroïne de Bruges la morte. Des héros qui, grâce au progrès scientifique, pouvaient se dédoubler, disparaître, réapparaître, revenir de l’autre monde, habiter un autre corps…

Le livre sur le site des Editions de L’Aube

CLÉMENT PANSAERS / Un article de JEAN-FRANÇOIS FOULON

La période de l’entre-deux-guerres est particulièrement riche et complexe. C’est l’époque du mouvement Dada, qui se veut avant tout contestataire, tant sur le plan littéraire et esthétique, qu’idéologique et politique. Il s’agit donc de supprimer ce qu’il est convenu d’appeler la beauté, la culture, la poésie (en gros celle qui s’écrit en alexandrins codifiés). L’esprit de ses membres est caustique et extravagant et en rupture totale avec les « vieilleries du passé ». Il faut provoquer, afin d’amener les citoyens à réfléchir sur les fondements mêmes de la société. La liberté de langage sera un trait commun de tous les artistes de ce mouvement.

Le dadaïsme est né à Zurich en 1916. Un écrivain allemand en exil, Hugo Ball (qui avait aussi traduit Rimbaud en allemand), avait fondé dans cette ville le « Cabaret Voltaire ». L’idée était d’en faire un lieu où les artistes pourraient venir s’exprimer et se rencontrer. A l’ouverture, la salle est comble, remplie d’écrivains et de peintres, tandis que Ball joue du piano. Tristan Tzara deviendra vite un habitué des lieux.

Le terme « Dada », qui intrigue souvent, a parait-il été trouvé à l’aide d’un coupe-papier, qu’on avait glissé au hasard entre les pages d’un dictionnaire Larousse. Ce qui est certain, c’est que le mouvement s’internationalise très vite. Des journaux et des manifestes apparaissent en France, en Allemagne, et aux États-Unis. A New-York, Marcel Duchamp, Francis Picabia et Man Ray veulent libérer la peinture de la signature de l‘artiste. À Paris, après un premier enthousiasme, des divergences de vue apparaissent. Certains défendent l’esprit du dadaïsme tel qu’il a été créé à Zurich (remise en cause de l’art), tandis que d’autres y voient le germe d’une nouveauté (un art nouveau, en quelque sorte). C’est dans ce dernier groupe que l’on retrouvera André Breton, qui sera à l’origine du surréalisme.

On retiendra le procès imaginaire que le dadaïsme intenta à Maurice Barrès, le célèbre auteur conventionnel de « La Colline inspirée ». Il s’agissait de l’attaquer pour « crime contre la sûreté de l’esprit ». C’est Breton qui dirige ce procès, Tzara n’intervenant que comme témoin. Pourtant, tout tourne rapidement à la plaisanterie, au grand regret de Breton.

Tzara : « Je n’ai aucune confiance dans la justice, même si cette justice est faite par dada. Vous conviendrez avec moi, monsieur le Président, que nous ne sommes tous qu’une bande de salauds et que par conséquent les petites différences, salauds plus grands ou salauds plus petits, n’ont aucune importance. »

Breton : « Le témoin tient-il à passer pour un parfait imbécile ou cherche-t-il à se faire interner ? »

Tzara  « Oui, je tiens à me faire passer pour un parfait imbécile et je ne cherche pas à m’échapper de l’asile dans lequel je passe ma vie. »

Tzara quitte alors violemment la salle, suivi par Picabia et quelques autres. On peut dire que le mouvement Dada a éclaté ce jour-là, tant les divergences entre les différents artistes étaient importantes. Les disputes deviennent quotidiennes et des clans apparaissent (les dadaïstes purs et durs avec Tzara, les surréalistes avec Breton et Soupault, les anti-dadaïstes et anti-surréalistes avec Picabia). Breton et le surréalisme s’approprieront pas mal de trouvailles du dadaïsme, comme les notions d’automatisme, de simultanéité, de hasard.

Un bon représentant du mouvement Dada en Belgique, c’est Clément Pansaers. Né en 1885, d’origine flamande, mais s’exprimant en français, il est mort à Bruxelles en 1922. Il n’avait que trente-sept ans. Il fut à la fois peintre, graveur, sculpteur et poète. Il est souvent présenté comme le principal représentant du mouvement Dada en Belgique, pourtant c’est dans le groupe Dada de Paris qu’il se fera connaître. Ce fut surtout un artiste original et singulier, qui ne connaîtra que tardivement Tzara.

Destiné par ses parents à devenir prêtre, il refuse de devenir sous-diacre à sa sortie du séminaire : «Ma mère, bigote accomplie, voulut dans le temps, faire de moi un abbé. Elle m’avait offert à son seigneur, sans me demander mon avis, et je me laissai faire, qui sait pour racheter quel péché abominable. […] Ma mère m’envoya aussitôt sa bulle d’excommunication et défense formelle de rentrer à tout jamais chez elle. Je ne fus plus son fils et là-dessus je tombai dans la vie comme dans le vide. »

Il travaillera quelque temps à la Bibliothèque royale de Belgique, avant de se tourner vers la poésie et la sculpture. Il s’intéresse aux œuvres de Sigmund Freud, au taoïsme, et à l’expressionnisme allemand. Lors de la Première Guerre mondiale, il rencontre à Bruxelles Carl Einstein, un écrivain et critique allemand très libertaire, qui jouera un rôle dans le soulèvement des soldats-ouvriers allemands contre leurs chefs, événement évoqué dans le roman de Philippe Remy-Wilkin, « Onze Bruxelles », déjà recensé dans « Les belles phrases » (https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2023/06/12/onze-bruxelles-de-philippe-remy-wilkin-samsa-une-lecture-de-jean-francois-foulon/).

En 1917, Pansaers fonde la revue Résurrection (où on retrouve ses propres textes ainsi que ceux d’écrivains comme Carl Einstein, Pierre Jean Jouve, ou Charles Vildrac) laquelle se veut antimilitariste. Elle disparaîtra en 1918, après six numéros. Après la guerre, il est assez mal vu par les autorités (il n’était ni nationaliste ni patriote, mais plutôt pacifiste et internationaliste) et on lui reproche ses sympathies pour ses amis écrivains allemands.

« Plus tard, « mes fantaisies » furent dénommées bolcheviques et me valurent une perquisition — gendarmes et soldats, baïonnettes au canon — et une surveillance serrée de la part de la police secrète, pour devenir finalement dadaïstes »

« Que sais-je, si j’avais été d’un autre pays, peut-être eussé-je été nationaliste, mais nationaliste belge. Il n’y a pas de mot plus ridicule que le mot belge. Observez la figure d’un enfant qui ne l’a jamais entendu, et dites belge. Il rit, il rit aux éclats. Je parie tout ce qu’on veut qu’il rit. »

En 1917 toujours, il écrit son livre « L’Apologie de la paresse », dont le côté iconoclaste l’apparente au dadaïsme. Ce n’est pourtant qu’en 1919 qu’il découvre l’existence du mouvement Dada. Il tente d’organiser une manifestation Dada à Bruxelles, mais ce projet n’aboutira pas, en raison des divisions du groupe sur les personnes qu’il convenait d’inviter.

Paraît ensuite « Le Pan-pan au cul du nu nègre », œuvre étrange, riche de doubles sens, qui lui vaut l’estime de James Joyce. Puis ce sera « Bar Nicanor, avec un portrait de Crotte de Bique et de Couillandouille par eux-mêmes », ouvrage à la typographie étonnante (mise en page en étroites colonnes de texte réparties à gauche, à droite ou au centre des folios) qui se rapproche de l’écriture automatique.

Après l’affaire du portefeuille qui sera à l’origine de l’éclatement du groupe Dada parisien (1), Pansaers publie un texte (« Une bombe déconfiture aux îles sous le vent ») clairvoyant dans lequel il décrit Breton comme un « professeur platonicien — gonflé au pourpre violet de l’excommunication ».  

Préférant finalement le taoïsme au dadaïsme, il décède à trente-sept ans de la maladie de Hodgkin.

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Note : (1) Réuni dans son café habituel, le groupe Dada découvre un portefeuille oublié par le garçon de café et s’en empare. Breton souhaite garder l’argent pour lui, prétextant qu’il avait engagé des frais au nom de Dada, Tzara propose de tirer à la courte paille, et Éluard et Clément Pansaers veulent le restituer à son propriétaire (ce qui sera finalement fait). Il s’ensuivra une brouille de plusieurs mois entre Breton et Éluard.