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2023 – LUS EN FIN D’ANNÉE : N’OUBLIEZ PAS KOKANTZIS / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

On le croyait l’auteur d’un seul livre, la formidable nouvelle « Gioconda » qui a fait pleurer tous ses lecteurs et tous ceux qui ont vu le film qui en a été tiré, mais Nikos Kokantzis a écrit d’autres textes dont certains ont rassemblés par Les Editions de l’Aube dans un bien joli recueil me donnant ainsi l’occasion de consacrer une chronique à cet auteur trop méconnu pour son talent d’écrivain.

Gioconda

Nikos Kokàntzis

Editons de l’Aube

Merci à Marion Hennebert de m’avoir permis de relire Gioconda ce livre qui m’avait déjà bouleversé quand je l’ai lu pour la première fois à la toute fin du siècle dernier. Ce court récit raconte une histoire d’amour entre deux adolescents grecs au début des années quarante quand les Allemands occupaient la Grèce. Nikos Kokàntzis rapporte lui-même que cette histoire est absolument authentique que tous les détails sont vrais, que c’est l’histoire qu’il a vécue pendant quelques mois avec Gioconda sa petite voisine juive.

La famille de Nikos vivait à proximité d’une maison abritant un couple juif parents d’une belle phratrie : quatre filles et deux garçons. Les filles étaient les plus âgées, Gioconda était la quatrième. Elle était la compagne de jeu préféré de Nikos, ils ont grandi ensemble, jeune adolescent Nikos est tombé amoureux de la jeune fille croyant qu’elle était courtisée par son cousin, ce qu’il ne supportait absolument pas. Un jour, à bout de jalousie, il a explosé proférant des mots inacceptables sur la communauté juive et plus particulièrement sur le cousin qu’il prenait pour un concurrent. Gioconda ayant mis les choses au point, ils ont alors vécu un amour très fort, rare, très pur, un amour que ne peuvent vivre que des innocents seuls dans leur monde, loin des autres, loin du monde en ébullition, loin des violences même si Nikos encore gamin s’est engagé dans la résistance pour quelques actions de propagande surtout.

Nikos décrit cet amour avec une grande simplicité, dans un texte qui respire la vérité, la douceur, la tendresse, qui enflamme le récit du feu de la passion, qui dégage la confiance absolue des amoureux entre eux, la fusion entre deux gamins qui découvrent l’amour jusqu’à son aboutissement le plus accompli, expérimentant la fusion des corps comme deux jeunes adultes qu’ils n’étaient pas encore. Mais, une si belle histoire d’amour ne pouvait pas durer éternellement, elle était trop belle, trop pure, trop absolue… ce sont les sicaires de l’abominable dictateur qui alors détruisait le monde et surtout le peuple juif, qui se sont chargés d’y mettre un terme en déportant la belle adolescente avec sa famille.

Nikos a gardé longtemps cette histoire pour lui, ils l’avaient cachée à leur famille respective et à leurs amis, jusqu’en 1975, date à laquelle il l’a écrite et publiée. Nikos a laissé parler son cœur, aucun chichi, aucune fantaisie dans son textes seulement de l’amour, de la tendresse et de l’authenticité. Un texte émouvant, bouleversant qui raconte une histoire merveilleuse dont le dénouement est révoltant. La scène finale est certainement la plus douloureuse que j’ai lu depuis des décennies. Aujourd’hui, la résidence, la dignité, la pudeur de cette famille devant une mort certaine sont toujours aussi renversantes, ma dernière lecture m’a encore fait monter les larmes aux yeux et la rage au cœur.

Merci Marion d’avoir, l’espace de cette lecture, fait revivre Gioconda et le merveilleux amour qu’elle a vécu avec Nikos.

Le livre (en format de poche) sur le site des Editions de L’Aube

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Le vieil homme et l’étrangère

Nikos Kokàntzis

L’Aube

Nombreux sont ceux qui ont longtemps cru, certains le croient même encore, que Kokàntzis était l’homme d’un seul livre, qu’il n’était pas réellement un écrivain, qu’il avait seulement voulu témoigner de la formidable histoire d’amour, cruellement abrégée par les Nazis, qu’il avait vécue avec Gioconda. En publiant ce recueil édité en Grèce en 2011, Marion Hennebert nous rappelle qu’il a écrit d’autres textes et que s’il n’a pas eu une grande production, il a tout de même publié quelques textes qui méritent toute notre attention. Selon la postface de la traductrice, Hélène Zervas, ce recueil se compose de textes très disparates : une fable, trois scènes de la vie de province, un récit onirique, deux textes fantastiques et un livret d’opéra qui décrit l’amour entre Nikos et Gioconda jusqu’à l’arrestation de le jeune fille par les SS, une mise en scène de la célèbre nouvelle.

Evidemment avec ce livret d’opéra consacré à son triste sort, Gioconda est très présente dans ce recueil, on la rencontre sous les traits de jolies femmes, d’héroïnes d’histoires d’amour impossible, sous la forme métaphorique d’un animal, comme la petite souris qui s’offre au chat, ou d’une jolie plante, une tulipe. Elle est présente surtout par tout ce qu’elle a laissé dans la mémoire de ceux qui ont lu sa terrible histoire qui conjugue l’amour le plus pur avec la violence la plus brutale, la plus sadique, la plus inacceptable. Comment l’oublier quand on lit cette chute : « …Et pourtant, elle devait mourir », toute la fatalité qui inonde l’histoire de Gioconda.

Mais Kokàntzis n’est pas seulement l’auteur de l’histoire de Gioconda, il a un réel talent d’écrivain qu’il sait mettre à la disposition de différents genres littéraires. Il écrit avec bonheur des textes insolites, des textes d’un parfait cynisme, il décortique la perversion humaine, la cruauté, l’inéluctabilité de la sentence avec précision. La fatalité qu’il a connue avec sa belle amoureuse colle aussi à sa plume et revient souvent dans ses chutes comme les travers qui sont souvent l’apanage des de ceux qui ont détruit la famille de son amour et de tellement d’autres.

Cette lecture ne me laisse qu’un doute celui de l’âge réel de Kokàntzis, les auteurs, traducteurs, éditeurs et autre situent sa naissance soit en 1927 soit en 1930. Je ne sais laquelle retenir, 1927 me semblerait plus judicieuse si on accepte le fait que Gioconda, sa cadette d’un an, a été déportée en 1943 donc à l’âge de quinze ans ce qui est encore bien jeune pour connaître l’amour sous toutes ses formes. Si Nikos était né en 1930, Gioconda aurait alors eu entre douze et treize ans quand elle a vécu son amour avec lui, ça me semble un peu jeune même si… l’amour est un grand mystère qui ne se commande pas.

Nikos Kokànktzis sur le site des Ed. de L’Aube

DES SUPPORTERS DE POÈTES MANIFESTENT LEUR MECONTENTEMENT AU SORTIR DES FESTIVALS DE POÉSIE

Il n’y pas que les supporters des clubs de foot qui sont furieux des résultats de leur équipe préférée. La saison des festivals de poésie a à peine commencé que de nombreux supporters, clubs de fans, manifestent leur mécontentement relativement à l’organisation, la production ou la mise en scène des spectacles.

Nous avons glané ces dernières semaines quelques réactions au sortir des festivals concernés.
Evidemment, les prénoms des intervenants sont inventés, par souci de diversité mais pas que. Aucun nom d’artiste ni d’organisateur n’est cité pour éviter des représailles et des réactions en chaîne et en justice. Tous les poètes ne sont pas pacifiques, on l’a encore vu récemment en Slovaquie. Certains sont même hargneux s’ils n’ont pas atteint leur quota de représentations scéniques durant le trimestre précédent.

Jasmine J. (55 ans, fleuriste, fan de poésie minimaliste)

« Faire parfois plus de 300 km pour assister à une lecture de votre poète préféré de 12 secondes et demie de lecture dans un silence de jardin zen sous la pluie, c’est frustrant même pour une supportrice des premières heures du haïku à l’occidentale.« 

Clarence C. (38 ans, brocanteuse, fan de poésie narrative)

« Un groupe de rap symphonique trop bruyant, trop présent ! Je n’ai rien compris à l’intrigue du poème. Rien ne vaudra jamais le clinquant des groupes pop/rock de la jeunesse de mes parents pour entendre de la poésie prosaïque !« 

Saïd S. (27 ans, enseignant, fan d’insta poésie)

« Je n’ai pas retrouvé les images de mes poèmes préférés ! »

Ignace I. (79 ans, maraîcher, fan de poésie à forme fixe)

« J’ai repéré une césure à l’hémistiche tombant à contretemps du jeu du batteur dans l’interprétation de mon sonnet préféré d’inspiration baudelairienne, La muse pédale. Dans la choucroute, oui. Je ne sais pas si c’est moi qui ai pris le chou ou bien si ce poète de 98 ans ne devrait pas se faire accompagner par des musiciens plus fringants. »

Oscar O. (51 ans, opticien, fan de poésie oulipienne)

« Rendez-nous Roubaud ! Si on persiste dans cette voie, avec ces Perec aux petits pieds, on n’obtiendra jamais le Goncourt de la poésie. Tout au plus le prix Trapenard & Busnel de la poésie face caméra »

Yaël Y. (34 ans, horloger, fan de slam)

« Pire que Grand Corps Patraque. Des absences de rimes, une versification branlante, on aurait cru entendre du Char ou du Reverdy ! Mais où va le slam de notre enfance ! Si nous continuons à faire tourner de tels artistes, le titre de poète international va nous passer sous le pied.« 

Les différents intervenants ont aussi mis en garde contre un nouveau genre apparu ce printemps et qui s’infiltre : le romancier performer. Ils ont signalé la pétition lancée contre ce mouvement sous l’intitulé : Halte aux romanciers performers (de textes de plus de cent pages) en territoire littéraire non protégé contre les nuisances sonores de longue durée. On peut la signer sur la page Facebook des Supporters de poésie mécontents.

LES MILLE ET UNE NUITS (II) / Un article de JEAN-FRANÇOIS FOULON

Je voudrais ajouter quelques réflexions à l’article que j’avais consacré aux Mille et Une Nuits. On sait que ce recueil n’a pas vraiment eu droit de cité auprès des intellectuels arabes, qui ne le classaient pas parmi la grande littérature. Pourquoi ? Parce que depuis des siècles ils y voyaient un ensemble hétéroclite de contes rédigés dans une langue simple, laquelle ne répondait pas aux critères esthétiques de la bonne littérature. Les Mille et Une nuits n’étaient à leurs yeux qu’un ramassis de contes populaires finalement sans grand intérêt. De plus, certains textes sont d’origine persane, d’autres indienne, d’autres arabe, et l’ensemble était vu comme assez hétéroclite. En outre, il s’agit de littérature orale. Il n’y a donc pas un auteur unique à l’origine du recueil. Tout cela jetait un certain discrédit sur cette œuvre. Il a fallu la traduction d’Antoine Galland qui a fait connaître ce recueil en Occident pour qu’un certain prestige lui soit reconnu, un prestige qu’il n’avait pas auparavant. Cela étant, au cours des siècles, on constate l’existence de plusieurs manuscrits en langue arabe et tous reprennent plus ou moins les mêmes textes. Il y aurait donc une logique interne à ce recueil, les différents contes n’étant pas rassemblés là par hasard. C’est ce que pensent les deux traducteurs de la version publiée par La Pléiade, Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel. Pour eux, la persistance des mêmes contes au cours des siècles dans différents manuscrits a de quoi interpeller.

Le fil conducteur qui relie tous les contes, il faudrait le voir dans l’introduction, là où on raconte que deux rois (deux frères) ont tué leurs épouses qui les trompaient. On se souvient que l’un d’entre eux a ensuite décidé de dormir chaque nuit avec une fille différente et de la tuer à l’aube. Seule Shéhérazade parviendra à avoir la vie sauve en racontant chaque nuit au roi un conte dont il ne connaîtra la fin que le lendemain.

Le fond du problème serait donc l’infidélité féminine. C’est le point de départ de tout. Qu’un homme soit volage, cela semblait pouvoir être accepté, mais qu’une femme mariée ait une relation extraconjugale, cela dépassait l’entendement. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est la femme qui donne la vie aux enfants et qu’il semblerait aberrant qu’un mari se retrouve à son insu avec un enfant qui ne soit pas de son sang, enfant qui plus tard pourrait légalement prétendre à l’héritage. (C’est d’ailleurs dans cette optique qu’en Occident l’Eglise a fait du mariage un sacrement. Le couple se forme pour la vie et les conjoints se jurent fidélité).

On notera qu’ici les deux femmes adultères ne sont pas n’importe qui. Ce sont deux reines qui, du fait de leur statut, auraient dû se montrer exemplaires. De plus, c’est avec des esclaves qu’elles ont trompé leur mari. Et même avec des esclaves noirs. Aux yeux de la société d’alors, elles ne pouvaient pas commettre pire crime. L’honneur des rois leurs époux était donc bafoué, d’où leur vengeance immédiate, soit la mise à mort (des esclaves et des épouses).

Plein de ressentiment, l’un des rois décide donc d’assassiner une fille à la fin de chaque nuit. A ses yeux, toute femme est donc forcément infidèle et s’il couche avec elle, il ne peut que la tuer s’il ne veut pas prendre le risque d’être trompé un jour. On notera que cette fille doit être vierge et on insiste bien sur la défloration. On est donc en présence d’une sorte de viol punitif. L’homme est soumis à son désir de la femme, mais sachant qu’elle aussi a des désirs et qu’elle ne se contentera pas de son mari, il préfère la tuer après avoir joui d’elle.

Le fil conducteur des Mille et Une Nuits serait donc le désir, tant masculin que féminin, et l’impossibilité pour les deux sexes de trouver un terrain d’entente. Parmi les 1001 contes racontés, on trouve beaucoup d’histoires d’amour, certaines qui se terminent bien, d’autres pas. De nombreux personnages dépérissent parce qu’ils ne peuvent pas rencontrer l’être qu’ils aiment. D’autres s’évanouissent régulièrement tant ils souffrent à cause de leur amour inassouvi. Et cela est vrai pour les deux sexes. Les hommes comme les femmes aiment à la folie.

J’avais noté dans l’article précédent une ressemblance entre le mythe de Thésée, qui vient libérer Athènes du joug du roi de Crète, Minos (et donc de l’obligation de livrer régulièrement des jeunes hommes et des jeunes filles au minotaure) et le personnage de Shéhérazade (laquelle, en racontant ses 1001 contes empêche le roi de tuer petit à petit toutes les jeunes filles de son royaume). Mais là où Thésée (un homme) parvenait à ses fins grâce à la complicité d’          Ariane, la fille du roi, qui l’aide parce qu’elle est amoureuse de lui et qu’elle le désire, ici c’est une femme (Shéhérazade) qui parvient à rompre le cercle infernal des assassinats en déjouant le désir que le roi a d’elle (et de son corps) en lui racontant des histoires.

Là où le mythe grec mettait deux peuples en présence (la Grèce continentale avec Athènes et la Crète insulaire avec Knossos), dans le mythe arabe, le conflit existe au sein du même peuple, entre les hommes et les femmes. Dans les deux cas, l’une des deux parties risque de disparaître : Athènes s’affaiblit en envoyant sa jeunesse se faire massacrer en Crète et le royaume arabe risque de se retrouver sans jeunes femmes (celles qui sont en âge de procréer donc) à cause de l’attitude du roi. Mais on l’a vu, on ne peut parler de misogynie au sens propre puisque le désir du corps féminin est bien présent (le roi couche avec une jeune vierge chaque soir). Il s’agit plutôt de prévenir les conséquences possibles et futures du désir féminin, qui ne manquerait pas de se traduire par l’infidélité.

Si Shéhérazade s’était contentée de se donner au roi, elle aurait été exécutée comme toutes celles qui l’avaient précédée. Elle trouve le subterfuge de déplacer le débat. Au lieu de vivre le désir dans la chair, elle décide d’en parler. D’où les 1001 contes. Parfois l’histoire racontée par Shéhérazade pourrait la desservir et accroître le ressentiment royal (quand elle parle d’une femme infidèle), mais en fait on se rend compte qu’elle envisage tous les cas : il n’y a pas que des femmes infidèles, mais aussi des hommes. Comme il existe des femmes et des hommes fidèles. Il n’y a donc pas de règles et c’est ce que la conteuse cherche à démontrer. Voilà pourquoi elle aura finalement la vie sauve.

Par son art de conteuse, elle parvient donc à sublimer le rapport entre les sexes et à faire comprendre que le désir est commun aux hommes comme aux femmes. Voilà sans doute pourquoi les lettrés arabes ont voulu cantonner Les Mille et Une Nuits dans un rôle secondaire. En leur déniant le statut d’œuvre littéraire, ils ont voulu réduire la portée de son discours. Discours particulièrement dérangeant puisqu’il envisage le désir féminin que la société a toujours voulu canaliser par des textes juridiques ou religieux.

Les 1001 Nuits en Folio classique

LE DÉCLIN DE LA PENSEE ONFRAYENNE

Penseur phare des années 90, philosophe lampe de poche des années 2000, intellectuel pour les lunes, Michel Onfray n’émettait plus bien depuis quelques années de telle sorte qu’il aurait fait appel à Boris Cyrulnik pour rallumer sa résilience. On se rappelle sa polémique, en 2016, avec l’influenceuse Nabila autour de la venue de cette dernière à la librairie bruxelloise, de mauvaise réputation, Filigranes.

Au bord du gouffre, il aurait définitivement basculé dans l’abime de la non-pensée, si l’on en a croit ses propos tenus ce week-end dans Le Causeur du dimanche. D’après les premières recherches, entreprises par des équipes de chercheurs du CNRO (Centre National de Recherche Onfrayenne), la chute trouverait sa cause après sa vision de l’édition 2024 du Concours Eurovision 2024 à Malmö.
Des voisins l’auraient entendu crier : « À bas Nemo, rendez-nous l’Alizée de l’Eurovision 2000 ! », alors que la dite Alizée, proche, comme on sait, de son amie Mylène, n’a jamais représenté la France dans un concours international si ce n’est le festival Étonnants vents voyageurs de Saint Médard, dans l’Ardenne belge, en 2001. Dans la nuit, il aurait même rédigé son 157ème ouvrage intitulé Vingt mille lieues sous la Baltique, qui s’inscrit dans son nouveau cycle, Contre-histoire de la chanson à paillettes.

Gageons pour ses lecteurs que cet épisode n’a été qu’une éclipse dans sa trajectoire et que le fin astronome qu’est l’auteur du Ventre des Philosophes et de L’Archipel des comètes nous donnera encore de nombreux commentaires éclairés sur le monde du divertissement.

+

La civilisation européenne se meurt, le concours de l’Eurovision décline et moi, je ne philosophe plus très bien.

Je n’arrive plus à m’inclure dans l’époque : j’écris vit et on lit vite.

La débauche d’écrans, le déluge d’images me submergent sans que cela n’affecte mon hyperactivité littéraire. Pendant que mes livres sombrent dans l’oubli, mes vidéos pullulent sur Youtube.

Toutes les cultures ne se valent pas. La culture lapine n’équivaut pas à la culture poulaillère : un civet de lapin n’égalera jamais une cuisse de poulet.

Plutôt Mylène en garçon que Nemo en jupette, l’Hymne au polyamour que le Djadja d’Aya, Jules César au siège de Massilia plutôt que Jul et le chaudron olympique.

Ex-icône de la pensée nietszchéenne, il m’arrive de plus en plus souvent d’éprouver du ressentiment. Ex-drapeau de la Gauche rasoir, je file un mauvais coton politique malgré un bandana rouge posé sur mon front populaire.

Depuis que je suis devenu un philosophe de plateau, j’ai quitté les cimes de la pensée.

J’ai dit définitivement adieu aux chaînes bibliques pour faire allégeance à l’empire médiatique de Bolloré.

Messieurs les ascenseurs, bonsoir ! Je pendrai désormais l’esprit d’escalier. Patatras.

2023 – LUS EN FIN D’ANNÉE : NAISSANCE D’UNE MAISON D’EDITION / La chronique de DENIS BILLLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

Marie-Romaine Panié s’est lancée dans la grande aventure de l’édition en créant Les Éditons Marie Romaine, elle a déjà un petit catalogue bien séduisant qui grossit rapidement. J’ai eu la chance et le plaisir de lire trois des premiers opus de ce catalogue. Trois romans de belle facture que j’ai introduits dans cette chronique inaugurale pour vous donner le ton et la ligne éditoriale de cette nouvelle maison pleine de promesses.

Je ne serai pas toujours là

Catherine Soullard

Editions Marie Romaine

Voici l’un des tout premiers livres édités par cette nouvelle maison d’édition créée par Marie-Romaine Panié en plein cœur du quartier des éditeurs à Paris. Il raconte la vie, la fin de la vie, de Charles, un vieux parisien de quatre-vingts ans qui n’est plus en très bonne santé. Charles s‘ennuie, quitte peu son lit, ressasse ses ex-amours pas très heureuses, évoque les enfants qu’il n’a pas eus, sort de chez lui seulement pour boire un verre dans un bistrot du quartier et se défoule en morigénant Madame Simone, la brave dame qui gère son ménage, ses repas, ses vêtements, tout son quotidien sous ses propos venimeux et ses remarques peu amènes.

Mais Charles a un ami, plus qu’un ami presque un amour, Adrien le fils de Nathalie, elle-même la fille de Marthe qui a eu une aventure avec Charles avant de mourir, avec son mari dans un accident de voiture. Charles a adopté Nathalie qui a épousé David dont elle s’est séparée avant de connaître Simon son nouveau compagnon. Adrien prend la place de Marcel, le frère de Charles décédé quand il n’était encore qu’un enfant. Charles a très mal vécu la mort de son frère, il se sent coupable de n’avoir fait tout ce qu’il aurait pu pour sauver son frère même s’il ne pouvait rien pour lui. Il s’accroche à la vie, il ne veut pas quitter ce monde tant que Nathalie n’aura pas recouvré la parole qu’elle a perdue quand elle a quitté son premier mari.

Dans ce roman qu’elle a construit autour de chapitres courts, une ou deux pages la plupart du temps, Catherine Soullard décrit avec un beaucoup de finesse et une grande précision, n’oubliant aucun détail, le monde de Charles, son logis, son quartier, ceux qu’il fréquente encore et surtout ses jeux avec Adrien et tous les efforts qu’il fait pour sortir Nathalie de son aphasie. Ce roman, c’est le bilan d’une vie, un pèlerinage au creux d’une vie, une façon d’occuper un bout d’existence qu’il reste à dérouler, l’exposé des derniers objectifs à atteindre avant de quitter ce monde l’esprit en paix.

Catherine propose une histoire pleine d’humanité, de tendresse malgré l’amertume ressentie et l’aigreur dégagée par Charles, dans ce texte qui raconte la fin de vie dans une écriture policée, claire, précise, presque académique. Une écriture qu’on voudrait lire plus souvent… Même s’il est parfois amer, ce texte n’est jamais triste, il montre que la mort n’est pas un échec, une douleur, une mauvaise fin, …, mais seulement la dernière partie de la vie et qu’elle peut encore comporter de joyeux épisodes.

Bienvenue et bon vent à cette nouvelle maison d’édition dont j’ai encore quelques livres à présenter !

Le livre sur le site de l’éditrice

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Oser vouloir

Marie Dufon-Roche

Editions Marie Romaine

Second livre (j’espère qu’il deviendra vite le deuxième) que je lis de la nouvelle maison Les Editions Marie Romaine après « Je ne serai pas toujours là » de Catherine Soullard, ce texte est le récit de la biographie particulièrement riche, diversifiée, haletante et émouvante de Georgina Bazé écrite par son arrière-petite-fille.

Georgina était peut-être génétiquement destinée à voyager, à bouger, à parcourir le monde et à changer facilement d’activité, elle était la petite-fille de quatre aïeux ayant quitté la France pour l’Amérique et la fille de deux parents retournés en France et revenus en Amérique eux aussi. Elle avait les gènes du voyage dans le sang. Elle est née, officiellement, à la Nouvelle-Orléans en 1859 où elle a grandi dans la rue Sainte-Anne (j’y suis passé pour aller caresser le pied de Louis Armstrong dans le parc qui porte son nom). Revenue à Bordeaux avec ses parents, elle est mariée, à dix-huit ans, sans enthousiasme aucun, juste pour aider sa famille à ne pas faire faillite, avec un quadragénaire riche viticulteur et négociant en vin. Résidant seule à la campagne, elle s’ennuie terriblement et quand ses deux garçons partent en pension, elle abandonne sa famille sauf sa petite dernière qu’elle emporte avec elle. Elle erre quelques années en France et repart pour l’Amérique pour fuir la justice qui la poursuit pour enlèvement d’enfant.

Pendant la traversée, elle fait la connaissance de celui qui était son voisin en Médoc et qu’elle ne connaissait pas. Il s’éprend d’elle, ils forment une famille, passent de l’Alabama à Washington où elle découvre la foi bahà’i’e.  Pour suivre cette nouvelle théosophie, elle quitte sa nouvelle famille pour rejoindre la Palestine où elle découvre l’engagement auprès des plus défavorisés. Cet engagement deviendra son credo et sa nouvelle raison de vivre. Un rêve prémonitoire lui fait comprendre que l’Europe va rentrer dans un conflit dévastateur et qu’elle doit se préparer à porter secours à ceux qui le subiront dans leurs chairs. En 1906, à quarante-sept ans, elle triche une nouvelle fois en modifiant sa date de naissance, elle se rajeunit d’une quinzaine d’années pour suivre une formation d’infirmière.

En 1914, quand les blessés affluent en flot continu à la Gare du Nord, elle est prête à les accueillir, elle a son diplôme d’infirmière, elle est bilingue, elle est baronne, en changeant de date de naissance elle a accaparé le tire de son compagnon le Baron d’Ange d’Astre. Ses compétences, son énergie, son investissement, son abnégation, …, la distingue de la foule de ses collègues. Elle est bientôt envoyée en Orient, à Salonique où elle organise la lutte contre un nouvel ennemi : le typhus.

Après les Balkans, elle bouge beaucoup s’investissant en Europe et en Orient dans de nombreuses causes auprès des plus mal en point. L’âge avançant, elle fatigue, la débouche perpétuelle d’énergie commence à se faire sentir, le corps ressent toutes les épidémies qu’elle a côtoyées, tous les virus qu’il a ingérés. Elle s’engage dans une nouvelle cause auprès de son nouveau compagnon, riche héritier américain, dans un théâtre pour les enfants, une forme de thérapie pour les enfants pauvres privés de tout. Elle se charge des costumes et des décors. Elle finira sa vie à Paris auprès de son dernier compagnon après de longues années de souffrance dont deux dans un camp de concentration dans la Drôme.

De cette vie, il reste un modèle d’engagement exceptionnel, une énergie débordante mise au service des plus faibles, une disponibilité permanente grâce à une liberté absolue conquise au prix fort. Elle a renoncé à sa famille, elle n’a jamais revu ses fils et seulement une fois sa fille. Elle a payé très cher ses choix mais les a aussi fait payer à ceux qui l’aimaient. C’était sa liberté, c’était son choix, c’était sa raison de vivre mais ce fut aussi sa douleur, la plus vive qu’elle ait connue. Son arrière-petite-fille l’admire et donne la meilleure image d’elle. Les lecteurs la comprendront sans doute … ou peut-être pas. Tout ce que l’on donne, on le prend souvent à d’autres. Elle a mis sa mission de service aux autres devant tous ses autres engagements notamment devant celui que ses parents lui avaient extorqué quand elle n’était encore qu’une enfant.

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Le Malaisant

Natacha Sztabowicz

Editions Marie Romaine

Jacob va mal. Jacob déprime. Jacob ne se soigne plus, il a cessé de prendre ses médicaments. Jacob s’en va, il quitte la maison, « Bon, bah j’y vais ». Mais, Jacob ne rentre pas, son épouse, la narratrice, commence à s’inquiéter, elle le cherche en vain… Jusqu’à ce que la police sonne à la porte porteuse d’une bien mauvaise nouvelle : Jacob est décédé, Jacob s’est sonné la mort. Son épouse s’effondre : ce n’est pas vrai … Ce n’est pas possible… Hélas, si !

Après toutes les formalités d’usage, Natacha, puisque cette histoire est vraie, je donnerai à la narratrice le nom qu’elle affiche sur la couverture de son récit, débute son deuil et sa reconstruction. Elle s’adresse directement à Jacob, elle le tutoie, tout le récit est construit sur ce tu souvent interrogatif : « tu te souviens … ? » Elle retrace sa vie, celle d’avant Jacob, celle avec Jacob avant d’envisager celle d’après. Elle lui rappelle tous leurs bons moments, tout ce qu’ils ont construits ensemble malgré quelques difficultés passagères, quelque séparations éphémères… Mais, elle raconte surtout ses moments de crise au cours desquels il la frappait, elle et les enfants, avec une grande violence. Comme de nombreuses femmes battues, elle n’a jamais voulu porter plainte, elle l’aimait trop et l’aimera toujours malgré tout ce qu’il lui a fait subir à elle et à ses enfants. Son fils trouvera refuge dans la drogue et sa fille souffrira beaucoup de voir sa mère subir sans se rebeller réellement.

L’éditeur présente ce livre comme un requiem moi, je le vois aussi comme une thérapie pour comprendre, oublier avant de tourner la page, d’envisager une autre vie. Jacob n’était pas un méchant, un malfaisant, un monstre, il était un malade, bipolarité, schizophrénie ? qui n’acceptait pas sa maladie et qui ne se soignait plus au risque de devenir le monstre qu’il n’était pas avant sa maladie. Dans ce texte d’une grande émotion qui m’a un peu bouleversé, Natacha écrit comme dans la précipitation, la peur de ne pas tout dire, la crainte de mal dire, des mots qui se bousculent dans des phrases courtes, vives, incisives, émouvantes, qui se tamponnent comme les coups de Jacob se succédaient à un rythme infernal. Elle dit l’amour, la frustration, la nostalgie, la douleur, la violence et la tendresse qui alternent. Ce texte dégage surtout une formidable résilience, un amour démesuré, pour accepter l’autre comme il était, oublier le mauvais pour ne garder que le bon.

Après deux mariages, trois enfants et deux séparations dont une par la mort, Natacha écrit, confie, confesse tout ce qu’elle a vécu pour se construire un avenir pour elle et ses enfants.

« Pardonner pour cesser d‘être victime ! » 

SORCIÈRE de TATIANA GERKENS (Grenier Jane Tony) / Une lecture de GAËTAN FAUCER

Tatiana Gerkens est une plume sur papier, une plume sur scène, en plus d’un talent délicat qui émane de son être. Elle a la grâce d’une danseuse, le tempérament d’une mutine et le corps d’une libellule. 

Tous les ingrédients pour être une artiste. Ici, son recueil de poèmes confirme ce qui vient d’être décrit plus haut.  

Sorcière est le cri d’une femme. Le sceau d’un ange blessé ou d’une âme qui a vécu… bien vécu ! En quelques pages, l’auteure nous embarque dans son univers, à travers ses mots et ses maux. Un régal pour l’esprit. Après Incandescence (Ed. Bleu d’encre), la poétesse nous livre un florilège de poèmes très intimes. La (sa) voix est présente à toutes les pages, la sensualité accompagne ce beau voyage.

Sorcière est à lire… à petit feu, doucement… En allumant une bougie, sans y mettre le feu ni le bûcher !

Tatiana Gerkens, Sorcière, Grenier Jane Tony, collection Les Chants de Jane #41

La collection des Chants de Jane sur le site du Grenier Jane Tony

Quelques poèmes du recueil lus par Nicolas Granier

LORD JOHN de JEAN-BAPTISTE BARONIAN (Névrosée) / Une lecture de JEAN-FRANÇOIS FOULON

Les éditions Névrosée sont connues pour « rééditer et faire connaître des femmes de lettres belges oubliées, méconnues ou introuvables » Elles sont parties du constat qu’on ne trouve pas dans la Belgique du XIXème et du début du XXème siècle des femmes de lettres de l’envergure de Jane Austen, George Eliot, les sœurs Brontë (monde anglo-saxon) ou de Colette, Georges Sand, Madame de Staël, Anna de Noailles et Marie d’Agout (domaine français). Les femmes belges n’auraient-elles jamais écrit ? N’auraient-elles pas plutôt été exclues des canons littéraires établis à cette époque ? Privilégiant cette piste, cette maison d’édition s’est mise à rechercher des œuvres féminines méconnues et les a publiées. C’est là assurément une belle initiative qui mérite d’être soulignée.

J’en étais un peu resté à cette sauvegarde de l’écriture féminine, aussi ai-je été bien étonné quand j’ai découvert dans une librairie qu’un roman de Jean-Baptiste Baronian, « Lord John », avait était réédité par les éditions Névrosée. Etonné parce que l’auteur est un homme, qu’il est notre contemporain, et qu’il est toujours bien actif dans le monde des lettres. Visiblement, le champ de recherche de la maison d’édition s’est élargi et elle propose maintenant des livres qu’on ne pouvait plus trouver en librairie.

Je suis donc revenu chez moi avec « Lord John » et je ne l’ai pas regretté. Ce livre est une petite merveille. Axé sur l’adolescence et le passage à l’âge adulte, c’est un roman d’initiation qui m’a fait penser au Grand Meaulnes d’Alain Fournier. Mais point de château mystérieux et de campagne profonde ici. L’action se passe dans un milieu urbain, à savoir la ville de Bruxelles, et nous suivons le héros le long de rues qui nous sont bien connues. Par petites touches, le narrateur nous conduit par la main et nous replonge dans le monde de notre propre adolescence.

L’univers des livres est omniprésent. D’abord parce que le père du narrateur est bouquiniste et que les livres emplissent toute sa boutique. Mais aussi parce qu’il demande à son fils de trier tous les volumes amoncelés dans le grenier d’une maison dont le propriétaire est décédé. Là, seul dans le silence, le héros est confronté à la réalité.

« (Des livres), il y en avait partout, le long des murs, sur le plancher, où ils formaient des piles énormes, compactes, sur des dizaines d’étagères tordues, et au-dessus encore, entre les madriers, et jusqu’au sommet du pignon. » (Op. cit. pp. 30 et 31)

 Comment trier et classer ces ouvrages ? Par auteur, par thème, par genre, par nationalité ? « C’est le boulot d’Alex » dira le père à la belle jeune femme brune inconnue qui l’accompagne. Cette phrase est importante car elle montre la volonté du père de se décharger sur son fils, qui a précisément dix-huit ans ce jour-là et qui se voit subitement investi d’un rôle d’adulte. Laissé seul dans le grenier, démuni, manquant d’expérience, il ne sait comment procéder. Il va finir par ne rien trier et se mettre à lire un des ouvrages qui lui tombe sous la main, « le vampire qui chante ». Il n’y a pas de nom d’auteur, mais un médaillon sur la couverture représente Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain. Le lecteur a évidemment reconnu un des romans de Jean Ray.

En fin de journée, la belle femme brune du matin (elle s’appelle Capucine) vient rechercher Alex et le reconduit chez son père, où ils fêtent tous les trois ses dix-huit ans. Qui est-elle ? Quel est son lien avec son père ? Le jeune homme n’en sait rien, mais est troublé par cette présence féminine. Puis le drame survient. Le père fait un malaise et est transporté à l’hôpital. Le monde de l’enfance vient de se terminer. Alex doit faire face à ses nouvelles responsabilités : vivre seul, faire les courses, se rendre à l’hôpital où il voit son père décliner, tenir la boutique, et tenter de s’y retrouver parmi les milliers de livres qui sont proposés aux clients. Bien malgré lui, il est contraint de prendre le rôle de son géniteur.

L’état de ce dernier empirant, le héros se met à la recherche du frère de ce dernier, qu’il ne connaît pas. A travers la ville de Gand, il tente de retrouver ce personnage mystérieux et fantasque qui est son oncle et qu’on surnomme « le pirate ». En vain. C’est finalement la belle Capucine qui l’amènera à l’hôpital, mais trop tard. Le libraire vient de décéder. Alex apprend alors avec stupéfaction (et nous avec lui) que cet oncle n’est autre que Jean Ray, l’auteur des Harry Dikson. Mais il ne lira pas les livres de ce dernier. Il ne lira plus aucun livre, il les vendra, étant devenu officiellement bouquiniste.

« Je n’ai plus jamais rien lu depuis que mon père m’a quitté. Je vends des livres, je n’arrête pas d’en vendre, j’en achète, je passe mon temps à rédiger des brouillons de catalogues avec l’arrière-pensée de les faire imprimer un jour, je bavarde avec mes clients. » (Op. cit. p.213)

Le passage du monde de l’adolescence à celui de l’âge adulte se fait donc par les livres. Un autre thème de ce roman, c’est celui des premiers émois amoureux. Qui est la belle Capucine que le héros n’a jamais vue auparavant ? Une amie de son père ? Sa maîtresse ? Mystère. Elle trouve Alex « mignon ». Se positionne-t-elle en adulte qui parle de l’enfant de son conjoint ou au contraire en femme qui fait un compliment à un jeune homme ? En tout cas, ce dernier est fasciné par sa beauté et est attiré par elle. Il faut dire qu’elle s’y entend pour semer le trouble. La nuit où le bouquiniste est hospitalisé, elle reconduit Alex dans sa maison et entre dans la salle de bains comme si elle était chez elle. 

« J’étais en bras de chemise quand Capucine a fait irruption devant moi. Sans me regarder, elle a retiré sa veste (…) puis sa blouse vert pomme, puis encore ses souliers, ses bas, sa jupe, … Et soudain je l’ai vue avec son seul slip, les seins nus d’une blancheur étrange, extraordinairement belle, éblouissante ! J’ai senti mon cœur battre à grands coups. Elle m’a tourné le dos, a fait glisser son slip le long de ses jambes et, après l’avoir lancé vers le tas de mes propres vêtements, elle a sauté dans la baignoire. » (Op. cit. pp. 102-103)

Après les livres et les émois amoureux, le troisième thème du livre est celui du temps qui passe. L’histoire commence le jour où le héros atteint ses dix-huit ans, moment charnière s’il en est puisqu’il concrétise le passage vers la vie adulte. C’est aussi le moment précis où l’existence du père (ce père qu’on croyait éternel) bascule subitement. A l’hôpital, ce qu’il lui reste de vie est compté au rythme de sa respiration qui s’affaiblit.

« Je n’ai pas bougé, je suis resté à le regarder, à regarder son visage vieilli, à écouter le chant saccadé de sa respiration, imaginant qu’il pouvait faiblir davantage, s’arrêter à jamais d’une minute à l’autre. » (Op. cit. p.189)

Le temps se joue de nous et les horloges égrènent les secondes d’une manière inéluctable, préfigurant la mort qui avance.

« Là-bas, au-dessus de la porte principale, il y avait l’horloge et ses aiguilles, et le temps s’adonnait à une plaisanterie lamentable, se payait le luxe inutile de m’offrir un dernier spectacle monstrueux : il inventait une silhouette de femme. (…) Où est-ce que j’étais ? Est-ce que je n’étais pas mort, moi également ? » ( Op. cit. pp.201-202)

Cette femme qui surgit, c’est Capucine, qui fond en larmes quand elle comprend au visage décomposé d’Alex que le vieux libraire est mort.

Tout le livre est sous la coupe du temps. D’abord le héros est réveillé en sursaut par son père et doit se dépêcher pour aller visiter le fameux grenier où s’empilent les livres à trier. Là, il ne dispose que de quelques heures de clarté avant que le jour ne tombe et que Capucine ne revienne le chercher.

« Elle a regardé sa montre, s’est écriée :

  • Mon Dieu, cinq heures et demie ! Il faut qu’on se sauve ! » (Op. cit. p.55)

Tous les trajets en voiture, peu importe qui conduit, sont accomplis à vive allure, pour gagner du temps.

Le récit est réglé sur les heures des visites à l’hôpital. Ainsi, le héros quitte la ville Gand à midi et roule à toute vitesse pour arriver à temps. Le seul moment où ce temps semble s’arrêter, c’est quand Alex espère (en vain) le retour de Capucine. C’est que le temps de l’amour, fait d’espoir et de manque, est différent. Il n’est qu’attente infructueuse.

C’est donc à un rythme effréné que le héros plonge bien malgré lui dans la vie adulte. Roman d’initiation, d’émois amoureux, ce livre remue notre âme et renvoie à nos propres expériences de jeunesse. Car c’est là tout le travail de l’écrivain d’imaginer des histoires qui touchent le lecteur car elles renvoient à ses propres souvenirs. Une profonde mélancolie coule sous le récit « comme l’eau de l’antique rivière Senne sous la dalle dont Bruxelles l’a recouverte » nous dit Luc Delisse dans sa belle introduction. Quant à l’auteur, Jean-Baptiste Baronian, il est fidèle à lui-même, lui qui sait que derrière chaque mur se cache un secret.

Jean-Baptiste Baronian, Lord John, préface de Luc Delisse, Ed. Névrosée, 2020, 218 p.

Le livre sur le site des Editions Névrosée

LES LECTURES d’ÉDI-PHIL #51 (MAI 2024) – COUP DE PROJO SUR LE MONDE DES LETTRES BELGES

Les lectures d’Édi-Phil

Numéro 51 (mai 2024)

Philippe REMY-WILKIN (par Pablo Garrigos Cucarella)

Coup de projo sur le monde des Lettres belges

sans tabou ni totem, bienveillant mais piquant…

À l’affiche :

un recueil d’aphorismes (Gaëtan Faucer et Hugues Hausman), un récit autobiographique (Guy Delhasse), trois romans (Claude Donnay, Michel Ducobu, Mimosa Effe), deux recueils de nouvelles (collectif d’académiciens, Patrick Delperdange), trois recueils de poésies (Patrick Devaux), un (faux) micro-essai (Sylvie Godefroid) ; les maisons d’édition (française) du Cygne, (canadienne) Pierre Turcotte, (belges) Murmure des soirs, Ker, M.E.O., Lamiroy, Le Coudrier, Quadrature et Académie royale LLB.

Rédigeant des analyses détaillées (format long) pour La revue générale, Que faire ? ou Les phrases belges (certaines ayant d’ailleurs débordé vers des essais), des recensions (format moyen) pour Le carnet et les instants, je vais (tenter de) me limiter désormais dans cette mini-revue à des évocations simplifiées. Autre modification : cette mini-revue va passer de 3 à 4 numéros par an en 2024, mais des numéros allégés. L’idéal, pour moi, serait de me limiter à un article inédit rédigé chaque mois et de résister, donc, à toutes les pressions…

(1)

Michel DUCOBU, Seul et seule, roman, M.E.O., Bruxelles, 2024, 140 pages.

Né en 1942, Michel Ducobu s’est distingué au fil des décennies comme dramaturge, poète et chroniqueur. Et voici qu’il nous livre un premier roman. Un roman, vraiment ? On pourrait en douter en lisant la profession de foi de son héros, Frédéric, vers la fin du livre :

« Le paradoxe du romancier. Tu crois être dans le vrai quand tu arrêtes de vivre et que tu te mets à nu sur le papier et puis, comme il faut bien que tu en sortes, tu inventes un épisode. C’est infernal, inextricable. Tu veux atteindre la vérité et tu patauges dans l’artifice. (…) Tu triches, tu deviens celui qui se figure vivre quelque chose. Tu te perds entre les deux rives. Le vertige. L’effroi. Le trou. »

Qu’en inférer ? Que l’auteur Ducobu ne peut choisir que l’autofiction et se raconter dans fard ? Il serait donc bien Frédéric ? Qui, curieusement, au début du récit, est plus jeune de quelques années. Ou alors, alternative, il remet en question son propre élan de création :

« La vraie vie, c’est l’envers du roman, c’est du désordre, du vrac, sans emballage. »

La présentation officielle du récit ?

« Ils ont la vie derrière eux, du moins le croient-ils. L’un et l’autre ont choisi la solitude comme viatique pour la route qu’il leur reste à suivre. Par commodité pour lui, par défaut pour elle.

Le hasard ou le destin, même si les deux solitaires ne font aucunement confiance à ces génies de l’inconnu, vont néanmoins s’intéresser à eux. Avec un peu de compassion, un rien d’humour et une bonne dose de cruauté, selon la règle.

La vie devant soi sera-t-elle plus forte que l’envie ou le mal de vivre ? La misanthropie de l’homme désabusé, la misandrie de la femme blessée peuvent-elles se dissoudre dans l’amour ?

Un défi, une expérience ultime, un sursaut sentimental les aideront peut-être à surmonter leur indifférence, à vaincre leur résistance.

SEUL & SEULE deviendraient ainsi, par la force tranquille des choses humaines, d’humbles héros d’une histoire à la fois banale et déroutante. »

Quelques impressions personnelles…

La trame est émouvante et interpelle. Un homme de près de septante-cinq ans se sent décliner, pressent sa déglingue exponentielle et sa mort. Il est seul, fièrement seul, ravagé par l’autodérision et son contraire, se fixant un triple défi final. Une mise en abyme de l’absurde, entre tentation du lâcher-prise et dignité de la résistance :

« Vivre, ce n’est jamais qu’accumuler des moments maladroits mis bout à bout, dont il faut pouvoir extraire quelques éclairs. »

Le récit est duel, car une femme s’impose en miroir, deuxième voix du livre, tout aussi seule ou plus encore car implosée, dès l’enfance, par le viol, l’inceste, l’abus de pouvoir. Elle redresse pourtant la tête devant le destin tracé :

« (…) je veux vérifier cette théorie qu’un de mes profs m’a apprise : il y a sur terre au moins une personne qui vous ressemble, cherchez-la ! »

Les thèmes ne sont pas confortables. La solitude et le rejet du troupeau, de la socialisation. La vieillesse et la mort. Le sexe entre personnes âgées, entre père et fille. La mise en question de la fiction. Mais s’infiltre une douce mélopée, tissée d’adéquation et de rédemption… Submergera-t-elle le chaos et le silence ?

Le roman d’un poète ? Les dialogues sont fort sophistiqués, et j’ai tiqué plus d’une fois, tout en m’assénant la nature même des héros, férus de culture et… d’écriture. Mais le texte, indépendamment de l’émotion ou du suspense, m’a durablement séduit par son inventivité :

« Lui, il reçoit, comme un souffle de feuilles sur ses paupières (…) Nous rêvons d’un rêve à l’autre. (…) Je dois avoir l’air d’un basset en fin de trottoir. (…) j’aurais dû te cacher dans mon gilet. »

Et je partage la réflexion qui semble glisser de l’épilogue vers un surplomb du livre :

« (…) écrire (…) C’est peut-être le seul moyen d’être vraiment au courant de ce que l’on a dans la tête. »

Pour en savoir davantage sur l’auteur…

Sa fiche, sur Objectif plumes, est détaillée :

(2)

Guy DELHASSE, Bourg d’enfance, récit autobiographique, Murmure des soirs, Esneux, 2024, 278 pages.

« Un récit d’enfance. Comme un meuble à tiroirs dans un salon oublié. Comme le miroir d’un village enterré dans la modernité trompeuse d’une décennie trop sacralisée. Un livre fait de ce bois ciré qui défie le temps. »

La présentation officielle du livre, en 4e de couverture ou sur le site de l’éditeur, est aussi courte que jolie et signifiante. Et donne envie de plonger. Ensuite ? On savoure, quelques pages chaque jour, ne pas aller trop vite, profiter de la néantisation du temps qui passe, revivre une enfance qui en madeleine beaucoup d’autres, comme si des mondes disparus remontaient soudain des fonds marins de l’oubli, du lointain.

La période évoquée ? Les années 1960-1970, soit les années primaires et secondaires de l’auteur, l’installation à Embourg, un village en pleine mutation, qui ancre la fratrie (2 filles et 2 garçons), le scoutisme.

Me frappent les notations insinuées entre deux sourires, deux anecdotes. Qui donnent à voir, à penser. Sans complaisance. Ainsi, Guy Delhasse mesure à quel point leur propre maison participe d’un grignotage, qui, à terme, va défigurer un site, le dé-naturer. C’est dire que le récit n’est pas dicté par la volonté de sa faire valoir, à quel point l’humour et la lucidité harponnent notre lecture.

Détail qui ajoute aux embruns de nostalgie : le dessin de couverture a été livré par Jean-Claude Servais, le célèbre dessinateur gaumais, qui a enchanté bien des enfances avec ses Tchalette et autres Violette. À noter encore, la belle préface de Marc Pirlet, dont Jean-Marc Rigaux, un ami… liégeois, nous disait le plus grand bien lors d’un séjour dans la Cité ardente.

Pour en savoir plus sur le livre…

Voir l’article de Michel Torrekens dans Le carnet :

Ou ce que dit un autre collègue auteur/médiateur, sur Babelio, Bernard Visscher :

https://www.babelio.com/livres/Delhasse-Bourg-denfance/1617385#!

L’auteur ?

Sur le site de l’éditeur :

« Guy Delhasse, né à Verviers, amoureux de Liège, vit sur les hauteurs de Huy. Tient une chronique « romans de gare » dans la Revue générale. A mijoté les Recettes du polar sauce Lapin aux éditions de la Province. Organise des balades littéraires en Wallonie et à Bruxelles. Aime le vélo, les trains, le folksong, le patrimoine, l’eau de Spa et l’Ourthe. Espère mourir à côté du buste d’Adrien de Witte. »

J’ajouterais sa rédaction des Littérantes, une revue consacrée au tourisme littéraire, des allures de micro-Bible du polar en FWB.

PS Dans la foulée, j’ai lu, avec plaisir, le petit volume consacré à Pierre Rapsat par Guy Delhasse dans la collection L’article, chez Lamiroy, mais… le livre a ensuite disparu, avec mes notes. Un mystère insondable !

(3)

Sylvie GODEFROID, Jeff Bodart, L’article, Lamiroy, Bruxelles, 2024, 49 pages.

Acquis pour Sylvie et son écriture ! Curieux tout de même d’en savoir plus long sur le chanteur, moi qui suis plutôt ces temps-ci Mahler, Richard Strauss ou Bruckner. Et j’en suis pour mes frais. Concernant Bodart. Car Sylvie n’a de cesse de le proclamer :

« Un article sur toi ? Je ris ! Qu’est-ce qu’il me demande, cet agitateur de Lamiroy ? (…) Parler de toi ne m’intéresse pas, Jeff. Qu’aurais-je à apprendre aux aficionados des Gangsters d’amour ? »

En clair ? La collection de micro-essais L’article confirme la grande liberté de ton laissée à ses auteurs. Sylvie n’a pas envie de nous livrer une bio de l’homme ou de l’artiste, ni une analyse de l’œuvre. Mais alors ?

« (…) parler « à toi » m’intéresse, Jeff (…) Je n’ai pas eu le temps de secouer mon stock de mots sur la scène de ton vivant. Je n’ai pas osé. »

Donc ? Un cri du cœur, d’un cœur à un autre, mais, au-delà, une sorte de long poème en prose rythmé ou balisé par les titres du chanteur :

« Ça valait la peine que tu naisses. Même si tu es d’une espèce qui fait peur aux loups. (…) Et comme Personne n’est formidable, on construit sur ton silence des châteaux en Espagne. »

Sylvie dit Jeff, sans passer par l’anecdote, ombres et lumières :

« Tu riais, Jeff, d’avoir tout flambé, d’avoir bouffé la vie et ses innombrables confettis. (…) Souvent, tu disais que demain matin, tu mettrais de l’ordre dans ta vie. Demain matin (…) Tu cultivais ce talent de sublimer tes rencontres (…). »

Au final, Sylvie touche à l’essentiel d’un être, avec des images et des mots d’une densité poétique décapante :

« Ta vie était un parc d’attractions, une balançoire. »

(4)

Gaëtan FAUCER et Hugues HAUSMAN, Aphorismes et périls, recueil d’aphorismes dessinés, Lamiroy, Bruxelles, 2023.

Pas de pagination mais une trentaine de pages, une case sur une page avec un verso vierge. Hormis l’un ou l’autre, ces aphorismes sont drôles, ludiques, une saine distraction. Par exemple :

Bulle 1 : L’hiver arrive, je vais acheter un polar…

Bulle 2 : Mais j’hésite entre Le dahlia noir et De sang-froid.

Une bonne idée de petit cadeau !

(5)

COLLECTIF, Une vie de palais, recueil de nouvelles, Académie royale de la langue et de littérature françaises de Belgique, Bruxelles, 2024, 159 pages.

Voir mon article dans Le Carnet :

(6)

Claude DONNAY, Ozane, roman, M.E.O., Bruxelles, 2024, 253 pages.

Voir mon article dans Le Carnet :

(7)

Jean-Marc RIGAUX, L’Itoi, roman, Murmure des soirs, Esneux, 2024, 235 pages.

Voir mon article dans Le Carnet :

(8)

Mimosa EFFE, Les traîtres, roman, Ker, Hévillers, 2024, 224 pages.

Voir mon article, avec « Coup de cœur », dans Le Carnet :

(9)

Patrick DELPERDANGE, Les corps sensibles, recueil de nouvelles, Quadrature, Louvain-la-Neuve, 2024, 117 pages.

Voir mon article dans Le Carnet :

Pas de place, ce trimestre-ci, pour ma rubrique Le plat pays qui est le mien… de cœur, qui m’a permis d’évoquer précédemment des auteurs flamands comme Pieter Aspe, David Van Reybrouck, Tom Lanoye, Bart Van Loo et Lize Spit. Je remplace par un… Cocorico !

(10)

Jean-Pierre Legrand et moi nous sommes beaucoup battus pour le roman de Vincent Engel Retour à Montechiarro, ou le cycle qui l’entoure (Le monde d’Asmodée Edern). Or Retour à Montechiarro, en avril 2024, intègre la collection patrimoniale Espace Nord et le statut officiel de classique des lettres belges. Quelle joie pour nous deux ! Qui plus est, joie aussi de voir nos travaux mis en valeur par l’accompagnement didactique et pédagogique de la réédition. Vincent Wilmet, un jeune chercheur liégeois, dans un dossier à l’usage des écoles, et Vanessa Veschinski, une bloggeuse littéraire à laquelle on doit le premier mémoire universitaire sur ce roman, dans une postface, se réfèrent fréquemment à mon étude parue dans la Revue générale et au feuilleton analytique mené en duo avec Jean-Pierre dans Les belles phrases d’Éric Allard.

Un grand merci à ces deux commentateurs et un grand bravo pour leur travail ! Vincent a joliment évoqué le parcours de Vincent Engel ou mis le cycle en perspective soignée dans l’œuvre globale. Je note encore ses propositions pédagogiques, qui donneraient envie de retourner sur les bancs. Son résumé du livre est si précis qu’il m’a rappelé des éléments oubliés ou négligés dans nos travaux. Quant à Vanessa, elle m’a, entre autres, donné envie de réétudier le sens du titre ou la place de Sébastien Morgan. Et Jung passait par là quand elle a choisi de glisser une réflexion de Jacques De Decker, l’objet de mon autre essai littéraire.

(11)

Tant qu’à parler de Vincent Engel, applaudissons la naissance d’EDERN (oui, comme Asmodée Edern, le héros du cycle), la maison d’édition qu’il a lancée en ce début 2024, soutenu par une vingtaine d’ailes (des éditeurs à l’anglo-saxonne). Edern veut révolutionner les pratiques de l’édition. Son site, très complet (avec charte, fiches d’auteurs et d’éditeurs, description du fonctionnement) permet d’accéder à une boutique en ligne et aux premiers livres publiés :

https://www.ederneditions.com

Et pour terminer… selon mon habitude, loin de toute analyse, dans le plaisir pur de la perception… un peu de poésie, quelques extraits puisés dans trois recueils de Patrick DEVAUX

(12)

Mots décroisés, préface de Parme Ceriset, éditions du Cygne, Paris, 2023, 45 pages.

« s’ébrouer

dans

la trouvaille

prendre

son

pied

à

la marelle

de

la bonne idée

ciel ! »

« trouver

le mot

spirale

créer

du

lien

animaliser

végétaliser »

(13)

Baisers soufflés, Pierre Turcotte, collection Magma poésie, Montréal, 2022, 47 pages.

« ouvre

ta main

de

doutes

aux

oiseaux

 ils y

poseront

la plume confiante

qui

donne

du

grain à

moudre à

la paume

d’un poème »

« le poème

est

cet escalier

de

secours

les mots

souvent

d’urgence

tentent

de

s’agripper

aux rampes

quand

s’esquivent

les marches »

(14)

Statues ombellifères, avec des illustrations de Catherine Berael, Le Coudrier, Mont-Saint-Guibert, 2024, 49 pages.

Au moment où j’allais copier des extraits appréciés, Jung et ses synchronicités débarquent. Un réflexe, j’ouvre ma boîte mails et… découvre un bel article consacré à ce recueil par Éric Brogniet, avec lequel je correspondais ces derniers jours comme jamais, projetant même une collaboration.

Je renvoie aux commentaires d’Éric, d’autant qu’ils situent le parcours et la personnalité de Patrick Devaux, ou expliquent le titre du recueil :

Quant à mes extraits…

« on

les croit

indifférentes

aux foules

elles portent

pourtant

parfois

en

leur sein

la sidération

des éruptions »

« seule

l’étrangeté

a

ce pouvoir

de

laisser

éclore

les silences

de

la pierre »

Philippe REMY-WILKIN

L’OMBRE SE MOQUE DES APPARENCES de BERNARD BARRAUD (Cactus Inébranlable) / Une lecture d’ÉRIC ALLARD

En bon auteur d’aphorismes, Bernard Barraud aime jouer sur les mots, détourner leur sens et prendre les chemins de traverse du langage.

Il fuit les vocables « se contentant de leurs sens commun ». Il use de paradoxes, il a le sens de la formule, chasse les idées toutes faites et les éléments de langage « faits de mots à l’emporte-pièce ».

Il imagine sa voisine à genoux devant son lit en train de réciter à messe basse ses aphorismes, il se dit maladroit au point de « mettre le doigt entre le marteau des regrets et l’enclume des faux espoirs », il voit sa vie comme « un réseau routier sans panneaux de signalisation », éprouve certains jours l’impression d’être sa propre caricature. Le seul pouvoir auquel il plie est celui des bons mots.

Ma vie est une parenthèse à l’intérieur d’une phrase éternelle.

Il a écrit une sorte de savoir-vivre avec soi.

Repasser chaque jour les mêmes idées conduit au repli sur soi.

Je suis un philosophe-plombier qui installe des cabinets de réflexion.

A trop douter on risque de s’enfermer dans ses incertitudes.

Dans la vie quand on en voit de toutes les couleurs ça se transforme en maladie psycho-chromatique.

Je ne suis pas né : on m’a fait naître.

On fait parfois de bonnes affaires en allant chiner dans le vide-grenier de ses souvenirs.

Le moi, le surmoi et les sous-moi.

Un jour, ma mère s’est retirée sans faire de vague.

Pour se dépasser soi-même il faut se dédoubler.

Les gens qui passent leur temps à se mettre en valeur finissent pas être achetés.

Au fil de ce petit millier d’aphorismes, on découvre l’auteur curieux de tout, attentif aux rêves, aux songes, aussi hostile aux mensonges qu’à la « vérité absolue », aux abus de pouvoir et de croyance, ne se laissant conter par aucune vanité humaine, et surtout pas la sienne.

L’ombre se moque des apparences est son premier ouvrage ; gageons qu’il y en aura d’autres !
Un écrivain, un homme à découvrir derrière ses mots, derrière ses ombres.

L’illustration de couverture, Le livre de Marges #3, est de Clara Gaget.

Le recueil sur le site (de vente en ligne) du Cactus Inébranlable

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RÉCAPITULATIF DES CHRONIQUES d’AVRIL

– « Le mangeur de livres » & « Je suis le fils de Beethoven » de Stéphane MALANDRIN (Seuil), par François DEGRANDE

Vers une cinéthèque idéale : Les années 90, par Philippe REMY WILKIN avec Nausicaa DEWEZ, Krisztina KOVACS, Daniel MANGANO et Julien-Paul REMY

– « Tant qu’il y aura des vaches » de Patricia MARTEL (Jacques Flament), par Nathalie DELHAYE

– « Bestiaire » d’Alain MAGEROTTE (Lamiroy), par Gaëtan FAUCER

– Clément PANSAERS, un article de Jean-François FOULON

– « Filles fatales » & « La jeune vampire et autres histoires », recueils collectifs des Editions de l’Aube, par Denis BILLAMBOZ

– « Basile le bienheureux » & « Basile n’est pas heureux » de Gérard LEYZIEUX, par Denis BILLAMBOZ

– « Grand comme » de Barbara AUZOU (Unicité), par Claude LUEZIOR

– « Signe », un texte de Jeanne CHAMPEL GRENIER

– « Etre et ne pas être » de Louis MATHOUX (Grenier Jane Tony) par Christophe PINEAU-THIERRY

Poèmes en couleur : « La femme bleue » de Claude DONNAY (Le chat polaire) & « Peins mon âme Bleu jaune sable » de Barbara BIGOT-FRIEDEN (Le chat polaire), par Denis BILLAMBOZ

– « La merveille d’être là » de Pierre SCHROVEN (L’arbre à paroles), par Philippe LEUCKX

Les Mille et Une Nuits, un article de Jean-François FOULON

Voisins poètes : « Sauvée » de Monique THOMASSETTIE (Monéveil) & – « Au démêloir des heures » de Claude LUEZIOR (Librairie-Galerie Racine), par Denis BILLAMBOZ

– Marguerite YOURCENAR, Première académicienne française de Véronique BERGEN (Lamiroy), par Jean-Pierre LEGRAND

– La Belgique dans la guerre : « Oubliez-moi » de XU FENG (M.E.O.) & « Onze Bruxelles » de Philippe REMY-WILKIN, par Denis BILLAMBOZ

– « Marguerite n’aime pas ses fesses » de Erwan LAHRER (Quidam Ed.), par Nathalie DELHAYE