ÊTRE ET NE PAS ÊTRE de LOUIS MATHOUX (Les Chants de Jane, Grenier Jane Tony) / Une lecture de CHRISTOPHE PINEAU-THIERRY

C’est une quête. Celle de O qui cherche à Être. L’Autre va l’accompagner dans la réalisation de son souhait.

Avec son écriture, sur un mode surréaliste, Louis Mathoux nous prend par la main et le cœur pour nous emmener sur un chemin d’épreuves initiatiques à la recherche de ce Graal.

Si tu veux Être, déclara l’Autre, tu dois rompre avec ce qui te vide de ta propre substance, pille tes appétits profonds, et par là, te dépeuple de toi-même.

Il est question ici de dépassement, de transformation, de rédemption… Suivre un chemin de croix pour accéder enfin à soi, dans la complétude de l’autre, la Femme, au centre de tout et source de tout.

Pour Être, commanda l’Autre, tu dois souffrir !

(…)

Jusqu’à quel point ? demanda-t-il.

Jusqu’à ce que tu aies dépassé la toute- douleur du Christ sur sa croix, répondit l’Autre.

Un recueil inspiré, à la manière d’un conte philosophique et spirituel.

Christophe Pineau-Thierry

Louis Mathoux, Être et ne pas être, Grenier Jane Tony, coll. Les Chants de Jane #38, 36 pages, 5 €.

Le recueil sur le site du Grenier Jane Tony

LAURENCE EMILY TIRTIAUX – TEXTES, DESSINS & PEINTURES : COMMENT SE DIRE DANS LE MONDE

Laurence Emily Tirtiaux, qui suis-je ?

Littérature Dessin Peinture

Belgique, janvier 1972.

Ma vie commence véritablement avec les voyages, dont le Canada, Montréal, où je vis plusieurs années. Période fondatrice : une phrase de Marcel Proust me révèle à ma vocation littéraire. À 28 ans, je décide de me consacrer entièrement à l’écriture. Poésie et aphorismes (aucune publication à ce jour, besoin de mise en ordre), nouvelles (publication dans la revue Moebius, Québec, 2008), journal et large correspondance ; et le roman, genre auquel je me destine depuis ma rencontre avec l’écriture. Un premier roman, Le Choix de Clara (inédit) ; commencement du second en 2020, Tékéï (en cours d’écriture).

Retour en Belgique. S’en suit des années de chaos. Aspérités. Multiple déménagements. Événements traumatiques. Gouffres. Ne parvenant plus à me tenir à mon travail littéraire comme Avant (bien que je cesserai jamais d’écrire), je rencontre le dessin et la peinture (2008). Moyen d’expression moins viscéral, ontologique que l’écriture — moins douloureux sans doute à ce moment-là — (je ne me définis pas en tant que peintre) ; cependant ce nouveau médium me permet de continuer à répondre à l’impérieuse nécessité créatrice qui habite l’artiste : Comment être au Monde ? Comment se dire dans le Monde ?

Ainsi, je travaille en parallèle à l’écrit à une œuvre picturale. Mes thèmes principaux sont la femme, l’amoureux, la nature, le végétal, les arbres, le nu. Mes dessins et peintures actuels mêlent — vision imaginaire ou réelle — l’Arbre et la Femme, ce que j’appelle mes FemmArbragories (pour le travail du dessin). Au-delà de l’évocation purement formelle, l’Arbre, à la fois tendu vers le Ciel et ancré dans la Terre, se relie encore au féminin dans sa dimension sacrée, liée à son pouvoir créateur. S’entremêle la femme à l’arbre : je la vois, je la guette, je l’invente. J’aime que certaines aient un côté hybride, fantastique. Parfois je leur ajoute une queue pour rappeler notre nature sauvage, nous humain-animaux-nature. Les yeux, c’est la Conscience.

Me faire connaître n’a pas été une priorité ni une nécessité pendant longtemps. L’impératif de l’oeuvre et de la création d’abord. Je fais partie des lents. Et puis il y a le chemin… La vie… Je dirais qu’une vocation artistique peut dessiner un chemin de vie difficile, houleux — malgré la ténacité de votre conviction intime. Je n’avais pas imaginé une seule seconde que les choses pourraient se passer ainsi pour moi ; je crois qu’on appelle ça la vie. C’est la mienne. Je n’ai cependant jamais envisager me consacrer à autre chose que la Création.

Mes influences : Virginia Woolf, Anaïs Nin, Henry Miller, William Faulkner, Paul Bowles, Vincent Van Gogh, Frida Kahlo, Georgia O’Keeffe, Corin Vanden Berghe, Marcel Proust, Romain Gary (dont il n’aurait pas fallu tomber amoureuse, ce n’est plus d’actualité). Ainsi que toute personne rencontrée, habitée par un goût de vérité et de liberté.

Encore jamais mariée.

Passion pour le Tarot de Marseille (Jodorowsky).

Je vis depuis 2012 à Schaerbeek (Bruxelles) dans un studio au 23ème étage, avec aujourd’hui Nana, chatte British shorthair.

Je suis sur Facebook ou via courrier électronique : laurence.emily27@gmail.com

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Aphorismes et Poèmes autour de l’écriture, l’art

Les mots me brûlent comme une braise ardente qui s’est attaquée à ma mémoire

et se consume à l’enfantement de mes sens sur le papier.

Parturiente

Tout est souvenir,

c’est ça qui est vivant.

En attente

La solitude de Pessoa

Avec qui d’autre que l’écriture puis-je partager ma solitude ?

Avec mes chats ? Mais ce n’est dès lors plus une solitude — puisqu’ils existent indépendamment de moi. Tandis qu’elle, elle devient moi ou je deviens elle. Ce que je ne peux faire avec mes chats.

Alice

Parfois ils me rendent folle les mots dans ma tête

Toute la journée, je cherche ma vie. Je cherche où est ma vie. Je cherche à me fuir. Puis je finis toujours (et comme surprise) par me retrouver à écrire (ou tenter de le faire) ; à mettre de l’ordre dans cette folle foule de mots qui remue sans cesse dans ma tête. Les mots m’assaillent. S’agitent. Me possèdent. Je suis à leur service. Je dois les retenir un peu. Puis, comme sous hypnose, je me vois les écrire.

C’est vrai qu’ils me rendent parfois folle, les mots dans ma tête.

Femme allongée, sexe double

Entre Ciel et Terre

Il me semble qu’en quelque endroit où je m’assoie, mon regard est différent, mon regard est autre ; qu’il change selon le lieu, le temps, la position de mon buste ou l’inclinaison de ma tête. À chaque endroit, dans chaque instant, je suis autre. Et mes pensées dans le temps vagabondent. Tantôt allègrement, tantôt tristement je me noie et mon cœur se serre. Tantôt je souris, tantôt je pleure. Tantôt ici, tantôt ailleurs. Toujours ailleurs.

Où est ma vie ? si ce n’est dans la confusion sublime et troublante de l’enchevêtrement des temps qui me ravissent comme fait le vent et m’entraînent vers des abîmes dont je ne peux mesurer le vertige, vers des hauteurs dont je ne peux percevoir la cime. Entre Ciel et Terre. Le corps dans le vide comme en état de lévitation, l’âme envolée, sans poids ; toujours sans loi. C’est là que vit le mystère de l’absolu que je crois apprivoiser toujours un peu plus.

Aujourd’hui je le sais. Demain n’existe pas, si ce n’est dans un cahier dont les pages que je tourne, à l’écho, me révèlent toujours in extremis leur secret.

Effroi

La forêt

Tu me disais je t’aime et tes bras m’enlaçaient nue dans la forêt

Chaque jour mon ventre s’ouvrait à toi, homme des bois

Homme aux cheveux longs dans le dos, au visage sale et beau

Et aux yeux pers comme l’enfer

Tes mains dans mes cheveux, cette branche contre laquelle

Je m’appuyais

Et l’odeur des arbres qui nous regardaient :

Ma jeunesse en feu et toi un peu plus vieux

Aime-moi,

Hurlait la voix à l’intérieur

Emoi

Même la mousse aimait la douceur de ton regard pour moi

Mon corps allongé sur elle, mes cheveux blonds la coloraient

Et tes mains larges les étalaient tels des rayons de soleil,

Tu disais, le souffle dans mon cou : on dirait un myosotis en fleurs !

Quelques fois, nous riions

Mais seulement lorsque nos rires pouvaient s’échapper au vent

Il ne faut rien tenter de retenir, disais-tu

Et moi, jeune encore, je pleurais

Assoupie, il m’arrivait de rêver dans tes bras

Mais ta barbe me piquait le visage

Alors le bruit de l’animal qui passait par là lui aussi,

Faisait que rien ne dure

Au crépuscule, la forêt te rappelait, tu avais tant besoin d’elle

Une ombre se glissait, manant ! je t’insultais !

Puis m’en allais, courant,

Effrayée par l’adieu

Aujourd’hui, je respire un peu plus fort au fond de ma mémoire

Et le goût de tes larmes m’est âprement révélé

Mes cheveux ne sont plus jaunes et comme un fantôme qui cherche à hanter

Je retourne dans la forêt où tout est enterré en secret

Arbre et femme 1

Orage

À l’instant le tonnerre gronde d’un cri grave, lourd et fracassant : simultanément s’éclipse la lumière, tremble le ciel et la terre s’inonde, fertile, d’une pluie de grêlons gros comme la lune et cette myriade frappe, martèle, canarde nos maisons, nos routes, nos champs et cette tempête sans vent violente nos enfants et les chats qui ont peur ; se terre l’animal ; se sidèrent les regards déchirés par l’éclair jaillissant tel un torrent de lumière qui transperce.

– Feu de Pluie !

Et nous nous croyons grands !

J’entends la sirène des pompiers.

Amour fantôme

BLEU DE

NUIT

BLEU DE

NUIT OPA

LESCENTE

LUMIÈRE OM

BILICALE PEN

SÉE

L’HEURE ENFLE ET AF

FLEURE ÉCOUTER LE CO

NTEUR SOLITAIRE QUI

VEILLE ET ÉVEIL

LE À

L’ÉMERGENCE DES

MOTS AMOUREUSE

MENT AMOUREUX

CHERCHER LE C

OEUR CHERCHER L

E LIEU

Fleurs bleues (série)

Bouquet de roses

Elles ont la tête basse comme l’échine courbée. Les roses. C’était des roses rose. Aujourd’hui elles flirtent avec le mauve, un bistre clair en bordure des pétales séchées

On dirait qu’elles se sont promenées le long de la mer, respiré l’iode et aussi, leur chevelure maintenant légèrement teintée

Bouquet de roses

Bouquet de fleurs séchées

Elles ressemblent à des nonnes, leurs cornettes serrées sur la tête, mais leur bouche est énorme. Gourmande la bouche, ou encore en forme de Ôm. Oui, il y en a une qui semble prier ; vous savez le Ôm des bouddhistes

Tentent-elles de rejoindre l’esprit de l’univers ?

Implorent-elles la clémence des ainés ? — millions d’années

Des nonnes

Des nonnes rassemblées dans un bouquet de roses

Les feuilles vertes désséchées elles aussi,

racornies ; elles craquellent — noircies quelque fois

Si on les met ensemble,

elles ont un bruit d’automne

Un bruit coloré

Bientôt, je les jetterai

Les roses rose devenues lilas

Sur la plage, les nonnettes seront passées

Trois roses dans un vase

Dans les parcs

Dans les parcs il y a des arbres qui la nuit tendent leurs bras

pour chercher la puissance de leurs racines

Nous ne les voyons pas, ces mains vers le ciel tendues

pendant la nuit endormie et nous avec

Peut-être est-ce pour cela les cris du fou dans l’obscurité humide ?

Moi les arbres je les enlace, je les touche de ma main,

paume à plat et je sens leur sève : cette vie il me la donne

— je la demande et je l’implore même parfois ;

me la donner, me la transmettre ; la vie toujours hasardeuse

de leurs mains qui la nuit poussent de leurs troncs de

leurs branches devenues bras géants

Audace

Oh embrasse-moi arbre !

Enlace-moi !

Prends-moi dans tes bras !

Je me colle à toi

Je respire le goût de tes racines amères et

une fraction de seconde je vois toutes vos mains enlacées

vers le ciel ;

ça fait des torsades et il y a les étoiles qui chantent muettes

des berceuses aux enfants et les chants du monde

résonnent sur la terre avec la lune qui veille et

attire les eaux et le sang

des menstrues des femmes ;

et nos rêves soupirent ; et nous nous dormons

Chaque nuit j’entends le fou crier dans le parc

Il ne comprend pas —

c’est trop vous savez, personne ne peut comprendre la

puissance des arbres la nuit, ce tremblement dans

la terre et la transcendance du ciel

Femme et arbre 3

flammes

les flammes étaient

gigantesques et semblaient

soupirer

cruelle volupté

étant donné le cataclysme

humain que représente

l’incendie ;

chacun restait figé,

la tête dans le ciel nous regardions

et de nos mines atterrées

transparaissait aussi,

— on ne peut s’en garder tant

le spectacle était grandiose —

l’étonnement

merveilleux

dans nos yeux

face aux flammes qui s’élèvent,

dansent, ondulent, se contorsionnent, rient

entre elles elles semblent

grimacer,

narguer le ciel, narguer la terre

et l’eau qui n’éteint pas —

chavirent les brandons

dans le ciel

aspirés

calcinés

feu

à qui appartiens-tu ?

Fleurs en rose

L’homme peine contre le vent

L’homme peine, courbé en avant.

L’homme peine et ses jambes peinent, lentement, douloureusement,

un pas après l’autre,

une jambe après l’autre,

dans une infinie lenteur l’homme progresse ;

Ses jambes peinent si lentement, elles s’avancent, — l’une puis l’autre,

elles se suivent, s’entrecroisent dans un mouvement parallèle,

ses jambes vieilles et vieillies, percluses d’arthrose

(et de vieillesse)

Crampes, sensations d’extrême faiblesse dans les membres

inférieurs, les jambes

qui pas à pas

portent

encore

le vieil homme qui marche et peine contre le vent.

Arbre à fées

Une feuille tombe

Une feuille tombe

Comment est-elle montée si haut ? J’habite au 23ème étage

Elle danse et je la regarde

Cherche-t-elle l’oubli d’elle-même ? suspendue à l’air comme

à un fil

Je suis sûre qu’à travers son balancement, ses va-et-vient

(la sinuosité de son voyage et ses rythmes)

se tissent un ouvrage ancien

d’un temps à jamais  »humain trop humain » ―

Qu’il y a des fils d’or qui se dessinent et qu’on pourrait

y lire l’errance d’une genèse, peut-être ?

― la beauté vivante,

vivante la beauté ! ―

Une contemplation des sens promise à chaque homme

Une lente grâce oubliée

Des yeux faits pour voir, des cœurs

faits pour aimer ce qu’ils voient ;

Corps faits pour marcher courir ralentir

― paume touche ! oreille entend ! langue goûte ! ―

L’essence de l’instant

« Peut-être la terre est ronde, afin que

nous ne puissions voir trop

loin où nous allons »

(Karen Blixen)

L’invitation au voyage

les isthmes perpétuent la terre

ne pas se laisser dévorer par

l’épaisseur d’un brouillard

moqueur

d’îles en îlots

continuer

à cloche-pied

les isthmes

perpétuent la terre

même à marée haute

on passe

la terre sous nos pieds

sans y voir rien

La mer

couver l’espoir

étendre un horizon bleu et chaud

sur la peau, même brûlée même pelée

tirer une langue encore complice

alanguir l’attente longue, — l’abrupt

de l’oeil soudain, celui du désir ou

des sentiments

tracer blanches ou inattendues

les lignes de perspective lorsque les

bras se retirent ou

disproportionnent,

lécher, à l’encre sympathique, un

goût de sel resté piquant

aux lèvres

respirer iodé

le cœur, les cheveux

l’amalgame des algues et

des valves communicantes

couver l’espoir

Dispendieuse

la silhouette de nos amours anciennes

il y a le vent et le souffle encore tiède d’un soleil finissant

il y a la peau et sa caresse (toujours)

douce et enflammée, tendre encore et encore

en face à face amoureux

les abîmes derrière soi à bout de doigts égrenés

le décousu des profils

sublimer aujourd’hui le soyeux infini d’une

peau pas encore finie

paumes maternantes ou amantes

faire resplendir le suave

pencher la tête (désir en son milieu ) ;

se faire lécher les orteils vernis rouges

se donner des baisers tendres à l’intérieur d’une

lumière jaune, envol

d’océans ou de ciels brutes de sentiments

— pas fermes, traces de

perspectives durables —

évanouie l’anamnèse

ne plus se cogner à la silhouette de nos amours anciennes

Forêt de jeunes filles en fleurs

= = =

REPERTOIRE DES OEUVRES

Dessin : Série FemmArbragories

Format A4, papier Canson 224gr, dessin crayons gras, pastels, 2023 :

Titres : . Audace

. Émoi

. Dispendieuse

. Écarquillée

. Hidden

. En attente

. Parturiente

. Babies

Format A3, papier Canson 224gr, dessins crayons gras, pastels, 2023 :

Titres : . Forêt de jeunes filles en fleurs

. Forêt de jeunes filles en fleurs (détail)

. Arbre à fée

. Arbre à fée (détail)

. Fairytale

. Les Dynasties

. Les Dynasties (détail 1) (détail 2)

. Les Dynasties (reserré)

Peinture : Série « Arbre et Femme »

Sans titre 1. acrylique sur toile, 30×60 cm

Sans titre 2. acrylique sur toile, 40×60 cm

Sans titre 3. acrylique sur toile, 50x60cm

Autres travaux

Technique mixte

Titres : . Femme allongée, sexe double, papier Canson 160gr, tech. mixte, pastels gras et secs, 30×80 cm

. Femme allongée, sexe double (détail)

. Fleurs en rose, papier Canson 160gr, tech. mixte, pastels gras et secs, crayons, encre, 29x37cm

. Bouquet de fleurs bleues dans vase (fond vert), papier Canson 224gr, format A4

. Mer, tech. mixte, fusain, pastels gras et secs, crayons, 30x41cm

. Mer, Ostende (colored), tech.mixte, pastels gras et secs, crayons, 16,5x29cm

. Amour fantôme, papier Canson 160gr, tech. mixte, pastels gras et secs, gouache, 30x40cm

. Enlacement, fusain et mine de plomb, Canson 160gr, 10×14,5cm

. Platane d’Argelès, papier Canson, 21x31cm

. Arbre en fleurs or reversed, tech.mixte,14x21cm

. Fleurs bleues, papier Canson 160gr, tech.mixte, pastels secs et gras, 20x29cm

. Travesti, tech.mixte, pastels secs et gras, crayons, 14x21cm

. Trois roses dans un vase, papier Canson, tech.mixte, pastels secs et gras, 30x40cm

Peinture

Titres :

. Effroi, (faisant partie d’un triptyque « falling in love »), acrylique sur toile, 40x40cm

. Effroi, (détail), acrylique sur toile

. Alice, acrylique sur toile, 50x60cm

« LE CIEL, LE COEUR » d’ODILE CARADEC : CHOIX DE POÈMES

Le ciel, le cœur/ Der Himmel, Das Herz est une anthologie de 109 poèmes d’Odile Caradec, tirés de plusieurs de ses recueils.
La traduction en allemand est de Rüdiger Fischer et les très belles illustrations sont de Claudine Goux.

Odile CARADEC sur le site de Terre à ciel

CHOIX DE POÈMES

Venu tout nu au monde

avec un petit derrière parfait

on en repart sans le sou

et sans clé

comme un archange

Je comprends de mieux en mieux les marches lentes

la propulsion d’un  corps grippé, lentissimo

le cœur qui compte goutte à goutte

Oui, maintenant je recherche les terrains plats

et les douces pelouses

l’ultra-léger les paroles minimales,

l’odeur de nuit  et les senteurs de la pénombre

car je fête mes noces avec les fils d’argent

et je sais désormais que le transport d’un corps

d’un point à un autre pose de lourds problèmes

Que l’on me donne un ange pour porter mes paniers

+++

NEIGE INTÉRIEURE

La ville est neigeuse ce matin

mais c’est à l’intérieur de moi qu’il a neigé,

de la neige pointilliste qui se diffuse à l’extérieur,

nimbe la ville et les alentours de la ville,

les contreforts des cathédrales

et leur assise lourde sur la terre

L’air noir qu’on y respire

air musqué, air violet

contrebalance tout le blanc qui est en moi.

Minuscule, je me laisse emporté par le silence

et le reflet du grand vitrail

qui tremble sur les dalles

Quelle est la voie la plus tenace ?
Quel est le sens du tourbillon ?

Jamais au grand jamais on ne peut être sûr

du prochain battement de cœur

et pourtant me voici de nouveau reliée

au fil d’or du poème

un hymne à la folle douceur

des neiges, des plumes, des pétales

un hymne à tout ce qui prend force dans le vent

+++

EN DÉCEMBRE, LES VIOLONCELLES

Dans la maison nourrie de brume

on élève très haut les lampes

pour éclairer les violoncelles

Les instruments complices tanguent

les corps, les meubles, la maison

sont emportés par la musique

Tout violoncelle est un navire

dont la tête de proue oscille

Dans la nuit blanche, lunatique

la musique pousse les murs

Les violoncelles sur leurs piques

s’affrontent en un combat singulier

un duel

pour qui s’en ira le premier

dépuceler la voie lactée

+++
DENTS PROVISOIRES

O poésie !

pourvu que les auditeurs ne s’aperçoivent pas

que j’ai de fausses dents

Ils pourraient en déduire

que mon poème est incomplet

qu’il lui manque le velouté de la nature naturelle

l’assaisonnement furtif

qui fait les vrais poèmes

Un poème sans toutes ses dents est un poème bancal

mais, j’en suis sûre, vous savez bien étant mortels

que toutes dents sont provisoires

+++

LES JARDINIERS DU CIEL


Les deux vieux que j’aime le plus au monde

veillent sur les pommiers

Et moi qui maintenant atteins un âge raisonnable

je les ai installés dans un coin de mon cœur

à jamais

Mes deux vieux en bleu de travail

ont pour la terre des tendresses

de gardien de phare

Je vois leurs mains couleur terre de Sienne

se passer l’arrosoir

je vois le sécateur tailler les roses

Un peu plus tard ils vont au cimetière

épousseter les tombes

car il faut bien qu’ils s’habituent au grand silence

à la voix noire

Ce sont les jardiniers de ma mémoire

les douceurs de mon âge en mal d’amour


LE LAPIN LUNATIQUE

C’est une chose vraiment étrange

nous grandissons, nous vieillissons –

sans nous en rendre compte

Notre voix change

Notre nez s’allonge de telle sorte

qu’il fait de l’ombre à notre bouche

La voix des femmes devient grave

les mâles patinent dans les hauteurs

En attendant je fronce le nez

comme un lapin qui regarde la lune

+++
PETIT CŒUR DORÉ

Une mésange est entrée chez moi

affolée, minuscule

poids plume de mon cœur

J’ouvre toutes les fenêtres

je donne de l’air

et je vois s’élancer un bleu

un jaune, un vert

un arlequin de plumes

finalement un petit cœur doré

+++

FILIATION MUSICALE

Je voudrais qu’une contrebasse

Enfile un jour un violoncelle

Le fruit de cet accouplement

Serait un tout petit violon

Ensuite il faudrait qu’il grandisse

À la cadence d’un enfant

Et surpasse en chaleur de son

Ses géniteurs

Et que Géant lui-même

Il tombe dans les bras

D’une Géante musicienne

Immense et fraîche aux pieds très doux

Alors le son le plus profond, le plus râpeux

Ferait le tour des maisons, des êtres et des chambres

+++

LE RESTAURANT

Ici les viandes  dévorent les viandes mortes

les viandes assises sont comme les grandes baleines   

   amorphes

Un client tout en viande avec un chien en poils

se glisse entre les tables

Peu importent bijoux, soies, fards, ferblanterie

tout tombe, c’est l’automne

viandes et billets ensemble tourbillonnent

+++
SEL CIRCULAIRE

Dans le bus surchargé, qui songe

à l’incroyable poids de sel qu’il emporte ?
Sang, sueurs, salives, urines

c’est une mer aux vagues intestines

Je regarde les gens, je les soupèse

tant de sang, tant d’odeurs,

tant de larmes

Un taux de sel constant

Un taux de douleur et de hargne

Omniprésent

mais solitaire

mais secret

MONIQUE MARTA

LA VIE EN DIAGONALE

« Les mots se fondent en moi

boucle d’éternité. »

Cri Vert – 1982

De l’aveu même de son auteure, l’œuvre de Monique Marta, qui se décline, même si « un sombre secret dit la préférence du regard sur les mots », en poésie et en peinture largement sur un papier qui peut être « de solitude », « s’organise autour de quelques grands thèmes, le temps, l’amour, l’oubli, l’inconscient », toutes pistes qui méritent d’être explorées. A ces thèmes, il convient d’ajouter, comme le fait fort bien observer Arnaud Villani dans la préface – heureusement intitulée « Comme une bouffée d’air du large, l’amour fou de la vie » – qu’il consacre à Sortir du Cercle, un des plus récents recueils de Monique, l’amitié, la vérité, le corps, la nature, un ésotérisme protéiforme, qui touche même parfois, que l’on songe à cette Isis à la tour de 2019 ou encore à la Femme oiseau, à ce mysticisme qui transparait, par exemple, dans une ligne comme « … qui me brisera sinon le souffle du Très-Haut », et vient irriguer sa pensée toute entière ainsi qu’en témoignent ses textes sur Marguerite Porete, Hildegarde de Bingen ou la Reine de Saba, ou bien l’essai, encore en chantier, sur la philosophe Simone Weil. Mentions spéciales pour la douleur, qui « brûle, mord, pince les muscles, les nerfs, les os » mais « ne se laisse pas aisément nommer », la mort, ce moment où « le Rien (prend) la place du Tout », la solitude, « Seule à seule / Dans la compagnie douce des souvenirs », la nostalgie de l’enfance – « je me retire dans mon jardin d’enfance » – et celle d’aimer, qui débouche fort logiquement sur une libre évocation de la sexualité. Monique, en bref, touche à tout ce qui fait, plus que jamais, en ce siècle de consumérisme aussi débridé que délétère, d’un être humain en tous points semblable aux autres le digne représentant d’une espèce en voie de disparition accélérée, un poète. Et un poète qui « rêve à l’absolu des phrases » et pense en l’occurrence, ce qui en dit long sur sa manière de voir les choses, que, « quand la Bête a pris possession de l’homme, / l’enchaînant à / périssable matière », « le ciel n’est que lointain mirage / pour Sisyphe enchaîné, / proie des ombres / plus que de la lumière » – sans jamais cependant nous laisser oublier qu’il y a dissociation entre l’homme « qui appelle l’instant » et « son cœur » qui appelle, lui, « l’éternité » … C’est dire la variété des thèmes abordés par ce poète – et ce peintre pour qui « un dessin dit le feu du silence » – dans la complémentarité de sa tentative duelle d’être au monde et de vaincre l’absence ! Et de fait, il appert que ce qu’elle balaie, la plupart du temps avec la petite touche métaphysique qui lui est chère, n’est rien d’autre que le champ de notre pauvre condition humaine – tout en « rest(ant) sur les hauteurs » … « Précieux », souligne Monique, « est le rêveur voulant dire la parole / au doigt de l’image et du mot » !

Poète pour qui, de surcroît, l’écriture est principe d’organisation du monde, dou-blé, comme je le disais, d’un peintre, pour qui « la couleur irise la transparence », Monique, qui doit toutefois s’exhorter à « ne plus avoir peur de dire » mais pour qui, aussi, « se taire relève de la violence », pense que le « mot (qui) se forme (…) jaillit « du désordre ». Mais n’en ignore pas pour autant la vertu lénifiante : « Vent / Contre vent / Les mots seuls s’envolent / qui me frôlent / et consolent ». L’ins-piration de l’un, néanmoins, est comme celle de l’autre, fondée en tout état de cause sur cette « expression symbolique » qui, comme le dit Jean Chevalier, « tra-duit l’effort de l’Homme », et le H majuscule prend ici toute sa signification, « pour déchiffrer et maitriser un destin qui lui échappe à travers les obscurités qui l’entourent », est naturellement la même. « La vie déroulera son papyrus / et les mots brilleront /du sens qui se révèle », semble commenter Monique qui admet chercher « le nom qui parle encore de l’infini », « le mot disant l’ouvert ». « Nom-mer », écrit-elle par ailleurs, dans une invocation de la pensée magique où « l’in-cantation », par exemple, « conjure l’incendie », « c’est avoir du pouvoir sur quelque chose, y compris la douleur » – et la « page (…) peu à peu calligraphie la brisure du verbe en un symbole inespéré » !

J’ai déjà eu l’occasion de souligner l’importance dans la peinture de Monique Marta de ces signes, souvent liés à une géométrie plus ou moins sacrée, à une tradition plus ou moins revendiquée, cubes ou triangles, runes ou caractères hébraïques qui témoignent de son goût pour les autres cultures, les autres visions du monde pour lesquelles elle se passionne, sans toutefois perdre de vue ses propres racines. Il arrive que ces signes, dont l’apparition nécessite parfois la mise en œuvre de rituels, soient matérialisés par des pratiques ou des objets, auxquels elle attache une importance certaine, comme lorsqu’elle confesse n’être « confiante (qu’) aux seules lignes de (s)a main, à cette pierre serrée entre (s)es doigts », à « l’œil-de-tigre », qui passe pour protéger contre les mauvaises énergies, « pendant entre ses seins » – dans un monde où « l’oracle, auquel on ne croyait pas, se réali(se) » !

En arrière-plan, bien entendu, comme dans Cri vert, déjà, et d’autant plus nécessairement que « vivre libre, c’est être à l’intime de la nature », se profile cette dernière, retentissant « d’un éclat de rire » dans cette « odeur de forêt » qui « attend la raison du rêve ». Là, l’arbre, l’oiseau, la sève, le soleil, l’herbe, « la martre, le vert scarabée, l’éphémère papillon » vers lesquels le poète « baisse (s)on regard », et « la source qui coule à l’humus du soir » rendent compte de l’« âpre beauté des choses » dans une harmonie qui s’accomplit dans une sorte d’indifférenciation entre les règnes, allant peut-être même jusqu’à prendre la forme d’une sexualisation du monde, le goût de « la chair des choses ».

Dans la mesure où « tout regard est voyeur dans le ballet des sexes », c’est parfois par le biais de la sexualité des oiseaux, par exemple, qui font « l’amour avec le rien » comme cette mésange dont le sexe « brise ses feuilles », ou celle supposée des plantes qu’elle évoque aussi librement qu’indirectement elle effleure celle des humains, au moyen d’images que l’on qualifiera, eu égard à son vers sur « le rare érotisme de l’image », de coquines mais néanmoins très évocatrices, et je pense notamment aux arums de sa Lune de Printemps, à la « rose (qui) est voie possible à l’éclat du désir » ou à ces anthuriums encore dans lesquels elle voit « l’offrande de Vénus » tandis qu’un « dard s’abreuve dans la coupe rubine, comme homme au rendez-vous d’Eros » …

Ce qui réveille en elle, quand « le manque est à la tâche », « l’envie d’aimer dans l’arc tendu du vivre », une nostalgie donc de l’amour, les appétits, peut-être, du « pauvre corps laissé en jachère », « corps que le temps garde si éloigné » d’elle, mais ne nous confie-t-elle pas chercher existence « dans la solitude de l’étoile, le jeu sexuel de l’être », peut-être une des versions de la « lecture des contraires », et « la création du mot » qui lui est de ce fait directement associée. Une approche ancienne, du reste, puisqu’on lisait déjà, en 1982, dans l’inédit Cri vert : « of-frande / page blanche / ouverte à l’éternelle rencontre » … que « souvent fait du-rer » un silence ! Un corps, toutefois, qui n’en prend pas moins les dimensions d’un univers, quand les veines y deviennent « rivières / qui s’en vont à la mer », la « peau / limite extrême / de l’entre-deux du monde », et l’« œil / comme un soleil / retenant la lumière ». Tout simplement !

Par bonheur, « une ferveur sauvage donne la clef /des profondeurs » et les eaux se mêlant, l’âme vacille « quand le corps pèse / sur la fragilité du corps », et le temps « s’abolit » à « l’instant où », nous dit Monique, « je me perds / en notre embrasement », à l’instant où tout ceci se résoud en une « éternité de vagues / de spasmes / de sel / d’écume », en fin de compte « apocalypse (des) désirs » … Mais, puisqu’il est plus sage peut-être de préférer au « vertige » « l’affleurement du plaisir », la règle du jeu est tout de suite posée : ce qui a droit de cité, c’est le « corps partagé. Et non gardé pour soi dans la froideur d’un lit. Corps senti au plus près de l’étreinte. Corps offert. A peine possédé. Prêté plutôt. Cadeau d’un soir ». Car, si « éperdu, le plaisir cherche la nuit » – et aussi « le retour du songe » –, c’est « dans les débris complices de l’alcôve » que tout se passe tandis que dans les « bras fauves et sauvages » de l’amant « se défont le ciel et la conscience ». Mais si « le corps dit le plaisir fauve », encore, « le cœur damné dit le désespoir d’aimer » et la fin (brutale ?) de l’amour – « amour défunt » – fait frémir le « corps penché », « vaincu », mais entraîne également un dérèglement du réel, puisqu’un « poison amer / mord l’horizon », qu’« une vapeur d’alcool / tremble / sur la rive » et que « le ciel sanglote / endolori »…

Le sentiment de la perte, et pas seulement dans l’amour – « Pourrai-je un jour me passer de nous ? » –, est très présent dans l’œuvre de Monique, et sans doute est-ce ce qui se traduit, dans ses peintures, par ces nombreuses portes, donnant sur l’obscurité, dans sa poésie par un vers comme : « En vérité, mon corps a gagné en transparence ; on ne le voit plus guère. D’ailleurs, je ne sais plus si j’existe en-core » qui fait écho au sentiment de « dérive sur le fleuve du temps ». En fait, si « la parole », qui éclate « en pluie », est promesse de quelque chose, celle-ci n’est pas tenue : « l’érosion du retour », peut-être le passage, encore, du temps, et « l’hésitation ont achevé l’étreinte ». Et l’impression d’harmonie qui souvent pré-domine au premier coup d’œil est rapidement balayée par la présence avouée de la « faute », « la main de la faute, / sans force, sur le cœur », la hantise du « néant qui marche », comme si quelque chose, de l’ordre de l’innocence peut-être, avait été d’emblée perdu. Une innocence liée aux jeunes années et à leurs jeux ne tirant pas à conséquence : « Qui, pour le retour à la rivière d’enfance ; aux jeux de balle sur la muraille ; aux courses dans la forêt ? » … Liée encore au souvenir de cet enfant de dix ans, « ange enfui / qui jamais ne revint / ne laissant nulle trace / dans l’air ou la poussière / Mais souvenir d’amande /comme une nostalgie » … Chez Monique Marta, on est hanté par la « faiblesse de l’ombre » et la « saveur de pé-ché ». Ailleurs, elle parle de « la souillure du jour » qu’efface le sommeil, « la souillure et le chagrin du jour », jugeant que « fou est celui qui ignore la souil-lure », peut-être parce que « l’homme, esclave du temps, souille à jamais la lu-mière » ! « L’ange tombé » ne craint-il pas « la pure lumière » ?

Car « le rêve se tord dans la lumière » au « soleil des damnés », soleil qui par ailleurs s’effondre « en bémol », le « réveil harcèle le moindre devenir » et le jour, « déchu », est chagrin, mais l’enthousiasme, « le goût de ce qui va venir », « l’amour fou de la vie », la volonté d’espérer « la merveille, qui soulève le poète » au matin peut le transfigurer en une « juste apothéose », tandis que la nuit, « invitation au repos » que « l’esprit, enluminé », tout en l’attendant, refuse par-fois et où, « dans l’obscur », prennent alors forme d’indéchiffrables messages, n’en est pas moins, avec constance, « retour à soi », « paix du moi qui se retrouve, avec ce qui toujours aima ».

Vivre, proclame pourtant fièrement le poète, même si ce n’est « plus que d’amitié », « là où la question se pose d’être ou de ne pas être », mais « savoir se retirer, comme le nuage s’étire au ciel ; puis disparaît » – « se retirer comme on vient au monde », « dans le grand silence de l’absence » !

Dans son magnifique poème « Les Dentelles de Montmirail », René Char, pour qui, comme pour Monique, « la poésie vit d’insomnie perpétuelle », écrit : « Nous n’avons qu’une ressource avec la mort : faire de l’art avant elle ». « L’œuvre de l’artiste », vient lui faire écho Monique Marta, « est emphase d’existence », « force de création, libération » … C’est sans doute aussi ce qui guide sa plume, aussi bien que son pinceau, elle dont le « corps fragile en divin équilibre » comme elle le déclare elle-même dans un texte précisément intitulé « L’Equilibriste », est « dans l’instant, tiré entre deux forces », que l’on identifiera rapidement au ciel et à l’enfer, « dans le seul trait tendu d’une paix à venir » … Et c’est encore Char que je vais mettre à contribution pour conclure ces quelques lignes, Char dont une des plus fameuses maximes rend si bien compte, à mon sens, de la nature de la quête d’une Monique Marta pour qui « il y a fête dans la rencontre » et qui souhaite se « lier par l’esprit à ceux qui sont absents, les vivants et les morts » : « La quête d’un frère », ici Humain, « signifie presque toujours la recherche d’un être, notre égal, à qui nous désirons offrir des transcendances dont nous finissons à peine de dégauchir les signes ».

Patrick Lepetit

Monique Marta

POÈMES

Le miroir tremble

sous le regard fauve

de qui le fouille

et l’embrase

Une ferveur sauvage donne la clef

des profondeurs

La fièvre geint dans le gouffre

Un cristal veille

chassant l’unique cercle

ouvert sur cette main

qui traîne l’irrémédiable nuit

Le linceul est au tombeau

comme le chasseur à la bête

Vois la flèche et la blessure ;

le sang qui goutte

au cauchemar de la ténèbre !

La boue couvre le monde

Se brise le miroir

Demeurent, si tu le peux,

la ferveur

le cristal

et la main pour le sceau

irrémédiable

et que nul ne pardonne

+

L’inépuisable sommeil

trouve plaisir

au vertige du néant

La fosse est instrument de torture

comme l’éclat du soleil

pour cet ange tombé

craignant la pure lumière

Une étrange grimace

déforme le visage

trace antique du vice

signe de l’insatiable soif

d’une divinité possible

L’horreur du vide

appelle la gravité

passe le pont fragile

aux pas menus du funambule

Un goût amer monte à la bouche

saveur de péché

exigeant l’anathème

L’hérétique défi

crache

l’imprononçable Nom

et tombe

au feu vorace

Je regarde mes veines

et mes veines sont ces rivières

qui s’en vont à la mer

La mer

ciboire salé

et boîte de Pandore

où je puise à l’infini

jusqu’à la mort

Je regarde les lignes de ma main

traces d’anciens chemins

se rappelant un ciel

pour d’éventuels extra-terrestres

Ma peau

limite extrême

de l’entre-deux du monde

Et cet œil

comme un soleil

retenant la lumière

Soleil

tragique et délicieuse mémoire

Main pâle

comme d’outre-tombe

Main parée de l’anneau

au doigt petit

de l’écoute et des secrets

Main pâle

sortie du rêve

ou des nuées

qu’écris-tu en signes que j’ignore

noirs

sur la page immaculée du temps ?

Dois-je apprendre l’hébreu

le sanskrit

une autre langue ?

ou la course des planètes

sur le ciel de mon zodiaque ?

Main pâle

quoi comprendre

de l’indéchiffrable message

venu de l’obscur de ma nuit ?

La vie déroulera son papyrus

et les mots brilleront

du sens qui se révèle

où mystère resteront

+

A Marguerite Porete, morte sur le bûcher, en Place de Grève, le 1° juin 1310.

Ô âme simple

Anéantie

qui poursuis non-vouloir

Humble es-tu

haute et libre

La Raison borgne te

condamne

quand l’Epoux t’illumine

lui le sans-pourquoi

le Loin-Près de

ton cœur innocent

Silence est ta défense

Parole de diamant

ton miroir (1) consumé

En vain ta prison

le bûcher !

Ta pure lumière

a traversé les siècles

Perdure le sacrifice

de ton âme apaisée

Honte à cette injustice

qui ton corps méprisa

le faisant flamme

Et pour ta rayonnante gloire

flamme

noble flamme

d’amour

______

(1) Le livre de Marguerite Porete, qui fut brûlé avec elle.

+

Creuse en toi au plus dur des ténèbres

Casse la couche sombre

Sois le mineur de l’ombre

Obstine-toi

Vois plus loin que les larmes

la sueur

et l’angoisse

Du gouffre où tu t’enfonces

perfore ce qui résiste

Brise l’inattaquable

Mets à bas l’artifice

l’illusion

Espère la merveille

.

Sois cet engoulevent (1)

qui fera de l’épée

l’arme de ton combat

.

pour un nouveau défi

d’ultime libération

_________

(1) Patron des forgerons

+

L’indicible ennemi est

mensonge

dans la clarté du soir

L’écho parcourt la grève

tel le croassement du

corbeau

qui

sur le sillon tournoie ;

trébuche

à la froideur du roc

La brumeuse parole

porte

en son scintillement

le secret

de l’antique lumière

que l’ennemi

dévore

Et l’écho portant masque

de l’oiseau sombre

libère

dans sa transformation

le jour déchu

en juste apothéose

+

Le soleil diapré de la mémoire

luit dans les miroirs de l’ange

souffle luminescent

facettes palpitantes

au cercle encombré du temps

Corps opaque

pour transparence

tu offres ta dureté

à la perceptible clarté

vue dans l’onde du rideau

Le matin est oblique

l’aurore propitiatoire

Le poète

à sa table penché

gardera la blessure

de son

scintillement

+

Ô pâle et angélique visage

de cet enfant de mes dix ans

qui me manda pour fiancée

Le parc

tamisé de lumière

était un paradis

Je refusai l’anneau

L’ange s’en fut

qui jamais ne revint

ne laissant nulle trace

dans l’air ou la poussière

Mais souvenir d’amande

comme une nostalgie

+

Vent contre vent

Persiennes ouvertes sur le rêve

Nuit étoilée où passent les comètes

Chuchotements

Le jour se lève sur nos mots délacés

Tu me souris de ta frontière lointaine

Un souffle

derrière ma nuque suggère ta

présence

Peut-être vieillirons-nous ensemble

chacun à sa fenêtre

tissant le fil doré

de nos plus profonds fantasmes

.

Vent

Contre vent

Les mots seuls s’envolent

qui me frôlent

et consolent

.

Pourrai-je un jour me passer de nous ?

+

Monique MARTA

Monique Marta est née en 1952 sur la côte méditerranéenne, dans une famille de quatre enfants.

De formation littéraire (DEA en Sciences de l’Information et de la Communica-tion) et linguistique (Maîtrise), est écrivain, poète, ex-enseignante, conférencière et artiste.

Publiée, à l’âge de quatorze ans, pour une chanson : « Coquelicot ».

1970 : « Une petite bulle de verre », Hachette, bibliothèque verte.

1979 : « Canard ou pas canard », comédie dramatique, jouée à Nouméa.

1984 : « Marchant en ma fidélité », éd. Aléatoire (poésie).

1994 : « Signes », éd. Tipaza (poésie).

2000 : Lauréate des Arts et Lettres de France, section « humour » (poésie).

2002 : « Inutile », éd. Tipaza (poésie).

2020 : « Poèmes de la Marche du Pont », éd. Rafael de Surtis (poésie).

« Sortir du cercle », éd. Unicité (poésie).

2021 : « Marie-Madeleine-Hildegarde de Bingen/Dans le Miroir de Dieu », éd. Unicité (essai).

2022 : « La Reine de Saba-Un itinéraire spirituel », éd. Unicité (essai).

Membre de la SGDL (Société des Gens de Lettres)

Traduite en bulgare, portugais, espagnol, anglais, arabe (pour la poésie).

En tant qu’artiste : expositions et illustrations de livres ; livres d’artiste.

Crée et anime la revue « Vocatif » (1983-2021)

Conférencière, elle s’est spécialisée dans le Moyen-Âge : Héloïse et Abélard, la Chanson de Roland, les troubadours, femmes poètes, la Quête du Graal, Hilde-garde de Bingen, les Gnostiques…

Niçoise, elle aime se retirer dans sa petite maison des Alpes-de-Haute-Provence, près des montagnes qu’elle aime.

Dossier paru dans le numéro 76 de la revue NU(e) POÈT(e)S/4

*

LIT SOLAIRE et AUTRES POÈMES de BARBARA AUZOU


J’ai 53 ans. Je vis en Normandie où j’enseigne les lettres depuis 29 ans.

Si je n’ose publier mes poèmes que depuis 2017, je peux dire que j’écris depuis toujours et c’est davantage une manière de vivre qu’une activité. En tout cas je ne conçois pas l’écriture poétique comme telle. Si j’ai pour habitude de dire que l’inspiration n’existe pas c’est que je ne connais pas l’attitude qui consiste à chercher le quoi dire et le comment.

J’écris beaucoup, plusieurs heures par jour, y compris lorsque j’enseigne, partout, toute la journée, sur un coin de table ou sur un coin de bureau et toujours dans un cahier à spirales- et cette nécessité de dire est une façon d’être et de vivre, ce qui n’exclue pas un vrai travail du poème par la suite bien évidemment. Je ne connais pas d’affres d’écriture. Je la vis comme un plaisir quasi-musculaire et je ne suis jamais mieux que lorsque j’écris beaucoup, que ma journée est dédiée à cela.

On aura remarqué que l’amour est mon thème de prédilection. Ce n’est pas la traduction d’un bonheur candide ou béat-je ne m’interdis d’ailleurs pas d’autres thèmes plus sociaux voire politiques- mais plutôt la conviction que l’on n’écrit au fond jamais autre chose.

J’ai la métaphore facile et c’est heureux. Faire naître des images belles et insolites me semble être la mission de la poésie et j’ai du mal avec la tendance actuelle qui consiste à écrire dans un langage de tous les jours dénué de toute image. Je ne ponctue pas mes poèmes laissant le soin aux lecteurs de trouver leur propre respiration et beaucoup de recensions ont dit de mon écriture qu’elle était exigeante envers le lecteur. Je crois qu’il faut être exigeant. Pour soi. Pour la vie. Pour la salubrité du monde.

Le blog que je tiens chaque jour s’est révélé être une véritable rampe de lancement pour mes publications en recueils mais aussi le lieu de magnifiques rencontres. Je publie désormais dans de nombreuses revues poétiques et d’autres projets de recueils sont en cours dont une suite de L’envolée mandarine en association avec Francine Hamelin.


Lit solaire

en balance dans la saison de tes mains

je mesure enfin le tremblant de nos luttes

celui de nos victoires

et la place de l’accueil comblée enfin

c’est comme si l’insupportable douceur

savait depuis toujours où établir

sa belle élégance

où dresser son lit solaire

et ce peu de givre dans les sapins

répète à l’envi ce matin

mes baisers à fleur d’eau sur ton front

exclusif

j’épouse les dimensions du simple

elles ont la noblesse d’un chat furtif

l’éclat d’or d’un au-delà sauvage dans les feuilles

regarde-moi

je suis aujourd’hui assez nue pour voir au travers


Terre fumée

par le sommeil je te devine encore

t’essayer à la peau douce du temps

au poids juste et idéal de l’âme

et je reviens te donner l’eau

chauffer le chant dans la gorge de l’oiseau

d’une joie sans pareille

d’une élégance qui sait se taire

et fleurir d’aubes à l’abri des circonstances

l’instant nu peut se lever

sur cette terre fumée de récompense

nous voici à niveau

les ailes trop pures pour nous déguiser plus loin

nous prenons de plein fouet la couleur qui danse

avec tous ses soleils

nous prenons ensemble les mêmes chemins

et l’écorce la plus proche est une main de chair

posée au coeur d’une grande nuit imperméable


Un soleil posé sur sa source

j’emmène un souvenir en appui

le paysage pacifié d’un rêve

et c’est un soleil posé sur sa source

qui posséderait son équivalent de silence

une impatience tout entière contenue dans les bras

longs de la patience

je file ma ronde et me fraie un passage de choix

dans la vie provisoire

ma main peut jouer ravie avec son lendemain

en éprouver doucement le poids

je place au répertoire des hautes images le bois

de rose de nos sourires

quand il est si près des mousses encore

et du simple argument de douceur

qu’il signe la page bleue des saisons

d’une belle entropie berceuse


Soixante-dixième lettre pour toi

je redoute plus que jamais le lundi obèse de son bruit

je t’écris

comme on lance une plainte

et j’aimerais pouvoir fuir les longues théories des gens pressés

la maison toute blessée de leur fenêtre inquiète et bavarde où se cogne un oiseau sec

il faut tant de temps pour prendre l’empreinte d’un visage

son buisson de jubilation

son balancement secret

le secret de la fleur dans son sourire sans en dérober son vol

ton visage est un enfant-dieu qui joue obstinément contre un siècle de démesure sur une peau conforme

j’en caresse le coulé minéral qui va des commissures à la phrase courbée et un peu folle que suscite l’or du vivant

et je m’en fais un manteau de signes moi qui ne crois en rien sinon en un printemps idéal

il fallait que tu fusses terre d’amour et écho de mes propres pas pour que j’arrache avec toi autant de chants à la paume des prémonitions

et quand la grâce ne sait plus où tomber je couche ta présence caressée sur les genoux du temps

elle reprend un instant la chanson de l’eau qui s’en retourne au bois et les mousses se plissent pour saluer la beauté en son endroit


Les yeux fous de l’étendue

je laisserai le miel

adoucir l’aplomb du temps

glisser sa pluie aphone et drue dans ta bouche-abeille

jusqu’au solaire de nos mots

jusqu’au blé apprivoisé à la meule d’un monde incertain

jusqu’à ton sein sûr comme une pomme

je suis en route fragile et forte vers le seul tumulte

des moissons

je viens recolorer l’incarnat léger des merveilles

celui des saisons

ta main vivante dans ma main attendrie te prolonge

te berce doucement de chants lointains

soudain levés sur le grain du songe

et les yeux fous de l’étendue


Le plus court chemin

l’arbre hospitalier

me laisse ce matin des fagots d’étoiles

et je rêve à des choses profondes

tandis que s’essaie au loin

la première aventure de l’aube

comme une anticipation d’amour

il est des espaces où l’on peut s’étendre

avec ce délié opiniâtre qui n’appartient qu’à soi

quand tout autour semble tracé au cordeau

il est des relents de rondes aux flancs conciliants

qui doucement se déplacent d’un temps vide

à un temps plein

je reprends mon chemin rassurée de soleil

et c’est un ancrage dans le mouvement

où je me déchagrine

tu as souri et pourtant

tu dors encore dans le rêve pur d’un oiseau

dans la corbeille de mes mains que tu devines


Epure

je ne peux te voir

qu’à travers une épure

débarrassée de la durée

un cérémonial qui reprend partout

sa nécessaire importance et l’insensée

recherche du signe suivant

et je prends soin de son tendre chargement

j’assemble des morceaux de royauté

et puis d’enfance

je recompte les oiseaux qui ouvrent tes paupières

te rince de pairies au pouls puissant

je te tiendrai loin de tout ce qui peut effrayer

la vie

avec des mots qui ne seront jamais des mots

mais un corps entier d’écriture

à la tendre salinité

et au regard toujours surpris

où tu pourras enfin dormir d’aimer


Les rameaux roses de la perspective

laisse encore dans mes cheveux

ta main entière

et tes yeux sans rhétorique sur mon rêve chaud

l’air ce matin est transparent de certitudes

beau comme un bal champêtre

un soleil poussé dans le dos

la terre a les yeux grand ouverts

et le ciel ému à bleu tremble

entre les rameaux roses de la perspective

je te rejoindrai partout où l’on froisse

les rires entre deux silences

et dans tous les nids méticuleux

dans la tendre crédulité du vert

qui prend des poses et danse devant l’hiver

je te rejoindrai pour ce qui veut vivre

malgré tout ce qui est blessé

dans le cri des oiseaux de novembre


L’ampleur des pistes

prends ma main et viens avec moi

t’asseoir dans les yeux de l’instant

regardons danser celles qui consentent

à s’étonner d’être là

dans l’ampleur des pistes

et dans le désordre des pierres à feu

dis-moi encore le banc

dans l’étendue tremblante de l’entre-saison

qui descend voir la rose du sang

au plus profond

dis-moi aussi des corps le tendre abandon

les plumes du soleil tout autour

comment les arbres ces grands lecteurs du vent

feront la toilette du rire sans raison

quand l’attente aura pris fin

rien ne ment si longtemps

sans susciter le chant l’alouette et puis l’amour


L’ouvert et l’aveugle

dans la dérision des vents

sur l’étendue pierreuse

sur les années aveugles cernées de symboles

que l’on n’avait pas su voir

on agite parfois son grand corps de silence

tu sais celui qui voudrait la mer

sans jamais avoir touché l’eau

et vieillir longtemps en enfance

pris dans les plis et le tremblé du temps

qu’on félicite et qu’on met dans un vase faute de mieux

je me continue sans référence

j’observe doucement la montée de la lumière

comme au premier séjour

et mes mains très petites tentent partout

de te retenir dans l’ouvert

ma voix de balise me coule par les yeux

rien n’aura raison de l’amande du rêve

de l’essaim sur la peau

qui contient et dépasse l’existence

et l’air tousse en gerbes d’auréoles

des nuées récurrentes d’oiseaux


Douceur dont je t’avise

pas à pas je te construirai un jour d’exception

ça finira bien par prendre chair

j’ai une lumière primitive dans les yeux

qui redresse la marge d’erreur

sur l’épi dansé du silence

et prend tout au rire du plus grand sérieux

j’ai mendié des ailes

pour ne pas annuler l’oiseau de nos traces

niché dans l’arbre de bonne volonté

j’ai mis l’échelle sur mes mots

laissé le chant au pied de l’enfance

quitté ma robe pour tes doigts de vin doux

rendu mon âme à ses besognes de pain

ma bouche à l’étoile gonflée des lendemains

la peau sans fin et la douceur dont je t’avise

suffiront bien à adoucir le feu du monde

et le terrible hiver

plus personne ne rêvera à notre place

je n’aurai plus à imaginer comment tu dors

sans moi


LIRE, DIT-ELLE, le riche site de BARBARA AUZOU en textes personnels et d’autrui

L’ENVOLÉE MANDARINE, le dernier ouvrage de Barbara AUZOU à partir de sculptures de Francine HAMELIN (avec une préface de Jeanne CHAMPEL GRENIER) aux Editions 5 SENS


POÈMES INÉDITS de MICHEL BÉNARD traduits en roumain par SONIA ELVIREANU

Michel BÉNARD

À l’heure où s’installe la nuit

À l’heure où s’installe la nuit,

Où la lune fécondée

Se galbe de poussière d’or,

Toute drapée de brume nacrée

Aux nuances diaphanes,

Je vous conterai les mélodies du vent,

Les silences camaïeux des neiges dernières,

Les murmures des jeunes pluies printanières,

Je vous emporterai en lisière d’une forêt

Où dort encore la mémoire

Des origines du monde.

En secret,je vous offrirai,

La précieuse harpe bleue,

Dont les gammes divines

S’élèveront jusqu’aux mirages

D’un ciel en ornement,

Comme une tendre caresse

Déposée sur les ailes d’un ange.


La ceasul la care noaptea se lasă

La ceasul la care noaptea se lasă,

Când  luna fecundată

Crește-n pulbere de aur 

Învăluită-n sidefie ceață,

În culori diafane,

Vă voi povesti ale vântului cântece,

Palidele tăceri ale ultimelor ninsori,

Șoaptele vioaielor ploi primăvăratice,

Vă voi duce la margine de pădure

Unde doarme încă memoria

Originilor lumii.

Vă voi dărui, în taină,

Prețioasa harfă albastră,

Ale cărei game divine

Se vor înălța până la mirajele

Unui cer ca podoabă,

Ca mângâiere tandră

Pe aripile unui înger lăsată.


+

Aujourd’hui je voudrais

Pour préserver le temps,

Aujourd’hui je voudrais

Privilégier l’espace nouveau,

Reprendre respiration avec le vent,

Marcher vers la source essentielle

En cultivant l’intime soif

Des plus intimes impressions,

Des étonnements les plus fulgurants.

Aujourd’hui je voudrais

Ne plus vivre qu’intensément

Dans l’amour de la femme,

Le mystère d’un miracle

Venant de se révéler

Ne demandant que pérennité.

Aujourd’hui ce chemin de vie

Ne vaut d’être vécu qu’au seuil

Symbolique du triangle absolu.


Astăzi aș vrea

Pentru a păstra timpul

Astăzi aș vrea

Să privilegiez spațiul nou

Să respir iar cu vântul

Să pășesc spre izvorul esențial

Cultivând intima sete

A celor mai intime impresii,

A celor mai fulgurante uimiri. 

Astăzi aș vrea

Să nu mai trăiesc decât intens

În iubirea femeii,

Misterul unui miracol

Ajungând să se reveleze

Fără să ceară decât perenitate.

Astăzi acest drum de viață

Nu merită trăit decât pe pragul

Simbolic al triunghiului absolut.


+

Aux lisières informelles du monde

Aux lisières informelles du monde,

Des vols d’oiseaux bigarrés

S’étirent en escadrilles

Dans le grand V du silence

D’un demi-sommeil de nuit.

Des perles de pluie,

En forme de chapelet

Contiennent l’énigme

Des premières paroles d’aube,

Saupoudrant parcimonieusement

De ses nuages d’encre,

Les promesses éblouies de la poèsie.


La marginile informale ale lumii

La marginile informale ale lumii,

Zboruri de păsări pestrițe

Se înșiră în escadrile

În marele V al tăcerii

Dintr-un somn al nopții.

Perle de ploaie

În formă de rozariu

Conțin enigma

Primelor vorbe din zori,

Presărând cu parcimonie

Din norii lor de cerneală,

Promisiunile uimite ale poeziei.


+

Dans le silence des nuits

Dans le silence des nuits

Il arrive parfois que les mots

Brulent,écument, hurlent,

Prennent de l’ampleur,

Réveillent les pensées muselées

Lorsque l’histoire devient obscure,

Pour sombrer entre douleur et fascination.


În tăcerea nopților

În tăcerea nopților

Se-ntâmplă uneori cuvintele

Să ardă, să spumege, să urle,

Să ia amploare,

Să trezească gândurile înăbușite

Când povestea devine obscură,

Pentru a se nărui între durere și fascinație.


+

Étrangement le temps

Etrangement le temps se suspend,

Le souffle d’un recueillement m’effleure,

Un silence contemplatif me transporte

Sur le seuil d’un autel d’extase.

Face à cette icône sublime

Au regard mystérieux et pénétrant,

Que singularise la turquoise d’un talisman,

Voici que je touche à l’intime

Des soieries de l’infini,

Des draperies de liturgie.

Au-delà d’étonnantes turbulences

Je m’avance dans un rêve

Drapé des signes passionnels,

Où je vous effeuille, vous décrypte,

Tel un manuscrit parcheminé de beauté.

Vos seins lisses aux veines marbrées

Reflétant l’éclat des étoiles,

Sur le fond de vos yeux bleus

Se dessine une osmose gardienne

De mille nuances d’amour.

De mon alcôve isolée je vous idéalise

Conscient aujourd’hui que la vie,

Nous a peut-être attribué

Le livre initiatique de la légende,

De deux cœurs embrasés

Par l’âme sacrée d’un violoncelle

Où s’unissent nos lèvres jumelles.


Straniu timpul

Straniu se suspendă timpul,

Suflul unei reculegeri m-atinge,

O tăcere contemplativă mă poartă

Pe pragul unui altar de extaz.

În fața acestei icoane sublime

Cu privirea misterioasă și pătrunzătoare,

Singularizată de turcoazul unui talisman,

Iată că ating intimul

Mătăsurilor infinitului,

Vălurilor de liturghie.

Dincolo de uimitoare turbulențe

Pășesc într-un vis

Învăluit de semne pasionale,

Unde vă desfrunzesc, vă decriptez,

Ca pe un manuscris ofilit de frumusețe.

Ai voștri sâni netezi cu vene de marmoră

Reflectând licărul stelelor,

În adâncul ochilor albaștri

Se ivește-o osmoză ce păstrează

Mii de nuanțe de iubire.

Din alcovul meu singuratic vă idealizez

Conștient azi că viața

Ne-a atribuit poate

Cartea inițiatică a legendei,

A două inimi îmbrățișate

De sufletul sacru al unui violoncel

În care se unesc buzele noastre gemene.


+

C’est une simple trace

C’est une simple trace

Dans les arcanes de la nuit,

Gravée sur la transparence

D’une pierre adamantine,

Où des perles de brumes

Enfantent tout en silence

Les premières paroles de l’aube.


E o simplă urmă

E o simplă urmă

În arcanele nopții,

Gravată pe transparența

Unei pietre diamantine,

Unde perle de brume

Nasc în tăcere

Primele vorbe din zori.


+

Le mystère de l’empreinte céleste

Le mystère de l’empreinte céleste

Symbolise la trace

D’un passage d’ange.

Un silence monacal

Nous enveloppe d’une soie

De paix et de sagesse.

Une lueur sacrée

Vacille dans la nuit

Dévoilant la sainte clôture

Du temple de l’initiation

Avec son souffle annonciateur

Tourbillonnant dans le drapé

Des robes de bure,

Glissant dans l’ambiance feutrée

Des dalles luisantes du cloitre

Aux mélancoliques reflets.


Misterul amprentei cerești

Misterul amprentei cerești

Simbolizează urma

Unei treceri de înger.

O tăcere monahală

Ne învăluie într-o mătase

De pace și de-înțelepciune.

Un licăr sacru

Tremură în noapte

Dezvăluind sfânta incintă

Din templul inițierii

Cu suflul lui vestitor

Rotindu-se în cuta

Hainelor de călugăr,

Lunecând în ambianța vătuită

A lucitoarelor dale ale incintei

Cu melancolice sclipiri.


Michel BÉNARD sur Le Manoir des Poètes

Sonia ELVIREANU sur le site de L’Harmattan


PIEGE À ÇONS : 25 texticules de Nicolas BRULEBOIS

Zest barrière
Giclée de citron dans l’œil

¤

Castafiore d’EHPAD
Ah ! je ris de me voir si belle en ce mouroir

¤

Jean casse Tex
Que reste-t-il de nos Z’amours?

¤

Mosquée Cloclo
Viens Allah maison, y’a le muezzin’ qui chante

¤

Arroseur arrosé

Asperger aspergé

¤

Pictionary khmer rouge
Décimez, c’est gagné

¤

Racketté pour un stylo-bille
Passe ton Bic d’abord

¤

Théâtre de l’absurde lesbien
En attendant goudou

¤

Judy Garland accro
Le magicien dose

¤

Il digère mal les chèques
Jean-Michel RIB

¤

Aznavour inédit
Non, je n’ai rien publié

¤

Fer à lisser Julien Clerc

Je le sais, sa façon d’être à moi parfois vous défrise

¤

Souchon oublie ses pronoms personnels
Je tu il nous Voulzy

¤

France Gall oubliait ses conjonctions de coordination
Mais où est donc Babacar ?

¤

Couverture universelle
Les hommes naissent libres et égaux en draps

¤

Clara Luciani & les batraciens
Sous mon sein la grenouille

¤

Angèle & les crapauds
Balance ton « coaaa »

¤

JL Aubert juge son boulanger
Quelque-chose en toi n’enfourne pas rond

¤

Lama crache sur le rock
Je suis ballade, complètement ballade

¤

Slam radical
Grand Corps Mouloud

¤

Lou Reed rebeu
Walk on the wild Saïd

¤

Rohmer obsédé par les bovidés
Le gnou de Claire

¤

Rohmer n’a pas payé le resto
Pauline à la plonge

¤

Heineken-Pis
Sa majesté des mousses

¤

Brel à Manchester
Cantona que l’amour

¤

William révise
Kate bûche

¤

Hollande a des doigts trop gros pour les tasses
Mon adversaire, c’est la fine anse

¤

Duras enfin sobre
Tu n’as rien bu à Hiroshima.

===

Nicolas Brulebois par Gabrielle Pluet

Nicolas BRULEBOIS a fait paraître trois ouvrages aux Editions Jacques Flament, dans des genres divers qui sont le reflet de ses différentes inclinations littéraires : la critique musicale et culturelle (Alain Leprest, Gens que j’aime), l’écriture de fiction (Le Bunker), la forme brève satirique (Le Monde aigri, le monde est bleu).

Il a aussi publié dans les revues Fakir, Tant Pis Pour Vous, Kamikaze, Microbe, Traction-Brabant, Verso, L’Angoisse, L’Impératifet est actuellement auteur dans l’excellente revue Hexagone consacrée à la chanson française.  

UN ANCIEN TESTAMENT de CLAUDE LUEZIOR (LGR) / Une recension de Jeanne CHAMPEL GRENIER

Disons d’emblée qu’il ne s’agit ici ni d’une exégèse canonique, ni d’une approche scientifique : elles sont légions en la matière. Claude LUEZIOR, avec la franchise ouverte et sincère d’un Candide, n’a pas trouvé de vecteur plus adapté que l’humour pour nous présenter sa lecture parfois effarée de l’Ancien Testament. On est loin de toute herméneutique, loin des règles mystiques traditionnelles, loin des Pères de l’Eglise, de Saint Augustin, Saint Isidore ou Eusèbe de Césarée, mais plus proche d’un François Laplanche qui cite Karl Barth : « Ce que je dis de Dieu, c’est un homme qui le dit. »

             LUEZIOR l’amoureux des arts, le poète, le romancier, avance ici en terrain miné avec beaucoup d’entrain, de bienveillance et un certain panache. Il ne serait pas étonnant qu’il rallie à sa courageuse campagne, tout un peuple de lecteurs. Comment résister à sa réaction de potache, celle d’un enfant devant Spielberg et Charlot réunis ? Claude LUEZIOR est léger mais ne raconte pas à la légère. Il rit mais s’indigne, tout en citant les versets bibliques concernés. Voyons un exemple  »frappant » (ici tout est  »frappant »!) : celui-ci, intitulé Il faut savoir et qui précède Le Déluge…

« Reprenons depuis le début : Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu, il le créa. Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici que cela était très bon (Genèse, 1,27 et 1,32). Et pourtant, Yahvé dit en son cœur: ce qui forme le cœur de l’homme est mauvais dès sa jeunesse (Genèse, 8,21). Diagnostic final : l’œuvre du Tout-Puissant est-elle à ses propres yeux bonne ou mauvaise ? « 

Comment résister à l’aventure de Noé dans le chapitre Soyons indulgents !  « Noé était âgé de six cents ans quand eut lieu le déluge. » (Genèse,7,6). LUEZIOR s’exclamera d’ailleurs plus tard : « belle gériatrie ! »Il rajoute :  »On excusera bien ses erreurs. Ce d’autant qu’il n’était pas très fort en mathématiques. Un peu pressé, il n’avait fait monter à bord qu’un seul escargot. Tantôt mâle, tantôt femelle et avec une patience infinie, le (la) bougre(sse) se débrouilla tout seul. » 

Et de préciser : « Prévoyant, le patriarche demanda à Yahvé quelques somnifères pour des crocodiles au sale caractère et pour un couple de singes qui commençaient à semer la pagaille : des êtres déraisonnables qui prétendaient, à l’époque déjà, avoir un lien de parenté avec Noé ! En ces temps prédiluviens et carrément écologiques, on lui fournit plutôt un couple de tsé-tsé, des mouches spécialistes ès sommeil. Ce qui fut tout à fait indiqué, notamment pour le paire de renards qui jetaient un regard lubrique en direction d’un coq et de sa doulce moitié. »

Évidemment, les choses s’enveniment avec « Caïn et Abel : le premier tue l’autre. Dramatique engeance ! On a si peu disserté quant à la douleur des parents… » Elles se multiplient et s’amplifient par la suite avec Moïse, David, Salomon… Alors, devant la lecture de tant de miasmes et de plaies soi-disant envoyées par Dieu, ajoutées à tant de turpitudes et d’exterminations dans nos sociétés humaines passées, présentes et à venir, que faire sinon rire parfois, pleurer, souvent ? Il nous y invite avec sa plume parfois cocasse, souvent indignée, parfois insolente, souvent humaniste, tout en frémissant devant ces déluges de violence détaillés dans un Ancien Testament d’il y a bientôt trois millénaires.

Cela dit, Claude LUEZIOR précise en quatrième de couverture :  » Ce qui est rassurant, c’est l’avènement, beaucoup plus tard, d’un rebelle, incarnation du pardon et de la tendresse : le Nazaréen Jésus-Christ. »

Jeanne CHAMPEL GRENIER

«  UN ANCIEN TESTAMENT déluge de violence » de Claude LUEZIOR, Éditions Librairie-Galerie Racine, Paris, 2020

Le site de Claude LUEZIOR

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est Luezior-Un-ancien-Testament.jpg

EXTRAITS de l’ouvrage

Une histoire à dormir debout… sur un rafiot

Le sage Noé, charpentier amateur de son état, était tout à la fois insigne zoologue et botaniste.

Dans sa cage à poulets (le Livre saint affirme dans son arche (…) de 300 x 50 coudées [1] sur trois étages), il enferma par paires quelques millions d’espèces, toute nourriture comprise pour quarante jours.Pour faire bonne mesure, l’on précise plus loin qu’il s’agissait en fait de sept couples de tous les animaux purs (selon des critères mal définis, d’ailleurs) et d’un couple de tous ceux qui sont impurs [2].Heureusement, les dinosaures avaient déjà rendu leur bonne âme au Seigneur. Quelques tyrannosaures auraient tôt fait d’avaler le reste de la compagnie.

Prévoyant, le patriarche demanda à Yahvé quelques somnifères pour des crocodiles au sale caractère et pour un couple de singes qui commençaient à semer la pagaille : des êtres déraisonnables qui prétendaient, à l’époque déjà, avoir un lien de parenté avec Noé !

En ces temps pré-diluviens et carrément écologiques, on lui fournit plutôt un couple de tsé-tsé, des mouches spécialistes ès sommeil. Ce qui fut tout à fait indiqué, notamment pour la paire de renards qui jetaient un regard lubrique en direction d’un coq et de sa doulce moitié.

Lignes apocryphes

Malgré cette promiscuité et sûrement grâce à Dieu, les choses ne se passèrent finalement pas si mal. Bien entendu, les girafes, toujours un peu guindées, se plaignirent d’un torticolis et les éléphants finirent par inventer le régime contre l’obésité.

On ne parle pas des poissons volants qui, hors contingent, furent à la fête, ni des hippopotames qui rirent un bon coup.

Les baleines furent dispensées de figurer dans cette histoire pour raison de corpulence et les sardines ironisèrent sur le manque de place dans la boîte à Noé.

Soyons indulgents !

Noé était âgé de six cents ans quand eut lieu le déluge [3].

On excusera bien ses erreurs.

Ce d’autant qu’il n’était pas très fort en mathématiques. Un peu pressé, il n’avait fait monter à bord qu’un seul escargot. Tantôt mâle, tantôt femelle et avec une patience infinie, le (la) bougre (sse) se débrouilla tout seul.

_______________________________________


[1] Soit environ 150×25 m : Genèse, 6,15

[2] Genèse, 7,2

[3] Genèse, 7,6

LETTRE À MAISON DE FAMILLE de CLAUDE LUEZIOR

Claude LUEZIOR - Bibliographie Livres - Biographie - nooSFere
Claude LUEZIOR

Voici que mes doigts parcourent ce portail, velours de métal encore prégnant de mon enfance. Entrer dans l’univers matriciel. Revenir dans le soupir du vent, respirer le sourire d’un parfum, sentir les paupières d’un seuil entrouvert.      

Réveiller le silence. Descendre les trois marches. Passer en revue les bosquets de roses percluses d’attente puis monter jusqu’au faîte, à la ligne de partage entre tuiles et cieux. Là s’oxydent les souvenirs, là s’emmêlent des racines plongeant dans les voûtes majestueuses d’un oubli. La vareuse paternelle jette ses ocres, une invisible main astique un cuivre, un plumitif naissant joue les gammes des mots qui le fuient. La pendule muette remonte l’espace sans égrainer ses minutes : quel absurde horloger a-t-il émietté le temps en unités alors qu’il n’est que fluidité ?       

Maison de brique et de broc. Palais pour poète en déshérence.

Tu es vasque pour mythes ébréchés, nécropole d’émois où se bousculent encore les ombres du jardin premier. Ta façade, ridée de fissures bénignes, a la noblesse d’un visage à peine fripé par la bourrasque : stigmates sur un front que l’amour n’a cessé de préserver.

 Ouvrir mes paumes nues à tes ombres sentinelles, à tes arcades, gardiennes du mystère. De chaque creux s’évade une silhouette,  en chaque coin luit une patine, un suintement d’âme, quelque toile arachnéenne tissant une illusion.

 Célébrer le solennel et recueillir l’identité d’un trésor perdu puis retrouvé dans l’immobile lamentation des heures. Vivre tes voiles qui s’évaporent, jubiler sur la frange incertaine de tes oripeaux, trésor d’une épaisseur de vivre cousue main, humble et pénétrant joyau sur l’étoffe de ma mémoire.

 Plus loin, je respire ta pelouse où batifolent des fleurs sauvages, locataires par myriades qui profitent joyeusement des vacances. Les branches baroques des arbres se disent centenaires et lancent l’ivresse de leurs bourgeons ; clématites et lierres s’articulent savamment autour d’un angelot n’ayant pour respirer que sa vénielle prière de stuc.

D’un côté, tu es bure de pierre et de l’autre, foisonnance végétale : binôme où s’allient l’âme gardienne des choses et la création de la chlorophylle.         

Maison de Famille si grave qu’elle m’entraîne en une indicible prière. Si gravide en souvenirs que ma fibre fœtale s’y loge comme nymphe en son cocon de soie. Rugueuse et brillante, ta silhouette est mienne. Au seuil d’un Paradis.

                                                        Claude Luezior
                                                        in : Une dernière brassée de lettres, Editions Tituli, Paris

lettres-capture-decran

La lecture du livre par Nicole Hardouin pour Traversées

DEUX POÈMES de NICOLAS GRANIER traduits en roumain par SONIA ELVIREANU

Nicolas Granier - Premier album ! - Ulule
Nicolas GRANIER

Poussière d’étoile

Elle avait dans les yeux

Une poussière d’étoile

Elle en faisait de nous

Des êtres de lumière

On écoutait son chant

Le monde était plus beau

Plus la lumière est forte

Plus la nuit elle attise

Vers elle n’accouraient

Que les papillons gris

Que les ailes fragiles

Les cœurs de noirs charbons

Pieds de sabots fourchus

Ils lui prirent le cœur

Ils déchirèrent sa vie

Quand la nuit se fait douce

Je regarde le ciel

Je recherche l’écho

De son sourire perdu

Elle avait dans les yeux

Une poussière d’étoile

 18/12/2020

+

Pulbere de stea

În ochii ei avea

O pulbere de stea

Din noi ea făcea

Făpturi de lumină

Cântul ei ascultam

Lumea mai frumoasă era

Cu cât lumina-i mai vie

Noaptea mai tare stârneşte

Spre ea nu alergau

Decât fluturii gri

Aripile fragile

Inimi de negri cărbuni

Picioare bifurcate

Inima i-o luară

Viaţa i-o sfâşiară

Când noaptea e blândă

Cerul privesc

Caut ecoul

Surâsului ei pierdut

În ochii ei avea

O pulbere de stea

 18/12/2020

Nicolas Granier - Premier album ! - Ulule

J’ai caressé les pierres

En mon pas qui se feutre

Au lent glas de l’hiver…

C’était comme un silence

Mais peuplé de murmures,

Un peu de vent peut être ?

J’ai caressé les pierres

Et j’ai touché leur peau,

Leurs belles mains ridées…

Je les ai vues pleurer

Réunis dans nos spleen

J’ai écouté les larmes,

Bercé par leurs sanglots

« Nous avons l’âme vieille

De votre humanité,

Vous voir si chétifs

Toujours recommencer

Tenter de nous hisser

Nous porter haut

Toujours plus haut,

D’être la Pierre

Bâtissant vos églises

Vos flèches vers le ciel

Et vos derniers linceuls…

Nous faire prendre forme

Quand la votre s’efface

Vos vies évanescentes

Au fil du sablier

Vous nous voulez cousins

Avatars

Armures

Pour braver l’Achéron

Qu’il est triste pour nous

De n’être que moulins »

Le frisson de mes yeux

Au fragile partage…

Le sanglot se fit ombre

La peau se fit plus froide

C’était comme un silence

Mais peuplé de murmures

Un peu de vent peut être ?

28/12/2020

+

Am mângâiat pietrele

Şi pasul meu ce se strecoară

În glasul moale al iernii

Era ca o tăcere

Însă plină de şoapte,

O adiere poate?

Am mângâiat pietrele

Şi le-am atins pielea,

Frumoasele mâini ridate…

Le-am văzut plângând

Strânşi în spleen-uri

Le-am ascultat lacrimile,

Legănat de suspine

“Avem sufletul bătrân

De-a voastră umanitate

Văzându-vă atât de plăpânzi

Mereu reîncepând

Încercând să ne înălţaţi

Să ne duceţi mai sus

Mereu mai sus,

Să fim Piatra

Ce vă construieşte biserici

Săgeţile către cer

Şi ultimele linţolii…

Ne daţi formă

Când a voastră se şterge

Vieţile voastre evanescente

Pe firul nisipului

Ne vreţi verişori

Avataruri

Armuri

Să-nfruntaţi Aheronul

Ce trist e pentru noi

Să nu fim decât mori”

Fiorul ochilor mei

La soarta fragilă…

Plânsul se făcu umbră

Pielea se făcu mai rece

Era ca o tăcere

Însă plină de şoapte,

O adiere poate?

Traduction du français en roumain: Sonia ELVIREANU

Le site de Nicolas GRANIER, auteur-compositeur-interprète

Découvrez la chaîne YOUTUBE de Nicolas GRANIER avec ses chansons et ses lectures de très nombeux/ses poètes(se)s d’aujourd’hui !