Nouveaux métiers: repasseur de phrases

Vos phrases présentent de méchants plis, des signes de ponctuation, des parenthèses, des incises, des  mots rares, des ventuosités, elles s’allongent inconsidérément (comme celle-ci). Le repasseur de phrases vous l’étale, vous la rend aussi droite qu’une ligne de chemin de fer ou qu’un cheveu de Kate Moss. Contre un prix forfaitaire, il vous repasse un texte en un coup de paume. Il ne vous reste plus pour faire sensation devant la critique boursouflée qu’à présenter vos ouvrages au gala du beau style, au salon du texte d’apparat, au bal des livres bien. Le repasseur de phrases peut aussi, contre une somme outrancière, vous coacher pour entrer à l’Académie, d’ici vingt ou trente ans.   

Nouveaux métiers: éviteur de gros mots

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Les gros mots prolifèrent, dans la bouche des animateurs télé, des hommes politiques et dans celles des tout petits que c’en devient agaçant.
Mais l’éviteur de gros mots ne pourra pas tout éviter, la première syllabe ne pourra que rarement être sautée. À moins que vous ne soyez passé maître dans l’art de prendre du recul ou ayez passé votre BAC + ZEN. Il vous apprendra à corriger le tir et choisir un mot dit de dérivation. Des exercices pratiques seront proposés.

Quelques exemples…

Si votre chef vous fait une remarque désobligeante, vous direz : Il me fait chi…corée.  Si vous renversez le contenu de votre tasse de chicorée sur la chemise de votre chef chicoré, vous direz Mer… credi même si on est un autre jour de la semaine. Mercredi… je devrai m’absenter pour un rendez-vous chez mon dentiste. Si votre épouse vous fait remarquer que décidément vous ne changerez jamais et qu’elle ne vous repassera plus vos jeans taille basse, vous direz : Sa…medi (si vous voulez rester dans le même registre journalier), Sa…nisette, si vous êtes trop énervé. Ou encore Salo…pette (quoique ce mot peut être pris comme un mot-valise). Si votre patron vous refuse le rendez-vous chez le dentiste, vous vous exclamerez, L’en… capuchonné. Ou au pire: L’enfant de salo…pette. S’il vous refuse une augmentation cent fois réclamées, et que vous êtes parti sur une vilaine expression, vous pourrez corriger le tir en route: Le fils de pu…b (ce qui fera plaisir à Jacques Séguéla qui, c’est de notoriété pub-lique, ne voit chez les gens – qui ont des Rolex – que les bonnes choses). Ou Fils de puce, qui n’est pas mal non plus. Puce rabaisse votre interlocuteur fictif sur un ton qui reste plaisant. Si vous n’avez jamais pu encadrer ce mouvement social-rock, vous pouvez dire: Fils de pu…nk. S’ils ont été de vrais punks, il y a peu de chances qu’ils se soient reproduits mais qui sait. Cela nécessite toutefois un bon entraînement car passer du « u » au « un » n’est pas donné à toutes les cordes vocales. L’éviteur de gros mots ne vous évitera pas tout de suite d’avoir des mauvaises pensées (cela nécessite une formation complémentaire), mais il vous mettra sur la voie… de la sagesse. Avec un coaching adéquat, vous serez l’égal d’un Adamo qui, c’est de notoriété publique, n’a jamais proféré un gros mot de sa vie et n’a jamais non plus été punk (sauf erreur de ma part).

Allez ! À vos cahiers !

 

Nouveaux métiers: trampoline pour policiers

Vous êtes SDF, pauvre, gitan esseulé, Sans papier. Vous avez le dos résistant, les côtes en béton. Un nouveau métier s’offre à vous : trampoline pour policiers en manque de sauterie, terrain de  jeux pour gardiens de sécurité. Vous ne craignez pasde subir des (as)sauts répétés, des brimades sans nom, ceci est un métier fait pour vous. Il ne nécessite aucune formation, préformation… Juste quelques malformations peuvent vous aider à obtenir le job. Ne vous attendez toutefois pas à être rémunéré mais, avec un peu de chances, si vous vous particularisez par votre esprit de soumission, vous serez peut-être remarqué par quelque DRH surmené venu s’amuser avec les hommes en bleu. Après ce stage solide, vous pourrez être embauché dans n’importe quelle société  du Grand Capital pour finir, au bout de l’humiliation, en plein burn-out, par vous suicider sur votre lieu de travail, au terme d’un parcours professionnel et civique (vous ferez l’économie d’une pension de retraite à l’Etat) exemplaire et donné en exemple dans les agences d’intérim du pays aux nombreux sans emploi soucieux de se réinsérer dans le circuit du travail.  


Nouveaux métiers: TRANSPORTEUR DE LUMIÈRE

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La lumière est souvent concentrée en quelques rares points du paysage ou du cosmos, c’est un des défauts de notre univers. Et les autres endroits en sont privés. Leurs cris noirs font tache dans le spectre sonore. De sorte que lorsqu’on stationne en ces zones obscures et qu’on veut ouvrir un livre, regarder de près un beau visage, faire la lumière sur un point de pensée, on doit faire des kilomètres. Le transporteur de lumière , aussi appelé égaliseur de lumière, rétablit l’équilibre entre tous ces lieux, de façon qu’un sain éclat diffuse partout de manière égale sans  faire de jaloux. Ainsi celui qui veut lire un livre, décrypter une belle face ou voir plus clair en soi puisse le faire sans se déplacer. Le transporteur de lumière accepte les pourboires en candelas ou, à défaut, en pièces de soleil. En bref, l’égaliseur de lumière repasse derrière le faiseur de lumière, une espèce de fonctionnaire du ciel qui ne brille pas par son énergie. Celui qui exerce la profession ne doit pas forcément être large d’épaules ou inscrit à un club de musculation. Il est même à souhaiter qu’il soit léger comme l’air mais ce n’est pas encore une condition demandée par l’employeur.        

Releveur de têtes

La fatigue, l’accablement, les coups durs de l’existence, la crise permanente, le climat de la planète, les vains (d)ébats,  le sommet de Copenhague, Sarko ou Leterme etc. nous font courber l’échine, et on connaît le dicton : tête baissée, corps en berne. Le releveur de têtes agit avec méthode. En faisant suivre au patient un régime strict qui comporte (grosso modo) les étapes suivantes : apprentissage du nom des nuages (cirrus, cumulus, stratus…), stabilisation des membres inférieurs et affermissement du ventre, cueillette de fruits genre pomme poire cerise (éviter la cueillette des myrtilles, fraises et autres fruits des sous-bois), installation (selon l’orientation ou la déviance sexuelle du patient) de posters de femme d’homme ou d’animal nu au plafond, voire de seins postiche et autres fanfreluches que la décence (et la direction des Skynetblogs.be) nous interdit d’énoncer ici. Au bout de quelques semaines, les effets ne tardent pas à se manifester. Le patient peut à nouveau marcher la tête droite comme un i. De plus il aura une connaissance précise du type de nébulosités et il pourra se prémunir contre les rhumes, grippes et autres angines.

Seul effet secondaire indésirable constaté jusqu’à présent, certains patients éprouvent des raideurs dans le haut du dos, des contractions des épaules et un gonflement du cou qui ne vont pas toujours sans provoquer des sautes d’humeur mais surtout des hypertrophies de l’ego qui peuvent à terme, on le sait d’expérience, provoquer un rejet social sur le lieu de travail ou dans le milieu familial.  Et c’est  ainsi qu’on en viendrait à se couper la tête.

 

Nouveaux métiers (26): tueur de temps

Le tueur de temps est un métier pour glandeurs et ex-fonctionnaires. Le tueur de temps se contente de rester immobile mais ce n’est pas une obligation, c’est seulement plus spectaculaire : il trucide l’air de rien et sans que jamais personne n’y trouve à redire.

Il tire profit du contexte, ennuyeux à souhait. Ainsi on verra l’assassin d’instants perpétrer ses crimes en vitrine des magasins ou sur une estrade montée dans la travée centrale des centres commerciaux. La cliente odorante d’Ici Paris XL, le promeneur de chiens de fantaisie, le préretraité de l’enseignement, le chômeur en fin de droit, le demandeur d’asile en attente d’expulsion, l’évadé de la maison de repos, l’écrivain en mal d’inspiration, le futur suicidé de France Télécom (ou Peugeot ou Thalès ou…), l’employé irradié d’Areva ou d’Electrabel, l’élect(rocut)eur déçu de Paul Magnette, le père désoeuvré de Charles Michel, l’ancien colleur d’affiches recyclables des Verts assisteront ainsi en toute impunité à l’exécution en place publique.

L’assassin peut saler ses meurtres, ne pas se contenter d’une étiration en bonne et due forme, en torturant l’instant, en prolongeant ses souffrances au-delà des convenances temporelles. Il sera rétribué par les nombreux sponsors suisses qui le soutiendront dans ses horribles séries. Enfin, il sera jugé par une cour spéciale qui siégera dans une salle en forme d’horloge. Il écopera en général d’une peine égale au nombre d’instants assassinés.

Nouveaux métiers (25): comebacker

Le comebacker revient toujours ! Même absent, il est celui dont on guette le retour, dont on sait qu’il va revenir. C’est la valeur sûre de l’entreprise, du secteur privé ou public : il n’y en a plus d’autres. Il est là sans être là. Absent, on pressent son retour. Et présent, on sait qu’il va disparaître à nouveau mais bien vite se repointer, avec l’accord des syndicats, la bénédiction des patrons, le soulagement des cellules d’aide à la réinsertion. Le comebacker se situe à n’importe quel niveau de l’ascenseur social : cadre, employé, ouvrier, manœuvre… Même parmi les chômeurs,  on trouve des comebackers : ceux qui perdent leurs allocations et qui les retrouvent au terme d’un stage d’attente ou d’une préformation.

Le comebacker doit préparer son retour. Un emploi trop tard et son public perdrait patience, il quitterait derechef la période d’attente et il se retrouverait le job dans l’eau.

Le comebacker joue contre l’oubli. Comme un vieil acteur, un animateur de télé  sur le retour, combien de comebackers sont réapparus au mauvais moment, dans un environnement social modifié, en marge de leur public ; ceux-là on fait un flop et on ne les revit jamais.

L’activité de comebacker est la plus difficile qui soit mais, quand elle est bien menée, elle procure à ceux qui la pratiquent et leurs inconditionnels une joie sans commune mesure dans les corps de métier stabilisés et, on va dire, passablement ringardisés. 

Nouveaux métiers: Suicide mode d’emploi

 

Pour se faire embaucher par une grande entreprise fraîchement privatisée, le suicidaire qui peut produire des attestations de (presque) réussite en la matière aura plus de chance qu’un velléitaire qui ne met pas ses actes en conformité avec sa dépression, et ils sont nombreux. On comprend dans ce cas que les directeurs du personnel de ces sociétés rechignent à miser leurs euros sur des valeurs aussi peu fiables pour la réputation de leur société, la barre de France Télécom (une entreprise innovatrice) ayant été placée très haut. C’est pourquoi le suicidaire suivra avant sa mise à l’emploi (et bientôt en bière) un stage d’attente au cours duquel des psychologues d’entreprise, des chefs de service retors, et un système de brimades attestés par un DRH spécialisé, assureront la perfectibilité de stagiaire de façon qu’aucun couac ne survienne au moment voulu, ce serait dommage pour l’image de la boîte et de son patron. Une opportunité sans précédent s’offre désormais pour les loosers qui ont la chance de décrocher un job qui sera aussi leur dernier. Ils doivent saisir cette occasion car rien ne dit (hélas) que cette époque bénie durera.

Redresseur de flore

La flore est menacée, des espèces disparaissent toutes les secondes, principalement celles vivant en milieu urbain où se concentrent les pics de corruption. Des espèces d’hommes politiques intègres, des combattants des droits de la pomme, des exploitants du flou de Bruxelles. Le redresseur de flore, d’ascendance baba au rhum, redresse la flore menacée, il libère sur les contrées touchées un gaz à effet de vert qui brouille les autres couleurs et donne du redressage une idée morale. Le redresseur éradique les comportements et techniques à la base de la déprédation de la nature : les canettes qu’on jette sur la chaussée si elles ne sont pas de thé vert, les panneaux électoraux s’ils ne sont pas solaires, les véhicules non électrisés, les maisons proactives, les mauvais trieurs et les ampoules qui laissent à éclairer. Chez lui, le redresseur de flore s’économise, il fume comme un beau page de l’herbe de pâturage et il boit de l’essence de colza sous des pales d’éoliennes. Il n’a rien à se reprocher même s’il cherche beaucoup ; pour sûr qu’il gagnera – fort tard – le paradis des écologistes le Jour du Développement durable.

Masseur de langue

Un peu comme la plante de pied, la feuille de vigne ou le crâne de Bruce Willis, la langue possède une infinité de points sensibles en liaison avec le reste du corps. Le massage de langue se pratique avec les pouces et les index, exceptionnellement avec le majeur de la main droite. Palpation, malaxation, tirage, c’est volontiers brutal mais très vite profitable. De façon à amener ensuite de la douceur, de la délicatesse partout. On peut opérer le massage   après nappage de miel ou huiler avec du Saint Emilion grand cru. Si le massé est coquet, il pourra demander un bout de langue en biseau avec léger retroussis. Le massage de langue terminé, le propriétaire de la bouche se sent régénéré, il parle plus fort et déblatère davantage sur ses semblables. Il tourne des phrases plus virulentes, lance des saillies plus pointues. En d’autres termes, il sera plus à même de rendre toutes les subtilités de langage dans l’art de proférer des méchancetés.

Il pourra aussi crier à pleins poumons lors des manifestations organisées contre le patronat pourri, brailler du Robert Cogoi* en maison de repos, reprendre du Bénabar en chœur ou encore siffler l’Halleluia d’Haendel en toute impunité. Ou encore fêter connement les hommages nombreux rendus à Sœur Sourire.  

Signalons enfin qu’il est formellement interdit au masseur, pendant ses heures de travail, d’user d’autre chose que des doigts. 

 

* chanteur belge des années 60, rival éphémère de Salvatore Adamo