DENIS BILLAMBOZ
Comme l’été a été particulièrement chaud et sec, j’ai fait provision de Cactus et je suis donc en mesure de vous en transmettre une partie. Voici donc une chronique résultant de l’assemblage de trois commentaires de lecture de trois auteurs de cette maison d’édition : Philippe SIMON, Christophe BONNEAU et Karel LOGIST. Trois auteurs que je ne connaissais pas, trois découvertes, trois beaux souvenirs de lecture…
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Tyrannie de la poussière
Philippe Simon
Cactus Inébranlable Éditions
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Voilà un nouvel auteur que je découvre au Cactus inébranlable et, dès son troisième aphorisme, il m’a déjà convaincu … ou presque :
« En général ceux qui sont revenus de tout ne sont jamais allés bien loin. »
Vous conviendrez avec moi que c’est plein de finesse et d’esprit, tout ce que j’aime. Pas étonnant, l’homme, d’après sa biographie, possède une culture littéraire déjà bien diversifiée et tout aussi étoffée. Il utilise certaines figures de style, j’ai notamment remarqué quelques zeugmas, de même qu’il n’hésite pas à détourner des expressions consacrées pour leur donner un autre sens souvent fort incongru ou plein d’humour. Comme il l’écrit : « Je veux juste laisser chanter les mots, au gré du cœur et des maladresses », ce dont nous nous réjouissons !
Dans ses aphorismes, il évoque notamment le monde qui se défait, l’écologie, la société, l’économie en déconfiture, la vie de plus en plus difficile pour plus en plus de terriens :
« Nous habitons à crédit notre époque percluse de dette. »
« Supprimer les fromages au lait cru ! Autant supprimer les fromages ». L’apprenti producteur de lait que je fus ne peut qu’abonder avec enthousiasme.
Il distille aussi quelques propos plus philosophiques, plus politiques, plus empreints de réflexion sur la décomposition sociale.
« C’est si facile de risquer la peau des autres. C’est d’ailleurs le principe même de la guerre. »
« Il y a des provocateurs. Moi, je serais plutôt « anti ». il y a des anticonformistes. Là, j’en suis. »
« La solitude, mais bien sûr qu’elle existe ! Elle habite au nord du drame, là où diables et dieux n’ont jamais cru à l’existence de l’âme. »
Mais je prends un certain plaisir à conclure cette liste, en citant ce dernier aphorisme empreint de sarcasme et d’ironie
« Une promenade avec un vélo électrique ? Pourquoi pas l’amour avec une poupée gonflable ? »
Philippe n’est peut-être jamais passé dans ce coin de Corse où j’ai récemment lu cette inscription au fer forgé :
« La créativité est la gourmandise de la pensée. » Mais, s’il ne l’a pas lue, je suis sûr qu’il la ferait sienne bien vite.
L’ouvrage sur le site de vente en ligne du Cactus Inébranlable
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Faut-il dire la vérité aux éléphants ?
Karel Logist
Cactus Inébranlable Éditions
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Je ne connaissais pas Karel Logist avant de lire ce recueil mais il ne m’a pas fallu beaucoup de temps avant d’éprouver une certaine empathie avec lui. L’exergue qu’il a choisi m’a tout de suite mis dans les meilleures dispositions pour ma lecture, en effet, un auteur qui, se citant, écrit : « Toute définition de l’aphorisme rend son auteur infréquentable » ne peut que donner envie de le lire, de le lire vite. Je n’ai pas été déçu car, dès la première page, j’ai noté quelques aphorismes du meilleur cru, pleins de lucidité, d’esprit et d’humilité : « Le poète ne cherche pas ses mots, il les rencontre ». Celui qui cherche n’est qu’un besogneux, le talentueux est celui qui est spontanément inspiré. J’ai aussi beaucoup aimé celui-ci : « Vieillard volage, il trompait le temps avec une jeunesse qui n’était plus à lui » qui m’a séduit non seulement par sa finesse d’esprit mais surtout par la manière dont l’auteur l’a rédigé. Je pourrais aussi en rapporter de nombreux autres qui m’ont particulièrement ravi mais je me contenterai de ne citer que quelques exemples car ils sont trop nombreux à m’avoir épaté et il serait inconvenant de ne pas en laisser la primeur aux lecteurs.
Mais comme « À l’impossible, nul ne renonce », j’en proposerai encore quelques-uns particulièrement inspirés pour leur mettre l’eau à la bouche : « On a beau accusé son âge ; le vrai coupable court toujours. », « Avant de vouloir tout arrêter, si nous arrêtions de tout vouloir ? », ce joli paradoxe entre l’avance et la ponctualité : « Il avait beau être en avance sur son temps, c’était quelqu’un de très ponctuel. » et cet autre entre la richesse et la vacuité : « Il avait acquis un certain train de vie, dont les compartiments restaient vides. »
Mais je ne pourrais clore cette chronique sans citer celui-ci qui contient une pointe d’humour vachard comme j’aime bien. Ce n’est pas spécialement la mise en cause de la profondeur de la pensée de BHL que je n’ai jamais analysée, qui m’a fait rire mais surtout sa comparaison avec la profondeur savamment étudiée du débraillé de son col de chemise. « Ce qu’il y a de vraiment profond dans la pensée de BHL, c’est l’échancrure de ses cols de chemise. » Trop drôle !
Cet auteur à la vaste culture et à la pratique protéiforme de l’écriture, comme le laisse supposer sa biographie, dispose ainsi d’un large champ littéraire à explorer pour y faire les plus belles rencontres. Je n’oublierai pas non plus de signaler que ce recueil est joliment agrémenté de collages de Robert Varlez qui représentent surtout des personnages improbables, fantastiques, composés d’éléments provenant de divers autres personnages, …, juste ce qu’il fallait pour faire vivre les textes de Karel Logist.
L’ouvrage sur le site du Cactus Inébranlable
Carnet de doutes, le site de Karel LOGIST
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Les voluptés de la discrétion
Christophe Bonneau
Cactus Inébranlable Editions
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Certes Christophe Bonneau n’est pas un novice dans le monde des lettres mais il ne fait pas partie de la cohorte de ceux qui sont prêts à tout et surtout à n’importe quoi pour publier un recueil. Il prend son temps, chaque matin, il écrit quelques aphorismes pour mettre ses neurones en jambe. Avec, ce recueil, il a rejoint la tribu, devenue cohorte, des auteurs de P’tits cactus, ce qui est une référence dans le monde des lettres.
Ses « aphorismes et observations » précise-t-il en sous-titre à ce recueil évoquent la vie que l’on mène dans l’humanité perturbée que nous connaissons depuis quelques décennies. Il dit ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il ressent, ce qu’il en déduit et aussi les craintes qu’il a pour le futur de la planète et de la société qui l’occupe.
« La société, à la fois objet de conservation et sujet de conversation. »
« L’enfant déjà, pose sa main sur le caddie. »
« Un écrivain qui lit. / Un cuisinier qui mange. / Un musicien écoutant de la musique. / Un crétin devant TF1. »
Pour ce faire, il s’attarde sur différents thèmes comme la vie, la mort, la vieillesse, l’amour et toutes les choses banales et triviales qui composent notre quotidien. Mais ce qui semble le plus l’impressionner, le fasciner, le décourager c’est l’immensité et l’étonnante capacité à se régénérer sans jamais mollir de la « connerie humaine. »
« Les gens qui n’ont pas d’idées taxent souvent ceux qui en ont de bornés. »
« Certaines poignées de mains ressemblent à des poignées de porte. »
« Leur intérieur : internet. / Leur extérieur : le téléphone portable. »
Pour compenser cette connerie envahissante, il démontre une vaste culture surtout dans le domaine cinématographique et musical, la musique semble lui être particulièrement chère, il l’évoque avec enthousiasme dans de nombreux textes. Il nous réserve aussi quelques espiègleries amusantes, humoristiques, satiriques, sarcastiques ou même surréalistes, …
« Comme un chewing-gum, une nouvelle relation a beaucoup de goût au début. »
« Est allé au bout de lui-même, / s’est retourné, / n’a pas vu grand-chose, / s’est juré de ne plus jamais s’y rendre. »
Et la musique, bien sûr, « La musique est le seul art qui peut se permettre de ne rien dire. » ; « Il est des gens qui, en se taisant, nous parlent plus que bien d’autres. ». Alors…
L’ouvrage sur le site du Cactus Inébranlable
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L’ABONNEMENT ANNUEL aux P’TITS CACTUS, c’est 12 recueils d’aphorismes pour 95€ !
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