FRANCIS PICABIA: ART & APHORISMES

Francis Picabia - 2 Artworks to Discover and Buy | Widewalls

Francis Picabia naît à Paris le 22 janvier 1879, 82 rue des Petits Champs.
C’est dans cette même maison qu’il meurt, le 30 Novembre 1953 (aujourd’hui rue Danielle Casanova).

Durant les 74 années de sa vie, Picabia explore la plupart des mouvements artistiques de son temps, un exploit aussi exceptionnel que l’époque elle-même. 

En savoir plus ici

Sélection d’aphorismes et de tableaux

Les moyens de développer l’intelligence ont augmenté le nombre des imbéciles.

 

Une idée est intéressante si elle n’est pas imprimée.

Si vous tendez les bras, vos amis les couperont.

Dieu a inventé le concubinage. Satan le mariage.

L’oignon fait la force.

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Trois mimes, huile sur toile

61,6 x 50,9 cm, 1936

Collection privée

La seule façon d’être suivi, c’est de courir plus vite que les autres.

L’art est le culte de l’erreur.

Toute conviction est une maladie.

C’est un homme bon donc il passe pour un idiot. 

Il n’y a d’indispensable que les choses inutiles.

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Hera, huile, gouache, fusain et crayon sur carton
103,4 x 74,9 cm
1929

Collection privée

La propreté est le luxe du pauvre: soyez sale!

Le seul uniforme possible est celui du bain de vapeur.

Les hommes gagnent des diplômes et perdent leur instinct.

Le diable me suit de jour comme de nuit car il a peur d’être seul.

La sagesse n’est qu’un gros nuage sur l’horizon.

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Le sphinx, huile sur toile

131 x 163 cm
1929

Centre Georges Pompidou, Paris, France

Je conseille aux idées élevées de se munir de parachute.

L’art est un produit pharmaceutique pour imbéciles.

Une femme qui a un enfant, c’est neuf mois de maladie et le reste de sa vie de convalescence.

Les gens sérieux ont une petite odeur de charogne. 

Ce qui manque aux hommes, c’est ce qu’ils ont, c’est-à-dire les yeux, les oreilles et le cul.

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Mélibée, huile sur toile
195,5 x 130 cm
1931

Collection privée

Ne cachez pas vos secrets dans votre derrière. Tout le monde les connaîtrait.

Il faut vivre parmi les femmes, les hommes sont toujours trompés.

Le succès est un menteur. Le menteur aime le succès.

La vérité d’un homme, ce sont ses erreurs.

Nos pensées sont les ombres de nos actions. 

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Otaïti, huile sur toile
217 x 151,5 cm
1930

Tate Gallery, Londres, Royaume-uni

Les impuissants se prosternent toujours vers le passé. 

Devant l’immobilité de la campagne, je m’ennuie tant que l’envie me prend de manger des arbres.

Je n’ai pas besoin de savoir qui je suis puisque vous le savez tous.

Le psychologue se nourrit exclusivement dans la conscience: moi, je ne veux qu’une inconscience impossible à acclimater.

Le pape est l’avocat de Dieu. Dommage que son client soit mort.

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Villica caja, huile sur toile
151 x 180 cm
1929

Collection privée

Pour se sauver, il n’y a qu’un moyen: sacrifier sa réputation.

Les hommes ont plus d’imagination pour tuer que pour sauver. 

Il est plus facile de se gratter le cul que le coeur. 

Il faut être nomade, traverser les idées comme on traverse les villes et les rues.

Il faut s’exprimer uniquement avec soi-même, ce qui nous vient des autres est encombrant, incertain et surtout inutile.

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Corrida, huile sur toile
75,2 x 104,8 cm
1925-1927

Collection privée

C’est une lâcheté que d’applaudit à toutes les idioties que l’on nous montre sous prétexte de modernité.

Qui est avec moi est contre moi.

J’aime les êtres qui ressemblent aux inondations. 

Les artistes sont le résultat de l’avarice de la nature. Le peu d’esprit qu’ils ont leur est donné par la méchanceté.

Les idiots pensent que la mémoire fait partie de la connaissance et de la vie.

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Figure, huile sur toile

Collection privée

Les enfants sont aussi vieux que le monde, il y en a qui rajeunissent en vieillissant, ce sont eux qui ne croient plus à rien.

Le bonheur pour moi, c’est de ne commander à personne et de ne pas être commandé. 

Ceux qui médisent derrière mon dos, mon cul les contemple.

Il est plus dangereux de faire le bien que le mal.

Plus on plait, plus on déplait.

 

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Je me souviens de mon cher Udnie, huile sur toile
250,2 x 198,8 cm
1914

Museum of Modern Art, New-York, USA

Qui est avec moi est contre moi.

 

Ce que j’aime le moins chez les autres, c’est moi.

 

Moi, je me déguise en homme pour n’être rien.

 

Les hommes politiques poussent sur le fumier humain.

 

Je n’ai jamais pu mettre de l’eau dans mon eau.

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L’adoration du veau, huile et fusain sur toile
106 x 76,2 cm
1941

Centre Georges Pompidou, Paris, France

 

Je ne donne ma parole d’honneur que pour mentir.

 

L’art est le culte de l’erreur.

 

L’avenir n’existe pas quoique j’aille mieux.

 

Il faut toujours que notre sexe fasse une ombre sur notre ventre.

 

Je n’ai pas besoin de savoir qui je suis puisque vous le savez tous.

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Les seins, gouache sur carton
99,5 x 77 cm
1924-1927

Collection privée

 

Le crime est une chose admirable, mais l’assassin me dégoûte.

 

Il n’y a pas d’obstacles, le seul obstacle est le but, marchez sans but.

 

Devant l’immobilité de la campagne, je m’ennuie tant que l’envie me prend de manger des arbres.

 

Toutes les croyances sont des idées chauves.

 

La justice des hommes est plus criminelle que le crime.

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Femmes au bulldog, huile sur carton
106 x 76 cm
1941-1942

Centre Georges Pompidou, Paris, France

 

Mes pensées me disent où je me trouve ; mais elles ne m’indiquent pas où je vais.

 

Craindre les sens, c’est devenir philosophe.

 

Le seul uniforme supportable est celui du bain de vapeur.

 

Je n’ose plus ouvrir les yeux si mes bras ne doivent plus jamais t’étreindre

Je me repose sur l’oubli.

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Adam et Eve, huile sur toile
200 x 110 cm
1931

Collection privée

L’amour seul est désintéressé, le mariage ne l’est jamais.

Si nous sortons de l’imbécillité de la politique, notre vie actuelle apparaît horriblement triste.

Les humoristes sont les fleurs artificielles du comique, ils cèdent aux spectateurs.

L’amour est un contact infectant par envoûtement, il veut tuer tout d’abord l’entourage de la personne aimée, puis, tout doucement, l’être chéri lui-même.

Sur-femmes, sur-hommes, sous-femmes, sous-hommes, vos cheveux blanchiront et vos pensées resteront obscurité.

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L’élégante, huile sur panneau
106 x 77 cm
1942-1943

Collection privée

 

Notre phallus devrait être avoir des yeux ; grâce à eux, nous pourrions croire que nous avons vu l’amour de près.

Je fuis le bonheur de peur qu’il ne se sauve pas.

 

Tous les peintres qui figurent dans nos musées sont des ratés de la peinture; on ne parle jamais que des ratés; le monde se divise en deux catégories d’hommes: les ratés et les inconnus.

Je surpasse les amateurs. Je suis le sur-amateurs; les professionnels sont des pommes à merde.

Il faut communier avec du chewing-gum, de cette façon Dieu vous fortifiera les mâchoires; mâchez-le longtemps, sans arrière-pensée; puisqu’il aime votre bouche, qu’il sache à quoi elle sert! Vos langues tièdes ne sont pas à dédaigner, même pour un Dieu.

 

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Autoportrait, 1923

Éloge funèbre de Francis Picabia par André Breton

« Adieu ne plaise, il faut, pour de semblables funérailles, que chacun montre un heureux orgueil d’avoir connu un homme qui n’ait jamais éprouvé le besoin de se préoccuper des misères qui l’accablaient … Mon cher Francis, allez-vous croire qu’un journal me prêtait bien de l’influence sur vous ? Nous savons bien que c’est tout le contraire qui est vrai. Vous avez été un des deux ou trois grands pionniers de ce qu’on a appelé, faute d’un autre mot, l’esprit moderne … » 

Le site officiel de Francis PICABIA

Tableaux de Francis Picabia

Entretien avec Georges Charbonnier

Picabia au MOMA

L’oeil cacodylate 

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CHRISTEL BOUCHAT

650

 

Christel Bouchat croque depuis plusieurs années nos gloires nationales (Poelvoorde, Stromae, Efira, Damiens… ) souvent coiffées d’un chapeau melon en hommage à son peintre favori, René Magritte, un autre célèbre Belge, ce qui dénote un souci de faire entrer dans un cadre donné les objets de ses dilections comme celui d’introduire dans un assemblage donné un élément à la fois rassembleur et marquant l’étrangeté.
Ce sont des portraits saisissants de ressemblance qu’elle réalise parfois en une nuit d’insomnie. Mais ils ne visent pas qu’à la ressemblance. Ils sont animés d’une force expressive qui, pourrait-on dire, dépasse, submerge leur image. Ils disent aussi la force du peintre aussi bien que celle du modèle, ce qui les relie dans un même élan vital, dans une même visée vers la beauté.

Dans tout essai de classement, la singularité survient, elle prend le pas sur le cadre, elle fait diverger de la voie centrale, prendre des lignes de fuite… Et c’est ce qui s’est passé, Christel a ressenti le besoin de prendre la tangente de ses premiers travaux en créant une nouvelle série où elle associe à des visages féminins des éléments divers : abeilles, oiseaux, poissons, ciels, paysages de montagne… Bestiaire en relation avec la nature. Sans toutefois faire dans l’attendu et en instaurant dans ses crossover sensibles de neuves correspondances entre les éléments mis en présence. Le ciel est présent, ancré à la terre. Le regard est rêveur, introspectif, absent ou dissimulé. La chevelure, lieu mouvant de toutes les métamorphoses, crée le lien entre le haut et le bas, le ciel et la terre. 

En intégrant à ses portraits des éléments extérieurs, elle interroge  le lien entre apparence et intériorité, surface et profondeur, fond et forme. Sans quoi le travail du peintre se limiterait à de l’illustration, du purement figuratif. Elle ouvre au spectateur de ses toiles le spectre des possibles. 
Très vite, Christel s’est engagée dans des voies neuves, ne se contentant pas d’exploiter un filon, aussi prolifique et bienvenu soit-il. Christel Bouchat est en perpétuelle recherche d’images et de questionnement, et ses travaux donnent lieu à des trouvailles qui laissent présager un futur créatif hautement prometteur, à suivre absolument…
 

Éric Allard 

 

Quelques poèmes inspirés par des toiles de Christel

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Onirique

 

Ses cheveux sont des poissons:

Daurades, plies, tanches…

Et fruits de mer divers.

Cependant que dans ses nuits plongent

Le vin profus du rêve

Rouge comme le sang des joues

Quand l’azur des veines

Peint de bleu de Prusse

Ses cieux.

 

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Le corps-beau

 

Ses cheveux

En bataille de corbeaux

Lui font une crête de plumes.

Plus bas, c’est la forêt

De conifères

Qui suit la ligne des seins.

La neige de sa peau

Laisse voir en transparence

Le monde.

Ce mélange de ténèbre et de lumière

Cette dépendance de la femme

Quand elle unit le noir au blanc

Dans un même paysage.

Ce qui est limpide

Se trouble au premier regard.

Des corps beaux s’amusent, se protègent

Se querellent et s’aiment

Jusqu’à la fonte

Des nuits.

 

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L’abelle

 

Femme aux cheveux de miel

Ton visage à jamais sauvegardé

Demeure dans l’œil du soleil.

Mèches rebelles

Qui parfument ton nez

Et tes joues.

Fragrances parfaites…

Dans ton ciel les abeilles travaillent

À la reconquête des roses.

Elles font de ton poil

Un repaire de vivres

Pour l’hiver.

Une ruche où l’air

À la saveur des baisers…

 

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Sans titre

 

Les épicéas qui se dressent

En crête

Sur ta tête

Dissimulent ton visage…

D’un bras levé

Tu empêches le regard

Tout mouvement vers toi.

Peut-être que tu pleures…

Que des larmes donnent

À tes regrets, tes retraits

Une substance.

Ne reste qu’à lire

Dans les lignes de ta main

Les traits imaginaires

De ton insondable beauté.

 

 

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La merle

 

La tête de l’oiseau

A pris le pas

Sur ton front, tes yeux.

Nul ne saura le pourquoi

De ce croisement

Sous l’égide de la montagne

D’une femme avec un merle

Sinon l’amertume d’être soi

Jusque dans les apparences

Jusque dans les sommets de l’être…

La bouche veut prononcer le nom

Quand le bec ferme le sens.

Le désir se nourrit

D’un espace infini

De chair comme neige.

Un seul œil noir

Prolonge la voie de la forêt.

Sans cri la vie se meurt.

Seule les lèvres demeurent…

L’esprit

Inscrit dans le tableau

Son programme d’envol.

 

 

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Christel Bouchat exposera du 16 juin au 29 juin 2016 à la Galerie Garance de Mont-sur-Marchienne (rue Paul Pastur, n°52)

Le vernissage aura lieu le samedi 18 juin 2016 entre 18 heures et 23 heures.

La page événement du vernissage sur Facebook

Les Belges de Christel Bouchat s’exposent à Paris, un article de Thomas Leodet pour L’Avenir.

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SALVATORE GUCCIARDO par Anita NARDON (éd. Art in Belgium)

i66454476._szw270h3500_.jpgUne peinture des confins ardente et apaisée

En 2002, paraissait un livre d’art d’une belle facture, au format très maniable, avec un texte d’Anita Nardon sensible et en retrait dans le sens où, tout en embrassant toutes les virtualités et réalités de l’oeuvre, elle avance des hypothèses sans jamais théoriser. 

Ce texte fournit ainsi tous les éléments pour entrer sans forcer le regard et l’entendement du lecteur dans l’univers de ce peintre singulier et immédiatement reconnaissable : paysagiste de l’infini, portraitiste de l’humaine et douloureuse condition. Elle écrit justement que « Salvatore Gucciardo a l’âme d’un chercheur et la nature d’un philosophe. »

D’abord, les éléments biographiques : ce Sicilien, né en 47 à Siculiana, est de Charleroi depuis 1955 où « il vit et se sent chez lui, totalement ». Omniprésent sur la scène picturale, mais aussi revuistique, depuis 1975, l’époque où Aubin Pasque le fait entrer dans le groupe « Fantasmagie » (groupe fondé en 1958), il fut soutenu jusqu’au bout par Stephane Rey/Thomas Owen.

Il fut entre autres l’ami de Marcel Delmotte et de Jean Ransy. En 1984, Roland Villeneuve l’invite à exposer au Louvre des Antiquaires à Paris (ce ne sera pas la seule fois où il sera invité à exposer à Paris) en compagnie de peintres de renommée internationale, notamment Leonor Fini et, en 1989, il l’intègre dans son remarquable « Dictionnaire du Diable« . Gucciardo figure aussi dans plusieurs dictionnaires et livre d’art regroupant des artistes belges et internationaux.

Les titres, expos (plus de 50 expos individuelles à l’époque de la parution du livre) et récompenses (depuis, il recevra à Paris en 2007 le Prix Européen des Arts Leopold Sedar Senghor pour l’ensemble de son oeuvre), comme l’écrit Nardon, « ne lui montent pas à la tête », il regarde sereinement sa palette et la surface à peindre » avec le seul souci de poursuivre un travail inlassable « vers les astres de paix ». 

Vingt reproductions (la plupart en couleurs) permettent d’éprouver au fil de la lecture les mots de la critique d’art et de contempler les étendues d’une « géographie onirique » de plus en plus lumineuse – entre les feux d’ocre et les bleus d’eaux – et tournée vers l’aube, exprimant effectivement un sentiment général d’harmonie, un nocturne apaisement comme après un jour de cataclysme. Un monde d’équilibre stable et de formes parfaites comme seuls les astres habilités à naviguer, dans leur course céleste, entre diverses forces gravitationnelles peuvent en donner une belle image. De celles qui peuplent l’imaginaire habité du peintre.

David Lynch a, un jour, déclaré qu’il y a au fond de l’homme plus d’espace que de matière. Ce beau livre en fournit une remarquable illustration.

Éric Allard

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Le site de Salvatare Gucciardo

http://www.salvatoregucciardo.be/

Salvatore Gucciardo sur le site de l’AREAW

http://areaw.org/gucciardo-salvatore/

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FRAGMENTS ÉTOILÉS D’UNE ICONOGRAPHIE, étude sur l’oeuvre picturale de Salvatore GUCCIARDO

par Éric Allard

En corps

 

Tu es un frère,

On peut s’entendre

Guillevic (Cercle)

 

   Dans les tableaux de Salvatore Gucciardo, on trouve de nombreux  corps, tant célestes qu’humains. Corps glorieux ou corps en géhenne, parfois mêlés en un magma de chair, tous membres confondus. Corps taillés, cuirassés, prothétisés, pour affronter les dangers de la vie (extra)terrestre…   

   Le corps humain fait souvent « corps » avec un corps céleste qui l’auréole, le protège, le guide ou l’accompagne. Corps humain et corps céleste sont frères car satellites du même soleil, enfants du même « atome primitif ». Ils vont de conserve, unissant leurs orbes, associant leurs sorts, se reflétant, s’imageant dans un même réseau de mots et de figures. La Terre, telle que nous la présente le poeintre, respire, souffle, souffre, se meut et meurt comme un corps organique.

   Ce qui est rond se répond dans la grande famille des cercles : tête, ventre, œil, sein, cul, planète, étoile … dans une sorte d’inaccomplissement circulaire condamné à se répéter, à se recycler. La spirale, cette courbe fuyante, devient dans La spirale de la vie (huile, 40 x60) demeure du cercle, bulle abritant un site idéal, oeil captant une vision. La muse étoilée (huile, 60×50) évoque une madone aux sphères – qui l’enrobent, l’enrôlent, l’enroulent, l’enserrent dans leurs anneaux. C’est une image exemplaire, presqu’une icône de la plénitude selon Gucciardo, une « muse astrale » comme on en rencontre d’autres dans les oeuvres du peintre. Quand les courbes sont coupées ou « approchées » par des droites, c’est qu’il y a menace, obstacle à éviter. Dans de nombreux dessins de l’artiste et, particulièrement, dans sa série abstraite récente, droites et courbes, triangles et disques s’assemblent en des compositions géométriques dégagées de toute présence de vie.

   Un peu à l’instar des corps sans organes d’Artaud-Deleuze, le corps gucciardien est un corps délivré de ses fonctions organiques, ouvert à  la réflexion, à la spiritualité. C’est un corps parfois enceint, mûrissant dans le ventre ou le cerveau un enfant de chair ou de pensée. On ne marche pas plus qu’on use de ses mains, de ses bras dans le monde gucciardien. On vole, mais sans ailes, mû suivant le mode de déplacement des planètes. Comme notamment dans La traversée flamboyante (huile, 100 x 120) où on voit une créature propulsée par une boule de matière.Les visages ornant ces corps ne visent pas, en général, à reproduire une physionomie, ils s’assimilent à des masques exprimant une émotion. Ceux qui les portent (re)jouent l’épopée de l’existence sur un théâtre à l’échelle cosmique.  

   Un chemin figure régulièrement dans un espace du tableau. Peu importe qu’on le foule ou non, c’est un chemin mental, fait de lacets, à l’issue incertaine mais baigné de lumière derrière une paire de collines. L’important est qu’il fasse signe, qu’il fasse sens, indique une direction ; qu’il éclaire et qu’il élève.

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Le jugement dernier 120 x 166 – huile

Les belles endormies

 

Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses

Apollinaire (Alcools)

   

   Si on ne voit pas les corps satisfaire des besoins physiologiques, on les voit cependant dormir. Ou plutôt sommeiller. Dans des décors typiques du peintre, de songeuses endormies méditent toutes nues.

   Dans Le souffle du silence (huile, 55×73), la feuille qui s’étale au premier plan en se dorant au soleil rappelle la pose alanguie d’un corps de femme, plus exactement d’un corps de sirène avec son pédoncule caudal, dans un réseau de nervures suggérant l’ossature humaine. À ces grandes courbes répondent, au second plan, celles que forment les monts pyramidaux. Le corps rond d’un soleil dominant prodigue une lumière qui traverse la surface translucide de la feuille…

   Cette composition n’est pas sans évoquer celle de La souche divine (huile, 35×60) ou un corps féminin, vu de dos, s’expose face à un astre déclinant et sous un éclairage crépusculaire où seule l’étendue de la chair tranche par sa blancheur – comme un vestige de la lumière du jour qu’elle aurait emmagasinée et rendrait à la faveur du soir. La femme regarde au loin en direction du couchant…

    Dans La chair intacte (huile, 24×50), on trouve un dispositif semblable. Une femme à la musculature prononcée fait ici face au spectateur. Elle ferme les yeux, comme par discrétion, pour ne pas croiser notre regard, nous empêcher de l’observer sans retenue. Notons aussi qu’elle est sur le chemin, dans une pose malhabile, comme « en plan », en plante, pataude et placide, rivée à son rêve, ayant été dépouillée de tout sauf de sa chair, comme nous laisse à penser le titre du tableau. La chair intacte mais la chair seule. Seule avec sa chair…    

    On pourrait citer aussi Le rêve exquis (huile, 50×60) ou L’harmonie sereine (huile, 30×40) qui cadre à mi-corps une femme ici éveillée, casquée et légèrement parée, guerrière assurément, conquérante et pensive, examinant le terrain parcouru et le territoire encore à prendre. Et d’autres toiles encore…

   Mais la plus emblématique figure du genre est peut-être celle mise en scène dans Le sommeil ardent (huile, 60×50), toile dans laquelle une femme nue, paupières closes, la tête posée sur un genou, d’un sommeil animé, on le suppose, d’une vive activité cérébrale occupe toute la place ou presque de la composition. Nue, cependant qu’elle donne à voir ce que le spectateur veut voir (l’astre fait écho à l’aréole d’un sein tandis que le chemin, signale, par effet de symétrie, une route entre les cuisses) elle peut à loisir nourrir ses songes – qu’elle dérobe de la sorte à la vue. Le spectateur, possiblement engagé sur la voie d’autres rêveries, ne peut se figurer le caractère des visions du modèle. Jeu sur le voir et non voir ; le peintre en tant que peintre ne montre que ce qu’il veut qu’on fixe dans l’instant, renvoyant plus que tout autre artiste à l’invisible, aux projections temporelles (souvenirs et anticipations), aux intérieurs non éclairés qui renferment les secrets et mystères constituant la psyché humaine.

   Le temps est une pensée, une rêverie du soir, écrit Jankélévitch. N’est-ce pas aussi le moment du jour où, dans l’occultisme, le corps astral se manifeste ?

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 Le sommeil lumineux 50 x 60 – huile

Car né

 

Le terrestre le cède chez moi à la pensée cosmique. (…)

J’occupe un point reculé, originel de la Création, à partir duquel je présuppose des formules propres à l’homme, à l’animal, au végétal, au minéral et aux éléments, à l’ensemble des forces cycliques. 

Paul Klee (Journal)

 

   La naissance du ciel, La naissance de la mer, La naissance d’une étoile, La naissance du monde… Autant de titres de tableaux qui pointent une interrogation constante chez le peintre. Et dont on retrouve le thème, puissamment traité, dans Lyrisme cosmique, le recueil du poète Gucciardo.

   Si le soir est le « moment » du temps, l’espace intersidéral est par excellence son lieu. Le voyage dans le Cosmos vise un retour à des âges passés de l’homme et, par voie de conséquence, à l’origine de l’Univers, à cet instant zéro ou réside la vérité du temps, où tout explose et s’ordonne déjà. Je voyage dans la constellation / pour embrasser / l’éclat du monde, écrit Salvatore Gucciardo. Mais ce n’est pas dans un but morbide, rétrograde, pour rester figé là, mais bien pour se relier à la « source de vie », savoir de quelle lumière on est fait afin d’y puiser matière à éclairer les ténèbres à venir, et rejouer le sort de l’humanité.

    On pourrait en guise de conclusion définir le lieu gucciardien comme étant l’ensemble des points situés à mi-distance du rêve et du réel. C’est un espace de contemplation au sens où Émile Bernard entendait le mot contempler – requérant une opération de l’âme. Le lieu (enchanté, inconnu, vivant…) gucciardien fait de la lumière un objet de culte et des formes figurées les forces à l’œuvre dans l’être. Il est le champ du présent et du possible dans lequel le chemin constitue, on peut le penser, une échappée vers l’extérieur, une voie d’ouverture sur notre monde. 

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 L’exaltation réelle 70 x 90 – huile

731617184.jpgCet article est paru dans le numéro spécial de Pages insulaires de Jean-Michel Bongiraud de juin 2012 consacré à Salvatore Gucciardo

Le site de Salvatore Gucciardo:

http://www.salvatoregucciardo.be/

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2 concertos de Vivaldi

Henri Demarquette et Claire-Lise Démettre interprètent le concerto pour deux violoncelles en sol mineur de Vivaldi.
Orchestre de Chambre de la Nouvelle Europe / Direction Nicolas Krauze
Festival 1001 Notes 2010 (Solignac)



images?q=tbn:ANd9GcQ7kFP4NyUjlcyW-ngAqe6V_tcK_DAIdghIeVdlbKSkKUkB6I1UrC1rBTs » S’il y a un génie du lieu, et du temps absolument singulier de ce lieu, c’et lui. Deux ou trois accords, et on est immédiatement sur place, dans la lagune, entre ciel et eau, dans la préparation des navires, en bateau. Tout évoque ici le bois profilé et rapide, le violon volant, le lent détour flottant suspendu, les cordes, les cordages, une sorte d’artisanat enflammé tenu par l’archet, la main, les doigts, l’oreille infaillible, et puis gouge, varlope, copeaux, coques bondissantes, éclats. »

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise


Un documentaire sur l’enregistrement à Parme pour Virgin Classic de

La Stravaganza (concerto n°9 en fa majeur RV 284) par Europa galante sous la direction de Fabio Bondi 

Venise des peintres (V): Giovanni Bellini (1430-1516)

Madone et l’enfant avec deux Saintes

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La Vierge à l’enfant, vers 1488

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Vierge et l’enfant avec Saint Jean-Baptiste et un Saint, 979 x 700 cm

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La Madone de la prairie, 686 x 541 cm, 1505, Galerie dell »Accademia de Venise.

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 Madonna degli Alberetti, 74 x 58 cm, 1487

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« Ses tableaux  « sacrés » sont les plus réfléchis du monde. La geste chrétienne s’y déploie dans toutes ses dimensions: annonciation, naissance, transfiguration, passion, mort, déposition. »

On a l’impression que Bellini peint comme il prie. Ses toiles sont des conversations qu’on voit. On ne connaît pas la vraie langue que parlent les personnages, elle est cachée, ineffable, pleinement révélée, pourtant, par les attitudes, les expressions, la couleur. « 

« Vierges à l’enfant: c’est l’obsession de Bellini, il n’arrête pas de peindre des variations sur ce thème. La Vierge est toujours la même et toujours une autre, le garçon, vu et multiple, est dans toutes les positions possibles entre ses bras. La plus célèbe présentation est la Madonna degli alberetti (aujourd’hui à l’Accademia). Bleu, rouge, vert tendre, chair. Elle a un curieux mouvement de recul par rapport à son fils, elle le regarde avec une curiosité inquiète (il y a de quoi). Lui est nu, debout, décidé, blond, un pied posé sur l’autre, déjà sûr de lui et dominateur. Sa petite main gauche effleure la grande maindroite de sa jeune mère. Il regarde à travers vous, audessus de vous, plus loin que vous. Les deux arbres,  à droite et à gauche du store vert et rouge qui isolent les deux personnages, semblent s’élancer dans une joie finement érectile. Le tableau est stupéfiant d’étrangeté (comme tous les autres, d’ailleurs). »

La Vierge la plus étonnante (tristesse, sérénité, profondeur) est pour moi celle où elle est entourée de Catherine et de Madeleine en prière, l’Enfant-Jésus étant déjà emporté dans les yeux du ciel, le tout sur font brun, couleurs fauves, bois brûlé, atmosphère d’extase. L’appropriation que Bellini fait de l’histoire christique est inouïe. Tout est actuel, italien, ici, maintenant, pas de Palestine à l’horizon, aucune revendication de Saint-Sépulcre, pas la moindre croisade en perspective. Des jeunes mères et leurs bambins au paradis, ça suffit. »

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux, Plon.


Venise, autour de Giovanni Bellini

http://www.aparences.net/ecoles/la-peinture-venitienne/venise-autour-de-giovanni-bellini/