L’ENVOLÉE MANDARINE de BARBARA AUZOU (textes) et FRANCINE HAMELIN (sculptures) [Ed. 5 Sens] / La lecture de CLAUDE LUEZIOR


Beau livre imprimé avec soin avec une quarantaine de photographies d’art. La poétesse Barbara Auzou vit en Normandie, Francine Hamelin, la sculptrice, habite au Québec, Jeanne Champel Grenier, ici préfacière, a du sang mêlé entre Ardèche et Catalogne, l’éditeur est genevois et l’impression vient de Pologue : autant dire que ce métissage est précieux, puissant, original.

Le titre interpelle. À force de polir son albâtre, l’artiste est intriguée par la couleur mandarine de la pierre. De ces veines chromatiques qui se révèlent peu à peu, s’envolent des interactions  partagées avec Barbara Auzou. Magie du mot, de la forme aux limites de l’art figuratif, aux franges de l’expression surréaliste. Il serait vain de classifier cette démarche tout à la fois commune et solitaire, tant les synergies nous portent haut, nous portent loin. Mais il faut savourer à petite ligne, reprendre la lecture, rêver un peu, beaucoup, jusqu’à satiété… L’image devient de plus en plus puissante, les vibrations entre le sage albâtre et le mot sculpté sur la page distillent leurs vertiges. L’on découvre la courbe qui fuit infiniment, l’on psalmodie à dose mesurée, sous peine d’ivresse.

Nous étions pourtant avertis par Jeanne Champel Grenier, la préfacière, elle-même artiste et diseuse de belles aventures : Cette réelle connivence poétique ne doit pas nous étonner car « Il est des êtres qui naissent comme ça sur le bord du monde / ils savent voir ce que d’autres ne voient pas ».

Soleils et planètes viennent d’un gaz pré-stellaire, nous enseignent les astrophysiciens. S’ensuit une condensation de la matière. Hamelin sculpte des fragments d’éternité en une sorte de processus inverse où se distinguent le roc et le fluide célébrés par Auzou. Dualité des éléments,  intense disputatio. Le génie de la pierre fait place à la danse des marées. Océanique présence, note rose et pure de l’eau. Pierres dressées au bord d’une mer néolithique, regards infinis, vissés sur un horizon qui se noie dans la mouvance des vagues.

Comme si le fait de façonner l’albâtre et le mot, comme si ces morsures au coeur du toucher permettaient à quelque principe de vie, à quelque lichen, à quelque embryon de retrouver leur genèse cosmique.

Sommes-nous face à des totems, à l’archéologie d’une déesse mère , à un cri primal, à la découverte d’un indispensable mythe? Jung n’est pas très loin. Renaissance à quatre mains, au nom de l’inconscient, d’une beauté plus que nécessaire dans nos propres vies.

Claude LUEZIOR


L’envolée mandarine, de Barbara Auzou (textes) et Francine Hamelin (sculptures), préface de Jeanne Champel Grenier, 100 p., Éditions 5 Sens, Genève, 2022, ISBN ; 978-2-88949-406-4

Le livre sur les site de l’éditeur

LIRE DIT-ELLE, le blog de Barbara AUZOU

L’ENVERS DES JOURS, le blog de Francine HAMELIN

Le site de Jeanne CHAMPEL GRENIER


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