LES NOUVEAUX DEVOIRS DE L’ÉCOLE

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Il ne se passe pas une semaine, un jour sans qu’un homme ou une femme politique, un sociologue, un psychologue, un assistant social, un animateur de mouvement de jeunesse, un chef scout, un quidam ne déclare ce que devrait être, faire ou devenir l’École, ce bien public. Ce qu’on ne réclame plus de l’Armée, de la Famille, de la Justice, de la Santé, de la Science, de l’Administration voire des Eglises, on le réclame toujours, et davantage, de l’Ecole.

Mise sous pression, l’Ecole, qui peine déjà à respecter ses devoirs les plus élémentaires comme à faire fonctionner l’ascenseur social, en perd la tête et ses pauvres membres, qu’on restreint ou allonge à souhait, qu’on fait marcher au pas des politiques successives en petits soldats bien ordonnés de la cause enseignante, suivant des études savamment orchestrées par des conseilleurs tendancieux.

Voici quelques « doit » et devoirs de vacances supplémentaires guère plus farfelus et plus infondés que ceux qu’on lit ou entend à longueur de temps! Pas sûr que ceux-ci, comme la masse de ceux qu’on lui impute, ne trouvent à s’appliquer dès la rentrée.

 

L’école doit se tenir droite sans balancer au pas cadencé des circulaires

L’école doit boire plusieurs litres d’eau de source par jour

L’école doit s’endormir et récolter le fruit de son éveil

L’école doit redevenir le lieu pour le luire ensemble

L’école doit se laver les pieds dans le pédiluve de l’enfance

L’école doit se savonner entre les orteils

L’école doit arrêter de se regarder dans un mouroir

L’école doit arrêter de se masturber

L’école doit penser le poids pour peser la pensée

L’école doit tancer ceux qui lancent des tentes à la tête des jeunes bédouins pâles

L’école doit arrêter de se panser l’esprit avec des bandes enregistreuses un peu folles 

L’école doit absorber le sang des buvards et des révolutions de ministère

L’école doit arrêter de manger ses amendes

L’école doit arrêter de creuser des trachées artères dans le cœur du pouvoir

L’école doit rester muette et ne surtout rien trahir de son absence de secret

L’école doit semer le foutre du savoir

L’école doit se mesurer aux géants du carnaval et aux nains de la politique

L’école doit se battre entre tambours et trompettes

L’école doigt d’honneur et auriculaire gauche des syndiqués

L’école doit faire sa révolution dans un tonneau vide

L’école doit faire abstraction de ses absurdités

L’école doit organiser des contrôles antidopages à l’entrée des salles de massage

L’école doit être bien comprise pour être bien baisée

L’école doit obéir au bois et au cercueil

L’école doit fermer des paupières et ouvrir des centres de vocation spéléologiques

L’école doit changer son fusil d’épaule et son arme de transmission passive

L’école doit être gratuite l’été et hors de prix l’hiver

L’école doit arrêter d’être traduite dans la langue du désespoir

L’école doit être chaude et sentir la craie fondue

L’école doit jouer tous les rôles quand la mise en pièces est drôle

L’école doit poser nue dans les magazines scolaires

L’école doit faire bander les bancs publics de l’assemblée mobilière

L’école doit pouvoir s’adopter par les étudiants qui en font la demande trois mois à l’avance

L’école doit instruire correctement sans faire de taches sociales

L’école doigt d’honneur et index joliment onglé de la prof de sciences naturelles

L’école doit garantir quarante heures de repos par semaine

L’école doit surveiller ses enfants quand ils jouent à la mère

L’école doit être un lieu de refuge et de naufrage

L’école doigt d’honneur et annulaire de mariage

L’école doit s’apprendre par cœur à l’école de la mémoire

L’école doit se conduire comme il faut jusqu’au lieu de l’accident

L’école doit marcher dans les signes pour ne pas se faire décrier

L’école doit accueillir dignement le peuple des Pokémon GO dans ses clapiers cyber

L’école doit respecter le silence des prêtres, des imams et des funérariums

L’école doit aborder toutes les réponses avant de se poser la question de sa quiddité

L’école doit donner la priorité de droite aux évaluateurs alarmistes de ses actions fascistes

L’école doit privilégier la grammaire du coeur plutôt que l’orthographe des mal pensants

L’école doit régulièrement évaluer le niveau d’huile de son personnel moteur tournant à bas régime

L’école doigt d’honneur et index pointant du goître

L’école doit enfin évaluer en permanence ce qui doit être réalisé dans le cadre de son projet éducatif en accord avec les autorités locales et l’état diarrhéique des ponts et chaussées au moment du bombardement au napalm par les forces opposées à la retransmission du culturel sur les chaînes cryptée et les réseaux sociaux des régions concernées par les pertes d’emploi dans l’administration publique et le relèvement du niveau de sécurité des côtes sablonneuses de la femme au climax de son désir en face d’un inspectoriat des enseignements chargé de mesurer son potentiel érotique en période d’examen des compétences de son programme de fécondation in vivo conçu (le programme !) du Saint Esprit de l’IVG de la non reproduction de l’or du savoir dans les mines du travail scolaire obligatoire brûlant ice qui reste du sanctuaire d’apprentissage des pratiques sadomasochistes le plus proche du domicile du préfet de discipline armé comme il se doit d’une verge électronique relié à sa boîte mail par une laisse en cuir blanc qui (at)tache comme jamais et pour toujours l’apprenant lambda à son maître de conférences chargé d’instruire en masse une meute amorphe d’auditeurs muets sur les inconvénients de l’enseignement toutes mortes closes en période d’arrêt momentané d’explosion des connaissances sur les peaux nues des plagistes en reconnaissance de paternité symbolique ou marquant sur les fronts vierges de toute raison d’apprendre en prison le sceau du songe éclairé tel qu’on le lit encore dans les vieux grimoires de la nuit pédagogique déshabitée sans souci de la ponctuation

LE CARNET RETROUVÉ DE MONSIEUR MAX de BRUNO DOUCEY

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MaxJacob_72dpi-232x300.jpgHommage d’un Poète à un autre Poète

Max Jacob, Poète, romancier et peintre mort au camp de Drancy le 5 mars 1944, a payé de sa vie ses origines juives. Pourtant, depuis une quarantaine d’années, il avait la foi catholique, après avoir eu des apparitions, et s’était révélé fervent croyant. 
Quelques jours après son décès, sa libération du camp avait été accordée.

Et l’on voudrait aujourd’hui m’arrêter comme juif ? C’est aberrant ! Je ne suis jamais allé à la synagogue. D’ailleurs, il n’y en avait pas à Quimper. Le judaïsme ? Mes parents n’étaient pas croyants. Alors quoi ? D’où vient ma singularité ?

Bruno Doucey nous offre ici un très bel ouvrage, imagine ce que Max Jacob aurait pu écrire dans ses derniers carnets, le bleu, puis le jaune qui ne le quittera pas, même aux heures les plus tragiques. Des notes, des pensées, une réflexion sur ces tristes événements qui sont troublants. Bruno-Doucey-2012_72dpi%C2%A9Murielle-Szac.jpg

C’est dans le Loiret où le Poète s’est retiré depuis quelques années qu’il commence à consigner dans ces pages ses craintes et ses douleurs. Sa famille a été grandement touchée par de nombreuses arrestations et il est sans nouvelles de ses proches. Il apprend que sa dernière petite soeur a été arrêtée également, et s’en veut d’être encore là, à son âge (67 ans), voudrait prendre sa place et écrit à certains de ses amis afin qu’ils intercèdent en sa faveur. L’homme pourtant ne se voile pas la face, il se fait discret et attend son heure…

Inquiétude toujours. J’ai écrit à Jean Cocteau, le pressant d’intervenir auprès de Sacha Guitry pour qu’il s’occupe de ma soeur. Je ferai d’autres lettres s’il le faut. C’est un foyer qu’on ne peut laisser sans braise. J’en crève de chagrin, le coeur saigne ! Je n’ai pas le goût à la littérature et suis incapable de travailler. J’écris des lettres aux puissants pour tenter de sauver ma soeur. Des lettres, des lettres, des lettres ! C’est tout ce que je peux faire. 

Bruno Doucey fait vivre à nouveau ce Poète qui n’avait de cesse de défendre l’écriture, la poésie, convaincu qu’elle serait porteuse d’espoir.
Au jeune homme qui serait resté près de lui jusqu’à son dernier souffle, l’auteur lui fait dire :

Ecrire pour ne pas désespérer. Pour rester debout. Pour garder la tête hors de la fosse où sombrent nos corps. Ecrire pour être libre. Tu sais, petit, la poésie est sacrée lorsqu’elle est le fruit de l’urgence. 

Quelques lettres authentiques de Max Jacob sont retranscrites dans ces carnets, quelques-unes de ses notes aussi, de ci de là, qui sont en totale harmonie avec l’esprit du livre.

Le bel hommage d’un Poète à un autre Poète.

Le livre sur le site des Éditions Bruno Doucey

Une sélection de poèmes de Max Jacob

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COLLE EN SCOTCH

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Elle a un stock de scotch et lui, un stick de colle.

Lui habite à Philadelphie et elle à Las Palmas de Gran Canaria.

Un océan les sépare et beaucoup de vent marin.

Un beau matin, ils décident de se rejoindre…

 

Ils unissent leurs moyens pour jeter un pont entre les USA et les Canaries.

 

Depuis qu’ils sont à la colle, d’un côté de l’Atlantique à l’autre

Quand ils sont en pétard, près de se découdre

Elle lui reproche d’avoir fait plus que lui pour se rencontrer

Elle avec tout son stock de scotch et lui avec son simple stick de colle.

 

LES MOIGNONS (II)

Les membres

Quand j’avais encore des membres, je les oubliais partout. Ce n’étaient pas des membres résistants, j’en conviens. Maintenant que je suis un homme-tronc reconnu, je voudrais encore me débarrasser de membres encombrants et je ne peux plus. Il faudrait toujours penser à garder un bras ou une jambe pour la soif.

 

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Je cache un taureau

Je cache un taureau mort sous ma couche qui commence à puer le matador en rut.

 

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La nature est bien faite

La nature est bien faite. Si bien que je ne résiste pas à l’aimer, de toutes les forces de mon âme et de mon corps, sans fin et sans relâche jusqu’à ce qu’elle réclame pitié pitié pitié… Et que je l’écrase sous la semelle de mon ego démesuré.

 

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Les montées

Quand je monte sur ma mouche, je vois le plafond. Quand je monte sur mon canari, je vois le ciel. Quand je monte sur mon cheval à bascule, je vois mon enfance. Quand je monte sur mes grands chevaux, je vois rouge. Quand je monte sur mon éléphant, je vois mon avenir. Quand je monte sur ton ventre, je vois l’arrondi de tes seins. Quand je monte sur ton dos, je vois le vallonné de tes hanches. Quand je monte sur le champ, je vois les épis dans le vent. Quand je monte sur la terre, je vois les courbes de la lune. Quand je monte sur ta tête, je vois les poils dans tes oreilles. Quand je monte sur la tombe de mon père, je vois tout le cimetière. Quand je monte sur ma mère, je me revois à la naissance. D’où tout est parti pour ne jamais revenir.

 

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Essuie-morve

Cet homme était essuie-morve du président. Il épongeait tout ce qui coulait du pédoncule de l’Elu de la nation. Pituite et crottes de nez. Il gagnait bonbon mais moins que les nombreux lèche-cul de la raie publique. Il n’y pas de justice salariale au sommet de l’Etat !

 

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La rumeur

Elle bourdonnait à son oreille, elle martelait dans sa tête, elle résonnait au fond de lui… la rumeur grandissante de son extraordinaire nullité.

 

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L’échange standard

J’ai un canif qui a beaucoup servi, coupé çà et là des bras et des têtes, des bas et des hauts de tous âges et de toutes conditions. Le seul rémouleur que j’ai connu, j’ai fait mes premières lames sur lui. Alors j’ai passé cette annonce : Cherche à échanger contre canif exceptionnels états de service dague neuve sortie de l’armurier même sans expérience utile. Pour nombreux génocides tranchants en perspective.

 

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Les amoureux

La mer amoureuse du vent rêve de tempête. Le ciel amoureux du feu rêve d’orage. La terre amoureuse d’abysses rêve de volcan. Le gueux amoureux de la gueuze rêve de grenadine.

 

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Le goût et la couleur

J’ai une mère bleue et un père dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai un fils noir et une fille dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai un amant blanc et une amante dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai une veste verte et un blouson dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai un kiné rouge et une masseuse à domicile dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai des cheveux gris et des cheveux blonds dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai des dents jaunes et des chicots dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai des points noirs et des points douteux dont j’ai oublié le goût et la couleur. J’ai un cercueil acajou et une pierre tombale dont j’ai oublié le coût et la douleur.

 

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La littérature est bien faite

La littérature est bien faite. Si bien que je n’ai pas résisté à l’aimer de toutes les forces de mon âme et de mon corps, sans fin et sans relâche jusqu’à ce qu’elle réclame pitié pitié pitié… Le jour où j’ai commencé à publier.

 

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Une paresse royale

Ce roi ne voulait plus travailler. Plus de dîner officiel, plus de voyage à l’étranger, plus d’inauguration d’usine d’armement, plus de discours de Noël, plus de visite aux hôpitaux des militaires blessés sur le terrain.

Il prôna pour ses sujets la paresse, la déscolarisation, la démilitarisation et l’abolition de la peine de mort. Cela mécontenta les directeurs d’école et de prison, les bourreaux de travail et tout le patronat. Une révolution s’ourdit qui mit à la place un général assassin, hyperactif et connaissant uniquement sa table de multiplication par 10 et la conjugaison du verbe voter au présent de l’impératif.

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LE GARDEUR DE FICTIONS

screen480x480.jpegDans ce régime pratiquant la diète conteuse, le rationnement fictif voire le jeûne onirique, il ne fallait pas (se) raconter d’histoires ! Et si le besoin, conditionné par des siècles de tradition de palabres, était trop pressant, un lieu était dévolu où on pouvait déposer ses fables et récits. Pour lutter profitablement contre l’appétit incontrôlé de fiction, sous la réglementation expresse d’un médecin des âmes du peuple, autrement dit du pouvoir, de la chimère à dose homéopathique (parfois sous forme de sentences lapidaires) étaient administrée dans le seul souci d’une guérison complète et rapide.

Un homme absolument dénué d’imagination, strict serviteur du matérialisme en vigueur, en était le gardeur, le vigile complaisant comme le scrupuleux boutiquier. Il consignait  avec le zèle d’un classeur les mille et une relations qui lui étaient données comme l’eût fait un magasinier d’armes à feu ou un détaillant d’articles de pêche. Chaque récit possédait son genre particulier, son numéro d’ordre, sa place dans le grand fichier des récits qu’il tenait à jour avec la précision d’un horloger suisse.

Après quinze ans de garde, notre homme qui n’avait jamais émis une seule pensée fantaisiste, qui ne se souvenait d’aucun rêve, se mit à songer éveillé, à délirer en plein jour, qui plus est, sur le lieu de son travail obligatoire et sous payé. Il prit peur, s’amenda, alla jusqu’à penser remettre sa démission au motif d’une extrême fatigue voire son cas à la grossière justice de son pays.

Il n’en fit rien finalement; chaque histoire qu’il se narrait prit place dans son catalogue au même titre que les rares pensées apocryphes que des années de redressement avaient limité à la portion congrue, émanant d’esprits fantasques qui s’en délestaient avant de subir leur peine funeste.

Mais ses inventions prirent une telle ampleur qu’elles excédèrent les lieux qui leur étaient assignés et qu’il finit par les dispenser dans toutes les boîtes mails des citoyens, sorte de samizdat numérique et journalier. Les récipiendiaires les enregistrèrent, d’abord horrifiés par ces déballages verbaux faits d’insanités spirituelles, de divagations iconoclastes, puis peu à peu reprirent goût à la fiction singulière, au grand roman, au récit épique, à la poésie, toutes choses dont le régime ne voulait plus entendre parler, voir circuler sous forme de volumes dûment imprimés.
Un grand élan national se porta vers la fiction, un besoin d’imaginaire innerva à nouveau la population entière.  

Mises de la sorte à l’épreuve, face à l’intensité du soulèvement, les plus hautes autorités du pays ne pouvaient plus faire machine arrrière…

Tergiversant entre une condamnation à mort exemplaire pour le traître ou une reconnaissance triomphale de son activité subversive, somme toute en accord avec l’aspiration des masses au rêve, à l’utopie, les plus hautes autorités optèrent, après maints débats internes, pour cette dernière solution et instituèrent, en grandes pompes comme il se doit, l’ancien gardeur de fictions GRAND ET UNIQUE DISPENSATEUR DE FICTIONS DU PEUPLE ÉCLAIRÉ.

LA MODIFICATION

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Travail littéraire de rentrée

 
1°) Chercher l’erreur. Consolidez-la par un exemple.

2°) Trouvez dans le texte de la ministre les mots marquant la condescendance, plus que la condoléance, et relevant du mode communicationnel et compassionnel. Illustrez chacun de vos propos d’un exemple, argumentez.

3°) Jugez dans la deuxième phrase de l’hommagiste de la pertinence des termes semblait et sans doute qui laissent à penser que l’écrivain préférait le plaisir du partage à l’appétit de découvertes et d’expériences. Pensez-vous de même que l’artiste doit privilégier le partage, l’altruisme au repli sur soi du travail de création? Citez trois dangers qui menacent l’artiste égoïste, coupé du monde, du sens du partage, de l’empathie pour les démunis, du souci de faire profiter ses contemporains de ses acquis et compétences…

4°) Voici d’autres ouvrages de Michel Butor pour approfondir votre connaissance de son oeuvre: Massage de Pilan, L’emploi du vent, 50 nuances de Degrés, AutoMobile...

5°) Soulignez en quoi la ministre et tout le gouvernement se fichent comme de leur première lecture de l’oeuvre de Michel Butor.

 

Lire par ailleurs l’excellent papier de Johan Faerber sur MICHEL BUTOR, Voyageur du Nouveau Roman, sur le site de la foisonnante revue DIAKRITIK

 

L’oeuvre MOBILE de MICHEL BUTOR

3126944504_07f39a2dbc_z.jpg?zz=1Dans Mobile paru en 1962, après un premier séjour de sept mois de l’auteur aux Etats Unis,  Michel Butor entreprend de radiographier le milieu, au sens d’espace, dans lequel naissent les choses et prennent du sens. Il ne raconte pas de souvenirs de voyage et il choisit, dit-il au micro de Pierre Dumayet, « comme forme fondamentale de ce texte non pas la phrase ou le récit mais la nomenclature, la liste parce qu’une phrase, c’est une structure fermée (…) tandis qu’une liste, c’est quelque chose d’ouvert. »

C’est la vogue des catalogues publiés par les « grands magasins par correspondance ». On y trouve à part quasi égale des caractères romains et des caractères italiques. « Les textes en caractères romains étendent sur l’ensemble des Etats Unis une sorte de réseau et c’est à l’intérieur des mailles de ce réseau que les caractères en italiques vont apporter leurs illustrations. »

« Les mots imprimés en capitale sont tous des noms de villes. »

Et de constater qu’un des aspects les plus frappants de ce pays est l’homonymie, autrement dit le même mot désigne des quantités de choses très différentes. Particulièrement pour les villes, ce qui modifie pour Butor les relations entre les mots et les choses. Les villes y ont fréquemment le même nom. Ce qui lui permet une lecture transversale du territoire. Pour concevoir son bouquin, Butor prend la suite des états dans l’ordre alphabétique, puis il cherche de chaque état à l’état suivant quels sont les lieux homonymes. De plus, à l’intérieur de chaque état, ces noms de lieux renvoient à  d’autres états et constituent chaque état comme « un foyer de rayonnement ».

Marion

Dans Psychose, le roman original de Bloch, l’héroïne s’appelle Mary mais comme c’était le nom le plus employé en Californie au moment du tournage du film d’Hitchcock, dans lequel les spectatrices auraient pu s’identifier, on préconise au réalisateur de choisir un autre prénom. D’où l’emploi de Marion en place de Mary.

Dans Mobile, on trouve plusieurs fois l’occurrence Marion qui est donc un nom souvent employé pour désigner notamment des lieux aux Etats-Unis.4987523_7_c165_michel-butor-le-9-mars-2011-a-paris_442f0f08c704081b65bf19541be5d7e5.jpg

On trouve MARION dans le premier état traversé par le livre. Il sert de tampon entre la CAROLINE DU NORD et la CAROLINE DU SUD après avoir signalé qu’il existe aussi en VIRGINIE

On retrouve MARION en IOWA, dans le comté de Linn qui renvoie à MARION dans l’ILLINOIS et dans l’INDIANA et dans l’Etat de la Violette.
MARION revient dans l’état du KANSAS où on le signale aussi à Waupaca, dans le WISCONSIN et dans l’INDIANA

Là on lit Elle rêve qu’elle se promène seule dans la nuit noire.

Avant de signaler MARION dans le Kentucky. Sous la mention MARION, on lit des Notes sur l’Etat de Virginie de Thomas Jefferson.

On n’est pas à la moitié du livre et puis on ne trouve plus trace de MARION.

Les véhicules de Mobile 

Mais de nombreuses voitures sont référencées avec une identification de leur propriétaire et qualifiée d’une couleur de fruit ainsi que la vitesse autorisée en miles et d’autres variantes plus anecdotiques, dans un des séries qui efface la réalité des choses. Relevons ici seulement les véhicules conduits par des femmes.

Il faut attendre l’état de l’ILLINOIS pour découvrir des véhicules conduits par des femmes

Une énorme Plymouth grise conduite par une vieille Blanche très jaune en robe cassis à pois cerise avec un chapeau à fleurs chocolat (65 miles)

Une énorme Lincoln jaune rutilante, conduite par une grosse vieille Blanche à robe mangue avec un chapeau à fleurs pistache (60 miles)

Une Kaiser ananas rutilante, conduite par une jeune Noire presque blanche en robe cerise à pois café (65 miles). 

Une Chevrolet pistache conduite par une vieille Blanche très brune en robe orange (70 miles)

Notons que les couleurs sont associées, signale Butor, au mot noir.

On n’en rencontre plus avant la PENNSYLVANIE

Une énorme vielle Dooge rouge conduite par une jeune Noire très noire, qui dépasse largement la vitesse autorisée

A cette occasion on rencontre Marion (en minuscules) comme chef lieu de Grant

Au TEXAS : une Buik orange conduite par une jeune Blanche très brune en robe mirabelle à pois fraise avec un chapeau à fleurs citron…

Mobile crée une rupture dans son oeuvre. Si, le Nouveau Roman auquel on a identifié Butor prenait déjà ses distances avec le roman traditionnel et questionnaient les rapports de durée et de distance, malmenant l’idée commune de personnage, ce livre entre essai et poésie questionnant la typographie, l’espace réel et représentatif  (la carte et le territoire), le génie à l’épreuve dans le lieu, signera l’arrêt de son activité romanesque. 

E.A. 


Michel Butor pour Mobile (en mars 1962) au micro de Pierre Dumayet

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ÉPILOGUE de LOUIS ARAGON chanté par JEAN FERRAT

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La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d’air claquent les portes et pourtant aucune chambre n’est fermée
Il s’y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu’on n’en peut plus baisser la herse

Quand j’étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j’y ai cru comme j’y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu’il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change

J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n’aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes

Bien sûr bien sûr vous me direz que c’est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l’engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est – ce qu’on peut avoir le droit au désespoir le droit de s’arrêter un moment

J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

Songez qu’on n’arrête jamais de se battre et qu’avoir vaincu n’est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l’homme de l’homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d’épouvantables
Car il n’est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien

Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez vous que nous avons aussi connu cela que d’autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l’Acropole et qu’on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l’histoire

J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant 
En face pour savoir en triompher Le chant n est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l’entendre qui renaît comme l’écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l’ensemble des chants

Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu’une voix se taise
Sachez le toujours le choeur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu’au bout de lui même le chanteur a fait ce qu’il a pu
Qu’importe si chemin faisant vous allez m’abandonner comme une hypothèse

J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

extrait de Les Poètes (1960) Musique de Jean Ferrat


CROISIÈRES AMÈRES

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Denis BILLAMBOZ

En cette période estivale où de nombreux lecteurs de ce blog s’offrent une petite croisière dans des mers clémentes et accueillantes, j’ai eu une petite pensée pour ceux qui ont connu la mer dans d’autres circonstances et dans d’autres conditions, la mer qui se déchaîne, gèle, se démonte, agressant les bateaux et terrorisant les hommes… J’ai lu au printemps dernier ces deux ouvrages déjà anciens, quelque peu oubliés, et j’ai pensé qu’ils méritaient d’être mieux connus des lecteurs actuels, je vous propose donc de les découvrir à travers lire les deux chroniques ci-dessous avant, peut-être, de plonger dans les flots tourmentés de ces romans.

LesEffroisDeLaGlaceEtDesTenebresChristophRansmayr.jpgLES EFFROIS DE LA GLACE ET DES TÉNÈBRES

Christoph RANSMAYR (1954 – ….)

 

Brrr !!!! Je suis enfin sorti, congelé et terrifié, de l’enfer glacé du Grand Nord et de ce roman où, son auteur, selon une note liminaire, « raconte deux histoires à la fois parallèles et imbriquées, encadrées l’une dans l’autre et constamment reliées par le biais d’un narrateur omniprésent… D’une part, le voyage en 1981 de Joseph Mazzini, personnage fictif vers le cercle polaire arctique et, d’autre part, l’épopée de l’expédition Payer-Weyprecht » qui resta bloquée deux ans an nord de la Nouvelle-Zemble et découvrit en août 1873 la Terre François-Joseph à plus de 79° de latitude nord.

Ce roman est presque un récit d’expédition, il propose de nombreux textes documentaires évoquant le contexte et l’expédition, il cite notamment de larges extraits des écrits des acteurs mêmes de l’aventure notamment Payer, Commandant de l’expédition sur terre, et Weyprecht, Commandant de l’expédition sur mer, mais aussi de Haller, premier chasseur, et de certains autres membres de l’équipage. Le texte est en majeure partie consacré à la tragique épopée des marins de l’Admiral Tegetthoff qui s’aventurèrent vers des latitudes où personne n’était encore allé, dans des conditions qui peuvent apparaître au-delà de l’extrême. Le voyage de Mazzini occupe relativement peu de place dans le roman et n’est là, à mon sens, que pour apporter une couleur romanesque au texte sans rien ajouter au récit du voyage des aventuriers. Le lecteur s’attache inéluctablement au sort de ces pauvres bougres perdus au milieu de l’immensité la plus hostile avec des moyens techniques encore bien sommaires, frissonne avec eux, souffre avec eux, gèle avec eux, dépérit avec eux, tombe malade, subit la nature dans toute sa furie.

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Christoph Ransmayr

Ce texte écrit tout à la gloire de cette expédition austro-hongroise qui reçut un triomphe à son retour mais qui fut bien vite oubliée, certains lui contestant même l’existence des terres découvertes, met en évidence la folie de celui qui conduisit ses troupes au-delà des limites de l’humanité. Mais ceci semble être le propre de tous les grands découvreurs qui moururent en chemin ou découvrirent de nouvelles terres, de nouvelles routes, de nouveaux passages ou encore gravirent des sommets jusque là inaccessibles.

C’est plus un livre d’aventure qu’un roman même si l’expédition solitaire de Mazzini apporte une touche fictive à ce récit très pragmatique. L’auteur liste même les passagers à bord du bateau, chiens y compris, dresse la biographie des principaux membres à bord, recense les diverses expéditions qui ont essayé de forcer le passage de l’est ou de l’ouest pour rejoindre l’Atlantique et le Pacifique. La note fictive est apportée pour mesurer ce qui fut à l’aune de ce qui aurait pu être. « Ce récit est un procès du passé, un examen attentif, une pesée, une supposition, un jeu avec les possibilités de la réalité. Car la grandeur et le tragique, de même que le ridicule de ce qui s’est passé se mesure à ce qui aurait pu se passer ».

J’aurais aimé que ce texte souffle un peu plus fort le vent de l’aventure, de l’épopée, on sent bien la météo qui se déchaîne mais le ton reste, à mon avis, trop documentaire, le tourbillon glace, terrorise mais n’emporte pas. Ransmayr reste sur le plan pratique, cherche l’intérêt que peuvent avoir de telles expéditions, s’interroge sur leur sens et leur coût en souffrance et en vies humaines. « Il est temps de rompre avec de telles traditions et d’emprunter d’autres voies scientifiques plus respectueuses de la nature et des hommes. Car on ne saurait servir la recherche et le progrès en provoquant sans cesse de nouvelles pertes en hommes et en matériel ». Et pourtant, il faut toujours un grain de folie, parfois même un gros grain, pour que le monde bouge, avance, regarde derrière les portes, derrière les montagnes, au-delà des mers et des glaces et que les pionniers emmènent l’humanité vers son avenir.

 

LE BATEAU-USINE

Kobayashi TAKIJI (1903-1933)

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« C’est parti ! En route pour l’enfer ! » Dès la première phrase de ce roman Takiji annonce la couleur, on sait immédiatement où va nous emmener le Hakkô-maru, navire-usine qui quitte le port de Hakodate, un port de l’île de Hokkaido, à la pêche aux crabes dans la Mer d’Okhotsk en défiant les Russes encore ennemis privilégiés du Japon après la guerre russo-japonaise. La vie à bord de ses bateaux est encore pire que dans les mines décrites par Zola. Ces bateaux ne sont pas considérés comme des navires et échappent donc aux lois régissant la vie à bord et tout autant à celles réglementant le travail dans les usines, c’est un véritable espace de non-droit où même le capitaine n’est pas maître à bord, il doit subir le pouvoir de l’intendant représentant de l’armateur et véritable patron à bord après l’empereur. Le Hakkô-maru affronte des tempêtes et des grains que Takiji décrit aussi brillamment que Joseph Conrad quand il dépeint un Typhon en Mer de Chine ou que Francisco Coloane quand il nous entraîne Dans le sillage de la baleine dans les mer du sud. Les bateaux-usines japonais sont des rafiots déglingués, vieux navires hôpitaux ou transports de troupes mis au rebut après la guerre russo-japonaise et transformés, au moindre coût, en navires-usines pour le plus grand profit des capitalistes qui arment ces navires pour la très lucrative pêche aux crabes sans aucune considération pour la vie des très nombreuses personnes employées à bord pour la conduite du navire, la pêche et la fabrication des conserves.

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Kobayashi Takiji

Ce livre écrit par Takiji en 1929, fut immédiatement interdit et son auteur recherché par la police dans le cadre de la lutte contre les mouvements de gauche fleurissant à cette époque au Japon. Takiji fut donc contraint de se réfugier dans la clandestinité pendant deux ans, il fut finalement arrêté par la police et mourut sous la torture en 1933. La publication, en 2008, dans la presse d’un échange entre deux éminentes figures de la gauche japonaise, évoquant ce livre dans leur propos, provoqua un véritable raz-de-marée littéraire. Ce texte devint alors un classique de la littérature prolétarienne japonaise et fut édité dans de nombreuses langues. Il reste aujourd’hui un ouvrage de référence pour étudier la lutte prolétarienne contre le capitalisme galopant.

Ce livre a une réelle dimension littéraire, il n’est pas abusif de comparer certains passages, certaines scènes concernant la vie en mer, notamment quand celle-ci est mauvaise, à des textes de Conrad ou de Coloane mais il faut bien admettre que Takiji a écrit ce roman pour démontrer l’emprise du patronat capitaliste sur le sous-prolétariat constituant la main d’œuvre à bord de ses navires et la possibilité pour celui-ci de renverser les rôles en se soulevant, à l’unisson, contre les profiteurs l’exploitant. Il a situé ce manifeste, ce manuel de révolte, sur un navire pour disposer d’un monde clos où les deux forces en présence pouvaient s’affronter sans intervention extérieure, même si un destroyer se mêle un peu de l’affaire. Ce livre servit donc très souvent de manuel de propagande pour le parti communiste auquel appartenait Takiji sans que cela retire quoi que ce soit à sa qualité littéraire.

Le livre sur le site des Éditions Allia

LES ÉCRIVAINS N’EXISTENT PAS de LUC BABA

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13892325_1159135314144138_5943191125363382417_n.jpg?oh=f979e02eadc1fd25af007ffc811ca306&oe=5817D337L’écrivain malheureux

Etrange titre que celui-ci, suffisamment intriguant pour y prêter quelque attention et se poser quelques questions…

Lui est écrivain, il vit à Liège avec Martine, dépend d’elle financièrement, puisqu’il ne sait rien faire d’autre : écrire. Mais jusque là rien n’est probant, puisque c’est Martine qui paie le loyer et remplit le frigo, au grand dam de ses parents qui n’aiment pas le parasite.

« Je suis « auteur ».
Personne, à tout prendre… Eluard était comptable, Jarry marchand de tissus, Laforgue banquier. Verlaine fut militaire. 
Pas de sot métier, vraiment ? Je me ferais bien passer pour quelqu’un aux yeux de tout le monde, parfois, militaire ou banquier, de passage là par hasard, entre deux ports, perdu, comme tant d’autres, avec l’avantage de le savoir. »

La vie s’écoule paisiblement, et puis un jour, il croise un de ses voisins qui chute dans l’escalier. Il dépose son manteau sur lui,mais l’homme a succombé. Il le récupère, le pose sur ses épaules et sent comme une drôle d’impression, un grand froid l’envahit, la mort qui plane ?
Ce triste événement a des répercussions insoupçonnables. Certes, chez Martine, c’est confortable, mais ils arrivent au bout de leur histoire. Il prend la mesure de sa triste vie, il s’ennuie, les pages du cahier se noircissent peu. Sans inspiration, las de son existence, il souhaite secrètement partir et finit par le faire, aidé de Martine qui ne le retient pas.

D’autres cieux, d’autres lieux, il se rend à Ostende qui lui évoque son enfance. Ostende toute grise et triste. La mer ? Il ne lui trouve aucun charme. Il loge dans un hôtel propret mais très modeste, et n’a presque plus le sou. Il se remet en question, prend la plume, écrit douloureusement.

« Il faut dire que la nuit me verse de la folie à l’intérieur du corps. J’écris, et je sens que les mots sont des parasites plus ou moins accrochés aux parois de mon crâne. J’ai beau faire, ils me peuplent, avec leurs dents qui me mordillent la raison et le fond du regard. Ils me peuplent, et ils se reproduisent. On ne s’en débarrasse jamais. »

Alors il part faire un tour, pour se vider la tête, voir autre chose, regarder les bateaux, rencontrer quelqu’un.
Pour le coup, il croise Maud, une femme vieillissante un peu paumée, par laquelle il se fait appeler Bob. Un pansement bienvenu.

Ce livre traite du désamour, de la rupture, aussi de la perte de soi, de la confiance en soi, de l’incertitude.
Bob déambule tel un zombie dans une ville qu’il sent hostile, les souvenirs qui l’y rattachent ne suffisent plus.

« A la tombée du jour, le brouillard s’est vissé au port. Le phare tournait de l’oeil, toutes les lampes, les enseignes et les fenêtres allumées laissaient une poussière fine, comme de la craie de couleur, et la cathédrale refroidissait l’âme, avec ses tours grignotées, son air de vaisseau fantôme, sa rosace orangée. »

Cette introspection le rend mélancolique, sa plume se pose quelques fois, mais l’exercice est difficile. Il souffre, devient amer et se sent inutile. pourtant, les épreuves de la vie aideraient à grandir, mais le jeune homme est désabusé, tiraillé par la vie qui ne lui offre pas ce qu’il souhaite, ne pouvant vivre de son art, attiré par une fin précipitée. 
Beaucoup de poésie dans ces pages, l’écriture de Luc Baba est plaisante, une succession d’images, d’émotions, de sensations diverses qu’il donne en partage au lecteur.

Le livre sur le site des Éditions Luce Wilquin

Le blog de Luc Baba

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