Christophe Beurk (parfois orthographié Beurck), de son vrai nom André Laspalette, a vécu à la fin du XXème siècle. Il a été canonisé par lui-même entre octobre 1995 et le 1er avril 1997 dans un endroit tenu évidemment secret mais qui pourrait bien être situé dans l’extrême est de la Belgique (non, il n’était pas communiste, ce qui a, il faut dire, nui considérablement à sa reconnaissance du vivant des Grands Communistes). Aucune vidéo de l’événement n’existerait, peut-être deux ou trois Polaroïds déteints. Certains intellectuels avancent même l’hypothèse qu’il aurait pu l’être dans la langue de Goethe. Les plus téméraires affirment même que Joseph Ratzinger aurait pu lui servir de conseiller.
Beaucoup d’incertitudes comme on le voit sur le parcours de ce singulier écrivain qu’on aimerait, sans oser – au risque de s’attirer la foudre bien moulue des puristes -, qualifier de fantasque. Des témoignages récents comme ceux du controversé Jean-Marie Tinck (un temps tueur du Brabant, aujourd’hui humoriste) l’aurait aperçu sortant récemment d’un Delhaize mais il ne sait plus pas où.
Christophe Beurck serait aujourd’hui âgé entre 69 et 73 ans s’il n’avait pas, comme annoncé dans un mot vague retrouvé sur le lac où il où il a disparu mis fin à ses jours par absorption de trop d’eau par unité de temps. Il n’aurait pas voulu de descendants pour se consacrer tout entier à son œuvre qui, quoique brève (12 à 17 aphorismes), vaut, mais on se le demande toujours, la peine d’être lue.
1. Marcher sur les autres, se reposer sur soi.
2. Malgré les formes du miroir, l’Image durera.
3. Tituber, c’est ruer dans les bars.
4. Le jour en fuite a été repris au crépuscule avant d’être exécuté.
5. Un rein de perdu, dix (au moins) de retrouvés.
6. Faute de soleil, asperge-toi de crème solaire.
(variation due à un de ses émules enseignant au chômage) : Faute d’école, asperge-toi de crème scolaire.
7. Enchâssez le naturel, il reviendra en tableau.
(repris dans l’Encyclopédie de la peinture à l’art traître en 3 pages et demie)
Et commenté longuement, sur plus de trois cent pages, dans l’édifiant ouvrage de Jean-Baptiste Botul, Tombeau de BHL.
8. Ce que j’aime dans les nuages, c’est leur devenir orageux.
(variante par un de ses épigones grantauteur de Roman jeunesse : Ce que j’aime dans les nuages, c’est leur devenir pluvieux.)
9. Donnez-moi un évier et je nettoierai le monde.
10. Le travail de seuil commence dès qu’on ferme la porte.
11. Malgré Celan, Cioran est mort de mort naturelle.
(Repris dans L’Abrédé d’Histoire générale des Grands Roumains autres que Vlad l’empaffé de Transylvanie, édité par les Pittaphysiciens Anonymes de la Roumanie imaginaire.)
12. Ma mère m’appelle sur mon portable tout neuf pour me demander comment on fait pour envoyer des textos.
(ceci constitue le dernier aphorisme authentifié par le Collectif oulipien du Sud Hainaut ; il est daté du 21 juillet 2000, à moins qu’il ne s’agisse d’un fragment de son journal, hypothèse avancée récemment par un membre insignifiant du très influent (et amplement subsidié) Observatoire des Ecrits Apocryphes Sans La Moindre Importance)
Un doute plane toujours au-dessus de ces cinq aphorismes qui seraient, s’ils ne sont pas de Christophe Beurck, de Marion Laspalette, la demi-sœur aînée d’André qui rêva toute sa vie de consacrer sa vie à l’écriture pour faire la nique à sa moitié de frère qu’elle jalousait secrètement (autant qu’elle l’adorait, relire la touchante lettre, quoique barbante et par moments incompréhensible, du 5 juin 1963 au soir « à mon frère papouille »).
13. On peut nourrir à n’importe quel âge son premier ânon.
14. C’est quoi le félin pluriel de cougar ?
15. Un oculiste qu’on paie à l’œil ne trouvera jamais monture à son pied (il pourrait bien finir cordonnier).
16. Quand je me bougie, je vois trente-six chandelles.
17. Tromper l’ennui avec le désespoir.
(variante éloignée dans le temps: la pomme d’Adam était une désespoire.)
Marion Laspalette prévoit la sortie d’un micro recueil aux éditions Moi aussi je veux compter (trente-six lecteurs) dans la littérature sous le pseudo de Georges Cendre (paix à son âne).
par Éric Laspalette (neveu probable d’André, fils et non moins éditeur de Marion)