Non, je n’ai pas trouvé mieux qu’écrire des poèmes
Qu’être en butte à la lumière
dans la vie de nos ailleurs
et à contre-courant aussi
dans la vie d’ici
jusqu’à la clarté de l’âme
D’emblée, Catherine Baptiste se pose la question de ce que peut la poésie et de son rapport à l’être – l’humain et ce qui l’anime ; ce qui l’éclaire et le guide.
L’être est poème, écrit-elle ensuite en substance.
Le ton et le thème ainsi posés, le recueil peut se développer entre arrachement et élan, en interrogeant l’Autre en nous de même que celui qui nous est extérieur – celui qui vient d’ailleurs.
Les poèmes naviguent entre ces deux entités constituantes de l’étrangeté. Ils s’adressent aussi bien au Migrant imaginaire, et non moins réel, tout autant qu’à la partie de nous-même qui ne demande qu’à se déporter de sa trajectoire, à s’excentrer.
Dans la présentation de l’auteure, on nous apprend que Catherine Baptiste vit à Poitiers où elle est art-thérapeute, à quelques maisons de celle de la Solidarité où] elle croise souvent le regard de jeunes migrants. (…)
Elle questionne dans ce recueil l’humain, sa capacité d’accueil, d’appréhension, son besoin de s’arracher à soi, à son chez soi, par nécessité matérielle ou ontologique. Comme toujours, Catherine Baptiste le fait dans une langue belle et enlevée qui multiplie les sens et les possibilités d’échange. Il s’agit d’une « brûlante poésie du cœur » mais exigeante aussi, qui se livre sans s’exhiber, qui donne à penser à et (ré)agir.

Baptiste questionne les valeurs de la démocratie (française) mises à l’épreuve par cette problématique du migrant : l’égalité, la « liberté toute », mais emploie ce néologisme plus adéquat que fraternité pour dire « ce qui nous rassemble » : mêmeté.
Oui, que l’œil inquisiteur
se pose à nos pieds
et sache enfin
l’égalité des liens de sang, de sève et de salive
qu’il sache enfin
l’étrangeté
de toute poésie, de tout fraternel
et de leur beauté d’herbes vivantes frémissant sous nos pieds
Quel rapport on entretient avec ces valeurs quand on est exposé à l’autre qui nous déporte, quel œil d’occidental porter.
D’où tu viens
c’est là que je ne verrais rien
non qu’il n’y aurait rien à voir
mais parce que je serais myope en mon pays
affublée de lunettes à paillettes
abusée de filtres déformants
comme autant de mirages déformants
Elle raconte en vers éclairants, limpides, les périples de la traversée, les ombres « au tableau de la joie », les roches qui l’altèrent, l’horizon qui s’assombrit…
Catherine Baptiste est servie dans son propos par les belles calligraphies de Sophie Verbeek qui (em)portent ses mots vers le lecteur.
Au bout du voyage verbal, faisant écho à la traversée migratoire, le poème apparaît comme un phare, indispensable, pour « être tenaces / dans la fraîche espérance / de la dignité renouvelée » et pour éclairer nos routes à venir.
Claude Donnay parle de sa maison d’édition et présente le travail de Catherine Baptiste